Arrêt n° 24/00371
22 Juillet 2024
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N° RG 22/00914 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FW4T
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Tribunal de Grande Instance de METZ
11 Mars 2022
18/01720
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 - Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt deux Juillet deux mille vingt quatre
APPELANTE :
S.A.S. [5]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Albane DE VILLENEUVE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURIT E SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LORRAINE
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre
Mme Carole PAUTREL, Conseillère
Mme Anne FABERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 24.06.2024
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
L'URSSAF Lorraine a opéré un contrôle des établissements de la SAS [5], exerçant l'activité d'agence d'emploi, et aux termes d'une lettre d'observations datée du 4 novembre 2016, elle a retenu pour les dix comptes enregistrés de la société une régularisation d'un montant de 1 512 530 euros pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
S'agissant de l'établissement de [Localité 4] de la SAS [5], l'URSSAF Lorraine a retenu au titre des années 2014 et 2015 un redressement de la somme de 28 056 euros.
L'URSSAF Lorraine a adressé le 15 décembre 2016 une mise en demeure de payer la somme de 32 119 euros. Le 16 décembre 2016, l'URSSAF Lorraine adressait à la SAS [5] une nouvelle mise en demeure portant sur le même montant, accompagnée d'un courrier dans lequel l'URSSAF précisait qu'elle annulait et remplaçait la précédente mise en demeure du 15 décembre 2016.
La SAS [5] a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) de l'URSSAF par lettre recommandée du 13 janvier 2017.
Compte tenu de l'absence de réponse donnée par la CRA à son recours, la SAS [5] a introduit le 29 octobre 2018 une action en contestation du rejet implicite devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle.
La CRA ayant notifié à la SAS [5] le 21 janvier 2019 sa décision de rejet de son recours, la SAS [5] a enfin contesté cette décision devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz.
Les deux instances introduites par la SAS [5] ont été jointes en cours de procédure devant le tribunal judiciaire de Metz.
Par jugement prononcé le 11 mars 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a statué de la façon suivante :
Rejette la demande d'annulation du redressement contesté ;
Rejette la demande d'annulation du chef de redressement n°3 ;
Annule partiellement le chef de redressement n°4 portant sur les cotisations 2015 et la majoration pour défaut de mise en conformité et REJETTE le surplus de la demande de ce chef ;
Condamne la SAS [5] à verser à l'URSSAF Lorraine la somme de 31 749 euros, en deniers et quittances, outre majorations à calculer sur cette somme, sans préjudice des majorations de retard complémentaires à décompter au jour du paiement intégral des cotisations ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.
Par lettre recommandée expédiée le 9 avril 2022, la SAS [5] a formé un appel partiel contre cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée datée du 14 mars 2022.
Par des écritures datées du 15 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, la SAS [5] demande à la cour de :
Infirmer le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du chef de redressement n°3 et a condamné la société [5] à verser à l'URSSAF Lorraine la somme de 31 749 euros en deniers et quittances, outre les majorations de retard ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal annuler totalement le chef de redressement n°3 et ordonner à l'URSSAF de rembourser à la société [5] la totalité des cotisations versées à ce titre et qui s'élève à 4 672,67 euros ;
A titre subsidiaire annuler partiellement le chef de redressement n°3 et ordonner à l'URSSAF de rembourser à la SAS [5] le trop plein de cotisations versées qui s'élève à 1 527,37 euros ;
A titre infiniment subsidiaire annuler partiellement le chef de redressement n°3 et le limiter à la somme de 2 208,50 euros compte tenu des règlements d'ores et déjà intervenus,
En tout état de cause,
. donner quittance à la SAS [5] de la somme de 10 998,67 euros d'ores et déjà payée ;
. condamner l'URSSAF au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes d'écritures datées du 13 mars 2024 et soutenues oralement à l'audience de plaidoirie, l'URSSAF Lorraine demande à la cour de :
Déclarer la SAS [5] recevable et partiellement fondée en son appel,
En conséquence,
Confirmer la décision rendue le 11 mars 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'elle a rejeté, à titre principal, la demande d'annulation du redressement contesté et prononcé l'annulation partielle du chef de redressement n°4,
Statuant à nouveau,
Donner acte à l'URSSAF Lorraine de ce qu'elle n'est pas opposée, après approbation par la juridiction de céans, à procéder à l'annulation du chef de redressement n°3 portant sur « l'assiette minimum conventionnelle »,
Débouter la SAS [5] de sa demande de remboursement, la société restant redevable des majorations de retard à recalculer à la suite de l'annulation du chef de redressement n°3,
Débouter la SAS [5] de ses autres demandes aux fins de condamnation de l'URSSAF Lorraine.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.
Sur ce,
SUR L'ANNULATION DU CHEF DE REDRESSEMENT N°3
La SAS [5] estime que le redressement n°3 pratiqué par l'URSSAF Lorraine n'est pas justifié en ce que l'intimée s'est fondée sur la nouvelle classification des emplois des salariés permanents des ETT (entreprises de travail temporaire) de 2013 pour déterminer le montant du salaire brut conventionnel puis le montant des cotisations dues entre janvier et novembre 2014, alors que cette nouvelle classification ne lui était applicable qu'à compter du 25 février 2015 en application des dispositions de l'article 10 de l'accord du 15 février 2013 relatif à la date d'entrée en vigueur de ce texte.
L'URSSAF Lorraine souligne que la SAS [5] a modifié son argumentation en soulevant ce moyen qui n'avait jamais été invoqué depuis le début du contrôle, et indique ne pas s'opposer « à procéder, après approbation par la juridiction de céans, à l'annulation du chef de redressement n°3 portant sur l'assiette minimum conventionnelle et du rappel de cotisations correspondant, soit un montant de 21 362 euros ».
