COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section AO1
ARRÊT DU 20 MAI 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/6110
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 OCTOBRE 1997 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BÉZIERS N° RG : 94/2491
APPELANTE :
SCE DOMAINE DE LA YOLE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège socialDomaine de la Yole34650 VENDRESreprésentée par la SCP TOUZERY - COTTALORDA, avoués à la Courassistée de Me Pierre-Antoine ALDIGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
COMMUNE DE VENDRES prise en la personne de son maire en exercice, domiciliéHôtel de Ville34350 VENDRESreprésentée par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués à la Courassistée de Me Laurine GOUARD-ROBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
ORDONNANCE de CLÔTURE du 3 AVRIL 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 8 AVRIL 2008 à 14 heures, en audience publique, Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Nicole FOSSORIER, PrésidentMadame Sylvie CASTANIÉ, ConseillerMonsieur Claude ANDRIEUX, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mlle Marie-Françoise COMTE
LE MINISTÈRE PUBLICaprès communication de la procédure, a apposé son visa
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par Monsieur Claude ANDRIEUX, magistrat en ayant délibéré, en l'absence du Président empêché.
- signé par Monsieur Claude ANDRIEUX, magistrat en ayant délibéré, en l'absence du Président empêché, et par Mlle Marie-Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de BÉZIERS le 8 octobre 1997, qui a débouté la SCE Domaine de la Yole de toutes ses demandes après avoir considéré que Monsieur Jean Z..., bénéficiaire du permis de construire délivré le 9 août 1976, rappelant la clause contenue dans l'autorisation de construire relative à la cession gratuite d'une bande de terrain, ne pouvait avoir commis d'erreur dans la mesure où il reconnaissait que le chemin des Montilles n'était pas un chemin communal et n'avait pas été classé dans la voirie communale, que l'obligation de céder gratuitement était inacceptable et qu'ainsi l'arrêté pouvait être cassé, que compte tenu de la nécessité de l'élargissement du chemin d'accès suite à l'extension du camping, le contrat était cassé,
Vu l'appel interjeté par la SCEA Domaine du Yole le 15 décembre 1997,
Vu l'arrêt de retrait du rôle à la demandes des parties en date du 28 octobre 2003,
Vu les dernières conclusions notifiées par la société appelante le 16 octobre 2007 qui conclut à la nullité de l'acte authentique de cession à titre gratuit de partie des parcelles cadastrées AY N° 136 et 138, AX N° 449 et 451, sollicite à titre de dommages et intérêts la somme de 30 500 euros, celle de 3 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Aux motifs que :
- son intérêt à agir se justifie en sa qualité de partie à la convention, dont le consentement a été vicié,- il est sans intérêt de rechercher si c'est un acte d'exécution des permis de construire accordés, seul primant l'analyse du consentement au contrat,- la cession d'un terrain ne peut être demandée que pour l'élargissement, le redressement ou la création de voies publiques, or ce chemin est un chemin rural, ce qui n'est apparu que lors de la décision du tribunal administratif le 11 mai 1994, point de départ de la prescription de l'action, et ce qui lui interdisait d'avoir commis une erreur auparavant, - le courrier du 3/09/1976 doit être apprécié comme émanant d'un néophyte, non juriste, il s'agit en fait d'un « coup de bluff » qui ne préjuge pas de la connaissance de l'illégalité de la cession,- il y a erreur déterminante, le consentement ayant été vicié, elle est excusable,- il n'y a aucune contrepartie à l'élargissement du chemin pour le camping, l'accès principal étant ailleurs, dès lors il y a absence de cause,- la cause de la convention du 27 septembre 1984 a disparu du fait de l'illégalité de permis de construire et des clauses de cession gratuite,- il y a eu voie de fait,
Vu les dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2007 par la commune de VENDRES qui conclut au débouté des demandes et sollicite la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Soutenant que :
- l'action est prescrite, l'appelante ayant eu connaissance dès 1976 de l'illégalité des deux permis de construire,- il s'agissait non d'un acte consensuel mais de l'exécution d'une prescription administrative dans le cadre du permis de construire, ce qui excluait le consentement,- l'appelante avait une parfaite connaissance de ses droits, au regard de la lettre par elle adressée le 3 septembre 1976,- l'annulation des clauses du permis de construire est sans effet sur les conventions dès lors que ces clauses existaient bien à la date des actes de cession,
SUR CE :
Il est constant que l'arrêté en date du 21 mai 1981, par lequel le maire de VENDRES a délivré à la SA CAMPING DE LA YOLE un permis de construire en vue de l'édification de deux entrepôts et de l'extension d'un bâtiment d'accueil sur un terrain cadastré section AX sous les numéros 4 et 16, ledit permis prévoyant la cession à titre gratuit à la commune d'une bande de terrain nécessaire à l'élargissement du Chemin des Montilles, a été annulé en tant qu'il imposait cette cession le 13 avril 1994 par le Tribunal administratif de MONTPELLIER.
