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10/06/2008 | FRANCE | N°07/03977

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre civile 2, 10 juin 2008, 07/03977


2e chambre
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 MAI 2007 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER N° RG : 2006-0412

APPELANTE :
Maître Christine X... Mandataire Judiciaire agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA SYHE ... représentée par la SCP CAPDEVILA- VEDEL- SALLES, avoués à la Cour assistée de Me LAURENT, avocat, substituant la SCP SCHEUER- VERNHET et ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :
ITM SUD EST Société Anonyme, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès quali

tés au siège social Quartier des Temples Chemin des Agriculteurs 26700 PIERRELATTE repré...

2e chambre
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 MAI 2007 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER N° RG : 2006-0412

APPELANTE :
Maître Christine X... Mandataire Judiciaire agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA SYHE ... représentée par la SCP CAPDEVILA- VEDEL- SALLES, avoués à la Cour assistée de Me LAURENT, avocat, substituant la SCP SCHEUER- VERNHET et ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :
ITM SUD EST Société Anonyme, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social Quartier des Temples Chemin des Agriculteurs 26700 PIERRELATTE représentée par la SCP JOUGLA- JOUGLA, avoués à la Cour assistée de la SCP LEVY- ROCHE- LEBEL, avocats au barreau de LYON

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 06 Mai 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 MAI 2008, en audience publique, M. Guy SCHMITT ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
M. Guy SCHMITT, Président M. Hervé CHASSERY, Conseiller Mme Noële- France DEBUISSY, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mlle Colette ROBIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par M. Guy SCHMITT, Président, et par Mlle Colette ROBIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A compter de septembre de l'année 2000, la SA SYHE a exploité à JUVIGNAC, centre commercial LES PORTES DU SOLEIL, une grande surface de bricolage sous l'enseigne BRICOMARCHÉ.
Elle était liée à la Société ITM ENTREPRISES (groupement INTERMARCHÉ) par un contrat d'enseigne et la Société ITM SUD EST F, filiale de la précédente et centrale d'achats, la fournissait en marchandises et les lui facturait.
Le 13 avril 2005, Jacky B..., son PDG et lui- même adhérent à la Société ITM ENTREPRISES, a déclaré l'état de cessation des paiements de l'entreprise au greffe du Tribunal de Commerce de MONTPELLIER.
Le 15 avril 2005, le Tribunal de Commerce de MONTPELLIER a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Société SYHE et le 4 novembre 2005 cette juridiction a converti la mesure en liquidation judiciaire. Maître X... a été désignée en qualité de liquidateur.
L'état provisoire des créances a révélé un passif de 4 503 644, 31 euros.
Le 14 juin 2005, la Société ITM SUD EST F a déclaré ses créances à titre chirographaire, soit 200 012, 50 euros de factures de marchandises impayées et 120 255, 30 euros au titre d'un solde découlant d'u protocole d'accord signé les 31 octobre et 10 décembre 2001.
Maître X..., considérant que la Société ITM SUD EST F avait apporté un soutien abusif à la Société SYHE qui était fin 2001 débitrice à son égard d'une somme de 307 487, 17 euros et qui était selon elle déjà en difficulté financière lors de la signature de l'accord a, par exploit du 30 décembre 2005, fait assigner la Société ITM SUD EST F devant le Tribunal de Commerce de MONTPELLIER pour voir reconnaître ce soutien abusif et voir ladite société condamnée à lui payer, ès qualités, la somme de 3 434 971, 46 euros correspondant au montant du passif moins le passif bancaire de 1 068 672, 85 euros seul antérieur au protocole d'accord du 31 octobre 2001.
Par jugement du 16 mai 2007, le Tribunal de Commerce de MONTPELLIER a débouté Maître X... de ses demandes et l'a condamnée ès qualités à payer à la Société ITM SUD EST F la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Maître X... a interjeté appel de cette décision le 13 juin 2007.
Le mandataire liquidateur demande que la décision dont appel soit réformée en toutes ses dispositions. Elle affirme, en invoquant l'article 1382 du Code Civil, que la SA ITM SUD EST F a soutenu abusivement l'activité déficitaire de la SA SYHE. Elle considère que le protocole que les deux sociétés ont signé a permis à la SA SYHE de prolonger artificiellement son activité déficitaire puisque, si l'intimée avait alors sollicité le règlement de sa créance, exigible depuis plusieurs mois, la SA SYHE aurait été contrainte de déclarer l'état de cessation des paiements dans lequel elle se trouvait. Les chiffres d'affaires et résultats dégagés par la SA SYHE démontrent, dit Maître X..., que cette société se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise depuis l'exercice clos au 31 décembre 2000. La SA ITM SUD EST F avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette situation, comme le démontrent notamment certaines clauses du protocole et les obligations résultant du contrat d'adhésion. En outre, dit le liquidateur, la SA ITM SUD EST F a accordé son soutien à la SA SYHE par le biais du protocole dans le seul but de réduire sa créance et d'obtenir des garanties supplémentaires. Elle ajoute que dans ledit protocole, la SA ITM SUD EST F s'interdisait de livrer à la SA SYHE des marchandises à crédit, engagement qu'elle n'a pas respecté. Ce soutien a donc augmenté le passif de la SA SYHE et a permis une continuation de l'exploitation qui n'a fait que creuser le déficit. Par l'artifice utilisé, la Société ITM SUD EST F a aussi vu sa créance diminuer de plus de la moitié.
