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01/07/2008 | FRANCE | N°07/01704

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 01 juillet 2008, 07/01704


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre
ARRET DU 01 JUILLET 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01704
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 MARS 2007 TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 11-06-1064

APPELANTS :
SOCIETE DU JOURNAL MIDI LIBRE Société Anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social Mas de Grille 34430 SAINT JEAN DE VEDAS représentée par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me Georges PE

RIDIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Nicolas X... né le 24 Septembre 1974 à P...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre
ARRET DU 01 JUILLET 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01704
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 MARS 2007 TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 11-06-1064

APPELANTS :
SOCIETE DU JOURNAL MIDI LIBRE Société Anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social Mas de Grille 34430 SAINT JEAN DE VEDAS représentée par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me Georges PERIDIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur Nicolas X... né le 24 Septembre 1974 à PERPIGNAN (66000) de nationalité française...... 34280 LA GRANDE MOTTE représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me Georges PERIDIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :
Monsieur Hubert Y......... 34960 MONTPELLIER CEDEX représenté par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me Claire GROUSSARD, avocat au barreau de MONTPELLIER

M SARL sous l'enseigne " LA LETTRE M ", représentée par son président du conseil d'administration en exercice, domicilié ès qualités au siège social 8 place de la Comédie CS 29529 34960 MONTPELLIER CEDEX 2 représentée par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assistée de Me Claire GROUSSARD, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 29 Mai 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JUIN 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annie PLANTARD, Conseiller, chargé du rapport, et Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Guy SCHMITT, Président Madame Annie PLANTARD, Conseiller M. Hervé CHASSERY, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mlle Colette ROBIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par M. Guy SCHMITT, Président, et par Mlle Colette ROBIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 10 janvier 2006, La Lettre M, journal d'information économique en Languedoc Roussillon, a publié un article, signé Hubert Y..., sur la situation de la société Irrifrance, dans lequel était insérée une interview de son directeur général, monsieur Z..., fournissant les explications de la baisse du chiffre d'affaires de la société.
Le quotidien Midi Libre, dans ses six éditions locales, du dimanche 19 février 2006, a fait paraître un article, signé N. X..., sur la situation de la société Irrifrance, comprenant entre guillemets les déclarations du directeur général de la société Irrifrance, figurant dans La Lettre M.
Relevant que monsieur Z... n'a accordé aucun entretien au journaliste du Midi Libre et que celui-ci a plagié son article, la société M a assigné la société Midi Libre, en contrefaçon et parasitisme, et en réparation du préjudice subi.
Par jugement du 1er mars 2007, le tribunal d'instance de Montpellier a rejeté les demandes en ce qu'elles étaient fondées sur la contrefaçon et le parasitisme, et retenant le fait que monsieur Z... avait accordé un entretien exclusif à monsieur Y..., et que la société Midi Libre, et monsieur X..., n'ont pas indiqué la source de la citation, ni l'auteur de l'interview, il a retenu la responsabilité de ceux-ci, sur la base de l'article 1382 du code civil, et les a condamnés à payer à la société M la somme de 1 500 euros, à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire.
La société du journal Midi Libre et Nicolas X... ont relevé appel de cette décision, le 12 mars 2007, dont ils demandent l'infirmation et le débouté de Hubert Y... et de la société Lettre M, ainsi que leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 1 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, motifs pris que le premier juge s'est fondé sur un moyen relevé d'office, erroné de surcroît, tant en fait qu'en droit, que le passage argué de contrefaçon n'est pas une œuvre protégée, et que les conditions du parasitisme ne sont pas réunies. Subsidiairement, ils sollicitent la mise hors de cause de Nicolas X... .
La société M et Hubert Y... ont conclu à la réformation, en demandant la condamnation in solidum de la société Midi Libre et de monsieur X..., à verser à Hubert Y..., journaliste à La Lettre M, la somme de 3 000 euros, à titre de dommages intérêts pour contrefaçon d'articles de presse, et celle de 10 000 euros à la société M, à titre de dommages-intérêts, pour actes parasitaires ; à la condamnation de la société Midi Libre à publier à ses frais le dispositif intégral de la décision à intervenir, dans les six éditions du journal Midi Libre, ainsi qu'à leur verser, à chacun d'eux, la somme de 1 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI
La société M a fait paraître, dans La Lettre M du 10 janvier 2006, un article intitulé " Guerre en Irak, sécheresse persistante en France - L'industriel héraultais Irrifrance dégraisse et mise sur l'export ", signé par Hubert Y..., dans lequel était mise en exergue la chute du chiffre d'affaires de la société Irrifrance au cours des trois dernières années. Après l'indication de l'évolution du chiffre d'affaires au cours de cette période, l'article rapportait, entre guillemets, les explications fournies par Jean-Michel Z..., le directeur général de CEE, holding, propriétaire du groupe.
