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25/07/2024 | FRANCE | N°23/00897

France | France, Cour d'appel de Metz, 5ème chambre, 25 juillet 2024, 23/00897


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



Au Nom du Peuple Français



















Minute n°24/00245



N° RG 23/00897 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F6K5















Notification le





Date réception





Appelant :



Intimé :















Clause exécutoire délivrée

le





à :















Recours



Formé le :





Par :

COUR D'APPEL DE METZ



5ème CHAMBRE CIVILE

VISITES DOMICILIAIRES





ORDONNANCE DU 25 JUILLET 2024









APPELANTS



Société 321 CBD, société de droit luxembourgeois, nom commercial PURPLE STORE, représentée par M. [P] [L], en sa qualité de gérant ,[Adresse 1] (LUXEMBOURG)

M. [P] [L] résidant [Adresse 3]

M. [Z] [...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au Nom du Peuple Français

Minute n°24/00245

N° RG 23/00897 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F6K5

Notification le

Date réception

Appelant :

Intimé :

Clause exécutoire délivrée

le

à :

Recours

Formé le :

Par :

COUR D'APPEL DE METZ

5ème CHAMBRE CIVILE

VISITES DOMICILIAIRES

ORDONNANCE DU 25 JUILLET 2024

APPELANTS

Société 321 CBD, société de droit luxembourgeois, nom commercial PURPLE STORE, représentée par M. [P] [L], en sa qualité de gérant ,[Adresse 1] (LUXEMBOURG)

M. [P] [L] résidant [Adresse 3]

M. [Z] [U] résidant [Adresse 2]

La société EURODR SAS ayant son siège [Adresse 8], représentée par son représentant légal,

La société TURBO EUROPE SAS ayant son siège [Adresse 8], représentée par son représentant légal,

La société EUROPE TRANSPORT SAS ayant son siège [Adresse 8], représentée par son représentant légal,

La société SS EXPRESS SAS ayant son siège [Adresse 8], représentée par son représentant légal,

La société BIO STORE SAS ayant son siège [Adresse 8], représentée par son représentant légal.

Représentés par Me Nicolas MESSAGE et Me Sophie JOUNIAUX avocats au barreau de PARIS substitués par Me KLEIN Pauline avocat au barreau de Paris

INTIMÉ

Monsieur le directeur général des Finances publiques représenté par l'administrateur général des Finances publiques, chargé de la Direction nationale d'enquêtes fiscales

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté Par Me NICOLI Alix , avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR

M. Pierre CASTELLI, Président de chambre magistrat délégué par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Metz

Assisté lors des débats de Mme Véronique FELIX,

DÉBATS

L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2023 et le prononcé de la décision fixé au 25 Juillet 2024,

Ordonnance prononcée par mise à disposition au greffe de la Cour d'appel de Metz conformément aux dispositions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, en présence de Mme Sonia De Sousa, greffier

Le 21 mars 2023, le directeur général des finances publiques, agissant à l'encontre de la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL, qui serait présumée s'être soustraite à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés ou des taxes sur le chiffre d'affaires, a obtenu du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz l'autorisation, conformément à l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, de procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés notamment dans les lieux suivants :

- locaux et dépendances sis [Adresse 8] à [Localité 6] ( 57) susceptibles d'être occupés par les sociétés EURODR SAS et/ou TURBO EUROPE SAS et/ou EUROPE TRANSPORT SAS et/ou SS EXPRESS SAS et/ou BIO STORE SAS et/ou 321 CBD SARL et toute autre entité entretenant des liens juridiques avec EURODR SAS.

Les opérations de visites et de saisies ont eu lieu le 22 mars 2023.

La société 321 CBD, M. [P] [L], M. [Z] [U], les sociétés EURODR SAS, TURBO EUROPE SAS, EUROPE TRANSPORT SAS, SS EXPRESS SAS et BIO STORE SAS ont interjeté appel, par déclaration postée par lettre recommandée avec accusé de réception le 5 avril 2023 à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz le 21 mars 2023.

Aux termes de sa déclaration d'appel du 5 avril 2023 et par conclusions du 30 novembre 2023 reprises à l'audience le 7 décembre 2023, les appelants demandent à la juridiction d'appel de :

- constater que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz du 21 mars 2023 est irrégulière,

- annuler cette ordonnance,

- constater que l'argumentation développée par la partie adverse ne permet pas de valider le bien-fondé des présomptions retenues par le juge,

- condamner l'administration fiscale au versement d'une indemnité de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société 321 CBD, M. [P] [L], M. [Z] [U], les sociétés EURODR SAS, TURBO EUROPE SAS, EUROPE TRANSPORT SAS, SS EXPRESS SAS et BIO STORE SAS reprochent à l'administration fiscale de s'être fondée sur des pièces trop générales ou qu'elle s'est constituée à elle-même. Ils font valoir par ailleurs que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL exerce exclusivement une activité de grossiste auprès de sociétés françaises et étrangères, que le siège effectif de la direction de la société se situe au Luxembourg et non en France où la société, régulièrement déclarée auprès des autorités luxembourgeoises, dispose de moyens matériels et humains suffisants de sorte que les présomptions de fraude alléguées sont dépourvues de de tout bien-fondé.