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Si en application de l'article R 242-1 du code de la sécurité sociale, le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d'une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d'autre part, des indemnités, primes ou majorations s'ajoutant audit salaire minimum en vertu d'une disposition législative ou d'une disposition réglementaire, il résulte de la combinaison des articles 10 et C de l'annexe II de l'accord du 15 février 2013 relatif à la classification des emplois que, pour les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et d'instances représentatives du personnel, l'employeur appliquera les dispositions de cet accord de branche au plus tard 12 mois après la date de son extension.
La SAS [5] verse aux débats un PV de carence pour l'année 2014, établi le 13 janvier 2014 (pièce n°10 de l'appelante), montrant que la SAS [5] ne disposait pas de comité d'entreprise. Elle justifie également que l'arrêté portant extension d'un accord conclu dans le cadre d'un accord national professionnel concernant les salariés permanents des entreprises de travail temporaire a été pris à la date du 11 février 2014 et publié au journal officiel du 25 février 2014 (pièce n°11 de la société).
Ainsi, la SAS [5] ne devait transposer la nouvelle grille de classification des emplois prévue par l'accord du 15 février 2013 qu'à compter du 25 février 2015, de sorte qu'elle n'était pas tenue d'en faire application sur la période allant de janvier à novembre 2014 objet du redressement.
C'est donc à tort que l'URSSAF Lorraine a procédé à la régularisation des cotisations et contributions sur cette période pour une somme de 21 362 euros, calculée sur la base de la nouvelle grille de classification.
Il y a lieu en conséquence à annuler le chef de redressement n°3 relatif à l'assiette minimum conventionnelle, portant sur la somme de 21 362 euros. Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.
SUR LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT FORMEE PAR LA SAS [5]
La SAS [5] demande la condamnation de l'URSSAF Lorraine à lui restituer la somme de 4 672,67 euros qu'elle a réglée en trop, compte tenu de l'annulation du chef de redressement n°3, et ce à la date du 31 janvier 2019. Elle précise que les sommes de 1 329 euros et 190 euros réglées par elle en octobre 2018 sont venues en paiement des sommes réclamées par l'UDAF Lorraine au titre des chefs de redressement n°1 et 2, et ne peuvent légitimement être imputées par celle-ci à d'autres échéances. La SAS [5] invoque les dispositions de l'article 1342-10 du code civil et précise qu'elle a indiqué à l'URSSAF Lorraine que ces deux sommes venaient en règlement des chefs de redressement n°1 et 2.
L'URSSAF reconnaît que la somme de 4 672,67 euros lui a bien été versée par la SAS [5], mais explique que les versements de 1 329 euros et 190 euros ont été imputés sur des cotisations courantes en raison de la contestation initialement introduite devant la CRA, et non sur les sommes dues au titre des chefs de redressement 1 et 2.
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Selon l'article 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.
La SAS [5] verse notamment aux débats un bordereau d'accompagnement-Virement émis le 31 janvier 2019 (pièce n°22 de la société) montrant que la somme de 8 235,81 euros a été virée ce jour à l'URSSAF par la SAS [5], comprenant celle de 4 672,67 euros que la société a indiqué affecter, dans la rubrique « information », à la « MED 16/12/2016 440290567 période 2014/15 chef de redressement 3 ».
Par ailleurs, la SAS [5] démontre également par la production d'un bordereau d'accompagnement des virements émis le 30 octobre 2018 que les sommes de 1 329 euros et de 190 euros ont été virées à l'URSSAF Lorraine à cette date, la rubrique « information » de la remise de virements SEPA précisant pour ces sommes qu'elles correspondent à la mise en demeure du 16/12/2016, numéro 440289908, période 2014/15, chef de redressement respectivement n°1 et 2. Ce document accompagnait un courriel établi le 30 octobre 2018 par la société à l'attention de son correspondant à l'URSSAF, de sorte que cette-dernière a eu connaissance de l'affectation des sommes litigieuses.
La SAS [5] ayant ainsi affecté l'ensemble de ces trois sommes de 4 672,67 euros, 1 329 euros et 190 euros au règlement des montants réclamés respectivement au titre des chefs de redressement 3, 1 et 2, l'URSSAF Lorraine ne pouvait pas choisir d'imputer les versements de 1 329 euros et 190 euros au paiement des cotisations « courantes ».
Il convient dès lors de faire droit à la demande en remboursement formée par la SAS [5] et de condamner l'URSSAF Lorraine à lui payer la somme totale de 4 672,67 euros.
SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET LES DEPENS
L'URSSAF Lorraine étant la partie perdante au litige, elle doit être condamnée aux dépens d'appel, les dépens de première instance ne faisant pas partie des dispositions contestées devant la présente cour.
Il y a lieu en outre de condamner l'URSSAF Lorraine à verser à la SAS [5] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant sur les seuls points déférés,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
Rejeté la demande d'annulation du chef de redressement n°3 ;
Condamné la SAS [5] à verser à l'URSSAF Lorraine la somme de 31 749 euros en deniers et quittances outre majorations à calculer sur cette somme, sans préjudice des majorations de retard complémentaires à décompter au jour du paiement intégral des cotisations ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ANNULE le chef de redressement n°3 relatif à l'établissement de [Localité 4] ;
CONDAMNE l'URSSAF Lorraine à rembourser à la SAS [5] la somme de 4 672,67 euros (quatre mille six cent soixante-douze euros et soixante-sept centimes) versée indûment par la SAS [5] à l'URRSAF au titre du chef de redressement n°3 relatif à l'établissement de [Localité 4] ;
CONDAMNE l'URSSAF Lorraine à verser à la SAS [5] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'URSSAF Lorraine aux dépens d'appel.
La Greffière Le Président