ARRET DU 20 FEVRIER 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 05 / 05239
Décisions déférées à la Cour : Jugements du 24 août 2001 du TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER N° RG 98 / 7758 du 19 février 2003 du TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER N° RG 98 / 7758 du 21 SEPTEMBRE 2005 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER N° RG 98 / 7758
APPELANTE :
SA CREDIT LYONNAIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis 18 rue de la République 69002 LYON 02 représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour assistée de la SCP NOUGARET-TOUR-POMES, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur Paul X... ...34000 MONTPELLIER représenté par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour assisté de la SCP CALAUDI-RAMAHANDRIARIVELO, avocats au barreau de MONTPELLIER
Madame Marie Claude X... ...34000 MONTPELLIER représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour assisté de la SCP CALAUDI-RAMAHANDRIARIVELO, avocats au barreau de MONTPELLIER
Madame Dominique Y... veuve X... Jean-Louis, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de Julie X... ...... 34380 ST MARTIN DE LONDRES représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour assisté de la SCP CALAUDI-RAMAHANDRIARIVELO, avocats au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Nicolas X... ...34000 MONTPELLIER représenté par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour assisté de la SCP CALAUDI-RAMAHANDRIARIVELO, avocats au barreau de MONTPELLIER
Mademoiselle Julie X..., représentée par son administrateur légal Mme Dominique Y... ...... 34380 ST MARTIN DE LONDRES représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour assisté de la SCP CALAUDI-RAMAHANDRIARIVELO, avocats au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 Janvier 2007
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 JANVIER 2007, en audience publique, Mr Guy SCHMITT, magistrat chargé de la mise en état, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
M. Guy SCHMITT, Président Madame Annie PLANTARD, Conseiller Mme Noële-France DEBUISSY, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Colette ROBIN
ARRET :
- contradictoire.
- prononcé publiquement par M. Guy SCHMITT, Président.
- signé par M. Guy SCHMITT, Président, et par Melle Colette ROBIN, Greffier présent lors du prononcé.
A la suite du décès de Marcel X... le 12 octobre 1993, Paul X..., Marie Claude X..., ses enfants, ainsi que Dominique Y..., veuve Jean-Louis Carrière, Nicolas X..., et Julie X..., ces trois derniers héritiers, de Jean-Louis X..., son troisième enfant, agissant en qualité de nus-propriétaires, ont, par acte du 24 août 1998, assigné le Crédit Lyonnais en responsabilité, pour des manquements à ses obligations dans la reddition des comptes, et de respect d'affectation des fonds, ainsi qu'en paiement, des sommes de 1 425 448, 17 francs en réparation du préjudice financier, et de celle de 200 000 francs à titre de dommages intérêts.
Le tribunal de commerce de Montpellier, saisi d'une exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance de Montpellier, l'a rejeté, par un jugement du 23 juin 1999, confirmé par arrêt de la cour du 4 janvier 2000. Par la suite, le crédit Lyonnais a soulevé des fins de non recevoir, tirées de la règle una via electa, du défaut de qualité des demandeurs à agir, en l'absence de madame veuve A..., usufruitière. Par jugement du 24 août 2001, le tribunal a rejeté ces fins de non recevoir et exceptions, renvoyant l'affaire à une audience ultérieure.
Par jugement du 19 février 2003, le tribunal considérant qu'il ne disposait pas des éléments suffisants pour statuer, en l'état du non lieu prononcé par le juge d'instruction, sur la plainte déposée par Marie-Claude X... et Paul X... visant des faits qualifiés d'abus de confiance et d'escroquerie, et de l'expertise confiée à monsieur B..., par le juge d'instruction, mais non opposable au Crédit Lyonnais a ordonné une expertise confiée à monsieur B..., pour rechercher si les différents comptes et placements ouverts au nom de monsieur ou madame, Marcel X..., ont présenté des anomalies. A la suite du dépôt du rapport, le 9 janvier 2004, le tribunal de commerce a statué au fond par jugement du 21 septembre 2005, rejetant l'exception de péremption d'instance, soulevée par le Crédit Lyonnais, et condamnant le Crédit Lyonnais à payer aux consorts X..., les sommes de :-4 321, 93 euros en réparation des droits de succession payés à torts, avec intérêts légaux à compter du 1er juillet 1994.-29 658, 04 euros, au titre de la déperdition du capital à la suite de prélèvements sur les comptes à termes et PEP, avec intérêts légaux à compter du 24 décembre 1993, date des opérations litigieuses-de 941, 13 euros, outre intérêts légaux, à compter du 1er janvier 1991, date des prélèvements d'assurances erronés-762, 25 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par déclaration du 26 octobre 2005, le Crédit Lyonnais a relevé appel des décisions du 24 août 2001, du 19 février 2003, et 21 septembre 2005.
