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04/09/2024 | FRANCE | N°23/01297

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 04 septembre 2024, 23/01297


Arrêt n° 24/00311



04 septembre 2024

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N° RG 23/01297 -

N° Portalis DBVS-V-B7H-F7NH

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

08 juin 2023

23/00121

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatre septembre deux mille vingt quatre







APPELANTE :


r>SA LA POSTE prise en son établissement sis [Adresse 3] et en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle SABATINI-GOEURIOT, avocat au barreau de METZ, avocat postulant e...

Arrêt n° 24/00311

04 septembre 2024

---------------------

N° RG 23/01297 -

N° Portalis DBVS-V-B7H-F7NH

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

08 juin 2023

23/00121

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatre septembre deux mille vingt quatre

APPELANTE :

SA LA POSTE prise en son établissement sis [Adresse 3] et en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle SABATINI-GOEURIOT, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Eric SEGAUD, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

INTIMÉE :

Mme [J] [P] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie JUNG, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Jocelyne WILD

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [J] [P] [U] a été embauchée par la S.A. La Poste en qualité de chargée de clientèle selon contrat de travail à durée déterminée senior prenant effet le 14 juin 2021 et dont le terme a été fixé au 13 décembre 2022.

Mme [P] [U] a poursuivi l'exécution de son contrat de travail après son terme.

Par courriel du 19 décembre 2022, la société La Poste a transmis à la salariée pour signature un avenant de renouvellement à son CDD senior ayant pour point de départ le 14 décembre 2022 et pour terme le 13 juin 2023.

Par courriel du 22 décembre 2022, Mme [P] [U] a informé la société La Poste de son refus de signer l'avenant à son CDD senior en indiquant qu'elle avait acté que son contrat de travail s'était transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 14 décembre 2022.

Par message électronique du 10 janvier 2023 la société La Poste a informé la salariée que le comité d'emploi avait prolongé son contrat de travail pour une durée de 6 mois, et Mme [P] [U] a réagi en indiquant qu'elle était liée à la société par un contrat à durée indéterminée depuis le 14 décembre 2022.

Mme [P] [U] a rappelé ses conditions d'embauche définitive par lettres recommandées du 12 janvier 2023 puis du 1er février 2023, auxquelles la société La Poste a répondu par courrier du 8 février 2023 que la salariée était embauchée jusqu'au 13 juin 2023 à la suite de la proposition de renouvellement de son CDD senior qui lui avait été faite et qu'elle avait accepté lors de l'entretien du 15 novembre 2022.

Après de nouveaux échanges entre les parties, notamment des courriers du 10 et 27 mars 2023 de M. [X], responsable d'exploitation de la société La Poste, rappelant à la salariée que son contrat à durée déterminé prenait fin le 13 juin 2023, Mme [P] [U] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Metz par assignation enregistrée au greffe le 17 mai 2023, aux fins d'ordonner à la société La Poste la poursuite de son contrat de travail au-delà du 13 juin 2023.

Mme [P] [U] a également saisi le bureau de jugement de jugement du conseil de prud'hommes de Metz par requête directe enregistrée au greffe le 24 mai 2023 afin de demander la requalification de son CDD senior en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet avec effet au 14 juin 2021 ainsi que l'octroi de dommages et intérêts pour discrimination liée à son âge.

Par ordonnance de référé du 8 juin 2023 le conseil de prud'hommes de Metz a statué en formation de référé comme suit :

« Se déclare compétente pour connaître de ce présent litige ;

Dit et juge que la demande de Mme [P] [U] est recevable ;

Constate que Mme [P] [U] a travaillé au-delà du terme du CDD sénior ;

Constate que l'avenant de renouvellement a été proposé six jours après le terme du CDD et n'a pas été signé par les parties ;

Constate l'existence d'un dommage imminent ;

En conséquence,

Ordonne à la Société La Poste, prise en la personne de son représentant légal, la poursuite du contrat de travail de Mme [P] [U] au-delà du 13/06/2023 ;

Assortit cette décision d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du 14/06/2023 ;

Se réserve la liquidation de cette astreinte en application de l'article 491 du code de procédure civile ;

Condamne la Société La Poste, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [P] [U], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Société La Poste de ses demandes ;

Condamne la Société La Poste, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens de l'instance en vertu des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, y compris aux éventuels frais d'exécution de la présente ordonnance ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire à titre provisoire en application de l'article 514 du code de procédure civile. ».

