ARRÊT N° R.G : 01/00857 Conseil de prud'hommes Montpellier 17 avril 2001 Commerce S.A. MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER C/ X... JPM/MFD COUR D'APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2002 APPELANTE :
S.A. MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal Immeuble Le Millénaire 0770, rue Alfred Nobel 34965 MONTPELLIER CEDEX 02 Représentant : la SCP SUTRA etamp; ASSOCIÉS (avocats au barreau de PARIS) INTIMÉ : Monsieur Marc X... 14, rue de la Felouque 34080 MONTPELLIER Représentant : Me Yvan MONELLI (avocat au barreau de MONTPELLIER) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M.. Jean-Pierre MASIA, Conseiller, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Louis GERBET, Président M Jean-Pierre MASIA, Conseiller M Eric SENNA, Conseiller GREFFIER : Mme Chantal COULON, Greffier, DÉBATS : A l'audience publique du 08 Janvier 2002, où l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 12 Février 2002
ARRÊT : Contradictoire, prononcé et signé par M. Louis GERBET, Président, à l'audience publique du 12 Février 2002, date indiquée à l'issue des débats. * * * FAITS ET PROCÉDURE Par contrat de travail à durée indéterminée du 6 octobre 1997, la S.A. MARIGNAN PROMOTION a embauché Monsieur X... en qualité de responsable technique (niveau 5 - Echelon 1 - coefficient 457) à la Direction Régionale Provence-Languedoc à Montpellier pour une durée hebdomadaire de travail de 38 heures et une rémunération brute mensuelle de 24.000 Francs. Le 29 décembre 1998, Monsieur X... a démissionné par lettre ainsi rédigée :
"J'ai été engagé le 10 octobre 1997 en qualité de Responsable technique à MONTPELLIER suite à un stage de six mois non rémunéré.
Lors de l'entretien avec Monsieur AZAM, il avait été convenu que ma rémunération serait de 21000 f/mois net (12 fois). (Voir inscription de cet accord au dos de l'original de mon C.V. en votre possession). Lors de ma rencontre préalable à mon embauche de Monsieur ANDRAUD, il m'a été signifié que mon niveau de rémunération serait d'environ 18000 F/mois net et ce 13 fois. J'ai fait la remarque de la différence au Directeur Général. Celui-ci m'a répondu qu'une augmentation de 5 % me serait octroyée à compter du 1er janvier 1998. Je n'ai jamais bénéficié de cet engagement malgré 5 entretiens avec le Directeur Général dans ce sens.
Je tiens à vous informer que j'ai dépassé en revanche mes engagements :
- Assumer la responsabilité technique de toutes les opérations de la Direction régionale
- Assumer la responsabilité de 2 programmes immobiliers (Mas de la Plage et Mas de Belvezet) Par ailleurs, je me suis attaché à liquider tous les anciens programmes de RMMI et à suivre l'opération de la Pompignane (Contrat de Maîtrise d'ouvrage déléguée de la BHE), j'ai secondé le Directeur Régional par intérim pour le libérer d'une surcharge exceptionnelle (lancement de l'opération "Domaine de l'Ile Verte", résolution de l'affaire MAJOR, suivi des dossiers contentieux RMMI, SOFAP) ; j'ai relancé l'affaire "Coteau Sud" à VENELLES sans perte de marge, alors que le Directeur Général avait renoncé à 600.000 F de marge en Août 1998.
Je n'ai pas compté mon temps pour appuyer le service commercial lors des négociations difficiles et stimuler l'équipe de MARSEILLE à la
recherche de nouvelles opérations.
Malgré mes résultats, je me suis heurté à l'attitude inconvenante du Directeur Général qui n'a pas tenu ses engagements.
En conséquence, par la présente je démissionne de mon poste avec prise d'effet au 1er janvier 1999.
