ARRET N° R.G : 00/00969 C.p.h. beziers 04 mai 2000 Commerce X... C/ S.A.R.L. ALDI MARCHE JPM/NF COUR D'APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 21 NOVEMBRE 2001 APPELANT : Monsieur Frédéric X... 12, rue d' Auriac 34500 BEZIERS Représentant : la SCP SIMON Frédéric avocats au barreau de BEZIERS) INTIMEE : S.A.R.L. ALDI MARCHE prise en la personne de son représentant légal Avenue du Genéral de Gaulle 34120 PEZENAS Représentant : Me Etienne DE VILLEPIN (avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
M.. Jean-Pierre MASIA, Conseiller, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : M. Louis GERBET, Président M Jean-Pierre MASIA, Conseiller M Eric SENNA, Conseiller GREFFIER : Mme Béatrice Y..., Agent Administratif faisant fonction, DEBATS : A l'audience publique du 23 Octobre 2001, où l'affaire a été mise en délibéré a l'audience du 21 Novembre 2001 ARRET : Contradictoire, prononcé et signé par M. Louis GERBET, Président, à l'audience publique du 21 Novembre 2001, date indiquée à l'issue des débats avec Madame COULON greffier. * * * FAITS - PROCEDURE
Le 22 mai 1995, la SCN SPECIA FRANCE (GROUPE PROMODES), aux droits et obligations de laquelle se trouve depuis juillet 1996 la Société ALDI MARCHE, a embauché Monsieur Frédéric X... dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef de magasin pour un salaire brut mensuel de 9 500 F. Au jour de la rupture, son salaire brut mensuel a été de 11 304 F.
Le 24 février 1997, la société ALDI MARCHE lui a notifié une mise à pied conservatoire transformée en mise à pied disciplinaire.
Les 12,18 et 23 juin 1997 et le 18 juillet 1997, elle lui a adressé des avertissements pour des erreurs de code, un manque de fraîcheur dans le rayon fruits et légumes et mauvaise réception d'un camion.
Le 14 août 1997, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire et par lettre du 26 août 1997 lui a notifié une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour "non-respect des procédures ALDI et indolence provocante".
Le 17 octobre 1997, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement lequel lui a été notifié par lettre du 29 octobre 1997 ainsi rédigée ;
"Pour les motifs qui vous ont été exposés lors de notre entretien du 25 octobre 1997 et pour lesquels vous n'avez pu fournir d'explications satisfaisantes, nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement.
En effet, nous avons racheté les magasins DIA% en 1996 et depuis cette date, nous avons formé l'ensemble des chefs de magasin à nos méthodes de travail et à nos procédures spécifiques. Or, depuis cette date, vous refusez catégoriquement d'appliquer notre nouveau concept de travail proposé par la société ALDI MARCHE, à savoir :
- Contrat de travail : Vous refusez de signer le contrat Chef de magasin ALDI MARCHE qui a été expliqué et proposé à l'ensemble des chefs de magasin DIA.
- Procédures de travail : Vous refusez la mise en application des procédures ALDI MARCHE au sein de votre magasin de PEZENAS comme par exemple :
[* Contrôle fraîcheur : réalisé 3 fois en octobre 1997 alors que vous devez le faire 1 fois par jour.
*] Test PLU : non réalisé les semaines 38 - 39 - 40 - 41 alors que
vous devez le faire 1 fois pas semaine.
[* Observation caisse : réalisée 4 fois en octobre 1997 alors que vous devez le faire 2 fois par jour.
*] Contrôle ticket : réalisé 4 fois en octobre 1997 alors que vous devez le faire 2 fois par jour.
[* Contrôle des stocks sur 20 produits par jour : jamais réalisé.
*] Contrôle des listes d'annulés : jamais réalisé.
[* Contrôle de coffre : pas réalisé le 8/09/97 et le 11/10/97 alors que vous devez le faire 1 fois par jour.
*] Prélèvement des caisses : anormalement élevé et réalisé selon votre humeur au mépris de la sécurité des biens et des personnes (16 800.00 F de prélèvement le 4/10 dans le caisson de Monsieur Z... alors que vous devez faire un prélèvement tous les 5 000.00 F maximum).
- Indolence provocante :
[* Nettoyage et entretien des meubles frigorifique : jamais réalisés alors que vous devez le faire 1 fois par mois.
*] Cadencier Fruits et légumes : jamais utilisé.
[* Cadencier Frais : jamais réalisée.
*] Analyse de la DFU : jamais réalisée.
[* Agenda CM : jamais utilisé.
*] Les documents sont renseignés partiellement comme par exemple le document résultant de caisse où les heures, les couleurs et les signatures n'apparaissent jamais.
[* Les abords extérieurs du magasin ne sont jamais nettoyés.
*] Vous n'avez jamais porté la blouse Chef de magasin, ni la cravate. Un tel comportement de la part d'un agent de maîtrise, responsable de son point de vente engendre une perte de confiance inacceptable avec un maintien dans le poste.
En conséquence, la date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de 2 mois.
Au cours de ce préavis, vous pourrez vous absenter, selon les dispositions de la convention collective, deux heures par jour pendant un mois pour rechercher un nouvel emploi. Vous conviendrez avec votre supérieur hiérarchique des modalités d'utilisation de ces heures libres qui vous sont accordées.
Votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que votre attestation ASSEDIC vous seront adressés à la fin de votre préavis."
Contestant son licenciement et réclamant diverses sommes, Monsieur X... a saisi le Conseil des Prud-Hommes de Béziers lequel par jugement du 4 mai 2000, l'a débouté de toutes ses demandes.
Monsieur X... a interjeté appel. MOYENS - PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur X... demande à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- condamner la société ALDI à leur payer les sommes de :
- 173 126 F au titre des heures supplémentaires,
- 17 312, 60 F au titre des congés payés,
- 113 425,40 F au titre des dommages et intérêts,
- ordonner la remise sous astreinte de 500F/jour de retard de l'attestation ASSEDIC et des bulletins de salaires rectifiés,
- condamner la société ALDI à lui payer la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il soutient qu'entre juin 1995 et décembre 1997, il a effectué de
nombreuses heures supplémentaires dont il justifie selon lui l'existence et le nombre.
Sur la rupture du contrat de travail, il en conteste les motifs. Il affirme que la société ALDI ne pouvait pas lui imposer la modification du contrat initialement conclu avec la société SPECIA, que les procédures ALDI ne lui sont pas contractuellement opposables, qu'aucune perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise par suite du non-respect des procédures n'est d'ailleurs démontrée; que le dernier motif est vague et imprécis.
La SARL ALDI MARCHE demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter Monsieur X... de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir, sur les heures supplémentaires, que Monsieur X... a bénéficié d'une rémunération forfaitaire selon la convention collective et le contrat de travail; que les horaires d'ouverture du magasin démontrent que la convention de forfait a été très favorable au salarié; que pour la période antérieure à la reprise du contrat de travail, il appartient au salarié d'agir contre son employeur précédent.
Sur le licenciement, elle considère que les griefs sont fondés et rappelle que Monsieur X... a reçu plusieurs avertissements. MOTIFS DE LA DECISION
Sur les heures supplémentaires
Pour s'opposer au paiement des heures supplémentaires réclamées par Monsieur X..., la société ALDI se retranche derrière la convention de forfait d'heures supplémentaires contractuellement fixée entre les parties et qui selon la société ALDI serait très favorable à Monsieur X..., compte tenu des horaires
effectivement pratiqués.
Les dispositions contractuelles (art.7-2) concernant cette convention de forfait sont rédigées en termes très généraux. Elles ne permettent pas de connaître le nombre et le montant des heures supplémentaires que l'employeur a voulu rémunérer forfaitairement , ni de vérifier que le régime contractuel ainsi mis en place est au moins aussi favorable que le régime légal des heures supplémentaires.
Dans ces conditions, la convention de forfait prévue dans le contrat est inopposable au salarié.
La société ALDI soutient aussi qu'elle ne serait pas concernée par l'ensemble de la période.
En juillet 1998, le transfert du contrat de travail de Monsieur X... a été opéré de plein droit en application de l'article L122-12 al2 du code du travail. Par ailleurs, la substitution d'employeurs s'est faite dans le cadre d'une convention passée entre la société SPECIA et la société ALDI MARCHE.
Il s'ensuit, par application de l'article L122-12-1 du code du travail que la société ALDI MARCHE est tenue à l'égard de Monsieur X... des obligations qui incombaient à l'ancien employeur, à charge pour ce dernier, en vertu de ce même texte légal, de rembourser ensuite le nouvel employeur.
Monsieur X... est donc bien recevable à réclamer à la société ALDI MARCHE, le paiement d'heures supplémentaires se rapportant à la période antérieure au transfert du contrat de travail.
La société ALDI produit les horaires de travail sous forme d'une note de service intitulée " horaires de travail, chef de magasin et assistant chef de magasin" ainsi que les fiches de pointage de Monsieur X...
Monsieur X... produit, quant à lui, des attestations (BELHOUSSAINE, adjoint de Monsieur X..., période du 22 mai 1995 au 11 mai 1996) (A..., adjoint de Monsieur X..., période du 18 mai 1996 au 30 juin 1996) (CROS, caissière, période du 29 mai 1995 au 30 juin 1996) démontrant la réalité des heures supplémentaires pour les périodes susvisées. Il produit, en outre, un courrier de la société ALDI, non daté, adressé à Monsieur X..., et duquel il résulte l'existence d'un différend entre l'employeur et le salarié sur le décompte des heures supplémentaires. Il produit également les relevés informatiques de l'alarme du magasin pour la période de mai 1996 à juin 1997, alarme que Monsieur X... et Monsieur A... étaient chargés d'activer et de désactiver témoignant ainsi de leur temps de travail dans le magasin.
Appréciant les diverses pièces produites par chacune des parties, la Cour constate que la durée effective et réelle du travail de Monsieur X... a été supérieure à la durée figurant sur la note de service susvisée, d'ailleurs non datée, et sur les feuilles de présence susvisées, étant relevé en outre que les fonctions exercées par Monsieur X... ont favorisé la réalisation d'heures supplémentaires.
Compte tenu des heures supplémentaires effectuées par Monsieur X... à raison de 25 heures par semaine de mai 1995 à juin 1996 et de 12,5 heures par semaine de juillet 1996 au jour de la rupture, il y a lieu de condamner la société ALDI MARCHE à payer à Monsieur X..., la somme de 173 126 F de rappel de salaire outre la somme de 17 312,60 F au titre des congés payés.
Sur le licenciement
La perte de confiance de l'employeur ne peut jamais constituer en tant que telle une cause du licenciement même quand elle repose sur
des éléments objectifs.
En l'espèce, la lettre de licenciement, si elle vise des faits précis dont tous ne sont d'ailleurs pas objectivement et matériellement vérifiables, a néanmoins énoncé comme cause déterminante du licenciement de Monsieur X... la perte de confiance de l'employeur, laquelle ne peut pas constituer une cause quelconque de licenciement.
Dans ces conditions, et sans qu'il ne soit besoin d'examiner les faits visés dans la lettre de licenciement, le licenciement de Monsieur X... doit être jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'ancienneté du salarié, du montant de son salaire, du nombre de salariés dans l'entreprise mais aussi en tenant compte du fait que Monsieur X... ne justifie pas de sa situation actuelle, il y a lieu de condamner la société ALDI MARCHE à payer à Monsieur X... la somme de 100 000 F de dommages et intérêts.
Sur les intérêts légaux et la remise des documents
Il convient d'ordonner que les sommes allouées emporteront intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2000 et à compter de l'arrêt pour le surplus et que la société ALDI MARCHE devra remettre sous astreinte, comme dit au dispositif, les documents légaux, étant précisé que la prime de blanchissage sera comprise dans le salaire.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
La société ALDI MARCHE qui succombe sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
- La Cour,
- Reçoit Monsieur X... en son appel,
- Le dit fondé,
- Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
- Statuant à nouveau,
- Dit le licenciement de Monsieur X... dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Condamne la SARL ALDI MARCHE à payer à Monsieur X... les sommes de :
- 173 126 F à titre d'heures supplémentaires,
- 17 312,60 F au titre des congés payés s'y rapportant,
- 100 000 F de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 6 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dit que ces sommes, sauf celles de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, emporteront intérêt au taux légal à compter "du 2 mars 2000 à concurrence de sommes réclamées à cette date et à compter du prononcé de l'arrêt pour le surplus".
Dit que la SARL ALDI MARCHE devra remettre à Monsieur X... dans le mois de la notification de l'arrêt, et passé ce délai sous astreinte de 100 F/jour de retard, l'attestation ASSEDIC, les bulletins de salaires rectifiés et conformes à l'arrêt.
- Condamne la SARL ALDI MARCHE aux dépens.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT