FAITS PROCEDURE
Monsieur X... a été embauché verbalement par la société CHLOROPHIL ,en qualité d'ouvrier forestier, à compter du 19 août 1987.
Le 13 juillet 2001, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable en vue du licenciement, lequel lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 août 2001, ainsi motivée :
etlt;etlt;Suite à l'entretien préalable du 27 juillet 2001, nous sommes au regret de vous signifier par la présente lettre, votre licenciement pour motif économique.
Les raisons de ce licenciement sont les suivantes :
-Perte d'un gros client équivalent à 20 % environ du chiffre d'affaire et représentant beaucoup de travail pour les manuels.
-Très peu de chantiers qui comprennent du travail pour des ouvriers manuels sont lancés en appels d'offre et très peu de réponses positives reçues.
-Ces faits ont généré une baisse importante du chiffre d'affaire entraînant de très grosses difficultés financières qui nous mettent dans l'impossibilité de maintenir les postes d'ouvriers manuels.
Nous avons recherché une possibilité de vous affecter à un autre poste, malheureusement et compte tenu de la faiblesse de notre structure, aucun poste n'est à pourvoir ou à créer.
Le préavis de deux mois qui court à compter de la réception de la présente lettre se terminera donc le 8 octobre 2001.
Dès la fin du préavis, nous tiendrons à votre disposition à notre bureau, votre certificat de travail et votre reçu pour solde de tout compte.
En raison de la nature économique de votre licenciement, vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage pendant un an à compter de la date de la notification, soit le 13 juillet 2002, ce droit ne deviendra toutefois effectif que si vous nous faites part dans un délai de 4 mois, à compter de cette date, de votre souhait d'user de cette priorité.etgt;etgt;
Contestant son licenciement et réclamant diverses sommes, tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER, lequel, par jugement du 2 octobre 2003, et après avoir ordonné une enquête, a statué ainsi :
etlt;etlt;Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse;
-que le rappel de salaire fondé sur la qualification de chef d'équipe est sans fondement établi par Monsieur WILLIAM X...,
-que ses autres demandes doivent être rejetées car non étayées par des éléments susceptibles de démontrer que des heures supplémentaires n'ont pas été payées, pas plus que la preuve de spécialisation s'avère fondée.
Déboute Monsieur X... de ses autres demandes y compris celle fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
Dit n'y avoir lieu à attribution de dommages intérêts à la société CHLOROPHIL pour procédure abusive;
Condamne la partie demanderesse à payer la somme de 400 euros à la société CHLOROPHIL au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
Condamne Monsieur William X... aux entiers dépens.etgt;etgt;
Monsieur X... a interjeté appel.
MOYENS PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur X... demande à la Cour de
etlt;etlt; Réformer la décision déférée dans son intégralité
Dire et juger le licenciement de Monsieur X... dénué de cause réelle et sérieuse
Condamner la société CHLOROPHIL à verser à Monsieur X... les sommes suivantes :
[*13 525,25 euros à titre de rappel de salaire en application de la convention collective outre 1352,52 euros à titre de congés payés afférents
*]8152,78 euros au titre de la prime de spécialisation outre 815,27 euros à titre de congés payés afférents
[*6057,03 euros au titre des heures supplémentaires réalisées à l'occasion du transport du personnel et du matériel sur les chantiers outre 605,70 euros à titre de congés payés afférents
*]8484, 72 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ( article L.324-9 à 15 et R.324-1 à 7 du Code du Travail)
[*22867,35 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
*]1067,14 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.etgt;etgt;
Il fait valoir que la lettre de licenciement n'est pas suffisamment motivée et que l'obligation de reclassement a été méconnue.
Il réclame, en outre, des rappels de salaires au coefficient 160, une prime de spécialisation, le paiement d'heures supplémentaires non réglées et il invoque l'existence d'un travail dissimulé.
La société CHLOROPHIL demande à la Cour de
- confirmer le jugement
-condamner l'appelant à payer la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'intimée soutient que les difficultés économiques étaient réelles et sérieuses et qu'elle a dû licencier Monsieur X... .Elle s'oppose aux prétentions salariales de celui-ci et expose qu'il a été rémunéré sur la base du coefficient auquel il pouvait prétendre. Elle conteste devoir des heures supplémentaires et produit, selon elle, les relevés horaires le démontrant. Elle affirme enfin qu'il n'avait aucune spécialisation et ne pouvait donc prétendre à la prime s'y rapportant.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le rappel de salaires
Monsieur X... revendique le coefficient 160 de la nouvelle convention collective régionale des entreprises de travaux agricoles ruraux et forestiers du LANGUEDOC ROUSSILLON.
Ladite convention collective, dont la SARL intimée reconnaît l'applicabilité, situe le coefficient 160 au niveau 4 comme correspondant aux fonctions d'ouvrier hautement qualifié, pouvant éventuellement être chef d'équipe, lesquelles sont ainsi définies :
etlt;etlt;employé ayant reçu des prérogatives du chef d'entreprise ou du chef de chantier, et chargé d'appliquer les directives reçues, de répartir le travail et veiller à sa bonne exécution.etgt;etgt;
Si aucun contrat de travail écrit n'est produit, en revanche, Monsieur X... verse aux débats, tout d'abord, une lettre de son employeur, du 10 mars 1993, le confirmant dans les fonctions d'ouvrier forestier hautement qualifié.
Il résulte, ensuite, des attestations produites aux débats par Monsieur X..., et émanant d'anciens salariés de l'entreprise, que Monsieur X... était chargé de conduire les ouvriers sur les chantiers et de les diriger lors des travaux auxquels il participait
également, les témoins VEBERT et MAZADE le désignant de façon concordante comme étant le responsable des chantiers.
