COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section AO1
ARRET DU 27 NOVEMBRE 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/06407
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 SEPTEMBRE 2006 TRIBUNAL DE COMMERCE DE CARCASSONNE No RG 2005/1635
APPELANTE :
SAS TOLERIE INDUSTRIELLE D'AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège socialRUE DES Genêts33450 ST LOUBESreprésentée par la SCP AUCHE-HEDOU AUCHE AUCHE, avoués à la Courassistée de du cabinet POIRIER-SCHRIMPF et associés, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
SA LIMOUX DISTRIBUTION, représentée par son Président Directeur Général domicilié au dit siège socialCentre E. LECLERCRoute de Carcassonne11300 LIMOUXreprésentée par la SCP CAPDEVILA - VEDEL-SALLES, avoués à la Courassistée de Me Gilbert AUPIN, avocat au barreau de CARCASSONNE
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 OCTOBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 OCTOBRE 2007 à 14 Heures, en audience publique, Monsieur Claude ANDRIEUX ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Nicole FOSSORIER, PrésidentMadame Sylvie CASTANIE, ConseillerMonsieur Claude ANDRIEUX, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Josiane MARAND
ARRÊT :
- contradictoire - prononcé publiquement par Madame Nicole FOSSORIER, Président.- signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Mademoiselle Marie-Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.
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Vu le jugement rendu le 25 septembre 2006 par le tribunal de grande instance de CARCASSONNE, qui a débouté la société TIA TOLERIE INDUSTRIELLE D'ACQUITAINE de toutes ses demandes à l'encontre de la SA LIMOUX DISTRIBUTION, dit que le défaut d'acceptation de la société TIA et d'agrément en qualité de sous-traitant ne constitue pas un abus de droit, que les règlements de la SA LIMOUX DISTRIBUTION entre les mains de la société CLIM'ALPES, entreprise principale postérieurement au 11 mai 2004 ne sont pas fautifs et opposables à TIA, débouté cette dernière de sa demande de condamnation à titre de dommages et intérêts, et de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Le tribunal ayant considéré que :
la société TIA n'avait pas été agrée par le maître d'ouvrage, qui n'avait une obligation d'information qu'à l'égard de la société CLIM'ALPES, la SA LIMOUX DISTRIBUTION ne connaissait pas sa présence sur le chantier, cette société ne s'étant pas manifestée auprès de lui ou du coordinateur des travaux, il n'y a pas eu d'acceptation tacite de TIA en qualité de sous-traitant, qu'il n'y a pas eu désaccord quant à la lettre du 11 mai 2004, il y a eu prise de risque quant à l'intervention, les factures ont été adressées à CLIM'ALPES,la SA LIMOUX a effectué les règlements dus et ne saurait payer 2 fois,
Vu l'appel interjeté par la SAS TOLERIE INDUSTRIELLE d'ACQUITAINE ( TIA ) le 9 octobre 2006,
Vu les dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2007 par la société appelante, qui demande de condamner la société LIMOUX DISTRIBUTION à payer la somme de 45 854,63 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2005 et celle de 7 500 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Soutenant que :
le tribunal n'a pas recherché si la cause du défaut d'acceptation de la société TIA était constitutif d'un abus, le débat ne se situant pas sur l'acceptation ou non de la société TIA en qualité de sous-traitant par le maître d'ouvrage mais sur le défaut d'acceptation constitutif d'un abus fautif et sur le paiement fautif du marché principal,elle a été présentée par CLIM'ALPES au maître d'ouvrage en qualité de sous-traitant mais le maître d'oeuvre ne l'a informé que le 25 janvier 2005 du refus d'acceptation,
elle n'a donc pas pu contester les termes de la lettre du 11 mai 2004 relative à la demande de complément du dossier visant la renonciation à tout recours, aucun refus n'ayant été formalisé,le refus d'agrément ne doit pas être abusif, ce qui est le cas en l'espèce dès lors que le maître d'ouvrage a entendu déroger aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 d'ordre public,le maître d'ouvrage connaissait la présence de TIA sur le marché au plus tard le 11 mai 2004, date du courrier de retour des demandes d'agrément, et aurait du s'assurer qu'elle était payée avant de procéder au règlement des situations présentées par l'entreprise principale,n'ayant jamais été réglée, il ne saurait y avoir 2 règlements à son profit, en outre il s'agit d'une demande sur un fondement délictuel en réparation d'un préjudice et non d'une facture, s'étant vue privée par abus de droit de la protection légale du sous-traitant,
Vu les dernières conclusions notifiées par la SA LIMOUX DISTRIBUTION en date du 3 octobre 2007 qui conclut à la confirmation du jugement et sollicite la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Aux motifs que :
pour que l'appelante puisse se prévaloir de la loi du 31 décembre 1975, il lui appartient de démontrer qu'elle a bénéficié de l'agrément du maître d'ouvrage en qualité de sous-traitant ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que le dossier était incomplet et n'a jamais été complété,il n'y a pas eu d'acceptation tacite,le coordinateur SPS n'a jamais été informé de la présence de TIA sur le chantier,le motif du refus adressé à CLIM'ALPES n'était pas lié à une absence d'acceptation de renonciation à tout recours mais au fait que le dossier était incomplet,TIA a été imprudente en engageant des travaux sans avoir obtenu l'agrément,
SUR CE :
Il est établi au regard des diverses situations de travaux produites aux débats que la société CLIM'ALPES a été bénéficiaire du lot no 15 « chauffage-plomberie » dans le cadre de l'extension du centre commercial LECLERC de LIMOUX.
