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24/10/2007 | FRANCE | N°2078

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 24 octobre 2007, 2078


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale

ARRET DU 24 Octobre 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 00139

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 DECEMBRE 2006 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DECAZEVILLE No RG06 / 00055

APPELANT :

Monsieur Bernard X... ... 12200 VILLEFRANCHE DE ROUERGUE Représentant : Me Jean IGLESIS (avocat au barreau de TOULOUSE)

INTIMEE :
SA LES FROMENTIERS DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal FARROU-BP 113 12200 VILLEFRANCHE DE ROUERGUE Représentant : Me NOUGAROLIS de l

a SELARL AD VOCARE (avocats au barreau de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été déb...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale

ARRET DU 24 Octobre 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 00139

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 DECEMBRE 2006 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DECAZEVILLE No RG06 / 00055

APPELANT :

Monsieur Bernard X... ... 12200 VILLEFRANCHE DE ROUERGUE Représentant : Me Jean IGLESIS (avocat au barreau de TOULOUSE)

INTIMEE :
SA LES FROMENTIERS DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal FARROU-BP 113 12200 VILLEFRANCHE DE ROUERGUE Représentant : Me NOUGAROLIS de la SELARL AD VOCARE (avocats au barreau de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 SEPTEMBRE 2007, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président Madame Myriam GREGORI, Conseiller Madame Bernadette BERTHON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Sophie LE SQUER

ARRET :

-Contradictoire.
-prononcé publiquement le 24 OCTOBRE 2007 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.
-signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Mme Sophie LE SQUER, Greffier présent lors du prononcé.
* **

FAITS ET PROCEDURE
Lors d'une assemblée générale du 28 décembre 2001, les sociétés CONETRAGE et FOOD RESARCH CORPORATION ont intégré le capital de la Société MOLY PLUS, devenue la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE. Bernard X..., actionnaire majoritaire et président du Conseil d'administration de la société MOLY PLUS, a été nommé président du conseil de surveillance de la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE.
La SA LES FROMENTIERS DE FRANCE et Bernard X... ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 2002, en qualité de directeur de développement technique, industriel et produits, moyennant un salaire mensuel brut de 14. 833,29 euros sur 13 mois.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 septembre 2003, Bernard X... s'est vu notifier par la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE un licenciement dans les termes suivants :
« Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 26 septembre 2003, en application de l'article L. 122-14 du Code du travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement.
La date de la première présentation de cette lettre fixera donc le point de départ du préavis de 3 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité du 26 novembre 2003, à savoir :
Vous n'êtes pas sans savoir que vous vous êtes volontairement désengagé de la gestion courante des différentes sociétés du groupe Fromentiers de France, de vos différents mandats de Président du conseil de surveillance de Fromentiers de France, de Président Directeur Général de la société X..., de Président du Conseil d'Administration de la société SFM, de gérant des SARL SFPC, LE FOURNIL DU PETIT QUEVILLY, MOLYDIS et MOLYBAT, en date du 02 juillet 2003.
Compte tenu de votre retrait définitif du Groupe LES FROMENTIERS DE FRANCE et de votre implication totale dans vos sociétés dont LA PANETIERE, vous n'avez ni le temps, ni la possibilité matérielle de continuer à exercer vos compétences et vos responsabilités salariales au sein de la société LES FROMENTIERS DE FRANCE, de ses filiales et sous filiales ».
Suivant lettre recommandée avec avis de réception du 28 octobre 2005, la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE a convoqué Bernard X... à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 7 novembre 2005, et lui a notifié sa mise à pied conservatoire pour la durée de ladite procédure.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 novembre 2005, la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE a notifié à Bernard X... son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
« Par courrier en date du 28 octobre 2005, nous vous avons confirmé votre mise à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement, ceci, sans préjudice de l'analyse juridique que nous pourrions faire de la nature réelle de vos relations avec notre Entreprise ni renonciation à une action éventuelle en requalification de votre statut.
Vous vous êtes présenté, assisté de votre fils, Monsieur Guillaume X..., à cet entretien qui s'est déroulé avec Messieurs Hugues Z...et Pierre A..., le lundi 7 novembre 2005.
A la suite de cet entretien, après réflexion et examen de votre dossier, nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave en raison des faits et motifs suivants :
1. Participation à la création et au développement d'un réseau concurrent.
Il a récemment été porté à notre connaissance, puis confirmé, que vous avez profité de votre statut au sein de notre Entreprise et des moyens qu'elle pouvait mettre à votre disposition pour faciliter la création et le développement d'une société franchiseur « MAXOPAN DEVELOPPEMENT » et de son réseau de distribution à l'enseigne LOUIS et MADELEINE.
Vous avez été, par l'intermédiaire de vos sociétés, le fournisseur exclusif du franchiseur MAXOPAN DEVELOPPEMENT et de ses franchisés LOUIS et MADELEINE, sans voir daigné m'en tenir informé. Vous en êtes toujours le principal fournisseur.
De plus, vous avez, directement ou indirectement, notamment à travers des sociétés familiales dans lesquelles vous êtes associé et / ou gérant, cherché à favoriser le développement de ce réseau de distribution concurrent, et notamment à travers les SCI BLAGNAC V, SCI BERGERAC, SARL IDEES CADEAUX. Ces sociétés ont en effet proposé et fourni des locaux à des candidats à la franchise LOUIS et MADELEINE, ne disposant pas, pour certains, des fonds nécessaires à l'acquisition des murs ou du fonds de commerce.
Enfin, vous avez, directement ou indirectement, détourné des candidats à la franchise « L'EPI GAULOIS, FROMENTERIE, MAISON DES PAINS » développée par notre groupe, au profit du réseau franchisé LOUIS et MADELEINE développé par la Société MAXOPAN DEVELOPPEMENT, et element plus grave encore, au profit de votre propre réseau " LA PANETIERE AUX SAVEURS D'ANTAN ".
Cette captation des candidats a procédé de manoeuvres, notamment en vous assurant le concours de Monsieur B..., ancien responsable du développement de notre Groupe.
Malgré notre exposé, vous avez nié lors de l'entretien avoir facilité la creation et le développement de cette société concurrente.
2. Acquisition de lignes de production
Nous avons récemment pu apprendre que vous aviez, en vous gardant de nous en informer à un quelconque moment, acquis dans l'intérêt d'entreprises personnelles et / ou familiales, des lignes et du materiel de production.
Lors de l'entretien préalable, vous avez confirmé avoir fait des acquisitions en provenance de la société " LES DELICES DE LA TOUR ", contesté le caractère concurrentiel de ces acquisitions et considéré que vous n'aviez pas à nous en tenir informés.
Nous vous laissons la responsabilité d'une telle argumentation au regard de vos obligations de loyauté et des accords et conventions que vous avez conclus avec notre Entreprise.
3. Abus d'autorité à des fins personnelles.
Alors que vous aviez formellement déconseillé au cours du premier semestre de l'année 2004, l'acquisition d'un magasin situé sur la commune du Crès, près de Montpellier, présenté par notre Responsable du développement, Monsieur C..., nous avons pu apprendre que ce fonds de commerce est aujourd'hui exploité sous l'enseigne " LA PANETIERE AUX SAVEURS D'ANTAN ".

Vous avez ainsi usé de votre position au sein de notre Entreprise pour orienter ses choix stratégiques dans le sens de vos intérêts privés.

4. Agissements visant à destabiliser le réseau de points de vente.
Vous avez multiplié vos interventions, souvent de manière intempestive et déplacée, auprès des différents fonds de commerce exploités par notre Entreprise, sans en avoir informé préalablement la Direction.
Vous avez notamment établi des rapports de passage de manière partiale, et le plus souvent négative, abusant de votre autorité pour contraindre les salaries ou les responsables sur place à les signer.
Vous avez, en présence de la clientèle et du personnel en poste, dénigré la qualité de nos produits et contesté leur conformité en procédant à de véritables " mises en scène " pour, ensuite, prendre des photos afin de les annexer à vos rapports dans le but de compromettre le travail des équipes en place et de destabiliser le personnel.
Nous avons été saisis de ces faits et comportements par plusieurs de nos salariés qui ont dénoncé les méthodes que vous utilisiez et nous ont interrogé sur l'obligation que vous leur aviez imposé de signer vos rapports.
Ce comportement est aggravé par certaines de vos attitudes et de vos propos tenus au personnel feminine de nos unités de vente, le plus souvent, outrageants et parfois à connotation sexuelle.
Lors de l'entretien préalable, vous avez considéré qu'il relevait de votre rôle et de vos fonctions " d'engueuler " les salariés et qu'il n'était pas surprenant pour cette raison que ceux-ci vous en veuillent.
5. « Anomalies » sur vos demandes de remboursement de frais de déplacement.
Un audit des éléments comptables récemment effectué a mis en évidence un certain nombre d'anomalies sur la justification des remboursements de vos frais de déplacement.
Il apparaît notamment une discordance entre vos plannings et itinéraires et vos frais de repas et d'hôtels que vous y avez associés.
Lors de l'entretien préalable, vous nous avez précisé :
-qu'il était tout à fait possible de se déplacer sur Béziers et Montpellier et dormir à Toulouse,-que vous étiez d'accord pour que vos notes soient rectifiées si des anomalies étaient constatées et vous avez proposé que la balance puisse en être faite sur votre compte courant.