Ces témoignages sont corroborés, en premier lieu, par des fiches d'intervention entre la SARL CHLOROPHIL et ses clients, sur lesquelles Monsieur X... est désigné comme étant le responsable de l'intervention pour le compte de l'employeur ; en second lieu, par le carnet de liaison détenu par Monsieur X... et qui démontre bien que Monsieur X... était chargé de faire exécuter les consignes de l'employeur; et en troisième lieu, par le fait que l'employeur désignait Monsieur X... pour assurer la formation pratique des stagiaires sur les chantiers. Enfin, tout au long de la relation contractuelle, qui a duré plusieurs années, l'employeur a toujours mentionné sur les bulletins de salaires la qualification de etlt;etlt; chef d'équipeetgt;etgt; ou etlt;etlt;d'ouvrier hautement qualifiéetgt;etgt;.
Ni le rapport d'enquête des conseillers prud'hommes, ni les attestations produites aux débats par l'employeur, ne sont de nature à remettre en cause la force probante des éléments matériels versés aux débats par le salarié au soutien de sa réclamation.
Il convient, dès lors, de constater que Monsieur X..., qui a été nommé dès 1993 aux fonctions d'ouvrier hautement qualifié qu'il a exercées effectivement, peut prétendre au coefficient conventionnel 160 s'y rapportant.
Monsieur X... a produit des décomptes pour la période 1996 à 2001 et qui sont exacts La SARL CHLOROPHIL, qui n'oppose pas que les calculs ainsi effectués par Monsieur X... seraient erronés, et qui ne propose, fut-ce à titre subsidiaire, aucun décompte qui serait contraire à la réclamation chiffrée de Monsieur X..., sera dès lors condamnée sur la base du coefficient 160 à payer la somme de 13525,25 euros outre les congés payés.
Sur la prime de spécialisation
L'article 19 de la convention collective stipule que :
etlt;etlt;Bénéficient d'une prime de spécialisation professionnelle, les salariés non cadres du niveau II - échelon II et au-delà, appelés à effectuer dans l'entreprise des travaux correspondant à leur spécialisation et titulaire en dehors de leur qualification normale d'un certificat sanctionnant un stage de formation professionnelle ( diéséliste, hydraulique, tournage, usage de mines......).
Le montant de cette prime sera fixé à + 3% du salaire de base.
Cette augmentation ne pourra être attribuée qu'une seule fois dans son coefficient.
Cet avantage est accordé, non par une modification du coefficient, mais sous la forme d'une prime mensuelle.etgt;etgt;
Monsieur X... produit aux débats des certificats de stage ( risques électriques et leur prévention; formation élagage et qualification ). Ces certificats correspondent bien aux travaux forestiers et d'élagage que Monsieur X... effectuait. L'employeur, pour s'opposer au paiement de la prime de spécialisation, ne peut sérieusement faire valoir que le salarié utilisait une nacelle élévatrice, alors que, quelque soit l'outil utilisé, les travaux d'élagage correspondent bien à une spécialisation que l'employeur feint de confondre avec des travaux de etlt;etlt;débroussaillage en hauteur etgt;etgt;. Il ne peut davantage rejeter les certificats de stage produits aux débats en ajoutant à la convention collective une condition de durée non prévue par celle-ci.
Le décompte du salarié, calculé conformément à la convention collective, est exact, en sorte que la SARL CHLOROPHIL sera condamnée à lui payer la somme de 8152,78 euros outre les congés payés s'y rapportant.
Sur les heures supplémentaires
L'employeur produit aux débats les carnets de chantiers, 1996 à 2001, signés par Monsieur X..., et portant la durée du travail effectuée. Il ne résulte ni de ces documents, ni des attestations produites aux débats par Monsieur X..., d'une part, que l'ensemble du temps effectif de travail n'aurait pas été rémunéré par l'employeur, et d'autre part, que Monsieur X..., qui conduisait les ouvriers sur les chantiers, aurait été tenu de passer, chaque jour travaillé, à l'entreprise pour y prendre le camion et les outils et pour les y laisser, le soir.
Dès lors, la Cour, estime, au vu des éléments fournis de part et d'autre, que la demande d'heures supplémentaires n'est pas fondée.
Sur le licenciement
Dès lors que l'employeur, dans la lettre de licenciement, s'est borné à énonceretlt;etlt; l'impossibilité de maintenir les postes d'ouvriers manuels etgt;etgt; sans préciser que le poste de Monsieur X... était modifié ou supprimé, le licenciement de Monsieur X... est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts
Au jour de la rupture, l'entreprise comptait moins de 11 salariés et Monsieur X... avait une ancienneté de plus de 13 ans . Sons salaire brut, sur la base de son coefficient 160, aurait dû être de 1414euros. Monsieur X... est né en 1953. Il a été classé travailleur handicapé en catégorie B pour une durée de 5 ans à compter du 1er décembre 2002. Ces éléments, ajoutés aux circonstances de la rupture, amènent la Cour à condamner la SARL CHLOROPHIL à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
L'équité commande d'allouer la somme de 1000 euros à l'appelant.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Reçoit Monsieur X... en son appel,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X... de ses demandes afférentes aux heures supplémentaires et au travail dissimulé,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que Monsieur X... bénéficiait du coefficient 160,
Dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL CHLOROPHIL à lui payer les sommes de :
[*13 525, 25 euros au titre du rappel de salaire sur coefficient
*]1352,52 euros au titre des congés payés s'y rapportant
[*8152,78 euros au titre de la prime de spécialisation
*]815,27 euros au titre des congés payés s'y rapportant,
[*15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
*]1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la SARL CHLOROPHIL aux dépens.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT