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03/03/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944149

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 03 mars 2004, JURITEXT000006944149


FAITS PROCEDURE

La société AUZET a eu recours aux services de Mademoiselle X... à compter du 2 mars 2001 dans le cadre de contrats de mission temporaire (intérim) en qualité de secrétaire-standardiste.

Le 22 juin 2001, la société AUZET l'a embauchée suivant contrat à durée indéterminée, prenant effet le 1 er juillet 2001, en qualité de secrétaire-réceptionniste-standardiste ( indice III C-coefficient 245 ) pour un salaire brut mensuel de 1455,40 euros et 169 heures de travail.

A compter du 1er janvier 2002, l'employeur a appliqué la règle des 35 heures a

vec maintien de l'horaire hebdomadaire de 39 heures ainsi que de la rémunération ma...

FAITS PROCEDURE

La société AUZET a eu recours aux services de Mademoiselle X... à compter du 2 mars 2001 dans le cadre de contrats de mission temporaire (intérim) en qualité de secrétaire-standardiste.

Le 22 juin 2001, la société AUZET l'a embauchée suivant contrat à durée indéterminée, prenant effet le 1 er juillet 2001, en qualité de secrétaire-réceptionniste-standardiste ( indice III C-coefficient 245 ) pour un salaire brut mensuel de 1455,40 euros et 169 heures de travail.

A compter du 1er janvier 2002, l'employeur a appliqué la règle des 35 heures avec maintien de l'horaire hebdomadaire de 39 heures ainsi que de la rémunération mais avec attribution de 23 jours de RTT.

Le 10 septembre 2002, l'employeur lui a notifié un avertissement pour abandon de poste du même jour. La salariée a contesté par écrit cet avertissement que l'employeur a maintenu.

Le 16 septembre 2002, l'employeur lui a notifié un second avertissement lui reprochant des négligences dans la réalisation d'un répertoire informatique et dans la disparition du support papier.

Invoquant l'existence d'un harcèlement moral, la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER, le 10 octobre 2002, aux fins d'imputer la rupture du contrat à l'employeur et le faire condamner pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A compter du 2 novembre 2002, la salarié a été en arrêt de travail pour maladie.

Par jugement du 10 novembre 2003, le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER a statué dans les termes suivants :

etlt;etlt;- Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de la SAS AUZET et est fixée à la date du prononcé du présent jugement soit le 18 novembre 2003.

-Condamne la SAS AUZET prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mademoiselle Anne-Marie X... :

* le paiement des salaires dus jusqu'à cette date.

*2910, 80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

*291,08 euros au titre de congés payés sur préavis.

* l'indemnité conventionnelle de licenciement selon l'article 9.2 de la Convention Collective Nationale de l'Aéraulique depuis le 2 mars 2001 jusqu'au 18 janvier 2004 ainsi que le préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés due.

*18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

-Ordonne la délivrance par la SAS AUZET à Mademoiselle Anne-Marie X... des bulletins de salaire, de l'attestation ASSEDIC, et du

certificat de travail conformes au présent jugement.

-Le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la notification du présent jugement.

-Ordonne l'exécution provisoire sur les salaires, les congés payés et le préavis.

-Ordonne la communication du dossier au Parquet en application de l'article 40 du Code de Procédure Pénale.

-Condamne la SAS AUZET prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mademoiselle ANNE-Marie X... 600 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

-Déboute la SAS AUZET de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

-Met les entiers dépens de l'instance à la charge de la SAS AUZET.etgt;etgt;

La SAS AUZET a interjeté appel.

MOYENS PRETENTIONS DES PARTIES

La SAS AUZET demande à la Cour de :

- infirmer le jugement;

-débouter Mademoiselle X... de toutes ses demandes;

-la condamner à payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle reproche au jugement de ne pas avoir caractérisé les faits de harcèlement moral dont la salariée l'accuse. Reprenant les faits et expliquant leur contexte, elle conteste avoir commis des actes de harcèlement.

Mademoiselle X... demande à la Cour de :

etlt;etlt; Résilier le contrat de travail aux torts de l'employeur,

Le condamner au paiement des sommes suivantes exprimées en brutes pour celles ayant une nature salariale :-indemnité compensatrice de préavis....................2.910,80euros brut-indemnité compensatrice de préavis sur congés.....291,08euros brutpayés

-indemnité conventionnelle de licenciement selonl'article 9.2 de la convention collective nationale...397,73 euros netde l'aéraulique

-indemnité compensatrice de congés payés due au jour de la date définitive d'une décision de justicedommages et intérêts..................................................18.000,00 euros toute cause de préjudice confondu

S'entendre condamner à la remise à la concluante des documents conformes : bulletins de salaires et attestation destinée à l'ASSEDIC, certificat de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir.

Assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal outre

capitalisation en application de l'article 1154 du Code Civil, depuis la date de l'introduction de l'instance et jusqu'à complet.

Ordonne la communication du dossier au parquet en application de l'article 40 du Code de Procédure Pénale.

S'entendre condamner au paiement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.etgt;etgt;

A l'audience, l'intimée a déclaré renoncer à sa demande (non chiffrée) d'indemnité compensatrice de congés payés.

Reprenant, à son tour le déroulement des faits, l'intimée invoque l'existence d'un harcèlement moral. Elle renvoie aux multiples attestations qu'elle a versées aux débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

En l'espèce, il résulte, d'une part, des attestations très précises et concordantes entre elles, émanant d'anciens salariés de l'entreprise, ( BRASSEUR, SEDAN, JEAN, MARFEUIL), que Monsieur AUZET, Président Directeur Général de la société, avait mis volontairement Mademoiselle X... à l'écart, en lui retirant ses attributions de secrétaire-réceptionniste-standardiste, en l'enlevant de son poste habituel de travail pour l'affecter dans un bureau d'archives minuscule de 3 m2, sans téléphone, sans mission apparente bien précise, l'avait contrainte à balayer, passer l'aspirateur, voire nettoyer les WC, lui avait adressé plusieurs fois des paroles

blessantes, humiliantes et insultantes, lui avait adressé régulièrement des reproches sans fondement, la convoquant dans son bureau sous n'importe quel prétexte, Mademoiselle X... en ressortant alors en pleurs. Ces faits, dont certains avaient été commis courant et fin 2001, s'étaient poursuivis après janvier 2002.

Il est, d'autre part, démontré que :

* l'avertissement du 10 septembre 2002, pour abandon de poste, était particulièrement abusif, l'employeur ayant en réalité sanctionné Mademoiselle X... au seul motif qu'elle était allée réconforter quelques instants une salariée ( Mademoiselle Y...) en proie à une crise de nerf suite à un incident avec Monsieur AUZET

* l'avertissement du 16 octobre 2002, pour négligences, repose sur des faits dont l'imputabilité à Mademoiselle X... n'est pas démontrée, et que l'employeur a feint de découvrir subitement. Cette sanction s'analyse dans le contexte tel que rappelé précédemment, en des représailles de l'employeur, comme le démontrent également les notes adressées par lui postérieurement à la saisine du Conseil de Prud'hommes demandant à la salariée d'exécuter des travaux sans délais.

* Mademoiselle X... avait été la seule salariée à ne pas recevoir, en fin d'année 2002, les bons d'achats remis à tout le personnel par l'employeur à l'occasion des fêtes de fin d'année.

Les attestations contraires produites par l'employeur émanent de salariés toujours tenus par un lien de subordination juridique ( CHAILLEY-VERMILLARD). Au demeurant, ces deux attestations, ainsi que celle émanant d'une consultante en ressources humaines ( Madame

COURANI) ne démontrent aucunement le caractère mensonger ou inexact des éléments matériels cités par Mademoiselle X...

Les deux constats d'huissier de justice produits aux débats par l'employeur et datés du 27 novembre 2002, visant à démontrer les bonnes conditions de travail, sont sans portée significative. En effet, ils sont intervenus à la requête de l'employeur postérieurement aux faits visés par Mademoiselle X... et à la saisine du Conseil de Prud'hommes par celle-ci. En tout état de cause, ils ne démontrent pas le caractère mensonger ou inexact des témoignages apportés par Mademoiselle X...

Dès lors, il est démontré que l'employeur, en privant Mademoiselle X... de son outil de travail, en l'affectant dans des tâches secondaires voire humiliantes, en l'isolant dans un local réduit et non adapté à ses fonctions contractuelles, en se livrant à des pressions verbales ou psychologiques, en la discriminant et en la sanctionnant pour des motifs non sérieux, a bien commis, en 2002 et plus précisément après le 17 janvier 2002, des actes répétés qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité et d'altérer sa santé physique ou mentale, la salariée produisant des certificats médicaux d'un psychiatre démontrant l'existence d'un etlt;etlt;état anxio-dépressif réactionneletgt;etgt;.

Pour ces motifs, il y a lieu de dire que l'employeur a bien commis des actes de harcèlement moral au sens de l'article L.122-49 du Code du Travail et que la rupture du contrat de travail, que la Cour fixera au jour du jugement du 18 novembre 2003, lui est imputable.

Sur les dommages et intérêts

Au jour de la rupture du contrat, la salariée avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés. Son salaire brut était de 1455,40 euros. Elle est née en 1968. La nature des faits commis par l'employeur, leur répétition et les conséquences particulièrement dommageables pour la dignité et la santé de la salariée justifient pleinement l'allocation de dommages et intérêts à concurrence de 18 000 euros.

Sur les indemnités de rupture

Les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, ont été exactement calculées, le jugement sera donc confirmé.

L'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à la somme de 397,73 euros.

Sur les rappels de salaires

En condamnant l'employeur à payer des salaires jusqu'au 18 novembre 2003 alors que Mademoiselle X... n'avait présenté aucune demande de ce chef, les premiers juges ont statué au-delà de ce qui leur était demandé. En cause d'appel, aucune demande de ce chef n'est présentée. Il convient dès lors de reformer le jugement.

Sur les autres dispositions

Les autres dispositions du jugement méritent confirmation.

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

L'équité commande d'allouer 1000 euros à Mademoiselle X...

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Reçoit la SAS AUZET en son appel principal,

Reçoit Mademoiselle X... en son appel incident,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné la SA AUZET à payer les salaires,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la dite société à payer à Mademoiselle X... la somme de 397,73 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que celle de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne ladite société à rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités de chômage qui seront, le cas échéant, versées à la salariée dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne ladite société aux dépens.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944149
Date de la décision : 03/03/2004
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Harcèlement - Harcèlement moral - Existence - Applications diverses - /

LL'employeur, en privant le salarié de son outil de travail, en l'affectant à des tâches secondaires voire humiliantes, en l'isolant dans un local réduit et non adapté à ses fonctions contractuelles, en se livrant à des pressions verbales ou psychologiques, en le discriminant et en le sanctionnant pour des motifs non sérieux, commet des actes répétés qui ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et d'altérer sa santé physique ou mentale et sont constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article L. 122-49 du code du travail. Dès lors, la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur


Références :

Code du travail, article L. 122-49

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2004-03-03;juritext000006944149 ?
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