Je me tiens à votre disposition, pour convenir de ma période de préavis. Sachez que durant cette période, je suis prêt à mener à bien les dossiers "Jardins du Pirée" et "Jacques Coeur" avec la même conscience professionnelle qui m'a animé pendant 20 mois." Contestant son reçu pour solde de tout compte signé le 3 mars 1999, Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Montpellier lequel, par jugement de départage du 17 avril 2001, a condamné la Société MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER à lui payer les sommes de :
- 205.816,65 Francs au titre des heures supplémentaires,
- 102.425,81 Francs de dommages et intérêts au titre des repos compensateurs,
- 20.581,66 Francs au titre des congés payés,
- 25.686,87 Francs au titre du 13ème mois,
- 50.000 Francs de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4.500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER a interjeté appel. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La S.A. MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions. Elle soutient, sur les heures supplémentaires, que l'obligation de pointage visée au règlement intérieur, ne concernait pas les fonctions itinérantes ; que les feuilles de temps remplies par le salarié ne peuvent pas établir la durée effective du travail, celui-ci travaillant sur des chantiers extérieurs ; que les temps de route ne peuvent être assimilés à un travail effectif ; que
contrairement à ce que les notes de frais laissent entendre, Monsieur X... n'a pas assisté à toutes les réunions de chantier. Elle considère, sur la démission, que la lettre du 29 décembre 1998 ne contient aucune prise d'acte par le salarié du non-paiement d'heures supplémentaires et qu'il n'existe aucun lien entre cette démission et les heures supplémentaires. Elle affirme, enfin, que la prime de 13ème mois a été réglée au salarié pour les années 1998 et 1999. Monsieur X... demande à la Cour de :
- confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts au titre de la rupture,
- statuer à nouveau et faisant application de l'article L 324-11-1 du Code du Travail, condamner la Société MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER à lui payer la somme de 144.000 Francs,
- condamner ladite société à lui payer la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il fait valoir que les dispositions de la loi sur la réduction du temps de travail sont inapplicables, son contrat de travail datant de 1997 ; que l'employeur ne produit pas les éléments justifiant de la durée du travail en application de l'article L 212-1-1 du Code du Travail ; qu'il a, en sa qualité de salarié, rempli le registre de présence du personnel et les fiches de frais de déplacements dont chacune a été contrôlée et validée par l'employeur ; que son lieu d'affectation principal était Montpellier ; que les temps de trajet doivent être inclus dans le calcul des heures supplémentaires ; que les déplacements professionnels sont bien réels et ne peuvent être contestés quant à leur date. Sur la rupture, il considère que l'employeur n'ayant pas payé les heures supplémentaires, cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur les heures supplémentaires L'article L 212-1-1 du Code du Travail dispose qu'en cas de litige relatif à
l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En l'espèce, l'accord d'entreprise du 30 janvier 1997 prévoit, pour l'ensemble du personnel, un horaire individualisé avec plages fixes et tenue obligatoire d'un registre d'entrée et de sortie du personnel dans chaque implantation. Il est produit des fiches de pointage extraites de ce registre du personnel mentionnant les heures d'entrée et de sortie de Monsieur X..., mais la Société MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER s'abstient de produire l'ensemble des fiches constituant le registre du personnel. Les fiches de présence produites mentionnent une durée quotidienne de travail de Monsieur X... allant de 7h30 à 14h25 pour une moyenne quotidienne de 12 heures. Par ailleurs, les fiches de frais de déplacement corroborent l'existence des heures supplémentaires; L'employeur qui a embauché Monsieur X... pour exercer ses fonctions à Montpellier, où Monsieur X... était déjà domicilié, ne peut refuser d'assimiler les temps de trajet, pour se rendre sur des chantiers extérieurs, à des temps de travail effectif, alors que Monsieur X... s'est rendu sur lesdits chantiers extérieurs sur les ordres et pour le compte de son employeur, et qu'aucun élément matériel ne démontre des dépassements horaires de trajet laissant à penser, que pendant les trajets, Monsieur X... avait pu librement vaquer à ses occupations personnelles. Dans ces conditions, en se rendant sur ces chantiers, il a bien participé à l'activité de l'employeur en se tenant à sa disposition. L'employeur ne peut valablement remettre en cause l'organisation du travail de Monsieur X..., ni la réalité de ses
