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18/06/2008 | FRANCE | N°08/00185

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 18 juin 2008, 08/00185


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale
ARRET DU 18 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00185
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 DECEMBRE 2007

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN N° RG : 06 / 01093

APPELANT :

Monsieur Laurent X...... 66600 RIVESALTES Représentant : Me SARDENNE de la SCPA RAYNAUD et ASSOCIES (avocats au barreau de PERPIGNAN)

INTIMEE :
COOPERATIVE CENTRALE D'ACHATS ET D'APPROVISIONNEMENTS AGRICOLES EN COMMUN DES Pyrénées-Orientale
Avenue Victor Dabiez 66027 PEPIGNAN ReprÃ

©sentant : la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER (avocats au barreau de PERPIGNAN)

COMPOSITI...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale
ARRET DU 18 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00185
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 DECEMBRE 2007

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN N° RG : 06 / 01093

APPELANT :

Monsieur Laurent X...... 66600 RIVESALTES Représentant : Me SARDENNE de la SCPA RAYNAUD et ASSOCIES (avocats au barreau de PERPIGNAN)

INTIMEE :
COOPERATIVE CENTRALE D'ACHATS ET D'APPROVISIONNEMENTS AGRICOLES EN COMMUN DES Pyrénées-Orientale
Avenue Victor Dabiez 66027 PEPIGNAN Représentant : la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER (avocats au barreau de PERPIGNAN)

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 MAI 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Myriam GREGORI, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire, Madame Myriam GREGORI ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président Madame Myriam GREGORI, Conseiller Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte ROGER
ARRET :
- Contradictoire.- prononcé publiquement le 18 JUIN 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Laurent X... a été embauché par la Société Coopérative Centrale d'Achats et d'Approvisionnements Agricoles en commun des Pyrénées-Orientales (SCCAAA) à compter du 17 janvier 1983 en qualité d'employé qualifié puis d'inspecteur des dépôts.
En 1998 il prenait en charge la responsabilité du service contentieux et enfin des services irrigation et après-vente, avec un salaire de base de 2 682, 90 euros outre une prime d'ancienneté, une prime personnelle et une prime de 13e mois.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 mars 2006, la SCCAAA lui adressait une proposition de convention de reclassement personnalisé qu'il n'acceptait pas.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 mars 2006 il s'est vu notifier, dans le cadre d'un licenciement collectif, son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :
" Nous sommes au regret de vous informer que nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique. Cette mesure se place dans le cadre d'un licenciement collectif dont les causes économiques, qui ont été exposées au comité d'entreprise lors des réunions du 17 janvier 2006 et du 2 février 2006, sont les suivantes :

La Société Coopérative Centrale d'Achats Agricoles des Pyrénées-Orientales dite LA CENTRALE, tout comme le groupe auquel elle appartient avec la SA AGRO ROUSSILLON et la SAS AGRO CENTRALE FINANCES, est confrontée à de graves difficultés économiques et à la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité.
Depuis l'année 2000, le chiffre d'affaires de LA CENTRALE chute de près de 14 % en 5 ans pour arriver à une perte de 235 132 euros pour l'exercice clos au 31 octobre 2005 malgré un retour exceptionnel sur charges patronales de 220 000 euros. En 2004, les pertes s'élevaient à 289 953 euros. La dégradation continue du chiffre d'affaires de LA CENTRALE l'amène en dessous du niveau atteint en 1995.

Le commissaire aux comptes dans la séance du conseil d'administration du 9 mars 2006 a déclenché une procédure d'alerte sur toutes les autres sociétés du groupe : la SA AGRO ROUSSILLON et la SAS AGRO CENTRALE FINANCES, sachant que la coopérative elle-même est sous procédure d'alerte depuis le mois d'août 2005.
Ces difficultés économiques mettent en péril la survie de la coopérative et sa compétitivité. Les difficultés proviennent d'abord de la grave crise agricole que connaît le département des Pyrénées-Orientales. En 10 ans, le nombre d'exploitations a baissé de 42 %, tout comme la surface agricole utile (-5 %) des Pyrénées-Orientales.
La viticulture, qui représente 40 % du chiffre d'affaires de LA CENTRALE, est le secteur le plus touché. La production viticole diminue régulièrement et la crise s'intensifie avec des effets négatifs sur notre activité. La vente de toutes les gammes de produit est en baisse, notamment celle des produits phytosanitaires et des engrais.
De nombreux dépôts ont dû être fermés (de 34 en 2000, il en reste 18 à ce jour). Les difficultés proviennent également de la très vive concurrence commerciale face à EURAMED, filiale du GROUPE COOPERATIF OCCITAN, AGRIJOU, filiale du Groupe CALVET, et à la récente installation des établissements MAGNE.
Une importante perte de clientèle est également liée à des achats des agriculteurs en Espagne. Les coopératives agricoles comme LA CENTRALE D'ACHATS ont un statut juridique particulier issu du code rural. Elles ont une circonscription territoriale validée par agrément ministériel qui leur interdit de faire des opérations avec ces agriculteurs autres que ceux ayant le siège de leur exploitation dans cette circonscription, en l'espèce le département des Pyrénées-Orientales.