Par déclaration électronique transmise le 20 juin 2023, la société La Poste a régulièrement interjeté appel de l'ordonnance qui lui avait été notifié le 14 juin 2023.

Par ses conclusions récapitulatives et responsives 2 datées du 4 décembre 2024 et transmises par voie électronique le 5 décembre 2023, la société La Poste demande à la cour de statuer comme suit :

« Recevoir l'appel ;

Infirmer l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Metz, statuant en référé, du 8 juin 2023, sous le numéro RG : R 23/00121 en ce qu'il a :

Dit et jugé la demande de Mme [P] [U] recevable ;

Constaté que Mme [P] [U] a travaillé au-delà du terme CDD Sénior ;

Constaté que l'avenant de renouvellement a été proposé six jours après le terme du contrat de travail à durée déterminée et n'a pas été signé par les parties ;

Constaté l'existence d'un dommage imminent ;

Infirmer l'Ordonnance rendue en ce qu'elle a :

Ordonné à la Société La Poste, prise en la personne de son représentant légal, la poursuite du contrat de travail de Mme [P] [U] au-delà du 13 juin 2023 ;

Assorti cette décision d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du 14 juin 2023 ;

Infirmer l'Ordonnance en ce qu'elle s'est réservée le droit de liquider cette astreinte et en ce qu'elle a :

Condamné la Société La Poste, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [P] [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer l'Ordonnance rendue le 8 juin 2023 en ce qu'elle a :

Débouté La Société La Poste de toutes ses autres demandes ;

Condamné La Société La Poste aux frais et dépens selon les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile y compris aux éventuels frais d'exécution de la présente Ordonnance et rappelle que la décision est exécutoire à titre provisoire selon l'article 514 du code de procédure civile ;

Y ajoutant :

Constater le caractère irrecevable des demandes de Mme [P] [U] ;

Constater, en tout état de cause, le caractère mal fondé de ses demandes ;

En conséquence :

La déclarer irrecevable et mal fondée ;

Condamner Mme [P] [U] à verser à la société La Poste la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux entiers dépens de la présente Instance. ».

A l'appui de son recours, la société La Poste évoque les conditions de renouvellement du CDD senior telles que prévues par les dispositions des articles L.1242-3 du code du travail et fait valoir qu'elles sont distinctes de celles applicables au contrat à durée déterminée 'classique'.

Elle considère que :

- le renouvellement d'un CDD senior n'est pas soumis à l'obligation d'être préalablement convenu par un avenant au contrat écrit,

- la salariée a manifesté son accord le 15 novembre 2022 au renouvellement de son CDD senior selon la proposition de renouvellement de son CDD senior faite par le responsable d'exploitation,

- c'est au moment où la salariée a manifesté son accord au renouvellement de son CDD senior que la procédure aux fins de rédaction de l'avenant a été mise en 'uvre par la saisine du comité d'emploi confirmant celui-ci,

- les conditions de l'accord de renouvellement ont été fixées par l'avenant du 19 décembre 2022 et la signature de l'avenant après le terme du contrat initial est sans emport.

La société La Poste conteste la recevabilité de l'action de la salariée devant la formation de référé en faisant valoir que Mme [P] [U] n'a pas saisi la juridiction prud'homale au fond.

La société La Poste conteste le dommage imminent allégué par la salariée en faisant état de la mauvaise foi de Mme [P] [U] qui, après avoir accepté le renouvellement de son contrat précaire, a refusé de signer l'avenant, alors que les témoignages des représentants de la société qui ont convenu des conditions du renouvellement, M. [X] et Mme [O], attestent de la réalité du consentement de la salariée qui n'a émis qu'une réserve concernant la durée de son renouvellement lors de l'entretien du 15 novembre 2022.