Il est constant que le titulaire du lot a sous-traité une partie du marché et que des demandes d'agrément ont été déposées auprès du maître d'ouvrage. S'il apparaît au vu des situations de travaux que certains sous-traitants (SANITEL et WAROUDE) ont bénéficié d'une procédure de paiement direct pour avoir été acceptés par le maître d'ouvrage, tel n'a pas été le cas de la société TIA.
En effet aux termes du courrier adressé par la SARL ETUDES ET TECHNIQUE en date du 24 janvier 2005, il est clairement mentionné que le maître d'ouvrage et cette société ont refusé son dossier de sous-traitance, au motif que le dossier était incomplet par manque de document à savoir : « lettre de renonciation à tout recours auprès du maître d'ouvrage » conformément au modèle adressé à CLIM'ALPES avec le compte rendu de chantier.
Or la lettre de renonciation annexée au compte rendu de chantier no 1 mentionnait que l'entreprise sous-traitante déclarait être payée intégralement par l'entreprise principale et renonçait dès lors à tout recours de règlement auprès du maître d'oeuvre ou du maître d'Ouvrage en cas de litige avec l'entreprise Mandataire.
A l'évidence cette renonciation était totalement contraire aux dispositions d'ordre public de la loi 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Si la décision d'agrément relève du pouvoir discrétionnaire du maître d'ouvrage, encore faut il que ce dernier n'ait pas imposé au sous-traitant des conditions contractuelles d'acceptation de son contrat contraires aux dispositions légales, ce qui est le cas en l'espèce, et le refus résultant exclusivement de l'absence de signature par le sous-traitant d'un document lui faisant attester d'un paiement par l'entrepreneur principal de ses prestations alors que ce paiement n'était pas exécuté et d'une renonciation à recours à l'encontre du maître d'ouvrage consécutif à ce paiement est abusif.
L'abus de droit dans la procédure d'agrément est donc caractérisé. Il est constitutif d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil.
Le préjudice de la société TIA est établi dès lors qu'elle a été abusivement privée de la protection de la loi précitée qui permet le paiement direct par le maître d'ouvrage au sous-traitant, ce qui lui aurait permis d'éviter les impayés de la société CLIM'ALPES. Il est en lien de causalité directe avec la faute précitée du maître d'ouvrage.
En outre mais à titre superfétatoire, les pièces produites aux débats démontrent que la présence de la société TIA sur le chantier était connue de la maîtrise d'oeuvre et du maître d'ouvrage.
Il ressort en effet des termes du courrier adressé le 11 mai 2004 à la société CLIM'ALPES qu'il était demandé à CLIM'ALPES de faire viser la lettre de renonciation aux société EFC et TIA sous peine pour celles-ci de se voir interdire le travail sur ce chantier, ce qui peut laisser entendre que TIA avait déjà entamé le chantier à la connaissance du maître d'ouvrage. Cette mise en oeuvre est confirmée par le relevé de facturation établi par la société TIA démontrant que cette dernière avait déjà exécuté des travaux le 26 mai 2004 pour un montant conséquent de 19 389,76 euros, démontrant ainsi une présence effective sur ce chantier.
Aucune preuve n'est rapportée que la société TIA aurait sciemment cherché à cacher son intervention sur le chantier, l'absence de connaissance par la société AEF de l'agrément éventuel, l'absence de présentation de TIA par CLIM'ALPES et de manifestation de sa présence auprès de cette société ne constituant pas la preuve d'une volonté manifeste de TIA de cacher sa qualité d'entreprise autonome.
En outre le maître d'ouvrage ne pouvait ignorer l'absence de retour de la lettre de renonciation précitée et donc son absence d'acceptation, ce qui laisse penser qu'il devait être vigilant sur la poursuite du travail sur le chantier de sous-traitants non acceptés. Pour autant il n'a pas procédé à l'exécution de ses menaces d'interdiction de travail, étant observé en outre qu'il s'est gardé manifestement de prévenir la société TIA de cette interdiction d'accès en cas d'absence de signature de la lettre de renonciation.
Ce comportement est également fautif.
Pour l'ensemble des motifs qui précèdent il convient de condamner la SA LIMOUX DISTRIBUTION à payer la somme de 45 854,63 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant des impayés, étant précisé que le montant de ceux-ci n'est pas contesté.
Dès lors qu'elle aurait pu être payée par le maître d'ouvrage si ce dernier avait respecté la procédure d'agrément, il convient de faire droit à la demande au titre des intérêts.
L'équité commande d'allouer à la société TIA la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
EN LA FORME :
Déclare l'appel recevable,
AU FOND :
Réformant la décision déférée,
Condamne la SA LIMOUX DISTRIBUTION à payer à la SAS TOLERIE D'ACQUITAINE la somme de 45 854,43 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2005,
Condamne la SA LIMOUX DISTRIBUTION à payer à la SAS TOLERIE D'ACQUITAINE somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la SA LIMOUX DISTRIBUTION aux dépens, dont distraction au profit de la SCP AUCHE-HEDOU, Avoué, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.