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04/09/2024 | FRANCE | N°21/02265

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 04 septembre 2024, 21/02265


Arrêt n° 24/00309



04 septembre 2024

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N° RG 21/02265 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FSST

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Thionville

06 septembre 2021

F 21/00060

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatre septembre deux mille vingt quatre







APPELANTE :<

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S.A.R.L. TRACTLUX FRANCE prise en la personne de son représentant légal (gérant) pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Raphaël - Antony CHAYA, avocat au barreau de MARSE...

Arrêt n° 24/00309

04 septembre 2024

---------------------

N° RG 21/02265 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FSST

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Thionville

06 septembre 2021

F 21/00060

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatre septembre deux mille vingt quatre

APPELANTE :

S.A.R.L. TRACTLUX FRANCE prise en la personne de son représentant légal (gérant) pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Raphaël - Antony CHAYA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

M. [Y] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me José FERNANDEZ, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/008978 du 19/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Jocelyne WILD

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [O] a été embauché à durée indéterminée et à temps complet à compter du 1er septembre 2017 en qualité de conducteur routier de marchandises par la SARL Tractlux France, avec application de la convention collective des transports routiers.

M. [O] a été victime d'un accident du travail le 29 mars 2018 et à compter de cette date a été placé en arrêt de travail ininterrompu.

Le salarié a été destinataire d'un courrier recommandé daté du 21 juillet 2020 par lequel son employeur l'a mis en demeure de justifier de son absence à son poste de travail depuis le 11 juillet 2020, ou de prendre attache avec ses services administratifs à défaut de justificatif.

Une seconde mise en demeure a été adressée le 29 juillet 2020 à M. [O], réitérant les termes de la première correspondance et le mettant en demeure de justifier de son absence ou, à défaut, de reprendre son poste de travail.

Par courrier du 31 juillet 2020, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 12 août 2020 auquel le salarié ne s'est pas présenté.

Par lettre recommandée en date du 17 août 2020, M. [O] a été licencié pour faute grave en raison de son absence injustifiée ayant désorganisé le personnel et les clients de l'entreprise et du défaut de réponses données aux deux mises en demeure de l'employeur.

Estimant son licenciement infondé, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Thionville par requête enregistrée au greffe le 10 novembre 2020.

Par jugement contradictoire en date du 6 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Thionville a statué comme suit :

« Dit et juge que le licenciement de M. [Y] [O] nul en raison de la mauvaise date précitée dans la lettre de licenciement sur ladite absence injustifiée du demandeur ;

En conséquence :

Condamne la société Tractlux France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [Y] [O] les sommes suivantes :

- 10 500 euros net en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement ;

- 1 273,69 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 3 350,08 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 335 euros brut au titre des congés payés afférents sur préavis ;

Ordonne l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

Condamne la société Tractlux France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Tractlux France, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens ;

Déboute la société Tractlux France, prise en la personne de son représentant légal, de l'ensemble de ses demandes. ».

Par déclaration transmise par voie électronique le 14 septembre 2021, la société Tractlux France a régulièrement interjeté appel du jugement.

Au cours de la procédure d'appel, M. [O] a saisi le magistrat de la mise en état d'une demande de radiation de l'affaire, en raison de l'inexécution du jugement exécutoire par provision rendu en première instance.

Par ordonnance du 28 février 2022, le magistrat de la mise en état a dit n'y avoir lieu à radiation du rôle de l'affaire et renvoyé les parties à l'audience de mise en état électronique du 7 juin 2022.

Par ses conclusions récapitulatives n° 2 transmises par voie électronique le 26 septembre 2022, la société Tractlux France demande à la cour de statuer comme suit :

« Infirmer le jugement rendu le 6 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Thionville en ce qu'il a :

Dit et jugé le licenciement de M. [O] nul en raison de la mauvaise date précitée dans la lettre de licenciement sur ladite absence injustifiée du demandeur et retenu une ancienneté de 3 ans et 2 mois et un droit à préavis de 2 mois

Condamné la société Tractlux France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [O] les sommes suivantes :

10 500 euros en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement ;

1 273,69 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

3 350,08 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

335 euros brut au titre des congés payés afférents sur préavis ;

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau

Débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions dont il a saisi la cour par voie d'appel incident

Condamner M. [O] au paiement d'une somme de 2 000 euros par application de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

A titre infiniment subsidiaire, faire droit aux demandes, moyens, prétentions de la société Tractlux en retenant une ancienneté d'un an et 15 jours, s'agissant du préavis et de l'indemnité de licenciement, et ramener aussi à de bien justes proportions le montant des dommages et intérêts demandés, sur la base de cette ancienneté et de l'absence de tout justificatif s'agissant de la situation personnelle et professionnelle de l'intimé. ».