L'employeur se prévaut par ailleurs des règles dérogatoires applicables au CDD senior, qui ne nécessitent pas qu'un avenant écrit soit signé par les parties avant le terme du contrat initial et la prise d'effet du renouvellement.

Par ses conclusions d'intimée n° 2 datées du 1er décembre 2023 et transmises par voie électronique le même jour, Mme [P] [U] demande à la cour de statuer comme suit :

« Confirmer l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Metz en date du 8 juin 2023

En conséquence,

Constater que Mme [P] [U] a travaillé au-delà du terme du CDD senior

Constater que l'avenant de renouvellement a été proposé six jours après le terme du CDD et n'a pas été signé par les parties

Constater l'existence d'un dommage imminent

Dire et juger que la demande de Mme [P] [U] est recevable et bien fondée 

Ordonner à la société La Poste la poursuite du contrat de travail de Mme [P] [U] au-delà du 13 juin 2023 selon un contrat de travail de droit commun, et ce, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du 14 juin 2023

Se réserver de liquider l'astreinte

Y ajoutant,

Condamner la société La Poste à payer à Mme [P] [U] 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. ».

Mme [P] [U] réplique sur les conditions de renouvellement de son contrat :

- que le CDD senior stipule que ce contrat pourra (') être renouvelé une fois par accord entre les parties, les conditions de ce renouvellement feront l'objet d'un avenant au contrat,

- que la société La Poste lui a proposé un avenant de renouvellement de son CDD senior une semaine après le terme et cet avenant n'a été signé par aucune des parties,

- que le contrat s'étant poursuivi après le terme, la relation de travail s'analyse en un CDI conformément à l'article L.1243-11 du code du travail,

- que la proposition de renouvellement de son CDD senior lors de l'échange oral informel du 15 novembre 2022 n'était ni précise, ni ferme et encore moins définitive,

- que le renouvellement du CDD senior de la salariée était soumis à la validation préalable d'un comité d'emploi selon le courriel de la direction des ressources humaines du 5 décembre 2022,

- que les règles dérogatoires applicables au CDD senior concernent le nombre de renouvellements possibles de CDD prévu par accord ou par la loi, et ne concerne pas l'exigence de la signature d'un avenant de renouvellement avant l'arrivée du terme du contrat initial,

- que le CDD senior n'échappe pas à la règle fixée par l'article L.1243-11 du code du travail, ni à celles prévues par le code civil en matière de poursuite d'exécution contrat à durée déterminée à l'échéance de son terme entraînant sa requalification en CDI.

S'agissant de son action devant la formation de référé fondée sur le dommage imminent, Mme [P] [U] soutient :

- que la procédure de référé n'a pas à être concomitante à une saisine des juges au fond pour obtenir la poursuite du contrat de travail, le juge des référés étant compétent pour prescrire des mesures conservatoires afin de prévenir un dommage imminent,

- que les arguments développés par l'employeur quant à sa mauvaise foi ne sont pas pertinents, au vu des échanges successifs intervenus entre les parties et du revirement de la société La Poste,

- que le dommage imminent est caractérisé par la rupture de son contrat de travail au-delà du 13 juin 2023 en raison de la survenance du terme fixé par l'employeur qui est infondée et discriminatoire car liée à son âge, et qui porte atteinte à son droit d'être garantie du maintien de son emploi,

- que saisi d'une requête du 24 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Metz a statué au fond par jugement du 17 octobre 2023 en requalifiant le CDD senior en contrat de travail à durée indéterminée.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observe que plusieurs procédures ont été diligentées par Mme [P] [U] soit, outre la présente procédure de référé, une procédure au fond engagée le 24 mai 2023 à l'issue de laquelle un jugement a été rendu le 17 octobre 2023 par le conseil de prud'hommes de Metz qui a requalifié le CDD senior en contrat à durée indéterminée à temps complet à effet au 14 juin 2021 et qui a notamment alloué à la salariée une indemnité de requalification et des dommages et intérêts pour discrimination en raison de l'âge

