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16/07/2024 | FRANCE | N°22/02196

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 16 juillet 2024, 22/02196


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 22/02196 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZ7K

Minute n° 24/00198





Etablissement Public ONIAM

C/

S.A. AXA FRANCE IARD









Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

Jugement du 10 Juillet 2015



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Cour d'Appel de NANCY

Arrêt du 28 Septembre 2020



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Cour de Cassation

Arrêt du 6 Avril 2022

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COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



RENVOI APRES CASSATION



ARRÊT DU 16 JUILLET 2024







DEMANDEUR A LA REPRISE D'INSTANCE:



Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des infections Nos...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/02196 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZ7K

Minute n° 24/00198

Etablissement Public ONIAM

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

Jugement du 10 Juillet 2015

------------

Cour d'Appel de NANCY

Arrêt du 28 Septembre 2020

------------

Cour de Cassation

Arrêt du 6 Avril 2022

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

RENVOI APRES CASSATION

ARRÊT DU 16 JUILLET 2024

DEMANDEUR A LA REPRISE D'INSTANCE:

Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des infections Nosocomiales (ONIAM),représentée par son représentant légal.

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Olivier SAUMON substitué lors des débats par Me Théo BOULBES, avocats plaidant du barreau de PARIS

DEFENDERESSE A LA REPRISE D'INSTANCE:

S.A. AXA FRANCE IARD, représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ

et par Me Joyce LABI, avocat plaidant du barreau de PARIS

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 14 Mars 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 Juillet 2024, en application de l'article 450 Alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne- Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [D] [U] a été hospitalisé en 1976 à l'hôpital militaire [6] de [Localité 7] puis en 1984 aux hôpitaux universitaires de [Localité 7], et a subi dans ces établissements des opérations ayant donné lieu à plusieurs transfusions sanguines.

En 1993, M. [U] a appris qu'il était contaminé par le virus de l'hépatite C. Il a sollicité une expertise afin de déterminer l'origine de sa contamination et notamment l'éventualité d'une origine transfusionnelle. Le professeur [N] désigné en référé, a rendu deux rapports en avril 2000 et mai 2004, l'état de M. [U] n'étant toujours pas consolidé à cette date.

Par acte du 23 août 2005, M. [D] [U] et son épouse Mme [V] [U], ont assigné devant le tribunal de grande instance de Strasbourg l'Etablissement Français du sang (l'EFS), venant aux droits du centre de transfusion sanguine de [Localité 7] (le CTS de [Localité 7]), ainsi que la CPAM de [Localité 7], afin de voir reconnaître l'origine transfusionnelle de la contamination de M. [U], et obtenir indemnisation de leurs divers préjudices.

L'EFS a appelé en garantie la SA Axa Assurances IARD en sa qualité d'assureur, venant aux droits de l'UAP.

Après publications des décrets n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010, les époux [U] ont appelé en intervention forcée l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (l'ONIAM).

M. [D] [U] est décédé le [Date décès 2] 2013 et l'instance, interrompue, a été ultérieurement reprise par ses héritiers. Les petits-enfants du défunt sont également intervenus volontairement à la procédure.

Deux nouvelles expertises ont été ordonnées en cours de procédure par le juge de la mise en état, et M. le docteur [N] a déposé deux rapports, les 29 octobre 2008 et 1er septembre 2014.

Au dernier état de la procédure devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, les consorts [U] demandaient principalement à voir déclarer l'ONIAM responsable de la contamination de [D] [U] par le virus de l'hépatite C à la suite de l'administration de produits sanguins, déclarer le jugement à intervenir opposable et commun à la CPAM de [Localité 7], condamner l'ONIAM à réparer leur entier préjudice, et en conséquence condamner l'ONIAM à leur verser différentes sommes.

La CPAM a également demandé la condamnation de l'ONIAM à la rembourser de ses débours.

L'EFS a demandé au tribunal de statuer ce que de droit sur la recevabilité et le bien fondé des demandes des consorts [U], et de constater que l'ONIAM s'est substitué à l'EFS.

L'ONIAM a notamment conclu à voir dire et juger qu'il est substitué à l'EFS, à titre principal à voir débouter les consorts [U] de leurs demandes, et à titre subsidiaire en cas de condamnation, à la réduction des demandes indemnitaires, ainsi qu'à voir condamner la société Axa France IARD, assureur du CTS de [Localité 7], à le garantir de toutes condamnations éventuelles prononcées à son encontre au bénéfice des consorts [U] ou de la CPAM.

La société Axa a conclu à voir dire et juger que l'ONIAM ne faisait pas la preuve de ce que les produits responsables de la contamination de M. [U] avaient été fournis par l'ex CTS de [Localité 7], assuré auprès d'elle, et a conclu au débouté de cette demande. A titre subsidiaire elle a fait valoir le plafond de garantie fixé au contrat.

