COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section A2
ARRET DU 22 JANVIER 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/07440
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 SEPTEMBRE 2006 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER No RG 04/5331
APPELANTE :
SARL POSEIDON, prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié ès qualité audit siège socialCentre Expo Espace Laporte1170 Route de Nice06600 ANTIBESreprésentée par la SCP NEGRE - PEPRATX-NEGRE, avoués à la Courassistée de Me LEON, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES :
Monsieur Hubert Y...né le 14 Novembre 1947 à ANIANE (34150)de nationalité Française...30100 ALESreprésenté par la SCP TOUZERY - COTTALORDA, avoués à la Courassisté de la SCP DELBEZ, avocat au barreau de MONTPELLIERsubstirué par Me BANQ, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame Danielle Y...née le 01 Juillet 1949 à ALES (30100)de nationalité Française...30100 ALESreprésentée par la SCP TOUZERY - COTTALORDA, avoués à la Courassistée de la SCP DELBEZ, avocat au barreau de MONTPELLIERsubstituée par Me BANQ, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 10 Décembre 2007
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 DECEMBRE 2007, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :M. Christian TOULZA, PrésidentMadame Sylvie CASTANIE, ConseillerMadame Sylviane SANZ, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
- signé par M. Christian TOULZA, Président, et par Mme Monique AUSSILLOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS - PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES :
Les époux Y... qui se sont déplacés le 13 octobre 2003 sur le stand tenu par la S.A.R.L. POSÉIDON à la Foire de MONTPELLIER, signent un document intitulé « Bon de Commande » concernant l'achat d'un abri de piscine moyennant le prix T.T.C. de 22 867 € payable ainsi :
40% à la commande,50% à la livraisonet 10% à la pose.L'acompte de 40%, soit la somme de 9 148 €, donne lieu à l'établissement par les époux Y..., ce même jour, de deux chèques d'un montant respectif de 2 000 € et de 7 148 €, ce dernier étant « encaissable au feu vert du client ». Les époux Y... se rétractent sans motif précis dès le 14 octobre 2003, tout en sollicitant vainement la restitution des chèques que la S.A.R.L. POSÉIDON remet à l'encaissement, le 19 novembre 2003 pour le chèque de 2 000 €, et le 29 décembre 2003 pour celui de 7 148 €.
Par jugement du 29 septembre 2006 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, saisi par les époux Y..., au principal pour nullité de la vente en raison des manoeuvres dolosives dont ils ont été victimes, subsidiairement pour mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de la S.A.R.L. POSÉIDON qui a manqué à son obligation de conseil et d'information et très subsidiairement d'une demande d'expertise :
prononce la nullité de la vente conclue le 13 octobre 2003, le consentement des époux Y... étant entaché de dol,
condamne la S.A.R.L. POSÉIDON à rembourser aux époux Y... la somme de 9 148 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2003, calculés sur le principal de 2 000 €, et du 29 décembre 2003, calculés sur le principal de 7 148 €,
condamne la S.A.R.L. POSÉIDON à payer aux époux Y... la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.,
déboute les époux Y... de leur demande en restitution d'un troisième chèque d'un montant de 500 € et de leur demande en paiement de dommages et intérêts.
La S.A.R.L. POSÉIDON relève appel de ce jugement selon déclaration au greffe enregistrée le 23 novembre 2006.
Dans ses dernières écritures déposées le 23 mars 2007, la S.A.R.L. POSÉIDON conclut, au principal, à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux Y... de leur demande en restitution du troisième chèque d'un montant de 500 € et à sa réformation en toutes ses autres dispositions. Elle demande, au principal, qu'il soit jugé que le consentement donné par les époux Y... le 13 octobre 2003 n'est pas entaché de dol, que la commande qu'ils ont passée auprès d'elle est parfaite, qu'ils soient condamnés en exécution de cette commande à lui payer la somme de 9 148 € à titre d'acompte contractuel, outre les intérêts de droit à compter du 13 octobre 2003, qu'il leur soit enjoint de justifier de la construction d'une dalle de 9 mètres sur 7 mètres destinée à accueillir l'abri, sous une astreinte de 500 € par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'engage à livrer et à poser l'abri commandé, sans délai, dès la construction de la dalle, qu'il soit enjoint aux époux Y... de prendre livraison de l'abri commandé sous une astreinte de 500 € par jour, que les époux Y... soient en conséquence de la livraison et de la pose de l'abri, condamnés à lui payer le solde du prix, soit la somme de 13 719 € (22 867 € - 9 148 €), la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.Elle conclut subsidiairement à l'instauration d'une mesure d'expertise à ses frais avancés, à l'effet de vérifier la compatibilité de l'abri avec la configuration de la piscine.
Dans leurs dernières écritures déposées le 6 juillet 2007, les époux Y... concluent au principal, à la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé la vente sur le fondement du dol, sauf à ajouter que la S.A.R.L. POSÉIDON devra être condamnée à leur restituer le chèque no1117 d'un montant de 500 €, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et à leur payer la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son comportement dolosif et de sa résistance abusive.
Ils demandent subsidiairement qu'il soit jugé que la S.A.R.L. POSÉIDON a manqué, en tant que professionnel, à son obligation d'information et de conseil et qu'elle soit condamnée à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.Ils demandent très subsidiairement qu'un expert soit désigné à l'effet de se prononcer sur la conformité des mentions figurant sur le devis avec la configuration. Ils sollicitent en tout état de cause le paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.