Il convient de relever que ce n'est qu'à cette date qu'a été établie la certitude que le chemin des Montilles étant un chemin communal il n'était pas classé dans le domaine public et qu'en conséquence la cession gratuite, pour procéder à l'élargissement de cette voie, était illégale.
En conséquence, il ne peut être soutenu que l'action en nullité de la convention de cession en date du 27 décembre 1984 serait prescrite dès lors que subsistait un doute sur le statut juridique de ce chemin, doute qui n'a été levé qu'en 1994 pour une assignation en date du 25 octobre 1994.
Le jugement qui a considéré que l'action était recevable pour avoir examiné la demande sera confirmé.
La société appelante soutient qu'elle aurait commis une erreur dans la mesure où elle a cru devoir céder gratuitement une partie de son terrain nécessaire à l'élargissement du chemin des Montilles. Or la clause de cession gratuite était illégale, ce qu'elle ignorait.
Aux termes des dispositions de l'article 1110 du code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Il appartient donc à la SCE DOMAINE DE LA YOLE de démontrer qu'elle était dans l'ignorance du caractère non public du chemin des Montilles ou a contrario dans la certitude que cette voie était classée dans le domaine public communal. Or comme l'a relevé le premier juge, aux termes du courrier adressé par ses soins le 3 septembre 1976 au Maire de VENDRES, Monsieur Z..., gérant de ladite société, à l'appui de sa contestation relative de la cession gratuite prévue au permis de construire, indiquait : « ce n'est pas un chemin communal ». Force est de constater qu'il avait la connaissance des conditions de l'obligation de cession gratuite, celle-ci étant limitée aux termes des dispositions du code de l'urbanisme, articles L. 332-6 et R. 332-15, aux chemins classés dans le domaine public et ne s'appliquant pas aux chemins ruraux, étant précisé qu'il mentionnait expressément dans son courrier l'article R. 332-15 du code de l'urbanisme.
En outre il ajoutait : « il apparaît que cet arrêté peut être cassé par le tribunal administratif devant lequel je devrai faire un recours avant le 9 octobre ». Ce faisant, il marquait sa connaissance de la possibilité d'obtenir de la juridiction administrative la mise hors la loi de l'arrêté précité, étant ajouté qu'il n'a pas utilisé la voie de recours dont il faisait état.
Il doit donc être considéré que l'erreur de droit n'est pas établie dès lors que Monsieur Z..., en sa qualité de gérant, ne pouvait être convaincu lors de la signature de la convention du 27 décembre 1984 que le Chemin des Montilles était un chemin public communal et qu'il a accepté la cession, en l'état des critiques qu'il avait émises précédemment sur la nature juridique de ce chemin et de la conscience qu'il avait que cette décision administrative pouvait être « cassée » par le Tribunal Administratif. Le fait qu'il ne soit pas un juriste professionnel et qu'il emploie des termes inadéquats sur le plan juridique, en l'espèce « cassé » au lieu d'« annulé », n'enlève rien à sa connaissance d'une possible irrégularité de l'arrêté. C'est donc en toute connaissance de cause qu'il a accepté la cession le 27 décembre 1994 sans être dans la croyance que celle-ci s'imposait au regard du code de l'urbanisme, prenant ainsi volontairement le risque de voir reconnaître postérieurement que cette cession gratuite pouvait se révéler injustifiée.
Il ne saurait dès lors être considéré qu'il y a eu erreur de droit constitutive d'un vice du consentement, celui-ci devant être considéré comme éclairé.
Par ailleurs il n'est pas contestable que le permis de construire accordé en 1981 à la SCE LA YOLE était destiné à permettre l'agrandissement du camping par un accroissement de ses capacités d'accueil, l'élargissement du Chemin des Montilles permettant l'amélioration de ses voies d'accès, quand bien même cette dernière n'était pas la principale. En conséquence, il y a bien des contreparties à cette cession à titre gratuit et il ne peut être soutenu une absence de cause ou une fausse cause, Monsieur Z... ayant procédé à la cession gratuite en sachant pertinemment que celle-ci pouvait ne pas être justifiée, cette acceptation se traduisant par des avantages quant à sa capacité d'exploitation qui ont primé au moment de la signature sur une action de contestation.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Il est équitable d'allouer à la Commune de VENDRES la somme de 2 000 euros par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
EN LA FORME :
Déclare l'appel recevable,
AU FOND :
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Condamne la SCE DE LA YOLE à payer à la Commune de VENDRES la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la SCE DE LA YOLE aux dépens, dont distraction au profit de la SCP ARGELLIES, Avoué, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.