La société Midi Libre a publié dans ses six éditions du 19 février 2006, sous la signature de N. X..., un article intitulé "Economie : Irrifrance perd 50 emplois à Paulhan", dans lequel était reproduit très exactement, entre guillemets, le texte des explications fournies par Jean-Michel Z..., citées dans La Lettre M.
La société M soutient que l'interview est une œuvre de l'esprit, résultant d'un effort intellectuel particulier, dont la reproduction, sans l'accord de Hubert Y..., son auteur, constitue une contrefaçon. Elle explique que La Lettre M, diffusée sur abonnements, est destinée à informer sur les événements en cours et futurs, dans les entreprises régionales, qu'elle interroge aussi les acteurs publics, en particulier l'Etat et les collectivités locales, sur leurs investissements et les aides accordées aux entreprises, et qu'elle est un outil indispensable de la vie économique du Languedoc-Roussillon. Elle estime ainsi que lorsqu'un chef d'entreprise répond aux questions d'un journaliste de La Lettre M, il s'adresse indirectement à d'autres chefs d'entreprises, et non à un grand public, auquel la société Midi Libre s'adresse, et que ce résultat est le fruit d'un long travail, réalisé pour gagner la confiance des chefs d'entreprise.
La société du journal Midi Libre et Nicolas X... font valoir que le passage prétendu contrefait, limité aux seules déclarations de monsieur Z..., ne présente pas le caractère d'une œuvre protégée, nécessaire pour prétendre à la contrefaçon, en l'absence de tout apport personnel et intellectuel de Hubert Y..., et ne constitue qu'une information.
L'interview ne pourrait être une œuvre de l'esprit, protégeable, que si elle présentait des caractéristiques telles que sans l'orientation donnée par le journaliste, et l'évolution du raisonnement sous la direction de celui-ci, ainsi que la construction spécifique voulue par celui-ci, elle se distinguerait d'un entretien ordinaire avec un chef d'entreprise, sur un sujet tout aussi ordinaire et courant, malgré sa gravité, constitué par la chute du chiffre d'affaires d'une entreprise. Or, en l'occurrence, les déclarations litigieuses ne font ressortir aucune élément faisant remarquer l'interview par un apport personnel et original du journaliste. La décision du premier juge, qui a dit que la contrefaçon n'était pas constituée, doit être confirmée sur ce point.
La société M reproche aussi à la société Midi Libre et à Nicolas X... d'avoir commis un acte de parasitisme en s'appropriant l'interview que monsieur Z... lui avait accordée, en raison de sa notoriété, acquise par le travail accompli par elle pour être considérée comme un media spécialiste et compétent, auprès des décideurs de la région, sans que la société Midi Libre ait fourni un quelconque investissement.
Il est vain pour la société le Midi Libre et Nicolas X... de contester le parasitisme représenté par l'utilisation d'une interview, alors que cette interview a impliqué la recherche d'informations précises sur la société concernée, des démarches pour obtenir l'entretien et du temps, ainsi qu'un effort intellectuel pour choisir le sujet de l'interview et bien le cerner. La société Midi Libre n'avait pu obtenir un contact avec le dirigeant du groupe de la société Irrifrance, monsieur Z..., qui n'avait pas donné suite à sa demande. Elle n'a fourni aucun effort et a adopté la solution de facilité en s'appropriant les résultats du travail fourni par la société M, en reproduisant ses déclarations parues dans La Lettre M à laquelle elle est abonnée. Ce comportement constitue bien un acte de parasitisme, caractérisé par l'utilisation du travail d'autrui, sans investissement intellectuel ou matériel.
La société le Midi Libre, ainsi que Nicolas X..., le signataire de l'article, qui a capté les renseignements obtenus par un de ses confrères, sans le citer, et a fourni un travail amoindri par leur appropriation, doivent réparer le préjudice subi par la société M, consistant en l'atteinte à la notoriété de la société M, qui assure des informations limitées à un public restreint du monde économique du Languedoc-Roussillon, parfaitement au courant que celles-ci ne seront pas diffusées à un large public, touché par le quotidien Midi Libre, dans ses six éditions. Il convient de lui allouer la somme de 7 500 euros, à titre de dommages-intérêts, qui constituera une réparation suffisante, à laquelle il n'y a pas lieu d'ajouter la publication de la présente décision.
Succombant, la société le Midi Libre et Nicolas X... devront supporter in solidum la charge de frais exposés par la société M et non compris dans les dépens pour la somme demandée de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme la décision déférée, et statuant à nouveau,
Déboute Hubert Y... de sa demande en réparation d'actes de contrefaçon.
Dit que la société le Midi Libre et Nicolas X... ont commis un acte parasitaire à l'égard de la société M.
Condamne in solidum la société le Midi Libre et Nicolas X... à payer à la société M la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Condamne les mêmes à payer à la société M la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les mêmes aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/01704
Date de la décision : 01/07/2008
Sens de l'arrêt : Délibéré pour mise à disposition de la décision

Références :

ARRET du 22 octobre 2009, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 octobre 2009, 08-19.499, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Montpellier, 01 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-07-01;07.01704 ?
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