COUR D'APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 27 JUIN 2001 APPELANT : Monsieur Jean Noùl X... 3, rue de l'Alouette 34130 ST AUNES Représentant : Me NICOD de la SCP COHEN THEVENIN CHARBIT (avocat au barreau de MONTPELLIER) INTIMEE : S.A. COFACE prise en la personne de son représentant légal 12, Cours Michelot LA DEFENSE 92065 PARIS LA DEFENCE CEDEX 11 Représentant : Me Jean-Pierre LEFOL (avocat au barreau de PARIS) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. Louis GERBET, Président Mme Y... - José SONNEVILLE, Conseiller Mme Christine DEZANDRE, Conseiller GREFFIER : M. Chantal Z..., Greffier, DEBATS : A l'audience publique du 05 Juin 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au27 Juin 2001 ARRET : Contradictoire, prononcé et signé par M. Louis GERBET, Président, à l'audience publique du 27 Juin 2001, date indiquée à l'issue des débats. * * * LES FAITS ET LA PROCÉDURE Monsieur Jean-Noùl X..., employé par la Compagnie Française d'Assurance pour le Commerce Extérieur (COFACE) depuis 1972, en dernier lieu dans un poste de chargé de clientèle au sein de la Direction du développement commercial de l'agence de MONTPELLIER, était mis à pied à partir du 8 juillet 1994 et licencié pour faute grave par courrier du 27 juillet 1994 dans les termes suivants : "Vous avez utilisé le matériel de la COFACE : locaux les samedi et dimanche, fax adressés en France et à l'étranger, téléphone et micro-informatique à des fins personnelles et commerciales extra-COFACE, - vous avez utilisé une partie de votre temps de travail dans les bureaux de la délégation pour gérer vos affaires personnelles et pour le compte des sociétés que vous avez créées, - des négociations commerciales ont été engagées entre la société LES CAFES SAINT-LOUIS et votre société GOURMANDELINE (société française dont vous êtes le gérant) et DELISS (société polonaise dont vous êtes actionnaire et étiez, jusqu'à une date récente, vice-président). Nous avons pu constater par ailleurs que la société
LES CAFES SAINT LOUIS a bénéficié d'un contrat d'assurance prospection simplifié qui couvre notamment les courants d'affaires avec la Pologne et qui vient d'être renouvelé. Or, l'instruction et le suivi de cette procédure est de votre ressort comme l'indique la définition de votre fonction. Vos agissements d'une légèreté blâmable conduisent à une perte de confiance. Ils sont de nature à altérer sur le plan régional la notoriété de la compagnie et nuisent plus généralement à son image...". Contestant la légitimité de son licenciement, M. X... saisissait le 8 août 1994 la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses indemnités, et par jugement du 18 mars 1996, le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER le déboutait de toutes ses demandes. M. X... interjetait régulièrement appel de cette décision. LES MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES M. X... conclut à la réformation du jugement, au motif que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et sollicite la condamnation de la COFACE au paiement de : - 500 000 Francs de dommages et intérêts, - 249 785,10 Francs d'indemnité de licenciement, - 59 406 Francs brut d'indemnité compensatrice de préavis et 5 940,60 Francs brut de congés payés, - 15 330,58 Francs brut de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 1 533,05 Francs brut de congés payés, ou à titre subsidiaire les mêmes sommes à l'exception des dommages et intérêts, au titre d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave, et, en tout état de cause, le paiement de 10 000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il soutient que les griefs énoncés ne constituent pas une faute grave, alors que : - l'utilisation du fax à des fins personnelles est de peu d'importance et était une pratique tolérée dans l'entreprise, - il ne saurait être reproché à un cadre de venir travailler les samedi et dimanche, - l'utilisation de la micro-informatique est relative à la préparation
de cours de formation, - l'employeur ne démontre pas que M. X... ait utilisé son temps de travail à la gestion des sociétés qu'il avait créées, en l'absence de tout reproche d'insuffisance professionnelle, - il n'est pas établi que les relations commerciales entre les sociétés de M. X... et la société LES CAFES SAINT-LOUIS, assurée par la COFACE, aient porté préjudice à celle-ci. La COFACE conclut à la confirmation du jugement déféré et forme une demande de 25 000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; elle expose que la réalité des griefs énoncés est établie par les pièces qu'elle verse aux débats et qu'il en ressort la confusion entretenue par M. X... entre ses activités personnelles et professionnelles, préjudiciable aux intérêts de la compagnie, et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail. MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant un manquement aux obligations du contrat de travail d'une importance telle que celui-ci ne peut être poursuivi, même pendant la durée du préavis, Attendu en l'espèce que les faits reprochés à M. X... se rapportent tous à une utilisation à des fins personnelles des moyens dont il disposait pour son travail, Attendu que l'employeur verse au dossier les pièces démontrant l'utilisation du fax de l'entreprise pour des besoins non professionnels, de surcroît pendant le week-end, ainsi que l'existence sur le micro-ordinateur professionnel de M. X... de fichiers relatifs à des actions de prospection commerciale pour sa société GOURMANDELINE/FINELINE, l'argument du salarié selon lequel il s'agirait de cas pratiques destinés à des enseignements ne résistant pas à l'analyse des documents produits qui concernent des actions réelles et sans caractère pédagogique particulier, Attendu qu'il est également rapporté par des attestations que des visiteurs polonais, sans lien avec la COFACE, ont été reçus par M. X..., par ailleurs
associé et vice-président d'une société polonaise DELISS, dans les locaux de l'entreprise, Attendu qu'il est ainsi établi que M. X... consacrait une partie de son temps et de ses moyens de travail à gérer des affaires personnelles, à des fins commerciales de surcroît, qu'il s'agit d'un manquement à l'obligation générale de loyauté et de fidélité dans l'exécution du contrat de travail, Attendu ensuite qu'il ressort des pièces produites par la COFACE que M. X..., qui avait créé et dirigeait la société GOURMANDELINE, de droit français, et détenait des parts et jusqu'en mars 1994 des responsabilités dans la société DELISS, de droit polonais, était à ce titre partie prenante d'un courant d'affaires entre ces deux entreprises et la S.A LES CAFES SAINT-LOUIS, relatif à une exportation de café, alors que par ailleurs au titre de ses fonctions à la COFACE, il était en charge du contrat d'assurance prospection simplifié consenti à la S.A LES CAFES SAINT-LOUIS pour les mêmes opérations, qu'il y a là manifestement matière à confusion entre des intérêts personnels et les fonctions professionnelles, préjudiciable au bon déroulement de la relation de travail, étant observé que M. X... avait directement participé à l'élaboration du budget couvert par l'assurance prospection, dans lequel était intégré le montant des commissions versées par LES CAFES SAINT-LOUIS à sa propre société GOURMANDELINE, Attendu que de tels agissements, menés en dehors de toute information de la direction, sont de nature à remettre gravement en cause la confiance nécessaire à la bonne exécution du contrat de travail, que de plus la confusion des rôles jette un discrédit sur l'image de la compagnie auprès de ses assurés, et qu'il en résulte que la COFACE était fondée, en l'état des informations recueillies sur la double position de son salarié, à mettre fin immédiatement à la relation de travail, Attendu en conséquence que le jugement déféré sera confirmé, Attendu que l'équité et la situation économique respective des
parties commandent de ne pas faire droit à la demande de l'intimée au titre de l'article 700 du NCPC, PAR CES MOTIFS LA COUR, Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Met les dépens d'appel à la charge de M. X...
LE GREFFIER
LE PRESIDENT