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19/12/2001 | FRANCE | N°00/01529

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 19 décembre 2001, 00/01529


ARRET N° R.G : 00/01529 C.p.h. montpellier 26 juillet 2000 Commerce X... C/ S.A. COLOR PHOTO FRANCE LG/AP COUR D'APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 19 DECEMBRE 2001 APPELANT : Monsieur Jacques X... 20, Bd de la République 34130 MAUGUIO Représentant : Me Luc KIRKYACHARIAN (avocat au barreau de MONTPELLIER) INTIMEE : S.A. COLOR PHOTO FRANCE prise en la personne de son représentant légal Tour Utopia Cédex 3860 92071 PARIS LA DEFENSE Représentant :SCP SUTRA etamp; ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. Louis GERBET, Prési

dent M Eric SENNA, Conseiller Mme Christine DEZANDRE, C...

ARRET N° R.G : 00/01529 C.p.h. montpellier 26 juillet 2000 Commerce X... C/ S.A. COLOR PHOTO FRANCE LG/AP COUR D'APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 19 DECEMBRE 2001 APPELANT : Monsieur Jacques X... 20, Bd de la République 34130 MAUGUIO Représentant : Me Luc KIRKYACHARIAN (avocat au barreau de MONTPELLIER) INTIMEE : S.A. COLOR PHOTO FRANCE prise en la personne de son représentant légal Tour Utopia Cédex 3860 92071 PARIS LA DEFENSE Représentant :SCP SUTRA etamp; ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. Louis GERBET, Président M Eric SENNA, Conseiller Mme Christine DEZANDRE, Conseiller GREFFIER : Mme Chantal Y..., Greffier, DEBATS : A l'audience publique du 28 Novembre 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au19 Décembre 2001 ARRET : Contradictoire, prononcé et signé par M. Louis GERBET, Président, à l'audience publique du 19 Décembre 2001, date indiquée à l'issue des débats. * * *

FAITS ET PROCEDURE.

Jacques X... a été engagé le 20 février 1984 par la Société COLOR PHOTO FRANCE, et il est devenu responsable du magasin.

A partir de 1994, la Société PHOTO SERVICE et la SA COLOR PHOTO FRANCE ont engagé un processus en vue d'aboutir à une fusion , et le 25 janvier 1999 un document qualifié "d'accord d'harmonisations des rémunérations" a été signé par d'une part Jean Michel BIGNONNEAU Directeur Général pour la direction de PHOTO SERVICE et de COLOR PHOTO FRANCE, et d'autre part un seul des 5 syndicats représentatifs; L'article IV de cet accord prévoyait que pour les salariés de la Société COLOR PHOTO FRANCE non transférés, l'ensemble de la partie

variable de leur salaire et notamment la prime sur chiffre d'affaires calculée au taux de 1,3 % du chiffre d'affaires réalisé par magasin, le bonus additionnel, la prime de dépassement d'objectif disparaissait, et que pour ces salariés entrés dans l'entreprise avant le 1er janvier 1999 un pourcentage de prime sur chiffre d'affaires était intégré dans leur salaire de base individuel, à raison de 0,090% de la prime sur chiffre d'affaires mensuelle moyen qui leur avait été versée entre novembre 1997 et octobre 1998.

Dans le courant du mois suivant, diverses réunions de Comité d'établissement ont été réalisées, au cours desquels ce comité a été consulté sur le plan social devant résulter de la modification des contrats de travail des salariés de la Société Color Photo France .

Dans le même temps la Société Color Photo France a adressé le 26 février 1999 une lettre recommandée avec accusé de réception à Jacques X... , dans lequel elle lui exposait les données de "l'accord d'harmonisation des salaires" et de ses dispositions relative à la partie variable de son salaire.

Elle lui précisait que à défaut de refus avant le 1er avril 1999 cette modification deviendrait effective à compter du 1er avril 1999, et que si tel n'était pas le cas, elle interviendrait le 1er jour du mois suivant la fusion entre Société Color Photo Service et SA Photo Service .

Jacques X... a répondu à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mars 1999 pour refuser la modification son salaire contractuel.

Le 30 mars 1999 la Société Color Photo France a pris acte de ce refus, et proposé à Jacques X... un reclassement pour tous postes disponibles dans le groupe, soit un de comptable à Laxon(54), un de Conseillère de vente à Paris et Marseille , un d'assistante commerciale, un des postes de monteurs vendeurs débutants, un

d'emploi de service qualité, à Trappes(78) un des 5 du laboratoire de montage à Trappes(78) avec des salaires allant de 5780 francs à 8000 francs par mois.