La société Tractlux France se prévaut à titre liminaire dans le corps de ses écritures de l'irrecevabilité des prétentions de M. [O] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappelle que seule la nullité du licenciement a été débattue devant les premiers juges, et considère que dès lors la cour n'est pas saisie de la demande relative à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

S'agissant de la licéité du licenciement, la société appelante soutient que les premiers juges ont violé les dispositions de l'article 1134-1 du code du travail en retenant un problème lié à la date des faits reprochés dans la lettre de licenciement. Elle indique que la mention du 11 août dans la lettre de licenciement est une simple erreur matérielle insusceptible de mettre en cause le motif du licenciement et la régularité de la procédure, la date exacte du 11 juillet étant répétée dans le courrier. Elle ajoute que l'indication de la date des faits ne constitue pas une mention obligatoire pour caractériser les griefs contenus dans la lettre de licenciement.

La société Tractlux France souligne que M. [O] n'a jamais présenté un seul élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et elle estime qu'elle démontre que sa décision de le licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Elle indique que la décision de la MDPH produite aux débats par l'intimé ne lui avait pas été communiquée par le salarié au cours de la relation contractuelle et n'avait pas à l'être.

La société Tractlux France rappelle que l'intimé a travaillé pendant 7 mois, puis a été absent pour raisons de santé pendant 2 ans et 5 mois, d'abord au titre d'un accident du travail puis à compter du 18 octobre 2018 pour cause de maladie.

Elle relate que M. [O] lui a écrit le 18 juin 2020, à savoir 2 ans et 3 mois après son arrêt, en sollicitant des explications sur ses bulletins de salaire qui faisaient apparaître depuis avril 2020 une paye nulle, et en l'interrogeant sur l'absence de prise en charge de cotisations.

L'appelante indique que, selon la convention collective nationale des transports routiers, elle n'avait plus à rémunérer le salarié puisque les dispositions relatives au maintien de salaire n'étaient pas applicables à M. [O] en raison de son ancienneté insuffisante lors de son arrêt.

Elle ajoute que M. [O] ne peut se prévaloir des dispositions de droit local en matière de maintien de salaire, ayant été en arrêt durant 2 ans et demi, cette durée ne pouvant, à l'évidence, être considérée comme relativement sans importance, compte tenu de son ancienneté de 7 mois.

Elle précise que M. [O] ne perçoit plus de rémunération de sa part depuis le mois de mai 2018, les bulletins de paie indiquant un solde nul depuis cette période. Elle ajoute qu'elle est à jour dans le paiement de ses cotisations retraite, mais qu'aucune cotisation ne peut être prélevée sur un salaire nul.

Au titre des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la société Tractlux France mentionne qu'elle est demeurée sans nouvelles de son salarié à partir du 11 juillet 2020, qu'elle l'a relancé le 20 juillet 2020 par le biais d'un contact téléphonique entre l'un de ses salariés et M. [O] auquel il a été demandé d'envoyer sa prolongation d'arrêt à compter du 11 juillet 2020, mais que M. [O] a envoyé par SMS une photographie de son arrêt pour la période du 11 juin au 10 juillet 2020, document qui était déjà en possession de l'employeur.

Elle précise que par lettre datée du 21 juillet 2020 elle a mis en demeure M. [O] de justifier son absence ou, à défaut de justificatif, de prendre contact pour la reprise de poste.

Elle affirme que, sans réponse de M. [O], une seconde mise en demeure a été délivrée au salarié par courrier du daté du 29 juillet 2020.

La société Tractlux observe :

- que durant toute la procédure M. [O] a persisté à refuser de transmettre tout justificatif d'absence en prétextant avoir déjà communiqué le document.