Ainsi Maître X... demande la réformation du jugement attaqué, le paiement par la Société ITM SUD EST F de l'intégralité du passif hors passif bancaire qui s'élève à 3 626 003, 29 euros et 7 500 euros HT en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA ITM SUD EST F fait remarquer que le franchisé n'était pas obligé de lui passer toutes ses commandes. Il pouvait s'adresser à d'autres fournisseurs. Elle admet que la Société SYHE lui a commandé des marchandises et qu'en raison d'un stock très important et des prix de revente insuffisants elle a manqué de liquidités pour lui payer ses factures.
Elle reconnaît l'existence du protocole d'accord signé les 31 octobre et 10 décembre 2001 portant sur une somme de 307 487, 17 euros remboursable en 60 échéances mensuelles avec un taux d'intérêt fixe de 9 %.
Pendant plus de 3 ans, ce protocole a été respecté. Au 31 janvier 2005, la somme restant due n'était plus que de 120 255, 30 euros. En l'absence de difficulté dans l'exécution du protocole, elle a continué d'alimenter la société franchisée, ce qui était possible au regard de l'article 6 du protocole. La somme de 200 012, 50 euros déclarée au titre de factures de marchandises impayées ne concerne que des marchandises facturées à échéance au mois de novembre 2004 et postérieurement. Ce qui a été livré avant octobre 2004 a été payé.
Elle soutient qu'au jour de la régularisation du protocole d'accord, la situation n'était pas irrémédiablement compromise. Maître X... ne peut d'ailleurs, dit- elle, en faire la démonstration.
Si les stocks trop importants étaient mal gérés, le chiffre d'affaires, lui, progressait.
Elle fait observer que sa créance ne s'élève qu'à 320 267, 80 euros par rapport à un passif déclaré de 4 717 657, 09 euros, soit moins de 10 % du total du passif.
L'intimée ajoute qu'elle avait, dès avant la signature du protocole, le cautionnement solidaire des époux B... . De plus, le nantissement du fonds de commerce a été sans conséquence puisque sa déclaration de créance a été faite à titre chirographaire.
La SA ITM SUD EST F s'attache enfin à démontrer qu'elle ne peut être incriminée dans la situation financière de la Société SYHE. Elle invoque les dettes de celle- ci auprès des banques, ses stocks trop importants et mal gérés, sa part modeste dans les dettes de la Société SYHE, la créance importante de Jacky B... vis- à- vis de cette dernière.
Elle a proposé à Jacky B... le rachat de ses actions pour 1 euro, compte tenu de la situation nette établie à moins 800 000 euros, ce qui signifiait une reprise de cette dette à sa charge, mais celui- ci a refusé.
Elle invoque le rapport de Maître C..., administrateur judiciaire, qui a permis une prolongation de la période d'observation parce que la situation n'était nullement catastrophique.
Elle demande pour l'ensemble de ces raisons la confirmation du jugement attaqué et 5 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
SUR CE :
Maître Christine X... a fondé sa demande en responsabilité de la SA ITM SUD EST F pour soutien abusif sur l'article 1382 du Code Civil. Ceci suppose deux conditions : une situation irrémédiablement compromise de la société en difficulté à la date du soutien et la connaissance de cette situation par le fournisseur de ce soutien. Ce dernier doit de surcroît avoir été fait dans l'intérêt de celui qui l'apporte et au détriment de la collectivité des créanciers.
Ces exigences rappelées, la qualité des sociétés les unes par rapport aux autres n'est pas sans influence sur le problème posé. Il ne s'agissait pas en effet et en l'espèce de rapports entre sociétés initialement étrangères l'une à l'autre avant le prétendu soutien abusif, ce qui révélerait très vite les intentions personnelles de la société apportant son soutien par rapport aux autres créanciers mais de sociétés liées par un contrat d'enseigne. Le nom était en cause et la société apparaissant soutenir l'entreprise en difficulté a eu immanquablement des visées plus altruistes que la recherche de ses intérêts personnels. Le but était d'éviter la déconfiture de la société en difficulté impliquée dans le groupement.
Ainsi peut parfaitement se comprendre le protocole d'accord signé les 31 octobre et 10 décembre 2001 entre la SA SYHE à l'enseigne BRICOMARCHÉ et la SA ITM SUD EST F, filiale de la Société ITM ENTREPRISE, groupement INTERMARCHÉ.
Le contexte n'est pas neutre et la volonté de la SA ITM SUD EST F de sortir la Société SYHE de l'ornière ne relève pas d'une complaisance propre à la favoriser elle- même mais d'un désir, dans l'intérêt du groupement, de lui faire passer un cap difficile, la rentabilité de l'activité n'étant pas elle- même compromise.
Avec ce regard qu'il convient d'avoir par rapport à une situation objective et vérifiable par les contrats d'engagements signés, le protocole des 31 octobre et 10 décembre 2001 n'apparaît nullement suspect.