Le 9 avril 1999, Jacques X... par lettre recommandée avec accusé de réception a répondu pour faire remarquer à l'employeur qu'il ne lui faisait aucune offre précise de reclassement.

Jacques X... a alors été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 avril 1999 ainsi motivée :

etlt;etlt;Nous sommes au regret de vous informer de votre licenciement pour motif économique. Cette décision est la conséquence du refus que vous avez manifesté par votre courrier daté du 25 mars denier, de voir modifier les éléments de votre rémunération.

Nous vous rappelons que cette modification de vos conditions de rémunération, conséquence d'un accord d'établissement et d'un accord d'harmonisation des rémunérations conclus entre la direction et l'organisation syndicale CFDT, ne pouvait en aucune manière être évitée.

C'était en effet la condition nécessaire pour réaliser la fusion de PHOTO SERVICE et de COLOR PHOTO FRANCE, indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'établissement, et permettre à tous les collaborateurs de l'enseigne PHOTO SERVICE de travailler sous une même entité juridique.

Suite à votre refus des modifications de vos conditions de rémunération, et conformément au plan social qui a fait l'objet d'une consultation du Comité d'Entreprise au cours des réunions du 17 et du 25 février 1999, nous vous avons proposé, par un courrier daté du 30 mars 1999, des solutions de reclassement au sein des filiales du groupe Grand Vision.

Vous n'avez pas donné suite à ces propositions.

Nous vous rappelons que la loi donne la possibilité d'adhérer à une

convention de conversion.

Nous joignons à la présente une notice d'information concernant les conventions de conversion.

Vous disposez d'un délai de réflexion de 21 jours, qui court à compter de la date du 16 avril 1999 figurant sur le bulletin d'acceptation , pour adhérer ou refuser d'ahérer à la convention de conversion.

Si vous acceptez d'adhérer à la convention de conversion, votre contrat de travail sera rompu dès la fin du délai de réflexion fixé au 06 mai 1999.

Si, après cette date du 6 mai 1999, vous ne nous avez pas informés de votre adhésion à la convention de conversion, ou si bien évidemment vous avez refusé d'y adhérer, le présent courrier constituera la notification de votre licenciement pour motif économique.

La date à laquelle vous aura été présenté ce courrier marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de deux mois.

Pendant 2 ans après la fin de votre contrat de travail, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage dans notre Entreprise, à condition de nous avoir informés dans les quatre mois suivant la rupture de votre contrat de travail, du souhait de faire valoir cette priorité.

Cette priorité concerne tous les postes compatibles avec votre qualification ainsi que ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après la date du licenciement et que vous nous auriez communiquée préalablement.etgt;etgt;

Jacques X... a alors saisi le Conseil de Prud'hommes de Montpellier pour contester son licenciement et le Conseil de Prud'hommes par jugement en date du 26 juillet 2000 l'a débouté de toutes ses demandes.

Il a interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.

Jacques SERANO sollicite la réformation du jugement déféré à son bénéfice.

Il fait valoir qu'il a assuré pendant 14 ans la direction et la responsabilité du magasin Photo service au Polygone à Montpellier.

Il soutient que le motif économique de son licenciement n'est pas établi en ce sens que l'employeur n'apporte aucun élément de nature à justifier la modification de son contrat de travail, ou la suppression de son poste pas plus que le nécessaire maintien de la compétitivité de l'entreprise. Il ajoute qu'aucune proposition sérieuse de reclassement n'a été faite par l'employeur. Il demande en conséquence la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 250.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Il formule également une demande relative au paiement d'heures supplémentaires effectuées selon lui en 1997 et 1998 en faisant valoir qu'elles ont été réclamées et non payées. A ce titre il demande une somme de 24 750 francs, outre à titre de congés payés une somme de 2475 francs.

Enfin en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile il demande une somme de 10 000 francs.

La Société Photo Service a comparu, déclarant venir aux droits de la Société Color Photo France, pour demander la confirmation du jugement déféré.

Elle soutient que dans le cadre de la fusion de la Société Color Photo France et de la Société Photo Service, l'harmonisation des conditions de rémunération des deux Sociétés était justifiée par la nécessaire sauvegarde de compétitivité de la Société et que le refus par le salarié de la modification des conditions de rémunération nécessitées par cette situation économique autorisait son licenciement.

Elle ajoute qu'elle a recherché dans le groupe des solutions de reclassement pour Jacques X... .

Subsidiairement elle fait valoir que le montant des dommages et intérêts sollicités est trop élevé.