L'ordonnance de clôture est en date du 10 décembre 2007.
SUR CE :
Les époux Y... ont signé le 13 octobre 2003 un document intitulé « Bon de Commande », s'analysant en une commande ferme et définitive et non en un simple devis. Aucune conséquence ne peut en effet être tirée du fait isolé que c'est la case « devis » et non la case « commande » qui a été cochée en page 3 du formulaire, dès lors qu'il est par ailleurs établi que les parties se sont accordées sur la chose elle-même, à savoir un abri de piscine dont les caractéristiques sont précisément décrites, et sur le prix, les modalités de paiement, différées il est vrai, de près de 80% si l'on retient que le chèque de 7 148 € était encaissable au feu vert du client, étant sans influence sur cet accord. Les parties sont donc convenues de la chose et du prix, de sorte que la vente doit, en application de l'article 1583 du code civil, être déclarée parfaite entre elles.
Cette vente n'est pas soumise aux dispositions des articles L 121-23 et suivants du code de la consommation qui prévoient une faculté de renonciation pour l'acquéreur, la vente sur foire ne pouvant en effet être assimilée, dès lors que les foires et salons ne constituent pas des lieux non destinés à la commercialisation, à des activités de démarchage à domicile.
La vente étant parfaite et insusceptible de rétractation, il reste à savoir si le consentement des époux Y... a été vicié en raison d'un dol imputable à la venderesse et si celle-ci a manqué à son obligation de conseil et d'information.
Selon l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le fait que les ventes conclues à l'occasion d'une foire soumettent d'une façon générale le consommateur à de fortes pressions commerciales et qu'en l'espèce la configuration de la piscine des époux Y... dont une margelle jouxte un mur de rocaille rende difficile, sinon impossible, la mise en place de l'abri piscine, ne permet pas pour autant d'en déduire que la S.A.R.L. POSÉIDON s'est volontairement abstenue de délivrer à ses clients l'information relative à l'adéquation nécessaire entre l'abri piscine et la piscine elle-même et qu'elle a ainsi vicié leur consentement en leur dissimulant des éléments qui les auraient empêchés de contracter, s'ils avaient été connus d'eux.
Il incombe aux époux Y... de prouver, ce qu'ils ne font pas, que le vendeur, dont la réticence dolosive ne peut être présumée, a intentionnellement passé sous silence les difficultés techniques du projet.
En l'absence de cette démonstration, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente pour dol.
Il ne peut davantage être reproché à la S.A.R.L. POSÉIDON d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information.
Les époux Y... ont en effet été suffisamment éclairés par les indications du bon de commande concernant la description, la position et les caractéristiques de l'abri. Ils ne peuvent non plus raisonnablement soutenir qu'ils ont ignoré que cet abri rectangulaire devait être posé au-dessus de leur piscine. Les mentions ajoutées à la main sur le formulaire et prévoyant, d'une part, la construction d'une dalle de 9 mètres sur 7 mètres et, d'autre part, la mise en place de quatre plaques en fumé en partie basse sur un côté, montrent bien enfin que le vendeur a tenu compte de la spécificité des lieux et qu'il a donc utilement interrogé les époux Y... et obtenu d'eux des renseignements sur la configuration du terrain.
Le moyen tiré par les époux Y... de la prétendue méconnaissance par la S.A.R.L. POSÉIDON de son obligation de conseil et d'information doit en conséquence être écarté.
Aucun élément objectif ne justifie l'instauration d'une mesure d'expertise.
Le contrat de vente du 13 octobre 2003 doit recevoir application et les parties doivent être condamnées, sans qu'il soit nécessaire de recourir au prononcé d'une astreinte, à exécuter les obligations découlant de leur convention.
La S.A.R.L. POSÉIDON qui ne démontre pas la résistance abusive des époux Y..., doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
Les époux Y... qui succombent, doivent être déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts et en application de l'article 700 du N.C.P.C.
Les époux Y... doivent enfin, par considération d'équité, être condamnés solidairement à payer à la Société POSÉIDON la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré :
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
DÉBOUTE les époux Y... de leur demande en nullité du contrat de vente en date du 13 octobre 2003, fondée sur le dol.
DIT que la S.A.R.L. POSÉIDON n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information.
DIT que le contrat de vente du 13 octobre 2003 doit recevoir exécution.
CONDAMNE solidairement les époux Y... à payer à la Société POSÉIDON la somme de 22 867 € (vingt-deux mille huit cent soixante-sept euros) conformément aux modalités stipulées à l'acte.
CONDAMNE la Société POSÉIDON à livrer et à poser l'abri piscine dans les conditions prévues au contrat.
REJETTE les demandes tendant au prononcé d'une astreinte et à l'instauration d'une mesure d'expertise.
DÉBOUTE la Société POSÉIDON de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
DÉBOUTE les époux Y... de leur demande en paiement de dommages et intérêts en application de l'article 700 du N.C.P.C.
CONDAMNE solidairement les époux Y... à payer à la Société POSÉIDON la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.
CONDAMNE les époux Y... aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la S.C.P. NEGRE, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.