C'est à ces dates rapprochées que doit être examinée la situation économique et financière de la Société SYHE et non ultérieurement parce que c'est le protocole qui est incriminé et qui caractériserait le soutien abusif.
A cette période précise, cette situation était- elle irrémédiablement compromise ?
Non. Dans ses propres conclusions, Maître X... se trouve obligée de l'admettre puisqu'elle dit que cette situation était irrémédiablement compromise dès la fin de l'année 2000, ce qui est une affirmation hâtive pour une société qui avait débuté son activité en septembre 2000 et avait affiché un résultat positif quand bien même celui- ci l'a été grâce à la réalisation d'un produit exceptionnel. En tout état de cause, dit Maître X..., la situation était irrémédiablement compromise au mois de décembre 2001.
Mais ce mois est postérieur à l'accord d'octobre qui a été seulement signé par les créanciers dans les premiers jours de décembre. Et une fois encore, le chiffre d'affaires était élevé (2 919 008, 43 euros).
Bien évidemment, la SA ITM SUD EST F connaissait les difficultés financières de la Société SYHE, mais ceci ne signifie pas que la situation était irrémédiablement compromise.
Pour aboutir au protocole, la société créancière a obligatoirement analysé les difficultés de la Société SYHE et a constaté l'importance de ses stocks et la mauvaise gestion de ceux- ci. Ce faisant, le chiffre d'affaires n'était nullement en cause. Une meilleure gestion des stocks laissait raisonnablement espérer un redressement de la toute jeune société. Il était permis de considérer l'entreprise comme rentable.
Les difficultés de la Société SYHE liées exclusivement à l'importance des stocks apparaissent de façon flagrante dans les correspondances échangées entre son PDG et la Société ITM SUD EST F tout au cours de l'année 2001.
Ainsi la condition du soutien abusif, soit la connaissance d'une situation irrémédiablement compromise, n'est- elle pas rapportée par Maître X....
Par ailleurs, l'article 6 du protocole d'accord était ainsi rédigé : " il est stipulé que le présent protocole n'a été conclu qu'à la condition que la société débitrice règle désormais ses dettes envers la soussignée de première part et les autres sociétés filiales du groupement qu'elle représente aux échéances convenues, sans possibilité de retard dans les paiements. Au cas où il n'en serait pas ainsi, il y aurait déchéance du terme et exigibilité immédiate de la totalité des sommes dues, y compris celles faisant l'objet du présent protocole. "
Ceci ne signifie pas qu'il était fait défense à la Société SYHE d'acheter d'autres marchandises à son fournisseur durant le temps de l'accomplissement du protocole mais qu'en cas de non-paiement de ces nouvelles marchandise, il y aurait exigibilité immédiate du montant des factures et des sommes restant dues au titre du protocole.
Or à cet égard, il est démontré que la Société SYHE a payé ses factures de marchandises nouvelles régulièrement jusqu'à 5 mois avant le jugement de redressement judiciaire (dès le 7 novembre 2004 et sans complaisance, la Société ITM SUD EST F lui a fait délivrer une sommation de payer).
Ceci s'ajoute au fait que le protocole a été respecté durant plus de trois ans.
Il convient d'ajouter que, dès le 24 novembre 2004, la Société ITM SUD EST F a effectivement proposé à Jacky B... de racheter les titres de cette société pour le prix de 1 euro compte tenu de la situation nette approchant moins 800 000 euros. Ceci prouve l'intérêt que le groupe INTERMARCHÉ continuait de porter à son implantation à JUVIGNAC et sa volonté de rester dans la place.
Le respect des engagements montre la croyance des entreprises concernées dans l'arrangement intervenu entre elles et qui n'a pas eu pour but les intérêts exclusifs de la SA ITM SUD EST F par rapport aux autres créanciers.
La créance de cette société s'avère d'ailleurs modeste par rapport au passif total. Quant aux engagements de cautions des époux B..., il est prouvé par pièces qu'ils existaient avant le protocole d'octobre 2001. Enfin les créances de la Société ITM SUD EST F ont été déclarées à titre chirographaire, ce qui rend vaine la polémique engagée par l'appelante sur la prise de nantissement.
Les premiers juges ont fait une analyse méthodique et exacte de la situation qui leur a été soumise. Par des arguments pertinents, ils ont réfuté les prétentions du mandataire liquidateur, ès qualités, sur l'existence d'un soutien abusif de la Société SYHE par la SA ITM SUD EST F. Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
En application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Maître X..., ès qualités, sera tenue de verser la somme complémentaire de 3 000 euros à l'intimée.
Succombant, elle sera condamnée aux dépens, ce qui la prive du bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Reçoit en la forme l'appel interjeté,
Le dit mal fondé,
En conséquence, confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué,
Condamne Maître X..., ès qualités, à payer à la Société ITM SUD EST F la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La déclarer irrecevable en cette demande,
La condamne ès qualités aux dépens d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 07/03977
Date de la décision : 10/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Montpellier, 16 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-06-10;07.03977 ?
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