ARRET N°R.G : 03/01095 Conseil de prud'hommes Perpignan 08 juillet 2003 section industrie S.A.R.L. LE BOULOU MATERIAUXC/ROSJPM/MAM
COUR D'APPEL DE MONTPELLIERCHAMBRE SOCIALE ARRET DU 27 JANVIER 2004 APPELANTE :S.A.R.L. LE BOULOU X... prise en la personne de son représentant légal ZA rue Carrer d'en Cavailles 66160 LE BOULOU Représentant : la SELARL DONAT (avocats au barreau de PERPIGNAN) INTIME :Monsieur Y... Z..., rue des Ardennes66100 PERPIGNANReprésentant : Me Sophie VILELLA (avocat au barreau de PERPIGNAN)COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :M. Louis GERBET, PrésidentM. Jean-Pierre MASIA, Conseiller ;Mme Christine DEZANDRE, Conseiller; GREFFIER :Mme Andrée A..., Greffier, lors des débats, et Madame Chantal COULON, greffier, lors du prononcé,DEBATS :A l'audience publique du 15 Décembre 2003, où l'affaire a été mise en délibéré au27 Janvier 2004ARRET : Contradictoire, prononcé et signé par M. Louis GERBET, Président, à l'audience publique du 27 Janvier 2004, date indiquée à l'issue des débats assisté de Madame Chantal COULON, greffier, qui a signé le présent arrêt.
FAITS ET PROCEDURE Par contrat de travail du 1er juillet 2000, à durée indéterminée, la S.A.RL. ARGELESIENNE DE X... a embauché Monsieur B..., en qualité de magasinier-vendeur, pour 7 101,38 F et 169 heures par mois. Le contrat a stipulé la possibilité de transférer le contrat à une autre société du groupe.A compter du 1er janvier 2002, Monsieur B... a été mis à la disposition de la S.A.R.L. LE BOULOU X... appartenant au même groupe, laquelle a alors émis des bulletins de salaires mentionnant les fonctions d'attaché
commercial, pour un salaire brut mensuel de 1 206,89 euros et 151,67 heures. Il lui a été confié un véhicule de fonctions et un téléphone portable.Le 12 juin 2002, la S.A.R.L. LE BOULOU X... a écrit au salarié dans les termes suivants :"comme nous vous l'avons exposé au cours de notre entretien informel du 05 juin 2002, notre société est contrainte de procéder à une réorganisation de sa force de vente dans un souci de maintien de ses parts de marché et de sauvegarde de sa compétitivité.
Aussi, en vertu de la clause de mobilité insérée dans votre contrat de travail, les intérêts de l'entreprise commandent que vous accomplissiez désormais votre prestation de travail sur le site M + ROUSSILLON X... de SAINT ESTEVE (66240), Ancien Chemin de Pezilla, et ce à compter du lundi 1er juillet 2002.Aucune modification ne sera bien entendu apportée à votre contrat de travail, qu'il s'agisse de votre qualification ou de votre rémunération.Nous attirons par ailleurs votre attention sur le fait que le déplacement de votre lieu de travail s'opère au sein d'un même secteur géographique au sens actuel de la jurisprudence et qu'il a par ailleurs pour avantage de rapprocher votre lieu de travail de votre domicile et donc de raccourcir vos temps de déplacement". Le 14 juin 2002, le salarié a écrit à la S.A.R.L. LE BOULOU X... dans les termes suivants :"j'ai été engagé le 1er juillet 2000 par la S.A.R.L. ARGELESIENNE DE X... en qualité de magasinier-vendeur par contrat de travail à durée indéterminée.De mi-septembre 2000 jusqu'au 31 décembre 2000, mes fonctions sont devenues celles d'attaché technico-commercial. Puis à compter du 1er janvier 2001 et jusqu'au 31 décembre 2001, j'ai repris le poste de magasinier-vendeur.A compter du 1er janvier 2002, j'ai été affecté à la S.A.R.L. LE BOULOU X... en qualité d'attaché technico-commercial avec voiture de fonction et portable. Je note
qu'aucun nouveau contrat de travail portant modification de mes fonctions et de mon lieu de travail ne m'a été remise.Cependant si mes bulletins de paie délivrés depuis janvier 2002 font bien état de ma qualité de technico-commercial, ils mentionnent une date d'entrée dans l'entreprise erronée puisqu'ils ne tiennent pas compte de l'ancienneté auparavant acquise auprès de la S.A.R.L. A. DE M. (société qui ne m'a pas licenciée et à laquelle je n'ai jamais donné de démission). Il s'agissait tout simplement d'un transfert de mon contrat de travail d'une société à l'autre du groupe, d'ailleurs prévu dans l'article I du contrat de travail signé le 1er janvier 2000.Je vous remercie en conséquence de bien vouloir régulariser cette anomalie.En deuxième lieu, j'entends répondre au courrier que vous m'avez adressé par lettre recommandée avec accusé de réception le 04 juin 2002 pour un entretien fixé au lendemain. Vous prétendez d'une part que je connaîtrais actuellement un certain nombre de difficultés dans l'accomplissement de ma prestation de travail comme en témoigneraient mes résultats commerciaux et d'autre part que vous auriez attiré plusieurs fois mon attention sur ces résultats commerciaux.Je m'insurge contre cette dernière assertion, puisque la première fois où une remarque de votre part m'a été formulée, c'est à travers ce recommandé du 04 juin dernier. En ce qui concerne les résultats commerciaux, il convient de rappeler : - qu'ils ont été fixés verbalement et traduits ensuite par un tableau que vous m'avez remis et au terme duquel il apparaissait qu'en janvier 2002, j'avais réalisé 69,31 % de l'objectif et 82,43 % en février suivant; - qu'en mars vous m'avez demandé de signer les objectifs que vous aviez couché par écrit. Je me suis exécuté pensant signer réellement les objectifs convenus ; - que c'est alors que vous avez édité un nouveau tableau faisant apparaître qu'au mois de février 2002, j'aurais réalisé seulement 76,32 % de l'objectif. Je vous fais remarquer
toutefois que même avec le nouvel objectif que vous avez fixé unilatéralement, mes résultats restent honorables et que de janvier à mars 2002 mon chiffre d'affaires reste stable.En troisième lieu, je me suis bien rendu à l'entretien informel que vous m'aviez fixé pour le 05 juin 2002. Je pensais y aborder comme votre courrier recommandé du 04 juin 2002 le sous-entendait le problème des résultats commerciaux et des objectifs. Quelle n'a pas été ma stupéfaction de vous entendre me proposer de signer une lettre de démission de mon poste de travail avec promesse de réembauche sur Saint-Estève en qualité de magasinier, avec à la clé une réponse à donner avant vendredi 07 juin 2002. Vous m'avez appelé le lundi 10 juin 2002 suivant où je vous ai confirmé que je n'entendais pas démissionner malgré vos menaces.En quatrième lieu, je dénonce également que pour arriver à me soutirer une démission, vous m'avez supprimé depuis le 16 mai 2002 la voiture de fonction et le portable que vous m'avez obligé à vous rendre et empêché depuis d'effectuer désormais mes fonctions d'attaché technico-commercial, en me maintenant toute la semaine à diverses tâches de magasinier au dépôt du Boulou.Il s'agit d'une modification substantielle de mon contrat de travail qui m'ai imposée et que je refuse.Faute d'une réintégration immédiate à réception de la présente à mon poste d'attaché technico-commercial avec la récupération de mes outils (voiture et portable) je me verrai contraint de saisir le Conseil de Prud'hommes.Dans l'attente, je vous prie de croire, Monsieur, à l'expression de mes salutations distinguées". Le 11 juillet 2002, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :"Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint copie du courrier que j'ai adressé le 14/06/2002 à Monsieur le Gérant de la S.A.R.L. LE BOULOU X... qui n'a pas été réclamé et qui m'a donc été retourné.D'autre part, je vous informe que malgré ma lettre
recommandée du 14 juin dernier et votre courrier réceptionné le même jour, ma qualification est toujours modifiée puisque vous m'empêchez d'exercer mes fonctions d'attaché technico-commercial, que vous ne m'avez toujours pas restitué mes instruments de travail (portable et voiture de fonction), que vous m'excluez des formations (27/06/02) et que vous m'assignez aux seules fonctions de magasinier.Encore, le 02/07/02 aux alentours de 16h45, vous avez apporté au chef d'agence de Saint-Estève 2 contrats de travail: - un du 01/01/02 au 30/06/02 faisant état de mon embauche en qualité d'attaché technico-commercial avec une clause de non-concurrence sur le B. M. ; - un deuxième à compter du 01/07/02 identique mais sur Saint-Estève. Ainsi qu'un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation ASSEDIC mentionnant comme motif de la rupture du contrat de travail "transfert d'entreprise" afin qu'il me les remette pour signature immédiate, ce que j'ai refusé non seulement compte-tenu de la clause de non-concurrence dont il n'avait jamais été question auparavant et qu'il est hors de question que j'accepte rétroactivement, mais encore de l'intitulé de ma qualification "A.T.C." qui ne correspond nullement aux fonctions de magasinier que vous m'avez imposées depuis le 16/05/02.Enfin après vérification auprès de ma banque ce jour, le virement de mon salaire de juin 2002, habituellement fait le dernier jour du mois concerné, n'a toujours pas été effectué. En conséquence et compte-tenu de votre comportement à mon encontre particulièrement lourd à supporter psychologiquement ainsi que des modifications substantielles que vous avez apportées à mon contrat de travail malgré mon refus persistant, je n'ai d'autre solution que de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos tors exclusifs.Je vous remercie, mon contrat de travail étant rompu de votre fait, de me faire parvenir par retour de courrier fiche de salaire de juin 2002, certificat de travail, reçu pour solde
de tout compte et attestation ASSEDIC". Le 17 juillet 2003, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de PERPIGNAN, lequel, par jugement du 08 juillet 2003, a statué dans les termes suivants : "- dit et juge la rupture imputable à l'employeur ; - condamne la S.A.R.L. LE BOULOU X... à payer à Monsieur B... Y... : 241,38 euros à titre de l'indemnité spéciale de licenciement ; 243,78 euros brut à titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; 800,00 euros au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ; - ordonne à la S.A.R.L. LE BOULOU X... de remettre à Monsieur B... Y... l'attestation ASSEDIC, les bulletins de paie du préavis, le certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour après notification du jugement ; - ordonne l'exécution provisoire du jugement, à l'exception de l'article 700 du N.C.P.C. ;- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est dont montant de 1 206,89 euros ;- condamne la S.A.R.L. LE BOULOU X... aux dépens".La S.A.R.L. LE BOULOU X... a interjeté appel. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES La S.A.R.L. LE BOULOU X... demande à la Cour de :- réformer le jugement ;- débouter Monsieur B... de toutes ses demandes ;- condamner Monsieur B... à : restituer les documents légaux déjà remis mais erronés ; payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.Elle soutient qu'aucune modification du contrat n'a été apportée ; que le salarié n'a jamais donné son accord quant à sa promotion aux fonctions d'attaché commercial refusant de signer le contrat en qualité d'attaché commercial ; que le contrat initial prévoyait une polyvalence professionnelle ; que les fonctions d'attaché commercial constituent un essai, à l'initiative du salarié, qu'il lui appartenait de
transformer ; que la rupture étant imputable au salarié, elle doit produire les effets d'une démission ; que le montant des dommages et intérêts réclamés est excessif ; que le préjudice est très limité ; que les documents légaux d'ores et déjà remis sont erronés et ne doivent pas permettre au salarié d'obtenir des avantages indûs. Monsieur B... demande à la Cour de :- condamner l'appelante à lui payer les sommes de :* 12 576,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement non fondé et irrégulier ;* 251,52 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;* 2 515,11 euros au titre de l'indemnité de préavis ;* 251,51 euros au titre de l'indemnité de congés payés ;* 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.et à lui remettre les documents légaux (bulletins de paie, attestation ASSEDIC, certificat de travail) sous astreinte.Il fait valoir que la rupture du contrat est imputable à l'employeur lequel lui a imposé une modification de son contrat quant aux fonctions, lui a supprimé son véhicule de fonctions et le téléphone portable. MOTIFS DE LA DECISION Sur la rupture :
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des manquements qu'il impute à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits le justifiaient, et, dans le cas contraire, d'une démission.En l'espèce, Monsieur B... a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 11 juillet 2002, aux motifs que l'employeur aurait, d'une part, unilatéralement modifié son contrat en lui imposant, depuis le 16 mai 2002, les fonctions de magasinier-vendeur aux lieu et place de celles d'attaché technico-commercial, et d'autre part, retiré au salarié ses instruments de travail (voiture de fonction et téléphone portable), en ajoutant qu'à la date de la prise d'acte, le salaire de juin 2002, qui aurait dû être payé au 30 juin, n'avait toujours pas été payé.Si le contrat de travail initial conclu entre les parties, et transféré
à la S.A.R.L. LE BOULOU X..., a visé les fonctions de magasinier-vendeur et qu'aucun avenant n'a été signé pour les fonctions d'attaché-commercial, s'agissant de fonctions différentes par nature, il n'en demeure pas moins, comme cela résulte des lettres adressées entre les parties, des objectifs commerciaux assignés à Monsieur B... et des bulletins de salaires qui lui ont été remis, qu'à compter de janvier 2002, celui-ci s'est vu confier les fonctions d'attaché-commercial qu'il a effectivement exercées. La S.A.R.L. LE BOULOU X... ne peut invoquer la circonstance que Monsieur B... n'aurait jamais donné son accord express d'une modification des fonctions, alors que les lettres adressées par le salarié démontrent son acceptation des nouvelles fonctions et qu'au demeurant, seul le salarié pourrait se prévaloir, le cas échéant, de l'absence de son accord express. En outre, la clause contractuelle réservant à l'employeur le droit de modifier unilatéralement le contrat, notamment la qualification est sans portée.Dans ces conditions, Monsieur B... ayant accepté d'exercer les nouvelles fonctions d'attaché-commercial et la S.A.R.L. LE BOULOU X... n'ayant pas fait signer à son salarié une clause contractuelle fixant le caractère temporaire des nouvelles fonctions ou prévoyant une période probatoire, toute modification ultérieure des fonctions d'assistant commercial, fut-ce avec retour sur l'emploi de magasinier-vendeur précédemment occupé, nécessitait l'accord de Monsieur C..., il est produit aux débats diverses pièces démontrant que l'employeur avait supprimé les fonctions d'attaché-commercial en replaçant Monsieur B... sur le poste de magasinier-vendeur. Ainsi, les attestations des salariés (BOUZAR - ERRE), la diffusion de la note de l'employeur du 24 juin 2002, adressée à tous les attachés-commerciaux sauf Monsieur B..., le retrait du véhicule de fonction et du téléphone portable, la lettre de l'employeur adressée à Monsieur B..., le 15 juillet 2002,
démontrent la suppression des fonctions d'attaché-commercial sans l'accord de Monsieur D... griefs adressés par le salarié dans sa prise d'acte étaient donc fondés. La rupture qui est imputable à l'employeur, qui a modifié unilatéralement les fonctions contractuelles, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de surcroît irrégulier. Sur les dommages et intérêts :Au jour de la rupture, le 11 juillet 2002, Monsieur B... avait un peu plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise comptant moins de onze salariés. Son salaire brut était de 1 206,89 euros. Il est né en 1974. Il a retrouvé un emploi de commercial à compter du 02 septembre 2002. Ces éléments, ajoutés aux circonstances de la rupture, amènent la Cour à réformer le jugement et à allouer, tant au titre du caractère illégitime qu'irrégulier du licenciement, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 122-14-5 du Code du travail.Sur l'indemnité de licenciement :Le salarié a droit, compte-tenu d'une ancienneté supérieure à deux ans, à une indemnité de licenciement laquelle a été exactement calculée par les premiers juges et n'est pas remise en cause par la S.A.R.L. LE BOULOU X... Sur le préavis :Monsieur B... a droit à un préavis de 2 mois, soit une indemnité compensatrice de ce chef d'un montant de 2 413,78 euros outre les congés payés, soit 241,37 euros. Sur les documents légaux :Il sera statué comme dit au dispositif. PAR CES MOTIFS La Cour ;Reçoit la S.A.R.L. LE BOULOU X... en son appel principal ;Reçoit Monsieur Y... B... en son appel incident ;Réforme le jugement sur les dommages et intérêts et les indemnités de rupture ;Statuant à nouveau ;Condamne la S.A.R.L. LE BOULOU X... à payer à Monsieur Y... B... les sommes de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier; 2 413,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; 241,37 euros à titre
d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant ;Condamne la S.A.R.L. LE BOULOU X... à payer à Monsieur Y... B..., la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;Condamne ladite S.A.R.L. aux dépens.