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09/07/2024 | FRANCE | N°22/00110

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 22/00110


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 22/00110 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FU4P

Minute n° 24/00190





[E]

C/

[J], S.A. AXA FRANCE IARD









Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 06 Décembre 2021, enregistrée sous le n° I 09/02158



COUR D'APPEL DE METZ



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 09 JUILLET 2024



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APPELANT :



Monsieur [C] [E]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par Me Philippe KAZMIERCZAK, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000643 du 04/02/2022 accordée par le bureau...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/00110 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FU4P

Minute n° 24/00190

[E]

C/

[J], S.A. AXA FRANCE IARD

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 06 Décembre 2021, enregistrée sous le n° I 09/02158

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024

APPELANT :

Monsieur [C] [E]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe KAZMIERCZAK, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000643 du 04/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉ :

Monsieur [H] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE :

S.A. AXA FRANCE IARD, représentée par son représentant légal,

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 28 Mars 2024 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 09 Juillet 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nathalie DOBREMER, adjointe administrative faisant fonction de greffier

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère

Mme FOURNEL, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 1er avril 1983, M. [C] [E] a été nommé agent général de la compagnie d'assurances « Le Foyer », aux droits et obligations de laquelle est venue ultérieurement la SA d'assurances AXA France IARD, pour le portefeuille de [Localité 7].

Le 30 janvier 2009, M. [E] a été révoqué de son mandat d'agent général avec effet immédiat, la SA AXA France IARD invoquant de graves anomalies au niveau du règlement des sinistres.

Le 27 février 2009, M. [E] a signé un document dans lequel il reconnaissait devoir à la SA AXA France IARD la somme de 416 548,14 euros en raison d'indemnités de sinistres qui ont été créditées sur son compte pendant sa fonction d'agent général et qu'il n'a pas réglées à leurs bénéficiaires ou qu'il a réglé à des tiers étrangers aux parties ou encore à des tiers sur la base de sinistres fictifs.

Le 11 août 2009, la SA Axa France IARD a déposé plainte contre M. [E] pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux.

Dans un courrier adressé le 8 octobre 2009 à M. [E], la SA Axa France IARD a indiqué à ce dernier que sa dette s'élevait à :

416 548 euros conformément à la reconnaissance de dette du 27 février 2009 ;

21 245 euros correspondant à de faux sinistres supplémentaires reconnus par courrier du 16 juin 2009 ;

64 644 euros au titre de faux sinistres reconnus par M. [H] [J], subordonné de M. [E] ;

20 266 euros au titre du solde de compte de fin de gestion au 1er février 2009 calculé au 18 août 2009.

Soit une dette totale de 522 663 euros.

La SA AXA France IARD précisait toutefois dans ce courrier que l'indemnité compensatrice qu'elle-même devait à M. [E] s'élevait à 145 761 euros.

Par correspondance du 12 octobre 2009, M. [E] a déclaré reconnaitre être redevable de la somme de 259 039,36 euros.

Par acte d'huissier du 29 octobre 2009, la SA AXA France IARD a assigné M. [E] devant le tribunal de grande instance de Thionville, afin principalement de le faire condamner à lui payer la somme de 376 902,14 euros, après déduction de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.

Par exploit d'huissier du 20 mai 2010, M. [E] a assigné en intervention forcée M. [J].

Le 27 mai 2017, le tribunal correctionnel de Thionville a reconnu M. [E] coupable de faits d'escroquerie commis du 18 août 2006 au 12 février 2009 et M. [J] coupable de faits d'escroquerie commis depuis le 18 août 2006 jusqu'au 10 décembre 2008.

Le 6 décembre 2017, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Metz saisi par M. [E] a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Thionville dans toutes ses dispositions civiles et pénales.

La cour de cassation a, par un arrêt du 21 novembre 2018, rejeté le pourvoi en cassation formé par M. [E].

La société Axa France Iard a demandé la reprise de l'instance civile qui avait fait l'objet d'un sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive.

Dans ses dernières écritures, elle a maintenu ses demandes à l'égard de M. [E] mais a également demandé la condamnation de M. [J] à lui payer la somme de 64 644,41 euros.

M. [E] a principalement demandé à la chambre civile du tribunal judiciaire de déclarer nulle et de nul effet la reconnaissance de dette du 27 février 2009 et de condamner la SA Axa France Iard à lui payer, à titre reconventionnelle, la somme de 180 824,52 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis.

M. [J] a contesté les prétentions de M. [E] à son égard et a demandé sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Thionville a :

Condamné M. [E] à payer la société AXA France IARD la somme de 113 278,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009 ;

Condamné M. [E] aux frais et dépens exposés par AXA France IARD ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'AXA France IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [J] à payer à la société AXA France IARD, en deniers ou quittance, le solde restant dû par lui sur la somme de 64 644,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009 ;

Rejeté toutes les demandes de M. [E] à l'encontre de M. [J] ;

Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Sur les prétentions d'Axa France à l'égard de M. [E], le tribunal judiciaire de Thionville a considéré dans un premier temps, que sur le montant de 416 548,14 euros, il n'existe pas d'éléments pour prouver l'existence d'un dol comme l'allègue M. [E], mais qu'il n'existe pas non plus d'éléments permettant d'établir avec certitude ce montant, même si M. [E] y a acquiescé en signant une reconnaissance de dette.

Dans un second temps, sur le montant supplémentaire de 21 245,66 euros réclamé par AXA France IARD, le tribunal a retenu qu'il n'existe pas d'éléments qui justifient ce supplément de créance, car il n'y est fait référence que dans un passage du courrier du 12 octobre 2009 de M. [E], passage incompréhensible.

De même, le tribunal a considéré que sur le montant supplémentaire de 64 644 euros au titre des faux sinistres reconnus par M. [H] [J], imputés à M. [E], aucune justification suffisante n'est apportée, pas plus que sur la somme de 20 226 euros résultant du décompte de fin de gestion.

Le tribunal judiciaire a donc condamné M. [E] à payer la somme de 113.278,36 euros, après déduction de la somme de 145 761,00 euros, dont le principe n'était pas contesté par la SA AXA France IARD.

Sur la demande d'indemnisation à l'encontre de M. [J], le tribunal judiciaire a considéré que M. [J] s'était reconnu débiteur de la somme de 64 644,41 euros par une reconnaissance de dette ainsi que par l'émission d'un chèque de ce montant (sans provision), que ce montant figure également au courrier d'Axa du 8 octobre 2009 adressé à M. [J] et que M. [J] a également accepté d'inclure, dans son plan d'apurement décidé par le tribunal d'instance de Thionville le 17 septembre 2013, la somme de 59 858,79 euros due à Axa correspondant au montant restant dû.

Le tribunal a donc condamné M. [J] à payer à AXA France IARD la somme de 64 644,41 euros.

Le tribunal a pris acte de ce que la SA AXA France IARD avait déduit de sa créance l'indemnité compensatrice de fin de contrat et il a donc rejeté la demande reconventionnelle de M. [E].

Sur l'appel en garantie de M. [E] à l'encontre de M. [J], le tribunal a considéré que l'attestation sur l'honneur d'un montant de 300 000 euros était dépourvue de fondement juridique et de valeur probatoire et que l'appel en garantie ne peut décharger M. [E] de sa condamnation en la faisant supporter par M. [J].

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz du 7 janvier 2022, M. [E] a interjeté appel de cette décision aux fins d'annulation subsidiairement d'infirmation, en ce qu'elle a condamné M. [E] à payer la société AXA France IARD la somme de 113 278,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009, condamné M. [E] aux frais et dépens exposés par AXA France IARD ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'AXA France IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné M. [J] à payer à la société AXA France IARD, en deniers ou quittance, le solde restant dû par lui sur la somme de 64 644,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009, rejeté toutes les demandes de M. [E] à l'encontre de M. [J] lesquelles tendaient notamment à la condamnation de M. [J] à lui payer la somme de 300 000 euros et à le garantir des condamnations mises à sa charge le cas échéant et en totalité, rejeté sa demande reconventionnelle de condamnation de la société AXA France IARD à lui payer la somme de 180 824,52 euros avec intérêts de droit à compter du 4 décembre 2009 et rejeté la demande de M. [E] de voir déclarer nulle et sans effet la reconnaissance de dette dont se prévalait la SA AXA France IARD.

La SA Axa France Iard a interjeté appel incident par le dépôt de conclusions en date du 1er juillet 2022.

Par ordonnance du 14 septembre 2023, le conseiller de la mise en l'état a ordonné la clôture de l'instruction du dossier.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions déposées le 1er septembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [E] demande à la cour d'appel de :

rejeter l'appel incident de la SA Axa France Iard ;

dire et juger nul le jugement dont appel pour violation des dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

En tout état de cause, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Condamné M. [E] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 113 278,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009 ;

Condamné M. [E] aux frais et dépens exposés par la SA AXA France IARD ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté toutes les demandes de M. [E] à l'encontre de M. [J];

Rejeté la demande reconventionnelle de M. [E] tendant à la condamnation de la SA AXA France IARD à lui payer une indemnité de 180 824,52 euros avec intérêts de droit à compter du 4 décembre 2009 ;

Rejeté la demande de M. [E] tendant à voir déclarer nulle et sans effet la reconnaissance de dette dont se prévalait la SA AXA France IARD ;

Et statuant à nouveau :

débouter la SA AXA France IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées contre M. [E] ;

déclarer nulle et de nul effet la reconnaissance de dette du 27 février 2009 dont se prévaut la SA AXA France IARD ;

condamner M. [J] à payer à M. [E] la somme de 300 000 euros, en tout état de cause à le garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre à la demande de la SA AXA France IARD, ce compris au titre des dépens de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SA AXA France IARD à payer à M. [E] une indemnité de 180 824,52 euros avec intérêts de droit à compter du 4 décembre 2009 ;

débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [E], tant irrecevables qu'infondées ;

condamner la SA AXA France IARD et M. [J] aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement à l'avocat soussigné d'une somme de 5 000 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile, au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens et dire qu'en ce cas il sera procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridictionnelle du 10 juillet 1991. 

Sur la nullité du jugement du 6 décembre 2021, est visé l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme relative à l'impartialité du juge.

M. [E] fait observer qu'en l'espèce, le président de la chambre civile a également présidé la chambre correctionnelle qui a statué le 22 mai 2017, qu'il est de jurisprudence constate que tout jugement rendu par un magistrat ayant participé à une décision juridictionnelle impliquant l'appréciation des mêmes faits est nul et que les termes du jugement révèlent un défaut d'impartialité.

Sur le fond, concernant les demandes en paiement de la SA AXA France IARD, M. [E] expose que toute personne qui prétend à la réparation d'un préjudice doit démontrer une faute, un dommage et un lien de causalité.

Il fait valoir qu'en l'espèce, la SA Axa France ne vise pas de fondement, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice, que la reconnaissance de l'infraction n'équivaut pas à reconnaitre un préjudice financier puisque l'infraction vise le préjudice au sens large et que le différentiel de primes a été compensé par le nombre de clients supplémentaires acquis par des remises exceptionnelles.

L'appelant soutient que la reconnaissance de dette du 27 février 2009 aurait dû être annulée pour défaut de consentement et absence de cause, et pas seulement écartée ; il affirme qu'elle n'a pas été signée librement, mais sous la menace d'une plainte et de la résiliation du contrat d'agent général et par erreur en considération de celle signée par M. [J] ; il indique également que cette reconnaissance est dépourvue d'objet et de cause puisqu'il n'existe pas d'élément pour garantir le caractère certain de la somme de 416 548,14 euros.

Selon M. [E], ne peut être retenue non plus la somme de 259 039,36 euros, car le tribunal s'est basé sur un courrier de M. [E] qui ne répond pas aux mentions prescrites par l'ancien article 1326 du code civil et qui ne pourrait s'expliquer que par la reconnaissance de dette de M. [J] à l'égard de M. [E] avec laquelle il forme un tout.

De manière infiniment subsidiaire, M. [E] admet que si le préjudice était consacré, il ne pourrait excéder la somme de 46.060,08 euros telle que visée par la chambre des appels correctionnels, en vertu de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil.

Il ajoute que dans tous les cas, rien ne justifie les intérêts légaux à compter du 27 février 2009.

Enfin, sur l'appel incident de la SA AXA France IARD, M. [E] considère que les sommes supplémentaires qui lui sont réclamées ne sont pas justifiées, que rien ne justifie le montant du solde de tout compte, ni les sommes comptabilisées au titre de sinistres ou encaissements de fonds.

Concernant sa demande reconventionnelle, M. [E] rappelle que la SA AXA France IARD reconnait l'existence d'une indemnité compensatrice de fin de contrat à hauteur de 145 761 euros.

Il conteste l'abattement de 15% effectué par la SA AXA France IARD, car selon M. [E] cet abattement n'a pas de fondement.