- que M. [O] prétend qu'un arrêt de prolongation s'agissant du 11 août au 11 septembre aurait été réceptionné par la SARL Tractlux au Luxembourg en date du 18 août 2020, soit après la notification du licenciement ;

- que le numéro du recommandé correspond à une lettre du salarié du 13 août 2020, aux termes de laquelle M. [O] renouvelle sa demande concernant le paiement de ses cotisations retraite ;

- qu'elle a tiré les conséquences qui s'imposaient en raison du motif d'absences injustifiées aggravé par l'attitude de M. [O] qui a décidé de ne pas régulariser la situation alors qu'il aurait pu le faire à tout moment, qui n'a pas tenu compte des demandes écrites et orales qui lui étaient transmises ;

- que le licenciement du salarié est fondé par le refus de M. [O] de justifier de son absence.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Tractlux France considère qu'en l'absence de tout moyen développé par M. [O] à ce titre dans la partie discussion de ses écritures la cour n'a pas à se prononcer sur cette demande.

Sur les demandes indemnitaires, la société Tractlux se prévaut de la faible ancienneté de M. [O] - un an et quinze jours -, au regard de la déduction des périodes d'absences pour maladie simple (période du 19 octobre 2018 au 17 août 2020).

Par ses conclusions portant appel incident transmises par voie électronique le 19 octobre 2021, M. [O] demande à la cour de statuer comme suit :

« Dire et juger la société Tractlux France irrecevable et mal fondée en son appel,

Débouter la société Tractlux France de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Recevoir M. [Y] [O] en son appel incident,

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville du 6 septembre 2021 en ce qu'il a jugé nul le licenciement de M. [Y] [O],

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville du 6 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Tractlux France à lui payer les sommes suivantes :

3 350,08 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

335 euros brut au titre des congés payés afférents,

1 273,69 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement,

L'infirmer pour le surplus ;

Et,

Statuant à nouveau,

Condamner la société Tractlux France à verser à M. [Y] [O] la somme de 25 000 euros net en réparation du préjudice résultant de la nullité de son licenciement,

Subsidiairement,

Condamner la société Tractlux France à verser à M. [Y] [O] la somme de 25 000 euros net en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

Condamner la société Tractlux France à payer à M. [Y] [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens. ».

M. [O] soutient que son absence résulte d'un accident du travail survenu le 29 mars 2018, et qu'il a été absent sans discontinuité depuis cette date.

Il fait valoir qu'il a toujours communiqué ses arrêts de travail et de prolongation en temps et en heure à son employeur, en les transmettant notamment par message téléphonique.

Il explique qu'il a envoyé un courrier le 18 juin 2020 à son employeur afin de l'interroger sur l'absence de perception de salaire depuis le mois d'avril 2020 et sur le défaut de règlement des cotisations, et qu'aucune réponse ne lui a été apportée.

Il déclare que postérieurement à la réception de la convocation à l'entretien préalable, il a contacté l'employeur pour lui indiquer qu'il lui avait bien transmis les arrêts de travail de prolongation de juillet et août 2020 comme à l'accoutumée.

Il soutient que le motif retenu par l'employeur dans le courrier de licenciement et tenant à l'absence de nouvelles à compter du 10 juillet 2020 est inexact, et observe que l'employeur évoque lui-même des échanges intervenus le 20 juillet 2020 puis le jour de l'entretien préalable entre le salarié et un représentant de la société dans le courrier de licenciement.

Il affirme que l'employeur a profité de ses difficultés à manier la langue française et les outils informatiques pour construire un dossier disciplinaire, en omettant d'attirer son attention sur l'erreur commise lors de l'envoi de l'arrêt de travail de prolongation. Il considère qu'il n'a pas été licencié pour son absence injustifiée à compter du 10 juillet 2020, mais à compter du 11 août 2020, et se prévaut à ce sujet de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. A cet égard, il observe qu'il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 août 2020 par lettre recommandée du 31 juillet 2020 et en conclut que ne pouvaient lui être reprochés que des manquements antérieurs à la date de convocation.

Il indique :

- qu'il disposait d'un délai de 48 heures afin d'informer son employeur de la prolongation de son arrêt de travail, soit jusqu'au 13 août 2020 ;

- qu'il a informé oralement son employeur de la prolongation de son absence jusqu'au 11 septembre 2020 ;

- qu'il a adressé une lettre recommandée reçue par l'employeur le 18 août 2020, au terme de laquelle il justifiait de la prolongation de son arrêt de travail du 11 août 2020 au 11 septembre 2020 et l'interrogeait sur le défaut de paiement de cotisations depuis son accident du travail ;

- que le grief lié à l'absence injustifiée à compter du 11 août 2020 n'est pas établi.

