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17/06/2008 | FRANCE | N°07/4655

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0126, 17 juin 2008, 07/4655


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section AO1
ARRÊT DU 17 JUIN 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 4655
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 AVRIL 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 2004 / 3768

APPELANT :
Monsieur Jean X... né le 18 Mars 1937 à MAUGUIO (34130) de nationalité française ...34130 MAUGUIO représenté par la SCP AUCHE- HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me Jean Pierre CABANES, avocat au barreau de NÎMES

INTIMES :
Monsieur Jean- Vincent X... né le 5 Mars 1967

à MANOSQUE (04100) de nationalité française ...34590 MARSILLARGUES représenté par la SCP TOUZERY- C...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section AO1
ARRÊT DU 17 JUIN 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 4655
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 AVRIL 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 2004 / 3768

APPELANT :
Monsieur Jean X... né le 18 Mars 1937 à MAUGUIO (34130) de nationalité française ...34130 MAUGUIO représenté par la SCP AUCHE- HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me Jean Pierre CABANES, avocat au barreau de NÎMES

INTIMES :
Monsieur Jean- Vincent X... né le 5 Mars 1967 à MANOSQUE (04100) de nationalité française ...34590 MARSILLARGUES représenté par la SCP TOUZERY- COTTALORDA, avoués à la Cour assisté de Me Monique MAURY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Hélène X... épouse A... ...34400 ST SERIES représentée par Me Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour assistée de Me Thierry VERNHET, avocat de la SCP SCHEUER- VERNHET et ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE de CLÔTURE du 7 MAI 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 13 MAI 2008 à 14H, en audience publique, Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Nicole FOSSORIER, Président Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle Marie- Françoise COMTE
ARRÊT :
- contradictoire,- prononcé publiquement par Madame Nicole FOSSORIER, Président,- signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Mlle Marie- Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement rendu le 23 avril 2007 par le tribunal de grande instance de MONTPELLIER, qui a jugé irrecevable comme tardive l'action en révocation de donation pour ingratitude introduite par Jean X... à l'encontre d'Hélène X... épouse A... et de Jean François X..., débouté ces derniers de leur demande reconventionnelle à titre de dommages et intérêts,
Le tribunal ayant considéré qu'il était invraisemblable que Jean X... n'ait pas eu connaissance des deux documents critiqués, à savoir le courrier du 9 août 1999 adressé par son fils à l'administration fiscale et le procès-verbal d'audition d'Hélène X..., dès lors qu'ils avaient été versés aux dossiers constitués dans le cadre de la procédure pénale ouverte du chef d'abus de confiance et dans le cadre de la procédure de divorce, dont ils constituaient des pièces essentielles,
Vu l'appel interjeté par Jean X... le 6 juillet 2007,
Vu les dernières conclusions de l'appelant en date du 31 août 2007, qui demande de déclarer son action recevable et de prononcer la révocation de la donation partage du 1er octobre 1992 pour injures graves,
Soutenant que :
- il n'a découvert les pièces incriminées que postérieurement au divorce en dépouillant les pièces du dossier, les pièces n'étant pas communiquées directement à la partie elle- même mais à son conseil,- la dénonciation aux services fiscaux n'était d'aucune utilité dans le litige relatif au divorce qui a de surcroît abouti à une transaction,- le PV d'audition de Hélène X... n'était non plus d'aucune utilité puisque ne visant pas les faits qui lui étaient reprochés, à savoir le détournement de la somme de 100 000 francs,- Hélène X... a reconnu avoir fouillé les affaires de son père pour y trouver une lettre du 15 septembre 1998,

- on ne voit pas en quoi une dénonciation par son fils aux services fiscaux concomitante à une plainte de son épouse pour violence aurait eu pour effet de protéger cette dernière,
Vu les dernières conclusions notifiées le 16 avril 2008 par Jean Vincent X... qui conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement au débouté de la demande, sollicite la somme de 1 500 euros pour procédure abusive et celle de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Aux motifs que :
- à la vue de la situation de sa mère forcée de quitter le domicile conjugal sous la violence de son père et sans ressources, il a souhaité la protéger en faisant état des avoirs réels de son père,
- l'action en révocation de donation est prescrite, pour n'avoir pas été intentée dans l'année suivant la connaissance des faits, or il est inconcevable que l'avocat ne lui ait pas communiqué la lettre de dénonciation composant le dossier pénal ayant donné lieu au jugement correctionnel de février 2003, dont il est reconnu qu'elle était en possession de son conseil, l'assignation étant en date du 17 juin 2004,
- le courrier était déterminant dans la procédure de divorce car il a permis de faire désigner un expert financier,
- le comportement qui lui est reproché ne peut être qualifié d'injures graves alors qu'il s'agissait de protéger sa mère, pour qu'elle ne soit pas lésée,
- cela s'inscrivait dans un contexte familial très conflictuel lié à la séparation, ce qui empêche de qualifier son comportement d'injures graves,
Vu les dernières conclusions notifiées le 15 février 2008 par Madame Hélène X... épouse A... qui conclut à la confirmation du jugement à titre principal et subsidiairement au débouté de la demande, sollicite la condamnation de Monsieur X... appelant à lui payer la somme de 5 000 € pour procédure abusive, 3 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Soutenant que :
- sa déposition était consultable et communicable en 2000 dans le cadre de la procédure pénale, et pour le moins lors de l'audience pénale le 3 février 2003, ce qui rend l'action intentée le 17 juin 2004 prescrite car intentée au- delà du délai de un an,
- il n'est pas vraisemblable que les pièces ne lui auraient pas été communiquées par son conseil alors qu'elles étaient essentielles durant toute la procédure contentieuse l'ayant opposé aux autres membres de la famille, en ce compris la procédure civile de divorce,
- la situation familiale extrêmement tendue lors des faits reprochés justifie les déclarations faites à la gendarmerie et en outre elle ne pouvait que répondre aux questions posées en qualité de témoin, ce qui ne peut être qualifié d'injures graves,
- l'exercice d'un recours manifestement irrecevable caractérise une procédure abusive,
SUR CE :
Il est constant que le 9 août 1999 Monsieur Jean Vincent X... a adressé aux services fiscaux une lettre aux termes de laquelle il leur indiquait que son père détenait des avoirs au Luxembourg et à Monaco provenant de commissions versées par une société offshore domiciliée à MALTE, aux motifs de protection de sa mère, dont il indiquait qu'elle avait dû quitter le domicile conjugal pour avoir subi des violences physiques et que son père lui refusait des conditions de vie décente malgré ses avoirs.
Il est également établi que Madame Hélène X... épouse A... a été entendue le 19 mai 2000 par les services de gendarmerie de LUNEL dans le cadre de l'enquête consécutive à la plainte déposée par Monsieur Roger B..., beau-frère de Jean X..., à l'encontre de ce dernier, pour détournement de fonds et qu'elle a indiqué en réponse aux questions posées que son père détenait des comptes bancaires à MONACO et au Luxembourg.
Il n'est pas discuté que ces deux pièces ont été produites à la fois dans le cadre de la procédure de divorce ayant abouti au jugement de divorce en date du 1er mars 2004 et dans celui de la procédure pénale ayant abouti au jugement de relaxe du 3 février 2003.
Par ailleurs, aux termes d'un acte reçu le 1er octobre 1992 par Maître Reine Y..., Monsieur Jean X... a donné à chacun de ses deux enfants des biens immobiliers sis à MAUGUIO en se réservant l'usufruit de ces biens.
Suite aux faits décrits précédemment, Monsieur X... a intenté une procédure en révocation de donation à l'encontre de ses enfants par assignation en date du 17 juin 2004, ces derniers se prévalant de la prescription.
Il n'est pas contestable que tant le courrier adressé par Jean Vincent X... que les déclarations de Hélène X... épouse A... constituaient des pièces essentielles dans les procédures précitées dans la mesure où elles faisaient état d'avoirs détenus par Monsieur Jean X... tant à Monaco qu'au Luxembourg.
Il est donc vraisemblable que Monsieur Jean X... ait eu connaissance de ces pièces, pour le moins à compter de l'ordonnance de renvoi en date 19 septembre 2002 relative à la procédure pénale et de l'arrêt de la Cour d'Appel de MONTPELLIER en date du 19 février 2003, qui au regard des pièces produites a ordonné une expertise financière confiée à Monsieur E... qui, dans un courrier adressé le 31 juillet 2003 au conseil de Jean X..., se référait très précisément aux deux comptes mentionnés dans la lettre de son fils aux services fiscaux comme étant détenus au Crédit Agricole au Luxembourg et à la société KREDIT BANK à Monaco.
Il est d'ailleurs reconnu que ces pièces essentielles avaient été versées dans les dossiers constitués à l'occasion des procédures précitées, mais qu'elles n'auraient pas été débattues par son conseil dans la mesure où, soutient- il, ces documents auraient été totalement inutiles tant pour le Ministère Public que pour la demanderesse en divorce.
Aussi suspecte que paraisse cette affirmation, il reste qu'en l'état de l'absence de preuve formelle de la communication de ces pièces par son conseil en cours de procédure, un doute subsiste qui ne permet pas d'affirmer sans réserves que Jean X... avait connaissance de ces éléments à une date certaine, qui rendrait son action en révocation irrecevable comme prescrite.
Il y a donc lieu de réformer la décision sur la recevabilité.
Jean X... soutient que tant le courrier adressé par son fils Jean Vincent le 9 août 1998 que la déclaration de sa fille aux services de gendarmerie de LUNEL, lors de son audition en date du 19 mai 2000, constitueraient des injures graves constitutives d'une ingratitude et susceptibles d'entraîner, par application des articles 953 et 955 du code civil, la révocation de la donation.
Il est établi, aux termes de l'arrêt rendu le 14 août 2001 par la 3e Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de MONTPELLIER, que Monsieur X... a été condamné pour violences sur la personne de son épouse commises les 3 et 5 août 1999. Il n'est pas contesté que Madame B..., alors épouse X..., s'est trouvée suite à ces violences au dehors du domicile conjugal et qu'elle a indiqué qu'elle s'était aperçue qu'il lui manquait son chéquier et sa carte de crédit. Par ailleurs, compte tenu de ces faits, elle avait été autorisée à résider séparément.
C'est dans ce contexte familial très conflictuel et dans ce climat affectif exacerbé, que Monsieur Jean Vincent X..., à l'évidence profondément affecté par la situation faite à sa mère et qui a pu craindre que son père la priverait de subsides, a écrit le 9 août 1999 aux services fiscaux pour dénoncer l'existence de comptes à l'étranger, craignant sans doute que ces avoirs disparaissent compte tenu des lieux où ils étaient détenus et de la volatilité des capitaux sur ces places financières que sont le Luxembourg et Monaco. Pour maladroite qu'elle soit, cette information faite dans le but de préserver les intérêts de sa mère ne saurait être constitutive d'injures graves à l'encontre de son père, au sens de l'article 955 du code civil.
Monsieur X... sera débouté de sa demande de révocation de la donation faite à son fils en l'absence d'ingratitude.
C'est encore dans ce même contexte de séparation difficile de ses parents qu'a été entendue Madame Hélène X... dans le cadre de la plainte déposée par son oncle à l'encontre de son père le 19 mai 2000. Si lors de cette audition cette dernière reconnaît avoir indiqué que son père détenait des comptes à MONACO, il convient de relever que c'est sur une question expresse de l'officier de police judiciaire et non de sa propre initiative. S'il est également exact qu'elle reconnaît avoir fouillé dans les affaires de son père et y avoir trouvé une lettre comportant des numéros de téléphone et de comptes bancaires, cette curiosité s'explique par la volonté de s'informer sur la situation exacte de son père au moment où, ainsi qu'elle l'indique, la situation commençait à dégénérer entre ses parents.
Cette réponse aux services de gendarmerie et cette quête d'éléments de connaissance de la situation réelle de son père ne sauraient en aucun cas constituer les injures graves dénoncées par l'appelant, dont les demandes en révocation de donation seront rejetées.
L'abus de droit d'agir de l'appelant n'est pas caractérisé. La demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
L'équité commande par contre d'allouer à Hélène X... épouse A... et à Jean Vincent X... la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
EN LA FORME :
Déclare l'appel recevable,
AU FOND :
Réforme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme tardive l'action en révocation pour ingratitude introduite par Jean X... à l'encontre d'Hélène X... épouse A... et de Jean Vincent X...,
La déclare recevable mais infondée et en conséquence la rejette,
Confirme les autres dispositions du jugement,
Rejette les demandes des intimés à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Jean X... à payer à Hélène X... épouse A... et à Jean Vincent X... la somme de 1 500 euros à chacun, par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne Jean X... aux dépens dont distraction au profit des Avoués de la cause, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0126
Numéro d'arrêt : 07/4655
Date de la décision : 17/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montpellier, 23 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-06-17;07.4655 ?
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