Par jugement du 10 juillet 2015 le tribunal de grande instance de Strasbourg a, notamment :

constaté le décès de [D] [U], la poursuite de la procédure par les ayant droits de M. [U] à savoir Mme [V] [U], M. [C] [U] et M. [F] [U], ainsi que l'intervention volontaire à la procédure de Mme [Z] [U] et de Messieurs [C], [F], [W], [S], [G], [L], et [Y] [U],

Déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM du Bas-Rhin,

Déclaré irrecevables les demandes dirigées contre l'EFS et constaté que l'ONIAM s'est substitué à l'EFS,

Condamné l'ONIAM à payer différentes sommes à chacun des consorts [U], tant au titre de leur préjudice personnel qu'au titre des différents préjudices de [D] [U] aux droits duquel viennent Mme [V] [U], M. [C] [U] et M. [A] [U]

Condamné l'ONIAM à payer à la CPAM du Bas-Rhin la somme de 97.688,85 € au titre des dépenses de santé assumées par elle,

Ordonné la capitalisation des intérêts produits par les différentes sommes allouées,

Condamné l'ONIAM à verser à Mme [V] [U] née [A], M. [F] [U] et M. [C] [U] une somme de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné l'ONIAM à payer à la CPAM du Bas -Rhin les sommes de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC, et de 1.028 € au titre de l'indemnité forfaitaire instituée par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

Condamné l'ONIAM aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise et de référé.

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Pour retenir la responsabilité de l'EFS auquel se substituait l'ONIAM, le tribunal, au vu des conclusions de l'expertise du Dr [N] en date du 1er septembre 2014, a relevé qu'un certain nombre de culots de sang transfusés tant en 1976 qu'en 1984 étaient d'origine inconnue, que selon l'expert M. [U] ne présentait pas d'autre source de contamination individuelle qui lui serait propre, et que, bien que l'enquête transfusionnelle n'ait pu être menée à terme, l'imputabilité de l'hépatite C aux transfusions multiples dont avait bénéficié [D] [U] était hautement probable.

Faisant application de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 le tribunal a rappelé que, dès lors que le receveur démontrait avoir été contaminé par des transfusions sanguines et qu'il ne présentait aucun mode de contamination propre, il appartenait au centre de transfusion de prouver que les produits fournis étaient exempts de vices. En l'espèce, le tribunal a relevé que l'ONIAM ne démontrait pas l'absence de vice des produits.

Le tribunal a donc fait droit aux demandes des consorts [U] et statué sur les divers préjudices allégués, ainsi que sur la demande de la CPAM.

En revanche, le tribunal a observé, sur la demande de l'ONIAM dirigée à l'encontre de la société Axa France IARD, que cette société n'était recherchée qu'en tant qu'assureur du CTS de [Localité 7], mais n'avait jamais assuré en 1976 l'hôpital militaire [6].

Il a considéré que l'assureur ne pouvait être recherché que dans les limites de ses obligations contractuelles, et que sa responsabilité ne pouvait être recherchée que si la preuve était rapportée de la fourniture par le centre assuré de produits sanguins contaminés.

Une telle preuve n'étant pas rapportée par l'ONIAM, et dans la mesure où M. [U] pouvait également avoir été contaminé lors des transfusions réalisées en 1976 à l'hôpital militaire [6], le tribunal a débouté l'ONIAM de sa demande à l'encontre de la société Axa.

L'ONIAM ainsi que les consorts [U] ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire du 22 juin 2017, la cour d'appel de Colmar a confirmé le jugement précité, sauf dans certaines de ses dispositions condamnant l'ONIAM à payer certaines sommes à Mme [V] [A] et à la CPAM du Bas-Rhin.

La cour a modifié les sommes allouées à Mme [V] [U], et a débouté la CPAM de toutes ses demandes à l'encontre de l'ONIAM, en relevant que les tiers payeurs ne pouvaient exercer un recours subrogatoire contre l'ONIAM au titre des prestations servies à la victime, que si l'ONIAM pouvait lui-même exercer un recours en garantie contre l'assureur du fournisseur des produits sanguins à l'origine de la contamination.

Or, sur le recours en garantie formé par l'ONIAM à l'encontre de la société Axa France IARD, la cour a confirmé le premier juge, en relevant que l'ONIAM ne pouvait rechercher la garantie de la société Axa qu'à la condition qu'il n'y ait aucune incertitude sur l'identité du fournisseur de ces produits. Au vu des rapports d'expertise la cour a considéré que la preuve n'était pas rapportée que les produits contaminés aient été fournis par le CTS de [Localité 7].

Sur le pourvoi formé par l'ONIAM, et par arrêt du 12 décembre 2018, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en garantie formée par l'ONIAM contre la société Axa France IARD, a remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Nancy.

Pour statuer ainsi, au visa des articles 102 de la loi n° 2°002-303 du 4 mars 2002, 67-IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 et 72-II de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, la cour de cassation a rappelé que, si le législateur avait confié à l'ONIAM et non plus à l'EFS, venant aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, la mission d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles, il n'avait pas modifié le régime de responsabilité auquel ces derniers ont été soumis et avait donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées aux victimes des dommages par les assureurs de ces structures.

La cour en a conclu que, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurance était épuisée, le délai de validité de la couverture était expiré ou les assureurs pouvaient se prévaloir de la prescription, leur garantie était due à l'ONIAM lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination était admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent avait fourni au moins un produit administré à la victime, et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'était pas rapportée.

Dès lors, en écartant la demande de garantie formée par l'ONIAM à l'encontre de l'assureur du CTS de Strasbourg, alors qu'il résultait de ses constatations et n'était pas discuté, que [D] [U] avait reçu certains produits sanguins en provenance du CTS dont l'innocuité n'avait pu être établie, la cour d'appel avait, selon la cour de cassation, violé les textes susvisés.

***

Devant la cour d'appel de Nancy et au dernier état de la procédure, l'ONIAM a demandé à la cour, à titre principal, au visa des articles L.1221-14 du code de la santé publique, 67 de la loi du 17 décembre 2008, 72 de la loi du 17 décembre 2012, d'infirmer le jugement dont appel et de condamner la SA Axa France IARD à lui rembourser une somme de 290.112,15 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification des conclusions d'intervention volontaire, soit le 15 novembre 2010, avec capitalisation des intérêts.

La SA Axa France IARD a soulevé la prescription des demandes de l'ONIAM, s'est prévalue de la défaillance de l'ONIAM dans l'administration de la preuve de ce que l'ancien CTS de [Localité 7] ait fourni l'un quelconque des produits sanguins transfusés à M. [U] au détours des interventions pratiquées en 1976 à l'Hôpital militaire [6], s'est également prévalue du fait que l'ONIAM ne rapportait pas la preuve de ce que le fait dommageable était survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance, et a en conséquence conclu à l'irrecevabilité subsidiairement au débouté des demandes.

La CPAM n'a plus été représentée.

Par arrêt du 28 septembre 2020 statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Nancy a :

Infirmé le jugement prononcé le 10 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, en ce qu'il a débouté l'ONIAM de sa demande en garantie dirigée contre la compagnie Axa France IARD,

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et y ajoutant :

Déclaré recevable l'action de l'ONIAM envers la compagnie Axa France IARD,

Condamné la compagnie Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de 290.112,15 € versés aux ayants-droits de [D] [U], avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2020,

Dit que les intérêts seront capitalisés selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil,

dit et jugé que la garantie du contrat d'assurance n° 405740 R est plafonnée à hauteur de 762.245 € par sinistre et par année d'assurance,

condamné la compagnie Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la compagnie Axa France IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la compagnie Axa France IARD aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi et après avoir écarté le moyen tiré de la prescription, et rappelé qu'aux termes de l'arrêt de la cour de cassation il n'était plus discuté que M. [U] avait reçu des produits sanguins provenant du CTS de [Localité 7] dont l'innocuité n'avait pu être établie ce qui était de nature à engager sa responsabilité, la cour en a conclu que le principe de la responsabilité du CTS puis de son assureur Axa, devait être retenu. Quant à la prise en charge par Axa au titre d'un contrat dont la période de validité s'étendait de 1982 à 1989, la cour a rappelé que le principe de la responsabilité de l'EFS avait été retenu compte tenu de l'administration durant la période de garantie soit en 1984, de six culots de sang dont l'innocuité n'avait pu être démontrée.

Quant à la demande de la société Axa visant à limiter sa garantie à la mesure des produits fournis par son assurée, qu'elle évaluait à 10 %, la cour a objecté que l'ONIAM était titulaire d'une action directe résultant de l'indemnisation intégrale de la victime, et que la proportion revendiquée par Axa supposait que l'imputabilité du préjudice à l'EFS ne soit pas pleine et entière ce qui n'était pas le sens des précédents développements.

La cour d'appel a donc condamné la société Axa à garantir l'ONIAM pour l'intégralité de la somme versée, relevant qu'elle était inférieure au plafond d'assurance, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2010, date des conclusions d'intervention volontaire.

Par arrêt du 30 novembre 2020 faisant suite à une demande de rectification d'erreur matérielle, la cour a rectifié le dispositif de son arrêt, en ce sens que les intérêts légaux sur la somme de 290.112,15 € due à l'ONIAM, étaient dus à compter du 15 novembre 2010 comme indiqué dans les motifs de l'arrêt, et non du 15 novembre 2020.

En suite du pourvoi en cassation formé par la SA Axa France IARD la cour de cassation, par arrêt du 6 avril 2022, a :

Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de 290.112,15 € versée aux ayants-droits de [D] [U], l'arrêt rendu le 28 septembre 2020 entre les parties par la cour d'appel de Nancy,

remis sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz.

Pour statuer ainsi, au visa des articles 102 de la loi du 4 mars 2002, 67 IV de la loi du 17 décembre 2008 et 72 II de la loi du 17 décembre 2012, la cour de cassation, après avoir rappelé que hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurance était épuisée, le délai de validité de la couverture expiré, ou la prescription acquise, les assureurs devaient leur garantie à l'ONIAM lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination était admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent avait fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée, a précisé que, cette garantie étant due à l'ONIAM au titre des seuls produits fournis par leur assuré, il incombait au juge de tenir compte de la fourniture, par d'autres établissements de transfusion sanguine, de produits sanguins dont l'innocuité n'avait pu être établie.