Sur les heures supplémentaires elle fait valoir que sur la demande du salarié, elle avait été amenée à lui répondre le 14 mai 1999 que le recours aux heures supplémentaires dans son magasin fonctionnant avec 5 personnes n'était pas nécessaire et qu'aucune heure supplémentaire ne lui était due.

DISCUSSION DECISION.

Attendu qu'il convient d'observer préliminairement que la Société Color Photo France qui a procédé au licenciement de Jacques X... et à la délivrance des documents salariaux et de l'attestation ASSEDIC n'apporte au dossier aucun élément susceptible d'établir qu'une réelle fusion est intervenue entre elle et la Société Photo Service; que notamment l'employeur qui aurait pu produire les traités de fusion, ou les extraits Kbis des 2 Sociétés, s'en est totalement abstenu;

Que dans ces conditions, et pour cette seule raison, il apparaît déjà que l'accord d'harmonisation invoqué par l'employeur pour modifier les éléments du salaire de Jacques X... est sans portée;

Attendu qu'en outre, il appartient à l'employeur qui prétend que le licenciement aurait été opéré pour motif économique tenant à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise de fournir les éléments nécessaires à la démonstration de la preuve qui pèse sur lui; qu'à cet égard, il apparaît que son dossier est totalement vide au regard des éléments comptables et financiers qu'il aurait pu produire, et que la seule affirmation qu'il aurait été en concurrence avec les magasins à grande surface, ne peut pas suffire à établir la nécessité d'une réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité

;

Attendu qu'enfin, il appartient à l'employeur qui a volontairement placé le licenciement dans un cadre économique de rechercher préalablement dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient le reclassement du salarié et de lui faire des propositions précises; qu'en se bornant à lui adresser une liste des postes prétendument vacants dans l'entreprise, tous de degrés très inférieurs au poste occupé par le salarié, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche du reclassement préalable à toute mesure de licenciement pour motif économique;

Attendu qu'en conséquence le licenciement de Jacques X... est sans cause réelle et sérieuse; qu'eu égard aux conditions du licenciement qui s'inscrit dans un cadre bâti de toutes pièces, à son ancienneté de 12 ans, à son salaire mensuel de plus de 120.000 francs outre 13ème mois, à son âge 49 ans au jour du licenciement , il convient de lui allouer à titre de dommages et intérêts la somme de 250 000 francs.

Sur les heures supplémentaires.

Attendu qu'à partir de février 1998 Jacques X... n'a plus été responsable du magasin de Polygone à Montpellier et n'a donc plus rédigé lui même les plannings horaires hebdomadaires de travail dans le magasin; que ces plannings, signés par les salariés, et par leur responsable dénommé "Jean François" sont donc opposables à l'employeur qui n'a pas contesté le mode de calcul effectué par Jacques X... à partir de ces plannings , se bornant à prétendre que les heures supplémentaires étaient inutiles au fonctionnement du magasin; qu'il convient eu égard aux dispositions légales en la matière de faire droit intégralement à la demande;

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge de l'appelant

les frais exposés pour sa défense et non compris dans les dépens, dont le montant sera précisé au dispositif de la présente décision, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

PAR CES MOTIFS.

LA COUR.

En la forme reçoit Jacques X... en son appel,

Au fond,

Réformant le jugement déféré,

Condamne la Société COLOR PHOTO FRANCE et la Société PHOTO SERVICE se prétendant aux droits de la première, à payer à Jacques X... :

-la somme de 250 000 francs (soit 38 112,25 Euros) à titre de dommages et intérêts

-les sommes de 24750 francs (soit 3 773,11 Euros) en paiement des heures supplémentaires accomplies par Jacques X... en 1998 et 1999 et la somme de 2475 francs (soit 377,31 Euros) à titre de congés payés

- la somme de 10 000 francs (soit 1 524,49 Euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

La condamne aux dépens.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00/01529
Date de la décision : 19/12/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Définition - Modification du contrat de travail - Origines économiques admises - Nécessité - /

Est dépourvu de motif économique, le licenciement d'un salarié,suite à son re- fus d'accepter les modifications des conditions de calcul de ses rémuné- rations,consécutives à un accord d'harmonisation des salaires résultant d'une fusion, dès lors que l'employeur n'apporte au dossier aucun élément susceptible d'établir qu'une réelle fusion est intervenue entre une société et la société employeur.A cet effet, l'employeur n'a pas pu produire les traités de fusion, ou les extraits Kbis des deux sociétés


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2001-12-19;00.01529 ?
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