Mme [P] [U] a également saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Metz par assignation de la société La Poste en date du 26 juillet 2023, et la formation de référé a rendu une ordonnance le 19 octobre 2023 qui, après avoir constaté que la société La Poste n'avait pas exécuté l'ordonnance de référé du 8 juin 2023, a notamment :

- liquidé l'astreinte à la somme de 9 300 euros nets pour la période du 14 juin 2023 au 14 septembre 2023 et condamné à ce titre la société La Poste à payer à Mme [P] [U] la somme de 9 300 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,

- constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et ordonné à la société La Poste de réintégrer Mme [P] [U] dans ses effectifs à compter du 14 juin 2023 avec reprise d'ancienneté au 14 juin 2021 et de poursuivre le contrat de travail de Mme [P] [U] dans le cadre d'un contrat de travail de droit commun,

- assorti ces mesures d'une astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à compter du jour suivant sa notification en se réservant la liquidation de l'astreinte.

La cour observe que la société La Poste développe dans ses conclusions des arguments qui se rapportent à la deuxième procédure judiciaire initiée par Mme [P] [U] devant la formation de référé par assignation du 26 juillet 2023 aux fins de faire constater l'existence de troubles manifestement illicites.

La cour rappelle qu'elle n'est saisie que de l'appel de la société La Poste contestant les dispositions de l'ordonnance du 8 juin 2023, qui a fait droit aux demandes de mesures conservatoires présentées par Mme [P] [U] au titre non pas de troubles manifestement illicites mais d'un dommage imminent.

Sur la recevabilité des demandes de Mme [P] [U]

La compétence de la formation du conseil de prud'hommes statuant en référé est définie par les articles R. 1455-5, R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail qui prévoient :

- pour le premier, que « dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend » ;

- pour le deuxième, que « la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite»;

- pour le troisième, que « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

La société La Poste soutient l'infirmation de l'ordonnance du 8 juin 2023 au motif qu'au moment où Mme [P] [U] saisissait la formation de référé le 17 mai 2023, elle n'avait pas saisi la juridiction prud'homale « sur le fond », et qu'ainsi l'action en référé n'est pas recevable.

La société La Poste fait valoir que le conseil de prud'hommes a été saisi au fond par Mme [P] [U] par un acte déposé le 24 mai 2023.

Il ressort des données constantes du débat que Mme [P] [U] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Metz en se prévalant des dispositions de l'article R 1455-6 du code du travail aux fins de faire constater l'existence d'un dommage imminent et que soit ordonnée la poursuite de son contrat de travail au-delà du 13 juin 2023, en faisant valoir qu'après l'expiration du CDD senior conclu avec la société La Poste pour une période courant du 14 juin 2021 au 13 décembre 2022, elle avait continué à travailler sans qu'un avenant de renouvellement ait été signé par les parties.

Mme [P] [U] a fait état, au titre du dommage imminent, de ce que la société La Poste considérait que le contrat précaire avait été régulièrement renouvelé pour une période de six mois jusqu'au 13 juin 2023.

La cour rappelle que lorsque l'action en référé est intentée sur le fondement de l'article R. 1455-6 du code du travail l'urgence n'a pas à être établie, ni l'absence de contestation sérieuse, puisque le juge ne peut prononcer que des mesures provisoires ou conservatoires.

Les dispositions légales ci-dessus rappelées ne soumettent pas la recevabilité de l'action à la saisine préalable ou concomitante de la juridiction au fond, étant rappelé que l'instance en référé est autonome par rapport à celle au fond.

Aussi les règles applicables à la saisine de la juridiction prud'homale au fond en cas de demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n'excluent pas la possibilité de saisir le juge des référés sur le fondement de l'article R. 1455-6 du code du travail et de solliciter la continuation provisoire de la relation de travail dans l'attente de la décision définitive des juges du fond.

En conséquence, la cour retient que l'action de Mme [P] [U] visant à ordonner le maintien de sa relation de travail au sein de la société La Poste au-delà du 13 juin 2023 est recevable. L'ordonnance querellée est confirmée sur ce point.