déplacements professionnels, alors que les fiches de déplacement et de frais professionnels se rapportant auxdits déplacements ont toutes été contrôlées et validées par l'employeur lors du paiement des frais de déplacement, et que l'employeur n'invoque ni ne justifie la moindre fraude de la part du salarié qui aurait été révélée postérieurement au paiement des frais de déplacement. Pour ces motifs et ceux pertinents des premiers juges, les dispositions du jugement ayant condamné la Société MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER, qui ne produit pas les éléments relatifs à la durée du travail de Monsieur X..., à payer la somme de 205.816,65 Francs (soit 31 376,55 Euros) au titre des heures supplémentaires outre les congés payés s'y rapportant doivent être confirmées. De même, les premiers juges ont à bon droit relevé que l'employeur, par sa faute, n'avait pas permis au salarié de prendre ses repos compensateurs dans le délai de 2 mois, en sorte que le jugement qui a condamné l'employeur à payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 102.425,81 Francs (soit 15 614,71 Euros) laquelle somme n'est pas remise en cause dans son quantum par l'appelante, sera confirmé. Sur le treizième mois Les bulletins de salaire de janvier 1999 et février 1999 établissent que le treizième mois pour 1998 et au prorata temporis pour 1999 a bien été payé au salarié, pour une somme d'ailleurs supérieure à celle allouée par les premiers juges, en sorte que le jugement sera réformé de ce chef. Sur la rupture Même si la lettre de démission du 29 décembre 1998 n'énonce expressément aucune réclamation au titre des heures supplémentaires, le seul fait que Monsieur X... y ait mentionné un certain nombre de griefs, en reprochant à l'employeur de ne pas avoir respecté les engagements pris lors de la signature du contrat, suffit à priver cette démission de tout caractère clair et non équivoque, en sorte, qu'en acceptant ladite démission et en remettant à Monsieur X... son reçu pour solde de tout compte,
l'employeur a procédé à une rupture de fait du contrat de travail s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de surcroît irrégulier, puisqu'aucune procédure de licenciement n'a été mise en place. Au demeurant, l'existence au jour de la lettre de démission d'une très importante dette de l'employeur au titre des heures supplémentaires, peu important que Monsieur X... ne l'ait pas énoncée expressément, suffirait, comme les premiers juges l'ont retenu, à imputer la rupture à l'employeur pour avoir manqué gravement et durablement à son obligation principale du paiement intégral de la rémunération. Toutefois, s'agissant du montant des dommages et intérêts, Monsieur X... a droit à une somme au moins égale aux six derniers mois de salaires, au titre de l'article L 122-14-4 du Code du Travail et non de l'article L 324-11-1du Code du Travail, en sorte que compte tenu des circonstances de la rupture, de son ancienneté mais aussi de l'absence de justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture, il y a lieu de lui allouer la somme de 21 952,66 Euros de dommages et intérêts. Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile La Société appelante qui succombe sur l'essentiel sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 1 500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS LA COUR
- Reçoit la S.A. MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER en son appel principal,
le dit partiellement fondé,
- Reçoit Monsieur X... en son appel incident,
le dit partiellement fondé,
- Réforme le jugement sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur la prime du 13ème mois,
statuant à nouveau,
- Condamne la S.A. MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER à payer à Monsieur X..., la somme de 21 952,66 Euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Déboute Monsieur X... de sa demande de prime de 13ème mois,
- Confirme le jugement pour le surplus et, y ajoutant, condamne la S.A. MARIGNAN PROMOTION IMMOBILIER à payer à Monsieur X..., la somme de 1 500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- Condamne la société appelante aux dépens.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT