FAITS ET PROCEDURE Térésa Y... a été embauchée par la S.A.R.L. LA PROVENCE en qualité de vendeuse, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps complet de huit mois, à compter du 1er mars 2002, pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, moyennant un salaire mensuel brut de 965 euros.Par lettre remise en main propre, en date du 21 mai 2002, la S.A.R.L. LA PROVENCE a convoqué Térésa Y... à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 23 mai 2002, avec mise à pied à titre conservatoire pour la durée de la procédure.Par lettre recommandée avec avis de réception, en date du 27 mai 2002, la S.A.R.L. LA PROVENCE a notifié à Térésa Y... la rupture de son contrat de travail pour faute lourde dans les termes suivants :" Nous vous rappelons que vous avez fait l'objet d'une mise à pied le 21 mai 2002 et ce suite à une intrusion de votre part dans la société dans la nuit du jeudi 2 mai, sans donner aucune explication à ce sujet alors que vous avez été vue ce soir-là. Or, pendant la période, de la marchandise disparaissait du magasin Considérant ce fait comme préjudiciable pour la société, vous avez été convoquée le jeudi 23 mai 2002 aux fins d'un entretien dont les motifs de ce dernier vous ont été rappelés verbalement.A l'issue de cet entretien et devant l'absence de réponse à nos questions, nous vous notifions votre licenciement pour faute lourde aux motifs suivants : -Ouverture du magasin tard dans la nuit sans aucune explication de votre part. -Disparition de marchandises. -Perte de confiance, résultant de cette situation. Au regard de ces motifs vous comprendrez bien qu'il ne nous soit pas possible de procéder à votre réintégration au sein de notre société. "Contestant la rupture de son contrat de travail et réclamant le paiement de diverses sommes, Térésa Y..., a saisi le
Conseil de prud'hommes de Montpellier, lequel, suivant jugement du 17 septembre 2003, a : -requalifié le licenciement de Térésa Y... en licenciement pour faute grave, -débouté Térésa Y... de l'ensemble de ses demandes comme non justifiées et non fondées, -débouté Térésa Y... et la S.A.R.L. LA PROVENCE de leur demande en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, -laissé les éventuels dépens de l'instance à la charge de Térésa Y.... Térésa Y... a régulièrement relevé appel du jugement. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Térésa Y... demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de dire que la rupture anticipée de son contrat de travail est injustifiée et abusive, de débouter la S.A.R.L. LA PROVENCE de ses demandes, et de la condamner en conséquence à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée (salaires bruts dus jusqu'au 31 octobre 2002), 800 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat, 800 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, 250 euros à titre d'indemnisation de la mise à pied conservatoire, 330 euros au titre de dix jours de salaires impayées, du 01 au 10 mai 2002, ainsi qu'aux entiers dépens.Elle soutient que la chronologie des faits, l'écart entre le jour où l'employeur a été informé d'un comportement rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et le jour du prononcé de la mesure, exclut l'existence d'une faute grave. Elle précise en effet qu'une faute ne sera pas considérée comme grave lorsque l'employeur laisse le salarié exécuter sa prestation de travail pendant plusieurs jours après avoir eu connaissance de la faute commise. Elle fait également valoir de graves inexactitudes et incertitudes portant sur les faits reprochés, ainsi que l'absence totale de preuve rapportée par l'employeur sur les griefs les plus graves. Elle considère ainsi que la rupture de son contrat de travail
est injustifiée et abusive. La S.A.R.L. LA PROVENCE demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Térésa Y... de toutes ses demandes, et de la condamner à payer à la S.A.R.L. LA PROVENCE la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.Elle admet que le terme de faute lourde est impropre, mais fait valoir que les griefs reprochés à Térésa Y... constituent en leur ensemble une faute grave de même que dans leur individualité. Elle précise à ce titre que la preuve de la réalité de la présence de la salariée au magasin durant la nuit du 02 au 03 mai 2002 est rapportée. DISCUSSION ET DECISION Sur la rupture du contrat de travail : Attendu que l'article L.122-3-8 du Code du Travail dispose que sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme, qu'en cas de faute grave ou de force majeure ; Que la méconnaissance par l'employeur de ces dispositions ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat ; Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ;Attendu que la faute lourde est celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; Attendu qu'en l'espèce, la lettre de rupture du contrat de travail à durée déterminée de Térésa Y... pour faute lourde, qui fixe les limites du litige, fait état des griefs d'ouverture du magasin tard dans la nuit sans aucune explication de la part de la salariée, de disparition de marchandises, et de perte de confiance, résultant de cette situation ;Attendu que la perte de
confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement; qu'il convient en conséquence d'écarter ce motif ;Attendu qu'en ce qui concerne la disparition de marchandises, l'employeur ne produit aux débats aucun élément démontrant des disparitions de marchandises dans son magasin, et que Térésa Y... puisse en être à l'origine ; Attendu qu'en ce qui concerne l'ouverture du magasin tard dans la nuit le 02 mai 2002, l'employeur verse aux débats une attestation de Michel X... qui déclare avoir surpris dans la nuit du 2 au 3 mai 2002 Térésa Y... dans le magasin entre 23 heures et minuit ;Attendu que la salariée prétend que l'employeur fait référence à la nuit du 1er au 2 mai 2002, et justifie par des attestations son impossible présence dans le magasin ce soir là ;Mais attendu qu'il ressort de la lettre de licenciement que les faits reprochés à Térésa Y... d'ouverture du magasin sont datés au jeudi 2 mai 2002, et donc à la nuit du 02 au 03 mai 2002 ; Mais attendu également que la seule ouverture du magasin dans la nuit par Térésa Y... ne peut constituer un motif suffisamment sérieux pour caractériser une faute grave ; Qu'au surplus, la seule attestation versée aux débats par l'employeur à l'appui de ce grief n'est pas suffisante pour en démontrer la réalité ; Qu'en conséquence, par réformation du jugement entrepris, il convient de dire la rupture du contrat de Térésa Y... non justifiée par une faute grave, et condamner la société à payer à Térésa Y... la somme de 4 825 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 122-3-8 du Code du travail ; Sur l'indemnité de fin de contrat : Attendu que l'article L 122-3-4 du Code du Travail institue une indemnité de précarité au bénéfice des salariés recrutés sous un contrat à durée déterminée destinée à compenser la précarité de leur situation, d'un montant de 10% des rémunérations globales brutes dues au salarié ;Attendu que l'article D. 121-3 du Code du travail dispose
qu'en cas d'application du 2ème alinéa de l'article L. 122-3-8 l'indemnité prévue par l'article L. 122-3-4 du Code du travail est calculée sur la base de la rémunération déjà perçue et de celle que le salarié aurait perçue jusqu'au terme du contrat ;Qu'en conséquence, il convient de condamner la S.A.R.L. LA PROVENCE à payer à Térésa Y... la somme de 772 euros brut à ce titre ;Sur l'indemnité compensatrice de congés payés et le rappel de salaire du 1er au 10 mai 2002 :Attendu qu'il ressort du bulletin de salaire de Térésa Y... de mai 2002 que celle-ci a été remplie de ses droits sur ces points ;Que le jugement déféré sera donc confirmé ;Sur la mise à pied à titre conservatoire :Attendu qu'en l'espèce, la rupture du contrat de Térésa Y... n'étant pas justifié par une faute grave, il convient de condamner l'employeur au paiement de la rémunération afférente à la période de mise à pied, soit du 22 mai 2002 au 31 mai 2002, date de la réception de la lettre de licenciement, ce qui correspond à la somme de 250 euros ; Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : Attendu qu'aucune considération d'équité n'impose qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la demande de la S.A.R.L. LA PROVENCE sera rejetée sur ce point ;Et attendu que Térésa Y... ne formule aucune demande à ce titre PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré, En la forme, reçoit l'appel de Térésa Y..., Au fond, réforme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Térésa Y... de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et sur le rappel de salaire du 1er au 10 mai 2002 ; Statuant à nouveau Dit que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Térésa Y... est abusive ;Condamne la S.A.R.L. LA PROVENCE à payer à Térésa Y... les sommes de : -4 825 euros à titre de dommages-intérêts en
application de l'article L. 122-3-8 du Code du travail, -772 euros brut à titre d'indemnité de précarité -250 euros à titre d'indemnisation de la mise à pied à titre conservatoire Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la S.A.R.L. LA PROVENCE aux éventuels dépens. LE GREFFIER
LE PRESIDENTCD./DP