Sur les mesures conservatoires sollicitées

A l'appui de ses demandes Mme [P] [U] fait valoir :

- qu'elle a été embauchée en qualité de chargé de clientèle par la société La Poste en exécution d'un CDD senior à effet du 14 juin 2021 au 13 décembre 2022,

- que les relations contractuelles se sont poursuivies au-delà du terme sans signature d'un avenant,

- que la société La Poste lui a adressé un avenant de renouvellement à son CDD senior pour une durée de 6 mois du 14 décembre 2022 au 13 juin 2023, et ce par courriel du 19 décembre 2022,

- qu'elle a manifesté, notamment par courriels du 22 décembre 2022 et 11 janvier 2023 puis par lettre du 12 janvier 2023 et du 1er février 2023, son refus de signer l'avenant auprès de la direction des ressources humaine de la société La Poste à plusieurs reprises au motif que son CDD senior s'était transformé en contrat à durée indéterminée à l'expiration de son terme du fait qu'elle a continuée à exécuter son contrat après le 13 décembre 2022,

- que la société La Poste n'a donné suite à ses divers écrits que par un courrier recommandé du 8 février 2023 affirmant que son contrat n'avait pas été transformé d'office en contrat à durée déterminée et que « vous travaillez actuellement dans le cadre d'un avenant à votre contrat initial courant jusqu'au 13 juin 2023. Cette proposition vous avait été faite le 15 novembre 2022 et vous l'aviez acceptée » (sa pièce n° 11).

Au soutien de l'existence d'un dommage imminent Mme [U] [P] se prévaut de la perte de l'emploi par l'effet de la survenance du terme, durant la procédure, du contrat à durée déterminée toujours en cours au moment où le juge des référés statue, ce dommage étant de nature à priver d'effectivité le droit pour la salariée de demander la requalification d'un contrat à durée déterminée irrégulier en contrat à durée indéterminée afin d'obtenir la poursuite de la relation contractuelle avec son employeur (Cass, soc. 8 mars 2017, pourvoi n° 15-18.560).

La société La Poste conteste l'existence d'un dommage imminent en faisant état de la mauvaise foi de Mme [P] [U] caractérisée par le refus de signer un avenant dont la signature pouvait intervenir après l'expiration du terme du contrat initial au regard des dispositions des articles L. 1242-13 et L. 1242-13-1 du code du travail, alors que la salariée avait préalablement manifesté son accord lors d'un entretien le 15 novembre 2022 avec le responsable d'exploitation et la responsable de l'espace commercial.

Ces arguments développés par l'employeur concernent toutefois des questions de fond, et tant la bonne foi de la salariée que l'appréciation des règles applicables au contrat de travail à durée déterminée senior et de sa requalification relèvent de la compétence exclusive des juges du fond et échappent au juge des référés, qui n'est pas saisi du principal.

La cour retient que le dommage imminent invoqué par Mme [P] [U] résulte de la privation de son travail par l'effet de l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée dont la salariée revendique la requalification au moment où le juge statue, portant ainsi atteinte au libre exercice d'une activité professionnelle.

En conséquence, le dommage imminent est caractérisé et l'ordonnance de référé du conseil des prud'hommes de Metz est confirmée en ce qu'elle a ordonné à la société La Poste la poursuite du contrat de travail de Mme [P] [U] au-delà du 13 juin 2023, et en ce qu'elle a assorti cette obligation d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du 14 juin 2023 dont la juridiction de référé s'est réservée la liquidation.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions de la décision déférée relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens sont confirmées.

Il est contraire à l'équité de laisser à la charge de Mme [P] [U] ses frais irrépétibles. La société La Poste est condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La demande de la société La Poste au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée, et elle est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance du 8 juin 2023 en toute ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne la S.A. La Poste à payer à Mme [J] [P] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

Rejette les présentions de la S.A. La Poste au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A. La Poste aux dépens d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 23/01297
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.01297 ?
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