Il semble, qu'outre un défaut d'une élémentaire rigueur, vous ayez ici encore confondu vos fonctions au sein de notre Entreprise et votre qualité d'actionnaire, notamment en nous invitant à des régularisations de frais sur des comptes courants.
Cette confusion est confirmée par votre courrier du 15 septembre 2005 : « en tant qu'actionnaire de référence du Groupe, je tenais à vous confirmer par écrit mes propos. En résumé lors de multiples visites en magasins, je constate de manière récurrentes les faits suivants … en tant qu'actionnaire je trouve qu'il est inadmissible de laisser se dégrader un réseau à cette vitesse … il devient insupportable, en tant qu'actionnaire, de recevoir des remarques de consommateurs sur la mauvaise qualité des produits et la tenue des magasins ».

L'ensemble de ces faits caractérise, aussi bien un comportement gravement déloyal à l'égard de notre Groupe et des violations tout aussi graves de vos engagements et obligations, qu'un abus d'autorité inadmissible se traduisant par un comportement indigne à l'égard de notre personnel, le tout pour satisfaire vos intérêts personnels et / ou familiaux aux dépens de notre Entreprise.
Ces faits et comportements récemment constatés sont radicalement incompatibles avec la poursuite de vos fonctions au sein de notre Entreprise et rendent immédiatement impossible la poursuite de nos relations.
Par conséquent, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Vous cesserez de faire partie de notre effectif à compter de la première présentation de ce courrier par les Services postaux.
Nous vous précisons qu'en raison de la particulière gravité des faits qui nous ont été révélés et qui ont été rappelés ci-dessus, la période de mise à pied que nous vous avons notifiée se trouve confirmée et justifiée par la nécessité de protéger les intérêts de notre entreprise et ne sera pas, par voie de conséquence, rémunérée ».
Estimant avoir été engagé par la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE à compter du 10 janvier 2002, avoir été licencié sans cause réelle et sérieuse le 30 septembre 2003 et le 21 novembre 2005 ainsi que réclamant le paiement de diverses sommes, Bernard X... a saisi, le 16 décembre 2005, le Conseil de prud'hommes de Decazeville, lequel, suivant jugement du 04 décembre 2006, a :
– Pour la période couvrant la création de la société jusqu'à fin juin 2003 :-qualifié le contrat de travail signé le 10 janvier 2002 comme frappé de nullité,

-dit que le licenciement prononcé en septembre 2003 n'avait aucune raison d'être si ce n'est de satisfaire à une clause pour le moins surprenante-voire illicite-d'une convention de coopération commerciale signée le 2 juillet 2003 entre Bernard X... et la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE, qui stipulait qu'il serait licencié lors de l'entrée en vigueur de cette convention,-condamné Bernard X... à rembourser à la société les salaires indûment perçus de janvier 2002 à fin juin 2003, soit une somme de 266. 999,22 euros,-débouté Bernard X... de sa demande de remboursement de frais de déplacements, – Pour la période couvrant juillet 2003 à fin novembre 2005 :-considéré que Bernard X... s'est trouvé sous contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, – Sur le licenciement pour faute grave du 25 novembre 2005 :-dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,-condamné SA LES FROMENTIERS DE FRANCE à payer au salarié les sommes de :-14. 833,29 euros au titre du paiement du salaire dû pendant la période de mise à pied conservatoire,-1. 483,33 euros à titre d'indemnité de congés payés relatifs à cette période,-44. 499,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,-4. 449,99 euros à titre d'indemnité de congés payés sur cette somme,-3. 461 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-26. 013,80 euros au titre des frais de déplacements,-172. 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-débouté les parties de toutes leurs autres demandes,-partagé les éventuels dépens,

Bernard X... a, le 20 décembre 2006, régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Au principal, Bernard X... demande à la Cour de réformer le jugement déféré, de dire son licenciement, notifié le 30 septembre 2003, dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, de condamner la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE au paiement des sommes de 511. 748,50 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture, 133. 499,61 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 355. 898,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, il réclame, au titre de son licenciement du 21 novembre 2005, qu'il estime sans cause réelle et sérieuse, la condamnation de la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE à lui payer les sommes de 511. 748,50 euros à titre d'indemnité contractuelle de licenciement, 133. 499,61 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 355. 898,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 14. 833,29 euros au titre des salaires correspondant à la période de mise à pied conservatoire, 1. 483,32 euros au titre des congés payés sur les salaires inhérents à la mise à pied, 88. 999,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 8. 899,97 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.

Infiniment subsidiairement, il conclut à la condamnation de la société à lui payer la somme de 511. 748,50 euros au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement, due selon lui même en cas de licenciement pour faute grave.
En tout état de cause, considérant qu'un contrat de travail existe entre lui et la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE, antérieur au 10 janvier 2002, en toute hypothèse à compter de cette date, il sollicite le débouté de cette dernière de sa demande de restitution de salaire, sa condamnation au paiement de la somme de 26. 013,86 euros au titre des frais de déplacement exposés par lui dans l'intérêt de la société et de 11. 960 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient qu'avant la signature d'un contrat de travail écrit du 10 janvier 2002, qui définit précisément ses fonctions et que celles-ci s'exercent sous la subordination du directoire, il était déjà salarié de l'entreprise. Il considère ainsi que la charge de la preuve repose exclusivement sur l'employeur. Il précise sur l'action en nullité de l'employeur que l'absence de rapport spécial du commissaire aux comptes pour l'exercice 2002 et de mention lors de l'assemblée générale, validant le cumul entre ses fonctions de mandataire social et de salarié, ne peut avoir de conséquences sur l'existence du contrat de travail, qui obéit aux critères classiques du droit commun, ou priver d'effets les conventions. Il indique en outre que le cumul entre des fonctions de salarié et de président du conseil de surveillance est autorisé par la loi et que la société n'a subi aucun dommage de ce cumul, ce qui s'oppose également à l'action en nullité de l'employeur, au demeurant prescrite. Il considère ainsi que le contrat de travail écrit est valide et opposable à l'employeur.
Concernant les critères classiques du salariat, il estime qu'il va effectivement exercer les tâches prévues dans son contrat, matérialisées par des visites techniques effectuées au sein des magasins du groupe, qui ne se confondent pas avec ses fonctions de président du conseil de surveillance. Il allègue que ces fonctions ont été exercées dans un lien de subordination, indiquant à ce titre qu'il n'était pas actionnaire majoritaire, qu'il n'aura été président du conseil de surveillance que de la fin de l'année 2001 au 9 juillet 2003 puis membre à partir du 23 septembre 2004, et n'avait ainsi aucun pouvoir de décision.

Enfin, il ajoute qu'il ne percevait pas de rémunération en sa qualité de Président du Conseil de surveillance, de sorte qu'aucune rémunération distincte n'est à rechercher. Il considère ainsi qu'il était bien lié à la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE par un contrat de travail et qu'en tout état de cause, cette dernière ne remplit pas les conditions de l'action en répétition de l'indu afin de solliciter la restitution des salaires perçus.

Sur le licenciement du 30 septembre 2003, il prétend que les reproches formulés sont vagues, imprécis et ne concernent en aucune manière l'exercice du contrat de travail, ce qui équivaut à une absence de motif, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.S'agissant du licenciement du 21 novembre 2005, il estime que les griefs ne sont ni réels, ni sérieux
La SA LES FROMENTIERS DE FRANCE demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré nul le contrat du 10 janvier 2002 et l'inexistence d'une relation salariale jusqu'au 30 juin 2003, en conséquence, en ce qu'il a également condamné Bernard X... à rembourser les salaires indus pour cette période pour un montant de 266. 999 euros.
Pour le surplus, il conclut à la réformation du jugement déféré, à dire que la relation salariale est nulle du 30 juin 2003 au 21 novembre 2005, en conséquence, au débouté de Bernard X... de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation de Bernard X... à lui rembourser les sommes de 719. 891,56 euros au titre des salaires indûment perçus de janvier 2002 au 21 novembre 2005, 33. 000 euros au titre des remboursements de frais indus et injustifiés sur la même période, 15. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, aux entiers dépens, ainsi qu'à la constatation que nonobstant l'exécution provisoire de plein droit assortissant les condamnations mises à la charge de Bernard X... par le Conseil de prud'hommes, celui-ci ne s'est nullement acquitté. En tout état de cause, elle demande à ce que la Cour juge que la rupture pour faute grave du 21 novembre 2005 est justifiée et déboute Bernard X... de ses demandes faites à ce titre, ajoutant, qu'en toute hypothèse, le licenciement de 2003 emporte cessation des effets des clauses du contrat du 10 janvier 2002 et, qu'au surplus, l'indemnité contractuelle de rupture, qui, constituant une clause pénale, doit, en raison de son caractère excessif, ne peut être accordée ou réduite dans une très large mesure.
Elle fait valoir que le contrat de travail invoqué par Bernard X... est nul et de nul effet, compte tenu de la position majoritaire de la famille X... dans le capital, des mandats sociaux qu'elle détenait et donc du fait qu'elle concentrait tous les pouvoirs de direction ainsi que le fait que ledit contrat constituerait une convention réglementée qui n'a pas été prise dans les formes et règles prescrites par la loi, l'autorisation spéciale et préalable des actionnaires, ce qui corrobore le fait que le contrat de travail a été imposé.
Elle ajoute que Bernard X... s'est lui-même fait délivrer des bulletins de salaire, à compter du 1er janvier 2004, et qu'il ne caractérise pas l'existence d'une relation subordonnée et n'établit pas la réalité et l'effectivité des fonctions revendiquées, qu'elle estime inexistantes, celui-ci étant uniquement intervenu en qualité de dirigeant. Elle précise à ce titre que les rapports fournis sont de pures circonstances dans un but de déstabilisation et que les déplacements ont été effectués pour son propre compte personnel afin de développer un réseau de distribution concurrent. Elle considère ainsi que la relation de travail est fictive.
Au titre du licenciement du 30 septembre 2003, elle allègue que les reproches ne concernent que l'exécution d'un mandat social et non d'un contrat de travail. Elle ajoute que Bernard X... a poursuivi la relation salariale et a donc clairement et incontestablement manifesté sans équivoque sa volonté de poursuivre ladite relation, rendant ainsi la mesure de licenciement non avenue et les sommes demandées par Bernard X... injustifiées. Elle précise en outre que les conditions particulières du contrat de 2002 ont pris fin.
A propos du licenciement du 21 novembre 2005, elle fait valoir que les griefs, la participation à la création et au développement d'un réseau de distribution concurrent, sans l'informer, l'acquisition ou la tentative d'acquisition, sans information préalable et dans le but de concurrencer les activités de la société et du groupe, ses abus d'autorité caractérisés ayant abouti à son enrichissement personnel et de son groupe, ses agissements, en particulier des dénigrements des produits devant la clientèle, des rapports systématiquement négatifs contraires à la réalité ou des harcèlements des employés, ses écarts de langage et propos outrageants, visant à déstabiliser gravement le réseau des points de vente ainsi que le détournement à son profit des moyens de la société, les frais de déplacements, pour servir ses intérêts, justifient une rupture pour faute grave. Elle précise toutefois que ces griefs caractérisent des manquements imputables au mandataire social, dirigeant et actionnaire majoritaire et que la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement ne constitue pas une reconnaissance implicite de l'existence d'un contrat de travail mais était nécessaire, compte tenu de l'existence de la relation salariale formelle que Bernard X... s'était octroyée.
Pour plus ample exposé, la Cour renvoie expressément aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE,

Sur l'existence d'une relation salariale :
En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
La charge de la preuve de la co-existence d'un contrat de travail et d'un mandat social revient en principe à celui qui s'en prévaut c'est-à-dire au mandataire. Toutefois, lorsque le contrat de travail était antérieur à la nomination comme mandataire social, il incombe à la partie qui soutient qu'il a été mis fin au contrat de travail par la nomination du salarié à des fonctions de mandataire social d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Bernard X... était salarié de la société MOLY PLUS avant qu'elle ne change de dénomination sociale pour devenir la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE fin 2001 avec l'augmentation du capital et l'accueil de deux sociétés dans son capital. En outre, un contrat de travail écrit a été conclu entre Bernard X... et la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE, à compter du 10 janvier 2002, pour des fonctions techniques précises, directeur de développement technique, et distinctes de ses fonctions de président du conseil de surveillance, auquel Bernard X... avait été nommé.L'exercice de ces fonctions est corroboré par les bulletins de salaire reçus par Bernard X... entre 2002 et 2005 ainsi que par un procès-verbal des délibérations d'assemblée générale, du 23 septembre 2004, un contrat de collaboration commerciale du 02 juillet 2003, rappelant que Bernard X... bénéficie d'un contrat de travail. De plus, ce dernier produit diverses attestations de salariés et d'anciens salariés, qui remplissent les conditions requises par l'article 202 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi que des rapports de visite et des déplacements, confirmant l'exercice de tâches distinctes subordonnées.
La SA LES FROMENTIERS DE FRANCE, à qui incombe la charge de prouver le caractère fictif du contrat de travail, a procédé au licenciement de Bernard X... à deux reprises, démontrant qu'elle estimait qu'elle était liée à ce dernier par un contrat de travail. En outre, la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE fait valoir que le contrat de travail serait nul en raison du non respect des dispositions du Code de commerce prévoyant une autorisation spéciale et préalable des actionnaires. Toutefois, le cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social auprès du conseil de surveillance est autorisé et n'est pas subordonné au respect de ces dispositions.L'argument de la société tiré du fait que Bernard X... a usé de sa position d'actionnaire majoritaire pour imposer son contrat de travail et se délivrer lui-même des bulletins de salaire ne saurait prospérer dans la mesure où Bernard X... ne faisait pas partie du directoire et n'a jamais été actionnaire majoritaire. La SA LES FROMENTIERS DE FRANCE n'apporte aucun autre élément probant démontrant le caractère fictif du contrat de travail, notamment que les tâches exercées par Bernard X... correspondaient à celles de son mandat social ou qu'il ne se trouvait pas dans un état de subordination. En conséquence, il y a lieu de considérer que Bernard X... était lié à la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE par un contrat de travail à compter du 10 janvier 2002.

Sur le licenciement du 30 septembre 2003 :

Dès lors qu'un salarié a effectivement repris ses fonctions avec maintien de son ancienneté, il a accepté de tenir son licenciement pour sans effet. En acceptant d'être réintégré, il ne peut donc plus se prévaloir du caractère injustifié du licenciement.
En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que Bernard X... et la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE ont poursuivi leur relation salariale, après la mesure de licenciement du 30 septembre 2003 dont le préavis prenait fin le 30 décembre, comme en atteste les bulletins de salaires de Bernard X... pour les années 2004 et 2005, faisant état d'un emploi aux mêmes fonctions et avec la même ancienneté, ainsi que des procès verbaux de l'assemblée générale de la société, notamment du 23 septembre 2004, qui indique que le contrat de travail continue.
En conséquence, le licenciement du 30 septembre 2003 doit être déclaré sans effet et Bernard X... sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes faites à ce titre. En outre, la conséquence de la réintégration se traduisant par le maintien des avantages acquis, la relation salariale doit être considérée comme poursuivie aux mêmes conditions et avantages, notamment contenus dans le contrat du 10 janvier 2002.
Compte tenu de la reconnaissance d'un contrat de travail entre la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE et Bernard X..., à compter du 10 janvier 2002, et de l'absence d'effet du licenciement du 30 septembre 2003, la demande formulée par l'employeur au titre du remboursement des salaires perçus du mois de janvier 2002 au 21 novembre 2005 sera rejetée.
Sur les frais de déplacements :
Bernard X... sollicite le remboursement de frais de déplacements pour la période de février à août 2005.
S'il produit des agendas de ces déplacements et diverses factures, notamment de trajets, d'hôtelleries et de restaurations, il ne démontre pas que lesdits déplacements et frais ont tous été effectués dans le cadre des tâches et des instructions relevant de son contrat de travail, et ce alors même que dans le même temps qu'il exécutait ledit contrat, il était mandataire social et actionnaire et pouvait ainsi être amené à se déplacer également dans le cadre de ses fonctions. Il sera donc alloué à Bernard X... à titre forfaitaire la seule somme de 14. 000 euros.
Par contre, concernant la demande de remboursement de frais de déplacements pour la période de janvier 2002 au 21 novembre 2005 de la SA LES FORMENTIERS DE FRANCE, eu égard à l'existence du contrat de travail, qui a été ci-dessus reconnu, et à l'absence d'éléments de nature à justifier que Bernard X... aurait perçu des frais de déplacements injustifiés, le débouté s'impose.
Sur le licenciement du 21 novembre 2005 :
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave.
En l'état, concernant les griefs de participation à la création et au développement d'un réseau concurrent et d'acquisition de lignes de production, les pièces fournies par les parties sont insuffisantes pour démontrer la véracité et le sérieux desdits griefs.S'agissant des anomalies sur les demandes de frais de déplacements également reprochées à Bernard X..., une partie des prétentions du salarié étant justifiée, ce grief ne saurait également être retenu.
Par contre, il ressort de nombreuses attestations versées par la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE, non utilement contredites par Bernard X..., que ce dernier a, à de nombreuses reprises, par des propos déplacés, des critiques négatives, des déplacements ou des dégradations de produits, fortement perturbé et déstabilisé le fonctionnement de certains établissements du groupe, ce qui, eu égard à la persistance de son comportement et à la nature de ses fonctions, directeur de développement technique, industriel et produits, empêchait bien la poursuite du contrat de travail et s'avère suffisant pour caractériser sa faute grave.
Le jugement déféré sera donc réformé sur ce point et Bernard X... débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.
Sur l'indemnité contractuelle de licenciement :
Lorsque le licenciement est motivé par la faute grave du salarié, le salarié ne peut prétendre à une indemnité de licenciement, légale, conventionnelle ou contractuelle, à moins de dispositions spécifiques plus favorables. Aussi est licite la clause d'un contrat de travail accordant au salarié l'indemnité de licenciement prévue au contrat même en cas de faute grave.
Cette indemnité, en n'ayant pas pour objet la sanction d'une faute du salarié, mais visant au contraire la sanction en cas d'une rupture du contrat à l'initiative de l'employeur, ne saurait recevoir la qualification de clause pénale et ainsi pouvoir être réduite en raison de son caractère manifestement excessif.

En outre, le contrat de travail, en vertu du principe général de faveur, peut parfaitement accorder au salarié des avantages supérieurs à ceux prévus par la loi ou les conventions collectives. Il résulte de cette analyse que l'indemnité contractuelle de licenciement telle que prévue dans le contrat de travail du 10 janvier 2002, due même en cas de faute grave, doit être accordée à Bernard X....

Selon le contrat de travail, le montant de cette indemnité est équivalent à un mois et demi de rémunération brute par année d'ancienneté. Ledit contrat faisant état d'une reprise d'ancienneté au 1er janvier 1980, l'ancienneté de Bernard X... au moment de la rupture de son contrat, le 21 novembre 2005, était de plus de 25 ans. Il lui est donc dû une indemnité contractuelle de rupture de 511. 748,50 euros.
Sur les demandes annexes :
Eu égard à la solution du litige, il est inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles exposés par lui dans le cadre de l'instance. La SA LES FROMENTIERS DE FRANCE sera donc condamnée à payer à Bernard X... la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, tant pour les frais de première instance que pour ceux d'appel.
La SA LES FROMENTIERS DE FRANCE qui succombe en partie au litige sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et tenue aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,
En la forme, reçoit l'appel de Bernard X...,
Au fond, infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau :
Dit que Bernard X... et la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE étaient liés par un contrat de travail à compter du 10 janvier 2002,
Dit que le licenciement du 30 septembre 2003 est sans effet,
Dit que le licenciement du 21 novembre 2005 est fondé sur une faute grave,

Condamne la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE à payer à Bernard X... les sommes de :-511. 748,50 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture,

-14. 000 euros à titre des frais de déplacements pour la période de février à août 2005 évalués forfaitairement,
-1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne la SA LES FROMENTIERS DE FRANCE aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 2078
Date de la décision : 24/10/2007
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Decazeville, 04 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2007-10-24;2078 ?
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