Afin de faire face à cette situation pour retrouver une rentabilité et retrouver une compétitivité, la coopérative centrale d'achats est contrainte de rapprocher ses ratios économiques de ceux habituellement appliqués dans l'ensemble de la profession.
LA CENTRALE est contrainte de poursuivre des actions de réduction de charges, dont les charges de personnel (67 % des charges totales) et ce, malgré la mise en place de deux plans sociaux en 2003 et en 2004. La réduction des charges est intervenue sur tous les secteurs de l'entreprise :
- L'administratif, qui présente un coût de près du double de structures identiques pratiquant le même métier, va se trouver plus particulièrement touché sur les postes d'inspecteur de dépôt, de chef de bureau juridique et contentieux, d'aides comptables et de secrétaire commerciale.- Le personnel de terrain dans les dépôts qui se situent au-delà des ratios nécessaires à un bon fonctionnement économique afin de se rapprocher des charges de notre concurrence.- Le service équipement et plus particulièrement la motoculture et le SAV qui contribuent fort peu à l'équilibre de leurs charges et n'apportent pas d'éléments permettant la réalisation d'un résultat positif à la Coopérative. L'encadrement trop nombreux au regard de structures identiques à la nôtre et plus particulièrement au service logistique et au service de l'irrigation-motoculture.

Les dispositions prises pour faire livrer les dépôts directement par les fournisseurs et ainsi diminuer le coût de la logistique et plus particulièrement des préparations de commandes, nous porte à supprimer 2 postes de magasinier préparateur. Des mesures internes ont déjà été prises en particulier pour ne pas renouveler les contrats à durée déterminée en cours.

L'ensemble de ces difficultés nous contraint à supprimer votre emploi de " Responsable de Service Equipement et Irrigation ". Votre reclassement s'est avéré impossible. Vous n'avez pas adhéré à la convention de reclassement personnalisé dans le délai de 14 jours. Votre préavis d'une durée de deux mois débutera à la date de première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile conformément à l'article L. 122-14-1 du code du travail. Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis qui vous sera néanmoins payé.

Si vous avez au moins un an d'ancienneté, et comme vous n'avez pas adhéré à la convention de reclassement personnalisé, vous pouvez demander à utiliser les heures acquises au titre du droit individuel à la formation pour bénéficier notamment d'une action de formation, de bilans de compétences ou de validation des acquis de l'expérience. Vous devez toutefois en faire la demande avant la fin du préavis.
Nous vous informons à cet effet que vous avez acquis 48, 30 heures au titre du droit individuel à la formation qui n'ont pas été utilisées. Durant l'année qui suivra la fin du préavis, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage dans notre entreprise, à condition de nous avoir informé dans l'année suivant la fin du préavis, de votre désir de faire valoir cette priorité.

Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après le licenciement (sous réserve cependant que vous nous la fassiez connaître). En application de l'article L. 321-16 du code du travail, vous disposez d'un délai de 12 mois à compter de la notification de la présente lettre pour contester la régularité ou la validité de ce licenciement... "

Le 24 novembre 2006, Laurent X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de PERPIGNAN aux fins de voir juger son licenciement abusif et d'obtenir paiement de diverses sommes notamment à titre de dommages et intérêts et de rappel d'indemnité de licenciement.
Par décision en date du 13 décembre 2007, le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de l'intégralité de ses prétentions.
Laurent X... a relevé appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience, Laurent X... soutient que l'employeur se fonde sur des données économiques inexactes et sur des hypothèses irréelles et pessimistes qui ne permettent pas d'apprécier les difficultés de la société, que le projet de restructuration adopté place les effectifs comme la seule variable d'ajustement et va à l'encontre des recommandations du cabinet d'expertise comptable qui prévoyait des solutions alternatives pour éviter au maximum les suppressions d'emploi, que l'employeur n'a pas respecté son obligation préalable de reclassement, aucune recherche réelle n'ayant été réalisée, que ce soit en interne ou en externe alors que de nombreuses possibilités existaient au regard de la taille du groupe, que le plan de sauvegarde de l'emploi ne prévoit aucune mesure de reclassement en interne et ne dispense pas l'employeur d'une recherche précise, concrète et individualisée de reclassement.
Il demande par conséquent à la Cour de réformer la décision entreprise, de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SCCAAA à lui payer les sommes de 149 867, 00 euros à titre de dommages et intérêts et de 1 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En réplique, la SCCAAA entend démontrer la réalité de ses difficultés économiques. Elle fait valoir qu'il n'appartient pas au salarié de contrôler le choix effectué par la société concernant les solutions destinées à assurer la sauvegarde de sa compétitivité, qu'aucun poste compatible avec la qualification et l'expérience du salarié, ni même un emploi de qualification inférieure, n'était disponible, qu'aucune création de poste n'était prévue en raison des graves difficultés économiques du groupe, que les termes du plan de sauvegarde de l'emploi démontrent son souci de satisfaire à son obligation de reclassement que ce soit en interne ou en externe, qu'elle a mené une réflexion sur l'examen individuel des possibilités de reclassement du salarié, que le salarié a continué à bénéficier des actions de la cellule de reclassement mise en place dans le cadre du plan social, qu'elle a interrogé plus de 25 entreprises extérieures quant à leur possibilité d'embauche.
Enfin, elle indique que la somme réclamée par lui à titre de dommages et intérêts est hors de proportion avec le préjudice qu'il prétend avoir subi.
Elle demande par conséquent à la Cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner Laurent X... à lui verser une somme de 1 500, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 321-1 (devenu L. 1233-3 et suivants) du Code du Travail prévoit que constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Le licenciement ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut pas être réalisé dans l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprise du groupe. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.
L'obligation de recherche d'un reclassement du salarié dont le licenciement est envisagé, mise à la charge de l'employeur, est un élément constitutif de la cause économique de licenciement et doit être exécutée préalablement au licenciement pour motif économique.
En l'espèce, l'existence du plan de sauvegarde de l'emploi, qui d'ailleurs ne prévoit aucune mesure de reclassement en interne, n'est pas de nature à dispenser l'employeur d'une recherche concrète et individualisée du reclassement du salarié.
Force est de constater que l'employeur n'a fait aucune proposition individualisée de reclassement et ne justifie pas de recherches sérieuses de reclassement au sein du groupe de sociétés.
La SCCAAA est en effet mal fondée à soutenir avoir exécuté loyalement son obligation dès lors qu'elle se borne à indiquer dans la lettre de licenciement que le reclassement s'est avéré impossible alors qu'elle ne démontre pas avoir recherché effectivement des possibilités d'adaptation par voie de formation aux emplois disponibles dans le périmètre du groupe.
En effet la lettre circulaire adressée à de nombreuses entreprises le 2 février 2006 ne suffit pas à caractériser une recherche loyale de reclassement.
Enfin, l'employeur ne démontre pas l'impossibilité alléguée dans la lettre de licenciement de tout reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, fût-ce par voie de transformation de l'emploi de Laurent X... ou de mesure de réduction du temps de travail. Dès lors, en l'absence de démonstration par l'employeur d'une recherche réelle, sérieuse, personnalisée et loyale de reclassement, il convient de déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Eu égard à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (23 ans), au montant de ses salaires (3 866, 94 euros) et à son âge (51 ans), il convient de fixer la juste réparation du préjudice de Laurent X... à la somme de 70 000, 00 euros.
Il convient par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 (devenu L. 1235-5) du Code du Travail, d'ordonner le remboursement par la SCCAAA aux organismes concernés, des indemnités de chômage payées au salarié, dans la limite de 6 mois.
Enfin, en raison de l'issue du litige, la SCCAAA, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Laurent X... une somme de 800, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré,
En la forme, reçoit l'appel principal de Laurent X....
Au fond,
réforme le jugement déféré et statuant à nouveau sur l'ensemble des demandes :
- JUGE le licenciement de Laurent X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- CONDAMNE la SCCAAA à lui payer la somme de 70 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts ;
- ORDONNE, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 (devenu L. 1235-5) du Code du Travail, le remboursement par la SCCAAA aux organismes concernés, des indemnités de chômage payées au salarié, dans la limite de 6 mois ;
CONDAMNE la SCCAAA à payer à Laurent X... la somme de 800, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCCAAA aux éventuels dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 08/00185
Date de la décision : 18/06/2008
Sens de l'arrêt : Interprète la décision, rectifie ou complète le dispositif d'une décision antérieure

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Perpignan, 13 décembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-06-18;08.00185 ?
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