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15/09/2004 | FRANCE | N°04/00413

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 15 septembre 2004, 04/00413


R.G : 04/00413 Conseil de prud'hommes beziers 26 janvier 2004 Encadrement X... C/ ASSEDIC LANGUEDOC ROUSSILLON COUR D'APPEL DE MONTPELLIER - CHAMBRE SOCIALE - ARRET DU 15/09/2004 FAITS ET PROCEDURE Monsieur Jean-Claude X... a été embauché par l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY en 1976 en qualité de chef de service éducatif, puis d'adjoint technique. Délégué du personnel depuis le 1er avril 1991, Monsieur X... a fait l'objet d'une première mise en oeuvre de procédure de licenciement, qui n'a pas été autorisée par l'Inspection du travail, par décision du 23 janvier 1992

. Après autorisation délivrée par l'Inspection du travail le ...

R.G : 04/00413 Conseil de prud'hommes beziers 26 janvier 2004 Encadrement X... C/ ASSEDIC LANGUEDOC ROUSSILLON COUR D'APPEL DE MONTPELLIER - CHAMBRE SOCIALE - ARRET DU 15/09/2004 FAITS ET PROCEDURE Monsieur Jean-Claude X... a été embauché par l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY en 1976 en qualité de chef de service éducatif, puis d'adjoint technique. Délégué du personnel depuis le 1er avril 1991, Monsieur X... a fait l'objet d'une première mise en oeuvre de procédure de licenciement, qui n'a pas été autorisée par l'Inspection du travail, par décision du 23 janvier 1992. Après autorisation délivrée par l'Inspection du travail le 16 juin 1993, Monsieur X... a fait l'objet d'une mesure de licenciement pour faute grave en date du 28 juin 1993 pour les motifs suivants: "Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave. En effet, le mardi 20 avril 1993, vous avez frappé d'une gifle et d'un coup de pied un travailleur handicapé accueilli dans notre établissement ; qui plus est en présence de deux autres personnes handicapées, et ce au seul motif qu'il aurait dit qu'une machine avait été cassée par votre fils. Ces faits extrêmement graves, et a fortiori de la part d'un cadre, ont été confirmés par trois témoins, deux personnes handicapées et un membre du personnel, devant huissier. Ils l'ont encore été dans le cadre de l'enquête contradictoire de Monsieur l'Inspecteur du Travail ainsi qu'il ressort de sa décision en date du 16 juin." Cette mesure a été contestée par Monsieur X... dans une lettre du 20 juillet 1993, ce dernier ayant également déposé une main courante auprès des services de la police en date du 20 avril 1993, suivie d'une plainte auprès du Procureur de la République en date du 6 juillet 1993. Par jugement du 5 mars 1997, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé l'autorisation administrative de licenciement. Par arrêt du 26 septembre 2000, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté

l'appel formé par l'employeur, au motif que l'Inspecteur du travail s'était livré à une appréciation erronée des circonstances de l'espèce, de nature à entacher d'illégalité sa décision du 16 juin 1993 et à justifier son annulation. Par arrêt du 20 octobre 2001, le Conseil d'Etat a déclaré non admis le pourvoi de l'employeur. Le 10 juillet 1997, fort de la décision du Tribunal administratif du 5 mars 1997, Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'Hommes de Béziers pour obtenir diverses indemnités et dommages-intérêts en réparation de la rupture de son contrat de travail. Par jugement du 20 avril 1998, le Conseil de Prud'hommes précité a ordonné le sursis à statuer en l'état de la procédure administrative en cours et de la plainte déposée le 16 octobre 1997 par l'ancien employeur du chef d'atteinte à l'intimité de la vie privée et fondée sur la découverte, le 6 juillet 1995, d'un système dissimulé d'écoutes téléphoniques installé par Monsieur X.... Par arrêt du 7 mars 2002, la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Montpellier a condamné Monsieur X... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 6.000 euros d'amende pour atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui. Par arrêt du 5 novembre 2002, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a cassé sans renvoi l'arrêt de la Cour d'appel. Le 3 décembre 2002, Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'Hommes de Béziers pour obtenir la requalification de son licenciement ainsi que diverses indemnités afférentes à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail. Par jugement du 26 janvier 2004, le Conseil de Prud'Hommes a considéré que le licenciement dont Monsieur X... avait fait l'objet était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné le CAT THIERRY ALBOUY à payer à son ancien salarié les sommes de: - 64.966,36 euros à titre d'indemnité pour le préjudice subi, - 11.212,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de quatre mois de préavis, - 1.121,23 euros au titre des congés payés sur préavis, -

33.600,37 euros à titre d'indemnité de licenciement, - 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur X... a relevé appel de cette décision le 27 février 2004 et l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY a fait de même le 10 mars 2004. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Par conclusions écrites et réitérées oralement à l'audience, Monsieur X... fait valoir au soutien de son recours que l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement par l'Inspection du travail étant acquise, et ne demandant pas à être réintégré, il doit être indemnisé à raison d'une part, du préjudice résultant de l'annulation et d'autre part, de l'absence de faute grave ou de cause réelle et sérieuse du licenciement. Il sollicite en conséquence la réformation du jugement sauf en ce qui concerne les condamnations au paiement des indemnités de rupture, ainsi que la condamnation de son ancien employeur à lui verser les sommes de : - 129.453,35 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi résultant de l'annulation de l'autorisation de licenciement et de la perte du mandat de représentant du personnel, - 152.449,02 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. En réplique et par appel incident, l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY, par conclusions écrites également réitérées oralement à l'audience, réclame le rejet des prétentions adverses, la déduction sur les sommes allouées en première instance des indemnités ASSEDIC perçues par Monsieur X..., de l'éventuelle indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement qui pourraient lui être accordées, outre la condamnation de son ancien salarié à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ASSEDIC LANGUEDOC ROUSSILLON, par conclusions écrites également réitérées oralement à l'audience,

réclame, pour le cas où la Cour réformerait le jugement considérant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 9.344,19 euros représentant 6 mois d'allocations chômage versées. SUR CE, LA COUR, Sur l'indemnisation pour violation du statut protecteur Attendu que l'annulation par le juge administratif d'une autorisation de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement emporte pour le salarié, et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'en l'espèce, Monsieur X... n'a pas usé de son droit à réintégration. Attendu que lorsque l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement est devenue définitive, le salarié a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il l'a demandée dans le délai de deux mois ou l'expiration de ce délai dans le cas contraire. Attendu que cette annulation est réputée définitive lorsqu'elle n'a pas fait l'objet d'un recours dans les deux mois ou, dans le cas contraire, lorsque la Cour administrative d'appel a rejeté l'appel dirigé contre le jugement d'annulation ; qu'en l'espèce, le 26 septembre 2000, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par l'employeur contre le jugement du Tribunal administratif de Montpellier, en date du 5 mars 1997, qui avait annulé ladite autorisation ; que le pourvoi formé par l'employeur contre cette décision n'a pas été admis par le Conseil d'Etat. Attendu par ailleurs que c'est le jugement d'annulation du tribunal administratif qui emporte droit à réintégration, quelles que soient les actions suivantes ; qu'en conséquence, Monsieur X... n'ayant pas usé de son droit à réintégration, et l'employeur n'ayant pas obtenu de sursis à exécution, son indemnisation doit couvrir la période

comprise entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du jugement d'annulation, soit entre le 28 juin 1993 et le 5 mai 1997. Attendu que cette indemnisation doit être appréciée compte tenu des sommes que le salarié a pu percevoir au cours de la procédure ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a perçu des allocations de chômages versées par l'ASSEDIC. Que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la somme de 423.007 francs versée par l'ASSEDIC devait être déduite du total des salaires auxquels Monsieur X... aurait pu prétendre, soit 849.158,38 francs, et qu'en conséquence, l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY devait être condamnée à verser à son ancien salarié une somme de 426.151,38 F (64.966,36 euros) à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur ; que leur décision sera confirmée sur ce point. Sur le licenciement Attendu que le salarié, qui a bénéficié de l'indemnisation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement, peut prétendre en outre au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour en bénéficier, ainsi qu'au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Attendu qu'une faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié et dont l'importance est telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur d'établir de façon certaine la réalité des griefs invoqués et de fournir les éléments permettant de déterminer leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement. Que les termes de la lettre de rupture fixent les limites du litige. Attendu qu'en l'espèce, la lettre de rupture évoque uniquement l'agression physique qu'aurait perpétrée Monsieur X... à l'encontre

d'un subordonné handicapé le 20 avril 1993. Attendu à cet égard que l'Association Biterroise CENTRE THIERRY ALBOUY se borne à produire aux débats, pour justifier de la réalité des faits imputés à faute à M. X..., la copie d'une sommation interpellative réalisée par voie d'huissier le 23 avril 1993 à la demande de l'employeur à l'effet d'entendre la victime ainsi que les témoins. Attendu cependant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les huissiers de justice peuvent, à la requête de particuliers, procéder à des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; qu'il en résulte qu'étant exclusivement habilités à effectuer des constatations matérielles, les huissiers de justice ne peuvent recueillir des témoignages qu'aux seules fins d'éclairer leurs constatations matérielles. Attendu en conséquence que le procès-verbal ainsi produit aux débats ne peut valoir moyen de preuve et doit être écarté des débats. Que l'employeur étant dès lors défaillant dans l'administration de la preuve qui lui incombe, il y a lieu, par réformation du jugement déféré, de dire que le licenciement de M. X... est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ; que celui-ci peut dès lors prétendre au paiement outre des indemnités de rupture allouées par les premiers juges, de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail. Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse Attendu que M. X... avait, au jour du licenciement, une ancienneté de 17 ans ; qu'il était âgé de 55 ans et percevait une rémunération mensuelle brute de 2.803,08 Euros. Qu'il lui sera alloué à titre de juste indemnisation de ses préjudices, toutes causes confondues, la somme de 67.000 Euros. Qu'il sera en outre fait droit à la demande de l'ASSEDIC sur le fondement des dispositions de l'article L.122-14-4, alinéa 2 du Code du travail. Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que l'Association Biterroise CENTRE THIERRY ALBOUY, tenue aux dépens, ne peut prétendre à l'allocation d'une quelconque somme sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Qu'il sera fait application de ce texte au profit de M. X... à hauteur de 1.000 Euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel. PAR CES MOTIFS, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel principal formé par Monsieur Jean-Claude X... et l'appel incident formé par l'Association Biterroise CENTRE THIERRY ALBOUY recevables, Au fond, confirme le jugement déféré du chef des sommes allouées. Y ajoutant, condamne l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY à payer à M. X... la somme de 67.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ordonne le remboursement par l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY des indemnités de chômage versées par l'ASSEDIC dans la limite de six mois de salaire. Condamne l'ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY aux dépens éventuels d'appel et à payer à M. X... la somme de 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER.

LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 04/00413
Date de la décision : 15/09/2004
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Preuve

La copie d'une sommation interpellative à des fins d'audition de la victime et de témoins ne peut suffir à établir la réalité des faits d'agression sur un subordonné reprochés au salarié, dès lors que l'huissier qui procède à ce procès verbal outrepasse ce faisant les missions qui lui sont imparties par l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Dès lors, le licenciement du salarié n'est pas fondé sur une cause réelle et sé- rieuse et le salarié a droit à l'indemnité prévue par l'article L122-14-4 du Code du travail


Références :

Code du travail, L122-14-4 Ordonnance du 2 novembre 1945, article 1er

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2004-09-15;04.00413 ?
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