Par des écritures du 29 décembre 2006, le Crédit Lyonnais, actuellement dénommé LCL, conclut à :- la péremption de l'instance, en l'absence de diligences interruptives, entre le jugement du 19 février 2003, et le 27 juillet 2005, date de l'audience.- la réformation du jugement du 24 août 2001, et à l'irrecevabilité de l'action, tant sur le fondement de la règle « una via electa », qui empêchait les consorts X..., de saisir la juridiction civile, après avoir saisi le juge pénal de l'action civile, sans s'être désistés de celle-ci, que de leur défaut de qualité à agir, du fait qu'ils ne représentent pas la totalité de l'indivision, en l'absence de madame X..., l'usufruitière.- l'infirmation du jugement du 19 février 2003, qui a désigné le même expert que celui nommé par le juge d'instruction, et, ce, de manière inutile.- l'infirmation du jugement du 21 septembre 2005, et au débouté des consorts X..., en faisant valoir ne pas être responsable du prélèvement de primes d'assurances, accessoire du contrat de prêt immobilier, du 13 novembre 1998, au-delà du soixante dixième anniversaire du défunt, alors qu'il appartenait au client de révoquer l'ordre de prélèvement automatique ; ne pas être responsable de la surévaluation de la déclaration de succession établie par le notaire, dès lors, que celui-ci est l'auteur de l'erreur, ni de la souscription par madame X... d'une assurance vie à l'aide de fonds placés sur un compte joint.- la condamnation des consorts X... à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages intérêts, et 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les consorts X..., réfutent tous les moyens soulevés par les appelants et concluent à la confirmation, par des écritures du 18 décembre 2006, ainsi qu'à l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts et de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en faisant valoir :- que la règle una via electa, n'interdit pas à la victime qui a porté son action devant le juge répressif, de porter son action au civil, qu'il n'y a pas identité entre les deux actions, qu'enfin, le non lieu a rendu possible l'exercice de l'action civile.- que l'absence de madame X... dans l'instance ne porte pas atteinte à la faculté d'agir de l'indivision, en ce que l'usufruitière ne fait pas partie de l'indivision-que l'instance n'est pas périmée, en raison de son interruption par les dires adressés à l'expert-sur le fond, que des primes d'assurance ont été prélevées indument par le Crédit Lyonnais, après le soixante dixième anniversaire de Marcel X... ; que des droits de succession ont été payés à tort, du fait du Crédit Lyonnais, qui a fourni au notaire une information erronée sur le montant d'un compte à terme que leur capital a été déprécié, du fait de mouvements sur les comptes postérieurs au décès.
SUR QUOI
Sur l'appel du jugement du 24 août 2001 rejetant les exceptions et fins de non recevoir soulevées par le Crédit Lyonnais
Attendu que Paul X... et Marie-Claude X..., ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre le Crédit Lyonnais, pour abus de confiance et escroquerie, qui a fait l'objet d'un non lieu, faute de charges suffisantes, par ordonnance du 29 septembre 1997. En conséquence, les parties civiles pouvaient porter l'affaire devant le juge civil, sans se heurter à un empêchement d'ordre procédural, tiré de l'article 5 du code de procédure pénale, qui interdit seulement à la victime qui a saisi la juridiction civile, de la porter devant la juridiction répressive.
Attendu que les nus propriétaires et l'usufruitière étant titulaires de droits différents, sont indépendants les uns des autres, et l'usufruitière ne fait pas partie de l'indivision, de sorte que le Crédit Lyonnais soulève à tort, la fin de non recevoir tirée de l'absence de madame X... aux débats.
Attendu que cette décision, qui en a décidé ainsi, sera confirmée.
Sur l'arrêt du 19 février 2003, qui a ordonné une expertise confiée à monsieur B...
Attendu que les premiers juges s'estimant insuffisamment éclairés, et observant que l'expertise précédemment confiée à monsieur B... par le juge d'instruction, n'était pas établie de manière contradictoire à l'égard du Crédit Lyonnais, a procédé à une nouvelle désignation de cet expert. Le Crédit Lyonnais se borne à faire valoir qu'il a relevé appel de cette décision, en raison du rejet des exceptions qu'il avait soulevées. Cet argument est inopérant à la critiquer, et à obtenir sa réformation.