Au titre de la nullité de son licenciement M. [O] considère que le motif disciplinaire masque la volonté de l'employeur de s'affranchir de la visite de reprise auprès du médecin du travail dans le cadre d'une potentielle inaptitude définitive imposant la notification d'un licenciement pour ces motifs, et que le véritable motif de rupture résidait dans son état de santé.

L'ordonnance de clôture de la procédure de mise en état a été rendue le 1er février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait. ».

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Par ailleurs, selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation, ainsi qu'un bordereau récapitulatif des pièces annexé. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En premier lieu, la cour observe que si la société Tractlux France se prévaut dans ses écritures l'irrecevabilité des demandes nouvelles de M. [O], elle ne sollicite que le rejet desdites demandes dans le dispositif de ses écritures et non leur irrecevabilité, seule sanction prévue par l'article 564 du code de procédure civile. La cour n'est donc pas saisie d'une telle demande.

Il convient d'ajouter, à titre superfétatoire, que la jurisprudence retient que les demandes formées par un salarié au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse puis d'un licenciement nul tendent aux mêmes fins, soit à l'indemnisation des conséquences de son licenciement injustifié, et sont par là-même recevables (Cass. soc. 1er décembre 2021, pourvoi n°20-13.339 ; Cass. Soc. 14 février 2024, pourvoi n°22-20.634).

En second lieu, il est relevé que contrairement à ce qu'allègue la société Tractlux France, le salarié a développé dans ses conclusions, en sus des arguments afférents à la nullité du licenciement, des moyens au soutien de sa demande subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, M. [O] conteste le bien-fondé de son licenciement et fait valoir que les motifs qui lui sont reprochés ne sont pas caractérisés par l'employeur.

En conséquence la cour retient qu'elle est régulièrement saisie d'une demande subsidiaire de l'intimé au titre du caractère abusif de son licenciement pour faute grave.

En revanche, si M. [O] se prévaut, dans le dispositif de ses écritures, de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Tractlux France ' alors même qu'il n'a pas saisi le magistrat de la mise en état et qu'il a formé appel incident -, il ne développe aucun moyen à l'appui de sa demande, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Sur le licenciement

Par lettre recommandée en date du 17 août 2020 la société Tractlux France a licencié M. [O] pour faute grave dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du mercredi 12 août 2020 à 8h00 pour lequel nous vous avions convoqué afin de recueillir vos explications sur les faits qui vous sont reprochés.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien, alors que vous avez réceptionné votre lettre de convocation le 3 août 2020.

Vous avez appelé M. [R] le 12 août 2020 à 8h50, pour lui demander pourquoi vous étiez convoqué et en demandant si vous pouviez venir après. M. [R] vous a rappelé que vous étiez convoqué à 8h00 et qu'il était trop tard.

Nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour fautes graves, aux motifs, ci-après exposés.

Nous n'avions pas de nouvelles de votre part depuis le 11 juillet 2020.

En date du 20 juillet 2020, vous nous avez envoyé par sms une prolongation du 11 juin 2020 au 10 juillet 2020, qui ne correspondait pas aux dates demandées.

Nous vous avons envoyé une première demande de justification de vos absences et de mise en demeure de reprendre votre poste, le 21 juillet 2020 par LRAR, lequel a été réceptionné le 23 juillet 2020.

Sans nouvelles, nous vous avons donc envoyé une seconde demande en ce sens, le 29 juillet 2020 toujours par LRAR, lequel a été réceptionné le 30 juillet 2020.

Lors de votre échange téléphonique du 12 août avec M. [R], vous lui avez dit par téléphone que vous aviez envoyé votre prolongation, alors que nous n'avons rien reçu depuis le 11 juillet 2020.

Vous êtes donc en absence injustifiée depuis le 11 août et n'avez pas répondu à nos mises en demeure de prendre votre travail.

A ce titre, vous ne respectez pas les engagements liés tant aux dispositions législatives en la matière mais également à celles internes édictées au sein du règlement intérieur que de votre contrat de travail et votre comportement a généré de graves désorganisations auprès de notre personnel ainsi que de nos clients.

Votre comportement a engendré de graves préjudices pour l'entreprise du fait de l'indisponibilité sans motif et de l'instabilité générée sur votre poste de travail.

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

Votre licenciement prend donc effet à la date de notification de la présente lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Dans ce cas, la mise en 'uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués.

En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l'employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.

Le licenciement disciplinaire à effet immédiat de M. [O] repose principalement sur le défaut de transmission par le salarié d'un justificatif d'absence à compter du 11 juillet 2020 et l'absence injustifiée en découlant à la date de la convocation à entretien préalable du 31 juillet 2020.

Si M. [O] soutient que l'employeur a entendu lui reprocher son absence injustifiée à compter du 11 août 2020 et non à compter du 11 juillet 2020, la mention finale figurant dans le courrier de licenciement de la date du « 11 août » comme point de départ de l'absence injustifiée de M. [O] constitue une simple erreur de plume, l'employeur faisant par ailleurs expressément référence à la date du 11 juillet 2020 dans le contenu de la lettre de rupture en indiquant notamment qu'il n'avait plus de nouvelles du salarié à partir de cette date et que le dernier arrêt de travail en sa possession était celui du 11 juin au 10 juillet 2020.

Ainsi, M. [O] ne pouvait se méprendre sur le grief qui lui était reproché, à savoir son absence injustifiée à compter du 11 juillet 2020, étant de surcroît observé qu'il n'a sollicité aucune précision auprès de l'employeur sur ce point.

En tout état de cause, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, il importe peu que les faits invoqués soient datés, et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs (Cass. soc 31 janvier 2024, pourvoi n°22-18.792).

Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les griefs ne sont pas exacts « les date ne concordant pas », et que « le licenciement prononcé en raison de l'état de santé du salarié doit être déclare nul ».

A l'appui de la démonstration qui lui incombe de la réalité et du sérieux des griefs, la société Tractlux France produit les éléments suivants :

- une attestation rédigée par M. [D] [X], assistant administratif et social, (pièce n°7) qui relate :

« - Le 20 juillet 2020 j'ai relancé M. [O] [Y] par SMS afin qu'il m'envoit sa prolongation d'arrêt médical que nous n'avons toujours pas reçu pour la période du 11 juillet 2020 jusqu'au jour de mon SMS.

- Monsieur [O] m'a répondu le jour même par SMS en m'envoyant une photo de son dernier arrêt médical (période du 11/06/2020 au 10/07/2020). Cet arrêt n'étant pas celui demandé, je lui ai téléphoné afin de lui dire qu'il m'avait fait parvenir le mauvais document et qu'il m'envoit le bon. Il ne l'a pas fait.

- Le 21/07/2020 un premier courrier de mise en demeure a été envoyé à M. [O] [Y] avant que j'ai pu prévenir de mon échange téléphonique avec M. [O] [Y]. » ;

- un courrier recommandé daté du 21 juillet 2020 ayant pour objet « demande de justification d'absence » (pièce n°8) avec avis de réception signé le 23 juillet 2020 par M. [O], au terme duquel l'employeur a constaté que M. [O] n'avait pas justifié ses absences à son poste de travail depuis le 11 juillet 2020, a rappelé les dispositions conventionnelles et contractuelles relatives au délai pour faire parvenir les documents expliquant ses absences qui devaient être respectées par le salarié, et a mis ce dernier « en demeure de bien vouloir nous retourner les derniers sus mentionnés. En cas d'absence de justificatifs, nous vous prions de prendre immédiatement contact avec la Direction. En l'attente de vous lire sous 24 heures dès présentation du courrier' » ;

- un courrier recommandé daté du 29 juillet 2020 ayant pour objet « deuxième demande de justification d'absence» (pièce n°9) avec avis de réception signé le 30 juillet 2020 par M. [O], qui a demandé au salarié de transmettre le bon arrêt de prolongation et de justifier de son absence depuis le 11 juillet 2020, ou à défaut de réintégrer son poste de travail (pièce n°9).

M. [O] ne conteste pas avoir été destinataire des deux courriers de son employeur qu'il a réceptionnés le 23 juillet 2020 puis le 30 juillet 2020. Il ne fait état d'aucune suite donnée à ces sollicitations écrites de son employeur.

M. [O] soutient en revanche qu'il a adressé à son employeur l'avis de prolongation d'arrêt de travail litigieux du 10 juillet 2020 au 11 août 2020 qu'il produit d'ailleurs aux débats (sa pièce n° 3), de même qu'il produit l'avis d'arrêt de travail qui a été établi pour la période suivante du 11 août 2020 au 11 septembre 2020 (sa pièce n° 3).

M. [O] verse en ce sens aux débats un document correspondant à une copie d'un échange de messages téléphoniques avec ''Tiubuou Tractlux'' (en réalité ''[D] de Tractlux'') le 20 juillet 2020 (sa pièce n° 15), duquel il ressort qu'à 11h47 M. [D] (identifié comme M. [D] [X]) a demandé au salarié de lui envoyer son arrêt médical par message téléphonique, qu'à 14h47 M. [X] a indiqué « j'ai envoyé le mail j'attends le certificat », et qu'à 15h05 M. [O] a envoyé la photographie d'un avis d'arrêt de travail dont le contenu est illisible et qu'à 15h07 M. [O] a adressé à son interlocuteur un message « [D] ces père vu zet rossi Merci puor appel pour dumande arrette travaille » qui traduit ses difficultés pour maîtriser la langue française.

Ces données dont se prévaut M. [O] ne permettent pas de démontrer que le 20 juillet 2020 il a transmis à son employeur l'arrêt de travail qui lui était réclamé ' soit celui couvrant une période d'absence à partir du 11 juillet 2020 -, étant rappelé que l'employeur lui a ensuite adressé une mise en demeure le 29 juillet suivant qu'il a reçue le 30 juillet 2020 et à laquelle le salarié n'a donné aucune suite.

Si comme relevé ci-avant M. [O] éprouve des difficultés dans la maîtrise de la langue française la cour observe qu'il a été en mesure de se faire assister pour la rédaction de courriers manuscrits ou dactylographiés à son employeur au cours du mois de juin 2020 ainsi que le 13 août 2020, et qu'il pouvait effectuer cette démarche pour donner suite aux deux courriers recommandés adressés à quelques jours d'intervalle par la société Tractlux France.

En conséquence l'employeur démontre la réalité du grief relatif au défaut de transmission par M. [O] du justificatif médical afférent à la période d'absence injustifiée du salarié à partir du 11 juillet 2020.

Toutefois la gravité de la faute doit être appréciée en fonction du degré d'information de l'employeur, et la faute grave ne peut être retenue qu'en cas de démonstration de l'ignorance totale de l'employeur quant à la situation du salarié, ainsi que de l'absence de document justificatif transmis par ce dernier.

En l'espèce l'arrêt de travail de M. [O] était ininterrompu depuis plusieurs années, et prolongé de mois en mois.

Le salarié produit un précédent échange de messages téléphoniques avec M. [X] le 14 mars 2020 (sa pièce n° 14) lors duquel le salarié a transmis une photographie de son avis d'arrêt de travail en cours en indiquant en substance qu'il n'était pas parvenu à adresser le document à l'employeur par courriel.

M. [X] précise dans son témoignage qu'il a contacté le salarié le 20 juillet 2020 afin que ce dernier lui fasse parvenir son dernier avis d'arrêt de travail à compter du 11 juillet 2020, mais que le salarié lui avait fait parvenir la prolongation précédente du 11 juin au 10 juillet 2020 qui avait déjà été transmise en son temps, et qu'un premier courrier de mise en demeure a été adressé à M. [O] « avant que j'ai pu prévenir de mon échange téléphonique ».

Cette précipitation traduit à tout le moins la volonté de l'employeur d'agir avec célérité à l'encontre du salarié, étant précisé que rien n'établit que M. [O] a été avisé, notamment par message téléphonique, de l'erreur d'envoi dont fait état M. [X], alors qu'il s'agissait pourtant d'un moyen de communication qui avait déjà été utilisé pour la transmission de précédents arrêts de prolongation, étant rappelé que le salarié rencontrait des difficultés à maîtriser la langue française et les outils informatiques.

Outre la parfaite connaissance par la société Tractlux France de la situation du salarié qui, s'il n'était pas réactif aux courriers, répondait aux sollicitations de l'employeur sous d'autres formes, soit par messages ou appels téléphoniques ' notamment le jour de l'entretien préalable où il a été indiqué à M. [O] qui téléphonait pour s'inquiéter de l'objet de sa convocation que l'horaire était dépassé et qu' « il était trop tard » -, la cour relève que l'employeur ne justifie dans ses écritures par aucun élément des « graves désorganisations auprès de notre personnel ainsi que nos clients » ainsi que des « graves préjudices pour l'entreprise du fait de l'indisponibilité sans motif et de l'instabilité générée sur votre poste de travail », étant rappelé que M. [O] était en arrêt de travail ininterrompu pour cause d'accident du travail puis pour cause de maladie depuis plus de deux années consécutives.

Ainsi, au vu des données du débat ci-avant retenues, les seuls griefs démontrés relatifs à l'absence de transmission par M. [O] d'un avis d'arrêt de travail de prolongation et au défaut de réponse aux mises en demeure envoyées par l'employeur ne revêtent pas un caractère de gravité de nature à justifier la rupture des relations contractuelles.

En conséquence la cour retient que le licenciement pour faute grave de M. [O] est infondé.

M. [O] soutient que son licenciement disciplinaire masque la volonté de l'employeur de s'affranchir de la visite de reprise auprès du médecin du travail, et de la potentielle inaptitude définitive imposant la notification d'un licenciement pour ces motifs, et qu'ainsi le véritable motif de la rupture réside dans son état de santé.

En vertu de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, et selon l'article L. 1132-4 du même code le licenciement prononcé en violation du principe de non-discrimination sont annulés.

Conformément à l'article L. 1134-1, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, M. [O] présente les documents suivants :

- ses fiches de paie de mars 2020 à juillet 2020 laissant apparaître un salaire nul (pièce n°2) ;

- ses arrêts de travail pour les périodes du 13 février 2020 au 14 mars 2020, puis du 9 avril 2020 au 11 octobre 2020, ainsi que les attestations de paiement des indemnités journalières du 1er janvier 2019 au 6 octobre 2020, concernant les arrêts maladie imputables, ou non, à l'accident du travail survenu le 29 mars 2018 (pièce n°3) ;

- une décision de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) de Moselle du 20 mai 2019 lui reconnaissant un taux d'incapacité compris entre 50 et 79% (pièce n°4) ;

- un courrier recommandé du 18 juin 2020 qu'il a adressé à l'employeur, sollicitant des explications sur l'absence de perception de salaire depuis le mois d'avril 2020 et sur le défaut de paiement des cotisations, accompagné d'une correspondance du même jour transmise à la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle (pièce n°5) ;

- un courrier recommandé du 13 août 2020 qu'il a envoyé à l'employeur pour réclamer le versement des cotisations retraite, lui rappeler le transfert à temps des justificatifs d'absences, et lui faire part de la saisine prochaine de la juridiction prud'homale pour « le reste des désaccords » existant entre eux (pièce n°6) ;

- la convocation du 31 juillet 2020 à un entretien préalable fixé le 12 août 2020 (pièce n°7) ;

- la lettre de licenciement « pour fautes graves » du 17 août 2020 (pièce n°8) ;

- les messages échangés entre les parties concernant les transmissions de plusieurs avis d'arrêts de travail (pièces n°14 et 15).

Si certains de ces éléments concernent des questionnements de M. [O] sur l'accomplissement par l'employeur de ses obligations, notamment en termes de rémunération et de paiement de cotisation, ils ne concernent pas des échanges relatifs à l'état de santé du salarié et l'éventualité d'une reprise de son poste.

M. [O] ne mentionne d'ailleurs pas qu'il a informé son employeur de l'évolution de ses pathologies au cours de son arrêt de travail prolongé, et notamment de la décision de la MDPH du 20 mai 2019.

M. [O] ne fait état d'aucun contexte d'une reprise de son poste de travail envisagée à court ou moyen terme, étant rappelé qu'il a été ci-avant examiné le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail en raison de l'absence de justification d'une prolongation d'arrêt malgré deux mises en demeure par lettre recommandée de l'employeur auxquelles le salarié n'a pas donné suite.

De surcroît la cour relève que M. [O] n'a formulé aucune demande autre que celles liées à la contestation du bien-fondé de son licenciement, liée à des manquements de l'employeur notamment en termes de rémunération et de cotisation aux organismes de retraite.

La cour retient en conséquence que M. [O] ne se prévaut d'aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination subie par lui en raison de son état de santé, et qui serait le motif réel de son licenciement.

En conséquence la demande de M. [O] tendant à obtenir la nullité de son licenciement est rejetée, et le jugement déféré est infirmé sur ce point.

La cour retient que le licenciement de M. [O] pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

Sur l'ancienneté

En vertu des dispositions des articles L. 1234-8 et L. 1234-11 du code du travail, les périodes de suspension du contrat de travail n'entrent pas en ligne de compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier tant du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis que de l'indemnité de licenciement.

Il en ressort que les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie sont exclues de la durée de l'ancienneté servant de base au calcul de ces indemnités.

La société Tractlux France soutient qu'il convient de déduire les périodes de suspension du contrat de travail non assimilées à du travail effectif, soit du 19 octobre 2018 au 17 août 2020, et que M. [O] avait une ancienneté d'une année et quinze jours au moment de la rupture du contrat de travail.

Cependant, la lecture des pièces produites révèle que certains arrêts de M. [O] postérieurs au 19 octobre 2018 ont été imputés par l'organisme de sécurité sociale à l'accident du travail dont il a été victime le 29 mars 2018.

Ainsi, au vu des éléments produits par les parties ' la prise en charge des arrêts maladie de la fin de l'année 2018 n'étant pas versés aux débats par l'employeur qui en demande pourtant la déduction ' il convient de déduire les périodes suivantes : du 19 octobre 2018 au 30 novembre 2018, du 1er janvier 2019 au 10 février 2019, et du 17 juillet 2019 au 25 août 2020.

En conséquence, il est retenu que M. [O] avait une ancienneté de 1 an et 7 mois lors de la rupture du contrat de travail.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents et l'indemnité de licenciement

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Il résulte de l'article L. 1234-9 du code du travail que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement et de l'article R. 1234-2 du même code, en sa version applicable à l'espèce, que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Au vu de l'ancienneté du salarié, il convient de fixer l'indemnité compensatrice de préavis à un mois de salaire, soit 1 675,04 euros brut, outre 167,50 euros brut de congés payés y afférents.

L'indemnité de licenciement s'élève à : [(1 675,04 x ¿) + (1 675,04 x ¿ x 7/12)], soit 663,04 euros.

Les dispositions du jugement déféré relatives aux montants alloués à M. [O] à ces titres sont infirmées en ce sens.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Ces dispositions légales ne prévoient aucune restriction du calcul de l'ancienneté en cas de suspension du contrat de travail (Cass. soc. 23 septembre 2015, pourvoi n°14-24.946). M. [O] peut donc prétendre à une indemnité minimale de 3 mois et une indemnité maximale de 3,5 mois.

Le salarié qui est licencié abusivement subit nécessairement un préjudice dont le juge apprécie l'étendue que le salarié n'est pas tenu de prouver pour obtenir indemnisation.

Compte tenu de l'âge du salarié lors de la rupture du contrat de travail (51 ans), de son ancienneté (2 années complètes), du montant de son salaire brut (1 675,04 euros) et que de sa situation professionnelle ultérieure, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 5 500 euros.

Sur le remboursement des prestations Pôle emploi

Au moment de la rupture, l'entreprise comptait plus de plus de onze salariés et l'ancienneté de M. [O] était supérieure à deux ans.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à Pôle emploi, devenu France Travail depuis le 1er janvier 2024, des indemnités de chômage versées du jour du licenciement au jour de l'arrêt prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement déféré relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens sont confirmées.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel en faveur des deux parties.

La société Tractlux France est condamnée aux dépens d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement rendu le 6 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Thionville, sauf en ce qu'il a condamné la société Tractlux France à verser à M. [Y] [O] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais et dépens de première instance ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Rejette la demande de M. [Y] [O] au titre de la nullité de son licenciement ;

Dit que le licenciement de M. [Y] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Tractlux France à payer à M. [Y] [O] les sommes suivantes :

- 1 675,04 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 167,50 euros brut à titre de congés payés y afférents ;

- 663,04 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 5 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne le remboursement par la SARL Tractlux France à Pôle emploi devenu France travail au 1er janvier 2024, des prestations versées à M. [Y] [O] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités ;

Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Tractlux France aux dépens d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/02265
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;21.02265 ?
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