Dès lors, la cour d'appel, en condamnant l'assureur à payer à l'ONIAM la totalité de la somme versée par celui-ci aux consorts [U], après avoir relevé que la provenance des produits sanguins transfusés en 1976 n'était pas établie, que 71 produits sanguins avaient été transfusés en 1984, que l'assureur invoquait que seize d'entre eux avaient alors été fournis par son assuré et que l'innocuité de six d'entre eux n'avait pu être déterminée par l'enquête transfusionnelle, avait violé les textes susvisés.

Par déclaration de saisine du 06 septembre 2022 l'ONIAM a repris l'instance devant la cour d'appel de Metz, à l'encontre de la SA Axa France IARD.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 février 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'ONIAM demande à voir, au visa des articles L. 1221-14 et suivants du code de la santé publique, 699 et 700 du code de procédure civile, et des arrêts de la Cour de cassation du 12 décembre 2018 et du 6 avril 2022 ;

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 10 juillet 2015 en ce qu'il| a débouté l'Oniam de sa demande de garantie formulée à I'encontre de la société AXA ;

En conséquence et statuant a nouveau :

Condamner la société AXA à rembourser à I'Oniam 50% de la somme versée aux consorts [U], soit à la somme de 145.056,07 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de ses conclusions sollicitant la garantie de la société AXA après règlement des sommes aux consorts [U], soit le 6 novembre 2015 ;

Condamner la société AXA à verser à l'Oniam la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société AXA aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel et de ses prétentions, l'ONIAM se prévaut d'abord du fait que, selon un avis du conseil d'Etat en date du 9 mai 2019, il était en droit d'émettre un titre exécutoire pour le recouvrement d'une créance résultant de l'application de l'article L.1221-14 du code de la santé publique.

Il en conclut qu'il était légitime à émettre un titre exécutoire à l'encontre de la société Axa et que, si un moyen d'irrégularité de forme devait être retenu à l'encontre d'un tel titre, ceci n'aurait pour conséquence que de provoquer l'annulation du titre mais non la décharge de la créance, de sorte qu'il appartient prioritairement à la juridiction d'examiner le bien-fondé de sa créance.

Sur le fond l'ONIAM rappelle que la loi du 17 décembre 2012 prise pour le financement de la sécurité sociale en 2013 a posé le principe de l'obligation pour les assureurs de garantir l'ONIAM des condamnations mises à sa charge dans le cadre des condamnations pour des contaminations transfusionnelles, et que cette garantie est indispensable pour assurer la pérennité du système d'indemnisation.

Il expose que selon les principes dégagés par la cour de cassation, cette garantie est due à l'ONIAM dès lors que l'origine transfusionnelle d'une contamination était admise, et qu'il est établi que le centre de transfusion assuré a fourni au moins un produit administré à la victime, dont la preuve qu'il n'était pas contaminé n'est pas rapportée.

En l'espèce, l'ONIAM considère que les différentes conditions précitées lui ouvrant un recours contre la société Axa assureur du CTS de [Localité 7], sont réunies dès lors qu'il produit plusieurs éléments permettant de présumer, à partir d'un faisceau d'indices l'origine transfusionnelle de la contamination de M. [U]. Il fait également valoir qu'il prouve avoir indemnisé préalablement les victimes, et enfin qu'il est établi que de nombreux produits sanguins en provenance du CTS de [Localité 7] avaient été administrés à M. [U] en 1984.

En suite de l'arrêt rendu par la cour de cassation, l'ONIAM fait valoir que, si le juge doit prendre en compte une éventuelle pluralité de fournisseurs au stade de l'obligation à la dette, pour autant l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel que modifié par l'article 39 de la loi n° 2020 -1576 du 14 décembre 2020, prévoir une solidarité entre assureurs au bénéfice de l'ONIAM dans le cadre de son action en garantie.

Si le bénéfice de ce dernier texte ne s'applique qu'aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, l'ONIAM expose finalement qu'il a cru pouvoir bénéficier de cette solidarité au regard de certains arrêts ayant considéré que la date à prendre en considération pour l'application de ce texte était celle de la demande formée par l'ONIAM aux fins d'être garanti par l'assureur, soit en l'occurrence le 6 novembre 2015.

L'ONIAM prend acte toutefois de ce qu'un arrêt de la cour de cassation du 14 novembre 2023 a contredit cette interprétation en se référant à la date à laquelle l'assureur avait été appelé en garantie par l'EFS auquel l'ONIAM s'était ultérieurement substitué.

Pour autant et à défaut de pouvoir se prévaloir de cette solidarité, l'ONIAM revendique un partage à hauteur de 50 % de la somme versée aux consorts [U] en faisant valoir que si l'origine de 18 produits seulement, délivrés à M. [U] et provenant du CTS de [Localité 7], a pu être établie, il est cependant extrêmement probable pour des raisons géographiques, que les autres produits non identifiés administrés en 1976 et en 1984 à M. [U], aient également été distribués par le CTS de [Localité 7].