Par conclusions non datées déposées à l'audience du 7 décembre 2023 et reprises lors de cette audience, le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques, chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, demande la confirmation de l'ordonnance déférée, le rejet des demandes, fins et conclusions des appelants ainsi que leur condamnation au paiement de la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses conclusions et à l'inverse des appelants, le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques, chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, estime au vu des éléments qu'il rapporte qu'il existe des présomptions suffisantes, selon lesquelles la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL exercerait sur le territoire national une activité commerciale de vente de produits à base de CBD en y disposant de son centre décisionnel en les personnes de [P] [L] et [Z] [U], sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettraient de passer les écritures comptables y afférentes de sorte que ces sociétés se seraient soustraites et ou se soustrairaient à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires et ce dès lors :

que les propriétaires de la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL : M. [P] [L], qui est également le gérant de celle-ci, et M. [Z] [U] résident en France,

que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL exploite des sites Internet de vente de produits à base de CBD à destination d'une clientèle essentiellement française et utilise des moyens matériels et humains situés en France,

que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL développe une activité de grossiste CBD et réalise des livraisons intracommunautaires à destination d'un grand nombre de sociétés françaises,

que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL détient majoritairement des filiales en France qui développent le commerce de CBD sous l'enseigne PURPLE STORE,

que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL possède indirectement par le biais d'une SCI des biens immobiliers en France.

Vu les débats ayant eu lieu à l'audience du 7 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION 

Sur le bien-fondé de l'appel

Selon l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie quel qu'en soit le support.

Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des liberté et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.

Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite.

Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée, en l'occurrence l'exploitation en France d'un établissement stable en raison de l'activité duquel la société serait soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôt sur les sociétés et/ou de taxes sur le chiffre d'affaires.

Il est rappelé que le juge apprécie l'existence de présomptions de fraude sans être tenu de s'expliquer sur la proportionnalité de la mesure qu'il ordonne et que le juge de l'autorisation n'est pas le juge de l'impôt de sorte qu'il ne peut connaître de l'application d'une convention fiscale et partant de la notion d'établissement stable et de centre décisionnel.

Il est constant également que l'administration peut mettre en 'uvre l'article L 16 B du livre des procédures fiscales pour rechercher la preuve de la fraude d'un contribuable en se fondant sur des éléments régulièrement constatés par elle repris dans des attestations établies par ses agents.

En l'espèce, il résulte des pièces qui ont été produites par l'administration fiscale et de celles versées aux débats par la société 321 CBD, M. [P] [L], M. [Z] [U], les sociétés EURODR SAS, TURBO EUROPE SAS, EUROPE TRANSPORT SAS, SS EXPRESS SAS et BIO STORE SAS :

que de l'aveu même des appelants, M. [P] [L] et M. [Z] [U], après avoir constitué en France la société PURPLE STORE et après avoir été contraints de fermer deux boutiques en France à la suite d'un contrôle de police, ont créé au Luxembourg la société 321 CBD SARL ayant pour enseigne PURPLE STORE et pour objet social l'exploitation d'un commerce notamment de compléments alimentaires tels que gélules, huiles et tisanes à base de CBD, le capital social de la société étant détenu à égalité par M. [P] [L] et M. [Z] [U] et M. [P] [L] en étant le gérant,

que M. [P] [L] et M. [Z] [U] résident tous les deux fiscalement en France même si M. [P] [L] justifie par ailleurs par la production d'une attestation d'enregistrement de l'administration luxembourgeoise être résident également à [Localité 7] au Luxembourg,

que les marques « 321 CBD » et « purple store » ont été enregistrées comme marques françaises auprès de l'institut national de la propriété industrielle,

que l'activité de vente de produits CBD par la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL est réalisée majoritairement en France, soit au moyen de différents sites Internet, soit par l'intermédiaire de grossistes : les sociétés françaises G.T.A.F, SIAMAS BIEN-ETRE et EURODR, contrôlées directement ou indirectement par la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL,

que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL a au moins déposé pendant un temps les colis à expédier dans un bureau de poste français situé à [Localité 10] ainsi qu'en atteste le contrat privilège conclu le 21 septembre 2020 avec la poste,

que par l'intermédiaire de la SCI [L] qu'elle contrôle, la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL dispose de locaux situés en France à [Localité 9] (54) même si par ailleurs elle est également locataire de locaux à [Localité 7] au Luxembourg.

Il s'ensuit qu'à la date du dépôt de sa requête par l'administration fiscale, abstraction étant faite de tout autre élément, il existait des indices exacts et suffisants de nature à établir que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL exploitait une entreprise en France, M. [P] [L] et M. [Z] [U] étant présumés, au vu de ces éléments, avoir délocalisé fictivement au Luxembourg l'activité qu'ils exerçaient auparavant en France par l'intermédiaire de la société PURPLE STORE de sorte que la société de droit luxembourgeois 321 CBD SARL serait ainsi soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôts sur les bénéfices et de taxes sur le chiffre d'affaires.

Dès lors que ces indices étaient relevés par le juge des libertés et de la détention, la mise en 'uvre de la procédure visée à l'article L 16 B du livre des procédure fiscale était justifiée sans que le juge n'ait à s'interroger sur la proportionnalité de la mesure qu'il ordonnait.

En conséquence, l'ordonnance rendue le 21 mars 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz est confirmée.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les parties appelantes qui succombent en la présente instance sont condamnées aux dépens et déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du directeur général des finances publiques à hauteur de la somme de 1500 €.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition publique au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz le 21 mars 2023,

CONDAMNONS la société 321 CBD, M. [P] [L], M. [Z] [U], les sociétés EURODR SAS, TURBO EUROPE SAS, EUROPE TRANSPORT SAS, SS EXPRESS SAS et BIO STORE SAS aux dépens,

CONDAMNONS la société 321 CBD, M. [P] [L], M. [Z] [U], les sociétés EURODR SAS, TURBO EUROPE SAS, EUROPE TRANSPORT SAS, SS EXPRESS SAS et BIO STORE SAS à payer au directeur général des finances publiques la somme totale de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été mise à disposition au greffe le 25 Juillet 2024, par M. Pierre CASTELLI, président de chambre, assisté de Mme Sonia DE SOUSA, greffier, et signée par eux.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00897
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;23.00897 ?
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