Sur l'appel du jugement du 21 septembre 2005
Attendu sur la péremption, que depuis le jugement du 19 février 2003, ordonnant l'expertise, les consorts X..., ont adressé plusieurs dires à l'expert, le 24 mars 2003, 11 juin 2003 et 24 octobre 2003, contrairement au Crédit Lyonnais qui a attendu le 31 décembre 2003, pour se manifester auprès de l'expert. Ces interventions, qui manifestent le souci des parties de poursuivre l'instance en faisant avancer les opérations d'expertise, et donc l'instance, en fournissant les pièces et explications nécessaires aux investigations de l'expert, ont interrompu le délai de péremption, et la décision des premiers juges qui ont rejeté cette exception, doit être confirmée.
Attendu sur le fond, que le prêt immobilier souscrit par Marcel X... suivant une offre du 29 septembre 1988, était assorti d'une assurance décès invalidité, qui cessait le 1er janvier suivant le soixante dixième anniversaire de l'assuré, survenu en 1990 ; que cependant, les primes ont continué à être prélevées sur le compte de Marcel X.... S'il est exact que les prélèvements dépendaient de la volonté de l'emprunteur, il n'en demeure pas moins que le Crédit Lyonnais n'a pas tenu compte de cette donnée dans l'établissement du tableau d'amortissement, qui inclut le montant de la prime d'assurance jusqu'au 13 septembre 1992, et déterminait le montant des prélèvements automatiques mis en place. Il a donc commis une faute, qui est source de préjudice du fait d'un prélèvement indu, de la somme de 143, 47 euros, calculée par l'expert, et retenue avec raison par les premiers juges.
Attendu que la déclaration de succession mentionne un montant de compte à terme, de 479 330, 55 francs, alors qu'il s'élevait au jour du décès à 321 830, 55 francs. Le Crédit Lyonnais, bien que sollicité par le notaire pour indiquer le montant des avoirs du défunt, n'a pas communiqué l'information et le notaire a mentionné dans la déclaration de succession, un montant en fonction du montant initial du compte. Quel que soit le manque de prudence du notaire, le Crédit Lyonnais se trouve à l'origine de cette erreur, en ayant omis de fournir l'état de ce compte. C'est donc avec raison que les premiers juges ont accordé aux consorts X...l'indemnisation de leur préjudice lié aux droits de succession qu'ils ont payés à tort sur cette somme, s'élevant à 4 321, 93 euros calculée par l'expert.
Attendu que postérieurement au décès, madame X... a souscrit, le 7 janvier 1994, une assurance vie d'un montant de 1 000 000 francs, avec des fonds dépendant de la succession de Marcel X..., et donc appartenant aux héritiers. Selon l'expert, ce placement a entraîné des frais s'élevant à 45 000 francs, au départ, et à la fin du contrat, huit ans plus tard, le capital ne s'élevait plus qu'à 836 740 francs.
Attendu que cette perte constatée aujourd'hui, ne peut être retenue à titre de préjudice subi par les héritiers. En vertu de l'article 587 du code civil l'usufruitière dispose du droit de faire usage du capital, à charge pour elle de rendre la même valeur à la fin de l'usufruit. Il est donc prématuré d'invoquer ce préjudice, et par voie de conséquence, de rechercher si le Crédit Lyonnais a commis une faute, en ne demandant pas l'autorisation des nus propriétaires pour permettre à l'usufruitière d'effectuer ces opérations. La demande en paiement de la somme de 29 658, 04 euros, à ce titre, doit être rejetée, par voie de réformation de la décision entreprise sur ce point.
Attendu que la demande de dommages intérêts formée par le Crédit Lyonnais est infondée. Le Crédit Lyonnais, succombant sur une grande partie de son appel, doit supporter une partie des dépens, à hauteur de moitié. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme les jugements du 24 août 2001, et 19 février 2003 ;
Réforme le jugement du 21 septembre 2005 du chef de la condamnation au paiement de la somme de 29 658, 04 euros ;
Déboute les consorts X... de cette demande d'indemnisation tenant à la dépréciation du capital ;
Confirme ce jugement pour le surplus ;
Dit n'y avoir lieu ni à dommages intérêts ni à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Fait masse des dépens, et dit qu'ils seront supportés pour moitié par l'appelant, et pour moitié par les intimés, et qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.