Rappelant les termes du rapport du conseiller rapporteur dans le cadre du pourvoi ayant abouti à l'arrêt du 6 avril 2022, l'ONIAM fait valoir que deux solutions sont possibles pour définir l'ampleur de son recours à l'encontre de la société Axa, à savoir limiter le recours de l'ONIAM en tenant compte du nombre d'établissements de transfusion sanguine ayant fourni des produits sanguins, ou limiter le recours de l'ONIAM en tenant compte du nombre de produits fournis par les établissements de transfusion sanguine, en prévoyant une répartition au prorata du nombre de produits fournis.

L'ONIAM sollicite le bénéfice de la première solution, qui laisserait à sa charge la part correspondant aux établissements de transfusion sanguine non couverts par une assurance ou non identifiés. Dans la mesure où seul le CTS de [Localité 7] est identifié, il considère que la charge de l'indemnisation doit être supportée pour moitié par l'assureur du CTS et pour moitié par lui-même.

Il estime que la seconde solution envisagée poserait de nombreux problèmes notamment au regard de l'indétermination dans de nombreux dossiers du nombre exact de produits transfusés, ce qui est d'ailleurs le cas en l'espèce. Il rappelle d'ailleurs que dans un premier temps Axa avait sollicité un partage à hauteur de 50 %.

Il réclame donc la condamnation de la société Axa à lui payer une somme de 154.057,07 € avec intérêts au taux légal à compter des conclusions sollicitant la garantie de l'ONIAM, soit le 6 novembre 2015.

Selon ses dernières conclusions du 7 février 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Axa France IARD demande à la cour, au visa des arrêts précédemment rendus par la Cour d'appel de Colmar le 22 juin 2017 et la Cour d'appel de Nancy le 28 septembre 2020 tel que rectifié le 30 novembre 2020, en leurs dispositions définitives non atteintes par la cassation, de :

« Statuant dans les limites de la cassation partielle prononcée le 6 avril 2022 par la Cour de cassation,

Limiter la garantie de la société AXA France IARD à la somme de 26 110,09 euros,

Juger que le point de départ des intérêts légaux ne saurait être antérieur au 17 mai 2019, ou, subsidiairement, au 6 novembre 2015,

Constater que la garantie du contrat d'assurance n°405 740 R est plafonnée à hauteur de 762 245 € par sinistre et par année d'assurance, le plafond par année se réduisant et finalement s'épuisant par tout règlement amiable ou judiciaire d'indemnités, quels que soient les dommages auxquels il se rapporte, sans reconstitution automatique de la garantie après règlement ;

Juger en conséquence que la garantie de la compagnie AXA France IARD ne saurait excéder la somme de 26 110,09 euros, dans la limite du montant subsistant dudit plafond au titre de |'année 1984, année des transfusions incriminées ;

Débouter l'ONlAM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

Condamner l'ONIAM à payer à la société AXA France IARD la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, conformément à l'article 700 du CPC,

Condamner l'ONIAM aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Hervé Haxaire avocat, conformément à l'article 699 du CPC ».

Après avoir rappelé le cadre légal de l'indemnisation des contaminations transfusionnelles par le VHC, et les diverses interventions législatives ayant finalement permis à l'ONIAM d'agir directement contre les assureurs des centres de transfusion sanguine, sans démonstration d'une faute, la société Axa France IARD fait valoir, une fois remplies les conditions permettant de rechercher la garantie de l'assureur, que l'étendue de cette garantie diffère selon qu'il est établi ou non que l'établissement de transfusion sanguine assuré a fourni la totalité des produits dont l'innocuité n'a pu être établie.

En l'espèce la société Axa expose que, en 1976 puis en 1984, M. [U] a reçu au total 78 ou 77 produits sanguins, dont seize seulement ont pu faire l'objet d'une enquête transfusionnelle, aboutissant au constat que seize produits avaient été délivrés par le CTS de [Localité 7] en 1984, et non 71 comme le suggère l'ONIAM, et que sur ces 16 produits, 10 avaient été testés négatifs.

La société Axa France IARD fait valoir qu'à défaut de traçabilité des 6 ou 7 produits délivrés à M. [U] en 1976, et des 55 autres produits délivrés en 1984, il n'est aucunement établi que ces produits auraient été délivrés par le CTS de [Localité 7], de sorte qu'il est impossible d'en imputer la responsabilité au CTS de [Localité 7] ou à toute autre structure. Elle rappelle à cet égard que le CTS de [Localité 7] ne bénéficie d'aucun monopole ou exclusivité dans la fourniture de produits aux établissements hospitaliers de [Localité 7].

Elle ajoute que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy est dans la droite ligne des décisions antérieures de la cour de cassation, et confirme que la jurisprudence dégagée, qui impose aux cours d'appel de tenir compte de la présence de plusieurs établissements fournisseurs, n'était pas uniquement applicable aux hypothèses dans lesquelles tous les CTS fournisseurs étaient identifiés.

Elle rappelle en outre que l'article 39 de la loi du 14 décembre 2020 ayant institué une solidarité entre les assureurs, et dont l'ONIAM s'est un temps prévalu, n'est applicable qu'aux actions juridictionnelles engagées après le 1er juin 2010, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et qu'un arrêt du 14 novembre 2023 de la cour de cassation a confirmé ce qu'il fallait entendre par actions juridictionnelles antérieurement engagées à l'encontre de l'assureur.

Elle en conclut que la solidarité issue de l'article 39 précité est inapplicable au cas d'espèce, la société Axa ayant été appelée en garantie par l'EFS dès le 23 août 2005 et ajoute que telle est la position dans l'arrêt de la cour de cassation ayant cassé l'arrêt précité de la cour d'appel de Nancy.

La société Axa revendique dès lors une limitation de sa garantie, soulignant que selon la cour de cassation celle-ci est limitée « aux seuls produits fournis par l'assuré », et considère que cette limitation de garantie doit intervenir au prorata du nombre de produits dont l'innocuité n'a pas été démontrée, soit en l'espèce 6 culots sur 67 ou 68 culots, de sorte que la part du risque de contamination susceptible d'être imputé au CTS de [Localité 7] est de 9 %.

Elle conteste la revendication d'un partage à 50 % telle que proposée par l'ONIAM, qui ne tient pas compte du fait qu'il est impossible d'imputer au CTS de [Localité 7] la responsabilité de la fourniture de l'ensemble des produits dont la provenance n'est pas établie et fait valoir qu'une telle solution ne peut être retenue puisque le nombre d'établissements de transfusion concerné est inconnu.

Enfin la société Axa demande qu'il soit tenu compte du plafond de garantie prévu à l'article 5 de la police conclue avec le CTS de [Localité 7], soit 762.245 € par sinistre et par année d'assurance.

Quant aux intérêts produits par la somme due, la société Axa fait valoir que leur point de départ ne peut être antérieur à la date du paiement effectué par l'ONIAM, et que ce n'est en outre que par des conclusions du 17 mai 2019 que l'ONIAM a demandé la condamnation de la société Axa à lui payer la somme de 290.112,15 €, les conclusions antérieures n'ayant porté que sur une demande de garantie. Elle considère que les intérêts légaux ne peuvent donc être dus qu'à compter du 17 mai 2019, subsidiairement à compter du 06 novembre 2015, date des premières conclusions de l'ONIAM sollicitant la garantie de la société Axa.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur l'étendue de la saisine de la cour

La cour rappelle que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy n'a été que partielle, et que notamment n'a pas été atteinte par la cassation la disposition de cet arrêt ayant infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 10 juillet 2015, infirmation qui portait explicitement sur le rejet par le premier juge de la demande en garantie formée par l'ONIAM à l'encontre de la SA Axa France IARD.

Cette infirmation était fondée sur la motivation de la cour selon laquelle le principe de la responsabilité du CTS de [Localité 7], assuré par Axa, devait être admis, ce qui résultait également des termes de l'arrêt de la cour de cassation du 12 décembre 2008.

La cour d'appel de Nancy a d'autre part tranché également le principe de la prise en charge par Axa de la responsabilité de son assuré, en écartant l'argument tiré de la prescription et en répondant également qu'il était établi que, sur l'ensemble des produits administrés dont l'innocuité n'avait pu être établie, six avaient été délivrés en 1984 par le CTS de Strasbourg, et donc pendant la période de validité du contrat.

Seule a été censurée la disposition ayant condamné la société Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de 290.112,15 €.

Par conséquent, se trouvent définitivement tranchés et hors de la saisine de la cour, le principe de la responsabilité du CTS de [Localité 7] en application des dispositions de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, et le principe de la garantie due par la SA Axa France IARD à l'ONIAM en application de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 et L.1221-14 du code de la santé publique.

Il n'a d'autre part jamais été justifié de l'émission par l'ONIAM d'un titre exécutoire à l'encontre de la société Axa, de sorte que toute discussion sur ce point est sans pertinence.

Seule reste par conséquent à trancher l'étendue de la garantie due par la SA Axa France IARD à l'ONIAM.

II - Sur l'étendue de la garantie due par la SA Axa IARD à l'ONIAM

Aux termes de l'alinéa 8 de article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa version actuellement en vigueur telle que modifiée par l'article 39 de la loi du 14 décembre 2020, L'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article, de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il et démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge.

Cependant, conformément au I de l'article 39 de la loi du 14 décembre 2020, ces dispositions s'appliquent aux actions juridictionnelles engagées à compter de la date du 1er juin 2010.

En l'espèce, et ainsi qu'il résulte des termes du jugement du 10 juillet 2015, la SA Axa IARD a été appelée en garantie par l'EFS, dans le cadre de la procédure ouverte devant le premier juge, par acte d'huissier du 9 septembre 2005.

L'action juridictionnelle à l'encontre de la société Axa a donc bien été engagée avant le 1er juin 2010, et le fait qu'elle l'ait été par l'Etablissement Français du Sang est sans incidence dès lors que l'ONIAM lui est substitué par l'effet des dispositions de l'article 67 IV de la loi du 17 décembre 2008.

