ARRET N°R.G : 03/01178 Tribunal d'instance Céret 14 mars 2003 Industrie X... C/LOZACHMEURCD/DP
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 04 FEVRIER 2004 APPELANT :Monsieur Eric Y..., rue Eugène Labiche11210 PORT LA NOUVELLEReprésentant : la SCP CAMPOS-WALLON etamp; CASTELLO-PICARD (avocats au barreau de PERPIGNAN) INTIME :Monsieur Daniel Z... 7 Rampe de la Convention 66660 PORT VENDRES Représentant : la SCP RAYNAUD FALANDRY BRIHI (avocats au barreau de PERPIGNAN) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :M. Louis GERBET, PrésidentM. Jean-Pierre MASIA, Conseiller, Mme Christine DEZANDRE, Conseiller, Madame Chantal COULON, greffier,DEBATS :A l'audience publique du 17 Décembre 2003, où l'affaire a été mise en délibéré au04 Février 2004 ARRET : Contradictoire, prononcé et signé par M. Louis GERBET, Président, à l'audience publique du 04 Février 2004, date indiquée à l'issue des débats assisté de Madame Chantal COULON, greffier, qui a signé le présent arrêt.
FAITS ET PROCEDURE Daniel Z... a été embauché par Eric X..., armateur, en qualité de marin pêcheur dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 18 octobre 2001 jusqu'au 17 avril 2002 .Par lettre recommandée avec avis de réception, en date du 13 novembre 2001, Eric X... a notifié à Daniel Z... la rupture de son contrat dans les termes suivants :" Vous ne vous êtes pas présenté à l'embarquement, les lundi 12 et mardi 13 novembre 2001 à deux heures du matin, en infraction à l'article 16 du Code du Travail Maritime qui stipule " Le marin est tenu de se rendre sur le navire à bord duquel il doit exécuter son service, au jour et à l'heure qui lui sont indiqués par l'armateur, son représentant, ou par le capitaine.En conséquence, l'armement a subi une perte économique et se voit dans l'obligation de désarmer le navire.
"Contestant la rupture de son contrat et réclamant le paiement de diverses sommes, Daniel Z... a saisi le tribunal d'instance de Céret, lequel, suivant jugement du 14 mars 2003, a :-
condamné Eric X... à payer à Daniel Z... les sommes de :
10 000 euros à titre de dommages-intérêts,1 700 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis1 356 euros au titre des indemnités de congés payés,-débouté les parties de leurs autres demandes,-ordonné l'exécution provisoire du jugement,-condamné Eric X... à payer à Daniel Z... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,-condamné le défendeur aux dépens.Eric X... a régulièrement interjeté appel du jugement. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Eric X... demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et débouter purement et simplement Daniel Z... de ses demandes, en déclarant que la rupture du contrat de travail est justifiée par la faute grave du salarié ayant contraint l'employeur à désarmer le navire durant quatre jours, outre le condamner au paiement de la somme de 2 810, 96 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de sa perte de revenus, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.L'appelant précise que Daniel Z... ne peut se prévaloir d'un danger grave et imminent pour sa vie justifiant son refus de prendre son travail, parce que d'une part, il n'était pas sur son lieu de travail, et d'autre part, le danger n'existait pas, comme le démontre le fait que d'autres navires soient sortis en mer les jours de l'absence, qui ne peut donc être justifiée par des mauvaises conditions climatiques. Il ajoute au titre de la procédure qu'en matière de faute grave et en droit maritime, nul n'est besoin de convoquer à un entretien préalable lorsque la faute a pour conséquence le désarmement du navire qui doit être notifié aux
Affaires Maritimes.Il estime en outre que le contrat à durée déterminée, signé le 18 octobre 2001 et validé par les Affaires Maritimes, instance supérieure ayant autorité, ne doit pas être requalifié en contrat à durée indéterminée. Il fait à ce titre valoir que le premier contrat de septembre 2000 comportait bien une stipulation de durée, et qu'en droit maritime, chaque période d'engagement d'un marin peut faire l'objet d'un contrat séparé.Daniel Z... demande à la Cour de :-confirmer le jugement entrepris,-condamner Eric X... à la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.Il fait valoir que, d'une part, le code du travail maritime stipule que l'embarquement des marins doit faire l'objet d'un contrat d'engagement écrit, et d'autre part que l'article 10-5 de ce même code précise que si au terme d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de voyage, un nouveau contrat est conclu avec le même marin avant l'expiration des congés et repos acquis au titre du contrat précédent, ce nouveau contrat est à durée indéterminée. Il considère ainsi, qu'ayant travaillé sans interruption à compter du 18 septembre 2000 pendant 13 mois sans aucun contrat de travail, il était engagé pour une durée indéterminée.Il conteste également le fait de ne pas s'être présenté à l'embarquement les 12 et 13 novembre 2001, déclare être rentré chez lui en raison de conditions météorologiques défavorables. Il considère ainsi qu'il n'a fait qu'exercer son droit de retrait conformément à l'article L. 231-8 du Code du travail, et que son licenciement, au surplus irrégulier en la forme, est dépourvu de cause réelle et sérieuse. DISCUSSION ET DECISION Sur la requalification en contrat à durée indéterminée: Attendu que l'article 10-5 du Code du travail maritime dispose que si, au terme d'un contrat à durée déterminée éventuellement renouvelé dans le cas prévu à l'article 10-2 ou d'un contrat au voyage, un nouveau contrat
est conclu avec le même marin avant l'expiration des congés et repos acquis au titre du contrat précédent, ce nouveau contrat est à durée indéterminée Attendu qu'il ressort du relevé des services déclarés à l'Etablissement des Invalides de la Marine, que Daniel Z... a été salarié de Eric X... à bord du chalutier " NOSTRA-MAR " du 18 septembre 2000 au 13 novembre 2001, en qualité de matelot ;Qu'en conséquence, par confirmation du jugement entrepris, le contrat d'engagement à durée déterminée pour la période du 18 octobre 2001 au 17 avril 2002, conclu entre Daniel Z... et Eric X..., doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, et la rupture dudit contrat s'analyse en un licenciement ; Sur la procédure de licenciement : Attendu qu'aux termes de l'article L. 102-10 du Code du travail maritime, les dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-14-6 du Code du travail sont applicables aux marins dans des conditions déterminées, compte tenu des adaptations nécessaires, par décret en Conseil d'Etat ;Qu'il ressort des décrets des 17 mars 1978 et 5 mai 1987 que la procédure prévue à l'article L. 122-14 du Code du travail est applicable en l'espèce sans aménagement particulier ;Qu'ainsi, Eric X..., en licenciant Daniel Z... sans le convoquer à un entretien préalable, et sans entretien, a méconnu les dispositions des articles L. 122-14 et suivants du Code du travail, applicables en l'espèce ;Qu'il convient en conséquence, par réformation du jugement entrepris de condamner Eric X... à payer à Daniel Z... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulie; Sur la faute grave : Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis
sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur;Attendu qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave;Attendu que la lettre de licenciement de Daniel Z..., en date du 13 novembre 2001, lui fait grief de ne pas s'être présenté à l'embarquement les 12 et 13 novembre 2001, en infraction à l'article 16 du Code du travail maritime ;Attendu qu'Eric X... produit aux débats des attestations de Franck NOGUERA, de Thomas A..., patrons pêcheur, et de Joseph A..., filetier à bord du Nostra-Mar, confirmant les absences reprochées à Daniel Z... ;Attendu que celui-ci ne rapporte pas la preuve contraire, en se bornant à produire les attestations des deux autres marins licenciés en même temps que lui pour le même motif, attestations ne remplissant pas les conditions de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile, et dont l'une (Henri VERDU) n'indique pas si Daniel Z... était présent, et l'autre (Luc LE LAY) fait état d'une présence les 11 et 12 novembre 2001, et non le 13 novembre ;Qu'en conséquence, Daniel Z... ne peut justifier ses absences par l'exercice de son droit de retrait, conformément aux articles L. 231-8 et L. 231-8-1 du Code du travail, dans la mesure où il n'était pas présent à l'embarquement, et où il n'établit nullement avoir signalé aux heures d'embarquement une situation de travail dangereuse à son employeur le 12 novembre puis à nouveau le 13 novembre ;Attendu qu'au surplus, il ressort d'un relevé établi par Météo France, versé aux débats par le marin, que les conditions météorologiques ne présentaient pas le 13 novembre 2001, au vu de la vitesse moyenne maximale du vent, un danger grave et imminent pour la santé ou la vie des salariés ;Attendu qu'Eric X... établit pour sa part que des bateaux de pêche sont sortis et ont travaillé les deux journées en cause ;Attendu qu'il résulte de cette analyse que le licenciement de Daniel Z... pour faute grave est fondé, que le
jugement déféré sera donc réformé et Daniel Z... débouté de ses demandes d'indemnité de préavis, de licenciement et de dommages-intérêts. Sur l'indemnité compensatrice de congés payés: Attendu qu'aux termes du contrat du 18 octobre 2001 ainsi que du contrat conclu le 18 septembre 2000 pour une durée de trois mois, produit en cause d'appel, les indemnités de congés payés sont incluses dans la part de pêche, rémunération de Daniel Z..., ainsi que le permet l'article 33 du Code du travail maritime et le décret du 21 juin 1999 relatif aux dépenses et charges non déductibles du produit brut de la rémunération des marins ;Qu'en revanche, pour la période du 18 décembre 2000 au 17 octobre 2001, faute de stipulation contractuelle, et des trois jours par mois de service de congés payés prévus par l'article 92-1du Code du travail maritime, il convient de constater que Daniel Z... n'a pas été rempli de ses droits à congé, et condamner Eric X... à lui payer la somme de 1 700 euros bruts, correspondant à un mois de salaire ;Que le jugement déféré sera réformé sur ce point; Sur la demande de dommages-intérêts de l'employeur : Attendu que l'employeur ne justifie pas suffisamment que le préjudice dont il réclame réparation est imputable directement et personnellement à Daniel Z... ;Qu'il sera donc débouté sur ce point ;Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :Attendu qu'aucune considération d'équité n'impose qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que les demandes des parties seront donc rejetées sur ce point.PAR CES MOTIFS,LA COUR,Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré,En la forme, reçoit l'appel d'Eric X...,Au fond, confirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat du 18 octobre 2001 en contrat de travail à durée indéterminée et en ce qu'il a débouté Daniel Z... de sa demande au titre de
l'indemnité de licenciement,le réforme pour le surplus ;Statuant à nouveauDit que le licenciement de Daniel Z... est irrégulier, mais fondé sur une faute grave ;Condamne Eric X... à payer à Daniel Z... les sommes suivantes :1 000 euros pour non respect de la procédure de licenciement,1 700 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,Déboute Daniel Z... du surplus de ses demandes ;Déboute Eric X... de sa demande de dommages-intérêts ;Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;Condamne Daniel Z... aux éventuels dépends