L'ONIAM ne peut donc en l'espèce revendiquer le bénéfice de cette solidarité ce qu'il semble admettre, et l'assureur ne reste tenu vis-à-vis de l'ONIAM qu'en vertu de la disposition de l'alinéa 7 de l'article L.1221-14 prévoyant que, lorsque l'office a indemnisé la victime, il peut directement demander à être garanti des sommes versées aux assureurs des structures reprises par l'EFS.

Quant à l'identification des centres de transfusion sanguine ayant fourni en l'espèce des produits sanguins à l'hôpital militaire [6] de [Localité 7] et au Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 7], il résulte des rapports d'expertise, et plus particulièrement du dernier rapport de M. le Docteur [N] en date du 1er septembre 2014, que :

6 ou 7 culots ont été transfusés à M. [U] en 1976 à l'hôpital [6] (une incertitude existant sur le nombre de culots, 2 ou 3, transfusés le 1er février 1976)

71 produits sanguins lui ont été transfusés lors de son hospitalisation au C.H.U de [Localité 7]. Sur ces 71 produits, seuls 16 ont été identifiés dès lors que leurs numéros figuraient dans les dossiers médicaux, et il s'est avéré que ces 16 produits provenaient du CTS de [Localité 7].

55 produits transfusés en 1984 au CHU de [Localité 7] restent donc non identifiés.

Il est précisé à cet égard que le courrier de l'EFS en date du 13 mars 2015 dont se prévaut l'ONIAM, ne confirme nullement que les 71 produits sanguins administrés en 1984 proviendraient tous du CTS de [Localité 7], mais ne renseigne que sur les produits ayant pu faire l'objet d'une enquête transfusionnelle, pour confirmer que les produits impliqués dans cette enquête ont bien été fournis par le CTS de [Localité 7].

Cependant une telle enquête ne pouvait concerner que les produits dont les numéros de prélèvement étaient connus, ce qui n'était le cas que pour 16 d'entre eux. Il ne peut donc être tiré aucune conséquence de ce courrier quant à la provenance du surplus des produits sanguins administrés en 1984.

Enfin, sur les 16 produits sanguins identifiés, ayant fait l'objet d'une enquête transfusionnelle, dix ont fait l'objet d'un résultat négatif, confirmant qu'ils n'étaient pas contaminés par le virus de l'hépatite C, et l'innocuité des six produits restants n'a pu être vérifiée.

Il apparaît dès lors que sur les 77 ou 78 produits sanguins administrés à M. [U] en 1976 et 1984, 61 ou 62 sont d'origine inconnue (soit 55 + 6 ou 7)

A cet égard, l'ONIAM ne peut tirer argument de la proximité géographique entre le CTS de [Localité 7] et les deux établissements hospitaliers ayant accueilli M. [U], pour imputer le surplus des produits au CTS de [Localité 7], dès lors que rien n'empêche qu'un établissement hospitalier se fournisse auprès d'un centre de transfusion situé hors de sa région, et il n'existe sur ce point aucune présomption que pourrait faire valoir l'ONIAM.

Il convient d'observer que, si la provenance de 16 produits sur un total de 77 ou 78 n'avait pas été déterminée, l'ONIAM n'aurait disposé d'aucun recours à l'encontre de l'assureur du CTS de [Localité 7] et aurait gardé à sa charge l'intégralité de la somme versée aux consorts [U].

L'ONIAM ne justifie sa demande de condamnation à hauteur de 50 % de cette somme, qu'en raison, d'une part, d'une présomption selon laquelle le surplus des produits proviendrait également du CTS de [Localité 7], présomption qui ne peut être admise, et d'autre part en raison du fait que seul le CTS de [Localité 7] est identifié.

Cependant une prise en charge à hauteur de 50 % de la somme précitée supposerait démontré le fait que seuls deux centres de transfusion ont fourni des produits et contribué au dommage, ce qui n'est pas établi en l'état, outre que se poserait alors la question du nombre respectif de produits fournis par chacun.

En tout état de cause, le nombre et l'identité de l'ensemble des centres de transfusion ayant fourni des produits sanguins transfusés à M. [U] en 1976 et 1984 n'étant pas connu, aucune répartition ne peut s'effectuer sur cette base, et il n'est possible de raisonner que sur la base des produits dont l'attribution au CTS de [Localité 7] est connue avec certitude, ce qui permet d'apprécier la garantie de l'assureur au regard des seuls produits fournis par son assuré.

En l'espèce il est constant qu'il a été administré à M. [U] 67 ou 68 produits dont l'innocuité n'a pu être vérifiée (soit 6 ou 7 en 1976, 55 en 1984 n'ayant pu faire l'objet d'une enquête transfusionnelle, et 6 attribués au CTS de [Localité 7] dont l'innocuité n'a pas été démontrée).

Sur ces 67 ou 68 produits, 6 provenaient avec certitude du CTS de [Localité 7], soit une proportion au plus de 6/67 soit 8,96 %.

Ainsi la demande de la SA Axa visant à ne supporter que 9 % de la somme versés par l'ONIAM aux consorts [U] est effectivement justifiée au regard de la proportion de produits fournis par son assuré dont l'innocuité n'a pas été établie.

Quant au montant versé par l'ONIAM, l'attestation de paiement produite par celui-ci en pièce n° 4, visée dans ses conclusions, ne fait pas état du versement d'une somme de 290.112, 15 €, mais d'une somme de 174.211,21 €, versée aux consorts [U] par le biais de leur conseil le 03 septembre 2015. Toutefois la réalité d'un versement supplémentaire n'est pas contestée et la SA Axa France IARD effectue elle-même son calcul sur la base de la somme de 290.112,15 €.

Il convient dès lors de condamner la SA Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de (290.112,15 x 9%) = 26.110,09 €.

Sur les intérêts réclamés, aux termes de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.

Selon l'article 1344 du code civil, le débiteur est mis en demeure de payer, soit par une sommation ou par un acte portant interpellation suffisante.

En l'occurrence l'ONIAM se prévaut de conclusions signifiées le 6 novembre 2015 par lesquelles il aurait sollicité la garantie de la société Axa après règlement des sommes dues aux consorts [U].

Ces conclusions ne sont cependant pas produites, et les conclusions auxquelles se réfère la cour d'appel de Colmar dans son arrêt du 22 juin 2017 sont des conclusions du 16 septembre 2016 par lesquelles l'ONIAM demandait toujours à être garanti de l'intégralité des sommes versées aux consorts [U], mais ne sollicitait aucune condamnation à une somme explicitement fixée.

Par conséquent, seules les conclusions évoquées par les parties, du 17 mai 2019, par lesquelles l'ONIAM a demandé la condamnation de la SA Axa à lui verser une somme de 290.112,15 €, constituent une interpellation suffisante de payer une somme déterminée, et peuvent constituer mise en demeure faisant courir les intérêts moratoires.

Les intérêts sur la somme de 26.110,09 € seront donc dus à compter du 17 mai 2019.

III- Sur le plafond de garantie allégué par la SA Axa France IARD

Il résulte du contrat d'assurance n° 0405740 R versé aux débats, que parmi les garanties souscrites par le centre de transfusion sanguine de [Localité 7] se trouve une garantie E « R.C. après livraison », s'appliquant aux conséquences pécuniaires de la responsabilité pouvant incomber au centre à raison des différents dommages causés par le sang et ses dérivés faisant l'objet d'une livraison.

Aux termes de l'article 5 des conditions générales, la limite d'engagement concernant la garantie E est fixée pour l'ensemble des dommages corporels, matériels immatériels, « à concurrence du montant global fixé aux conditions particulières, par sinistre et par année d'assurance ».

Il est également indiqué que « le montant par année se réduit et finalement s'épuise par tout règlement amiable ou judiciaire d'indemnités quels que soient les dommages auxquels ils se rapportent, sans reconstitution automatique de la garantie après règlement ».

Il résulte enfin du tableau récapitulant le montant des garanties, que le montant global de garantie pour la garantie E est de 5.000.000 Francs, soit 762.245 €.

Il convient donc par conséquent de dire que la garantie de la société Axa sera due dans la limite du plafond subsistant au titre de l'année 1984.

IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'arrêt de la cour de cassation du 12 décembre 2018 n'a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Colmar que pour ce qui concerne le rejet de la demande en garantie formée par l'ONIAM contre la SA Axa France IARD.

L'arrêt de la cour d'appel de Colmar ayant statué sur les demandes des consorts [U] à l'encontre de l'ONIAM étant dès lors définitif sur ces points non atteints par la cassation, il en va de même des dispositions relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles issus de l'instance ayant opposé les consorts [U] à l'ONIAM.

Dans l'instance opposant l'ONIAM à la SA Axa France IARD, la demande de l'ONIAM n'est accueillie qu'en partie.

Il conviendra donc de faire supporter par moitié à chacune des parties les dépens issus de cette instance, en première instance comme en appel.

L'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant sur renvoi après cassation, dans les limites de sa saisine,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Nancy ayant infirmé le jugement prononcé le 10 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, en ce qu'il a débouté l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux de sa demande en garantie dirigée contre la SA Axa France IARD,

Vu l'arrêt de la cour de cassation en date du 6 avril 2022,

Condamne la SA Axa France IARD à verser à l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux la somme de 26.110,09 € avec intérêts légaux à compter du 17 mai 2019,

Dit que la SA Axa France IARD est tenue dans la limite de son plafond de garantie à hauteur de 762.245 € pour l'année 1984,

Condamne l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux et la SA Axa France IARD à supporter chacune la moitié des dépens de première instance résultant de l'instance ayant opposé l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux à la SA Axa France IARD au titre de son appel en garantie,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ajoutant au jugement déféré,

Condamne l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux et la SA Axa France IARD à supporter chacune la moitié des dépens d'appel issus de l'instance ayant opposé l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux à la SA Axa France IARD au titre de son appel en garantie,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/02196
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;22.02196 ?
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