Il fait valoir que l'article 23 des statuts des agents généraux d'assurance vise une retenue compensatrice, sans précision, qu'Axa se réfère désormais à la convention du 1er juillet 1959 passée entre la FFSA et la FNSAGA, alors que cette convention n'avait qu'une durée de deux ans à compter du 1er juillet 1959, sans préciser les conditions dans lesquelles elle est censée s'appliquer, notamment la base de l'abattement et que l'annexe sur le calcul de l'indemnité évoquée par l'intimée n'est pas produite.

M. [E] en déduit que la somme due par la SA AXA France IARD est bien de 180 824,52 euros, avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2009 et qu'en tout état de cause, l'article 22 desdits statuts dispose que l'indemnité est déterminée, à défaut d'accord amiable, à dires d'expert.

Sur l'appel en garantie formé contre M. [J], l'appelant soutient que la reconnaissance de dette de M. [J] à son égard qu'il verse aux débats n'est pas dénuée de valeur probatoire, que cette reconnaissance a fait l'objet d'un enregistrement auprès des services fiscaux et que les différents montants qui y sont évoqués visent les différentes méthodes d'évaluation du préjudice.

Il soutient que la signature n'a jamais été extorquée par violence, que les faits qui concernent M. [J] sont liés à ceux de l'espèce et que M. [J] a consenti de son propre chef à d'importantes remises reconnues par la signature de la reconnaissance de dette ; il observe que M. [J] conclut à la confirmation du jugement qui le condamne à payer à la SA AXA France IARD la somme de 64 644,41 euros pour le détournement des sommes dans l'exercice de sa fonction de salarié puis de sous-agent de M. [E].

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 juin 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA AXA France IARD demande à la cour d'appel de :

débouter M. [E] de son appel et de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions en tant que dirigés à l'encontre de la SA AXA France IARD ;

infirmer partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

condamner M. [E] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 416 548,14 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009, au regard de sa reconnaissance de dette du 27 février 2009 ;

condamner M. [E] à payer à la SA AXA France IARD, avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris : la somme de 21 245 euros correspondant à des faux sinistres supplémentaires, la somme de 64 644 euros au titre des faux sinistres reconnus par M. [J], subordonné de M. [E], dans une reconnaissance de dette du 27 février 2009 et la somme de 20 266 euros au titre du solde de compte de fin de gestion du 1er février 2009, calculée au 18 août 2009 ;

ordonner la compensation des créances avec celle résultant de l'indemnité compensatrice due par la SA AXA France IARD à M. [E] qui a été fixée à hauteur de 145 761 euros ;

confirmer sur le surplus des dispositions non contraires du jugement entrepris ;

condamner M. [E] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [E] aux entiers frais et dépens d'appel. 

Sur la demande de nullité du jugement, la SA AXA France IARD fait valoir que selon un arrêt d'Assemblée Plénière de la Cour de cassation (pourvoi 99-12412), le vice de partialité est irrecevable dès lors que la partie, représentée par un avoué, avait nécessairement connu d'avance la composition de la juridiction et avait sans équivoque renoncé à se prévaloir de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme.

Sur l'existence d'une dette et son actualité, la SA AXA France IARD soutient que M. [E] a signé une reconnaissance du 27 février 2009 portant sur la somme de 416 548,14 euros qu'il s'obligeait à rembourser en principal et accessoire le 1er septembre 2009 au plus tard ; l'intimée fait valoir que cet acte est l'aveu de la dette mais aussi un engagement unilatéral de volonté, qu'il n'est pas nécessaire pour le créancier de prouver sa créance puisque la reconnaissance est génératrice d'obligations et que la cause doit être présumée selon l'ancien article 1132 du code civil.

Elle en déduit que la reconnaissance de dette est parfaitement opposable au souscripteur.

Elle ajoute qu'une reconnaissance de dette n'impose pas l'apport d'éléments probants.

La SA AXA France IARD indique que dans tous les cas, M. [E] ne rapporte pas la preuve de man'uvres dolosives ou de menaces quant à la rédaction de l'acte, qu'il évoque un courrier contestant la reconnaissance de dette, mais que ce document n'a jamais été produit.

La SA AXA France IARD considère que le courrier dans lequel M. [E] reconnait une dette mais à hauteur de 259 039,36 euros seulement est sans effet et que la condamnation pénale qui prend en compte la somme de 46 060,08 euros ne concerne qu'une partie des faits visés par la prévention.

Subsidiairement, la SA AXA France IARD considère que les arguments de M. [E] selon lesquels les faux sinistres payés par Axa France Iard étaient intégralement reversés à cette dernière de sorte qu'aucun préjudice ne serait établi et selon lesquels les différentiels de primes ne sont que des manques à gagner compensés par les profits réalisés par les polices supplémentaires vendues entrent en contradiction avec la reconnaissance de dette, ainsi qu'avec les courriers dans lesquels M. [E] reconnait être redevable de sommes d'argent.

Sur l'application d'un abattement de 15% à l'indemnité compensatrice de rupture de contrat, la SA AXA France IARD indique que cet abattement trouve son fondement dans la convention du 1er juillet 1959 passée entre la fédération française des sociétés d'assurances et la fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurances et plus précisément dans l'annexe IV de ladite convention, qui autorise cet abattement en cas de malversations, d'incurie grave ou de carence totale dans la gestion de l'agent sortant.

Sur l'appel incident relatif au débouté des autres demandes, l'intimée met en avant que :

Concernant la créance de 21 245 euros, M. [E] l'a reconnue par courrier du 16 juin 2009, qu'il s'agit d'un aveu sur l'existence de la dette et son actualité ;

Concernant la créance de 64 644 euros, M. [J] a reconnu cette dette par acte du 27 février 2009 et M. [E] doit voir sa responsabilité engagée, au vu de l'article 1384 alinéa 5, du fait de son préposé ;

Concernant la créance de 20 266 euros, il s'agit du solde en faveur de la société AXA suivant la liquidation des comptes de gestion, justifié par différents documents.

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 juillet 2023 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [J] demande à la cour d'appel de :

débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [J] ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à M. [J] ;

condamner M. [E] aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 

D'une part, M. [J] indique ne pas avoir à se prononcer sur le conflit entre M. [E] et la SA Axa France Iard.

Il soutient que la demande de garantie présentée par M. [E] à son encontre n'est pas fondée juridiquement, que M. [E] n'émet aucune critique du jugement sur ce point et que faire peser la responsabilité sur M. [J] est contraire à la procédure pénale, en sachant que la société Axa ne lui réclame rien.

Il rappelle qu'il était salarié et non agent mandataire, comme l'allègue M. [E], qui ne justifie pas l'avoir jamais rémunéré comme tel. Il admet avoir signé un contrat de sous-agent mais assure que ce mandat n'a jamais été suivi d'effets.

D'autre part, M. [J] considère que la reconnaissance de dette invoquée par M. [E] ne correspond pas aux conditions fixées par le code civil, cette lettre ayant été rédigée sur le capot d'une voiture, M. [E] ayant amené de force M. [J] dans un lieu désert pour le menacer physiquement, que cette lettre n'est pas cohérente et est confuse puisqu'il est fait mention de la volonté de M. [J] de rembourser la somme de 300 000 euros, puis dans un second temps la moitié de 529 330 euros, pour in fine terminer par viser la moitié de 350 000 euros, de sorte que le montant n'est pas compréhensible.

Il fait observer qu'il n'existe dans ce document aucune quantité en chiffres et en lettres.

Il sollicite la condamnation de M. [E] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts car il considère que la demande à son égard revêt un caractère particulièrement abusif.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la nullité du jugement

Sur la recevabilité de l'exception

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Si dans le corps de ses écritures, la SA AXA France IARD conclut à l'irrecevabilité de l'exception de nullité du jugement présentée par M. [E], elle ne présente aucune prétention sur ce point dans son dispositif.

La cour ne statuera donc pas sur la recevabilité de cette exception de nullité.

Sur le bien-fondé de l'exception

Il résulte de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

L'impartialité objective amène à s'assurer que le tribunal offre, notamment à travers sa composition, des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité. Il en résulte qu'en principe le même juge ne peut pas connaître deux fois de la même affaire, pour les mêmes faits et pour les mêmes parties. Néanmoins, le fait que les mêmes magistrats aient été appelés à connaître à la fois des aspects civils et pénaux d'un litige n'est pas de nature à priver les parties d'un procès équitable et à mettre en cause l'impartialité de la juridiction qui a statué, dès lors que les précédentes interventions ou décisions de ce même magistrat ne l'auraient pas conduit à prendre position ou à émettre une appréciation pouvant constituer un préjugé sur le nouveau litige qui lui est soumis (Avis de la cour de cassation, 7 juillet 2003, 00-00.001).

L'impartialité subjective tient compte de la conviction personnelle et du comportement du juge, afin de déterminer s'il a fait preuve de parti pris ou préjugé personnel. Ainsi un magistrat qui statue en des termes injurieux viole l'article 6§1 précité et l'exigence d'impartialité (sur ce point voir par exemple 2e Civ., 14 septembre 2006, pourvoi n° 04-20.524).

Dans le cas présent, il est constant que le tribunal judiciaire de Thionville ayant rendu le jugement contesté comprenait dans sa composition un magistrat ayant fait partie de la juridiction pénale ayant statué sur les faits reprochés à M. [E].

En ce qui concerne l'impartialité objective, il sera rappelé que la juridiction pénale a examiné et tranché la question de la réunion des éléments constitutifs de l'escroquerie, plus précisément l'existence de man'uvres frauduleuses, à savoir la création de faux dossiers de sinistres et de fausses écritures informatiques.

En revanche dans le cadre de l'instance civile, le litige a pour objet le préjudice résultant pour la SA AXA France IARD de ces escroqueries définitivement jugées par les juridictions pénales et le tribunal judiciaire devait se prononcer selon les modes de preuve admissibles dans le cadre d'une action civile.

Il ne peut donc être considéré que la juridiction pénale puis la juridiction civile ont examiné la même affaire.

La composition du tribunal judiciaire de Thionville ayant rendu la décision dont il est fait appel ne contrevient donc pas au principe de l'impartialité objective.

En ce qui concerne l'impartialité subjective, il sera relevé que le tribunal a motivé sa décision de la manière suivante, pour faire droit partiellement aux prétentions de la SA AXA France IARD :

« Le tribunal s'interroge sur la persistance de M. [E] à feindre d'un doute sur la réalité de l'escroquerie dont AXA a été victime.

['] les spéculations contractuelles de M. [E] sont destinées à masquer le fait que la reconnaissance du fondement pénal des agissements caractéristiques d'escroquerie repose sur l'existence même du préjudice engendré, non pas sur la pratique de remises exceptionnelles licites mais sur la mise en comptabilité de faux dossiers de sinistres.

Et le tribunal rappellera que si l'infraction d'escroquerie a été reconnue comme établie par les juridictions pénales (le tribunal correctionnel puis la cour d'appel) c'est bien parce que les man'uvres commises ont abouti à un préjudice financier ».

La deuxième phrase qui débute par « les spéculations contractuelles » n'est pas compréhensible.

En tout état de cause, la cour considère que les termes employés par le magistrat rédacteur ne sont pas suffisants pour caractériser un parti pris et un préjugé personnel négatif du magistrat rédacteur à l'égard de M. [E]. Le manquement à l'impartialité subjective et donc la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont donc pas établis.

Par voie de conséquence, la cour rejette la demande d'annulation du jugement rendu le 6 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Thionville pour manquement à l'impartialité.

II- Sur les prétentions de M. [E] à l'égard de M. [J] et sur les prétentions de M. [J] à l'égard de M. [E]

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans le dispositif de ses écritures, M. [E] fait valoir l'irrecevabilité des prétentions de M. [J] à son égard mais dans le corps de ses conclusions, il ne développe aucun moyen à l'appui de cette irrecevabilité alléguée.

En conséquence, la cour ne répondra pas à cette prétention.

De même, M. [J] sollicite la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts dans le corps de ses écritures mais cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses écritures.

Dès lors, la cour ne statuera pas de ce chef non plus.

III- Sur la nullité de la reconnaissance de dette du 27 février 2009

L'article 1126, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que :

« Tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire ».

L'article 1131, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que :

« L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

Une reconnaissance de dette a pour cause l'obligation préexistante en contrepartie de laquelle le souscripteur de l'acte a consenti à s'engager.

En outre, dans les rapports entre les parties, la preuve de la fausseté de la cause exprimée à l'acte doit être administrée par écrit dans les conditions prévues par l'article 1341 du code civil dans sa version applicable au présent litige (sur ce point voir par exemple Com., 14 mars 2006, pourvoi n° 04-17.433).

En l'espèce, il est fait mention dans la reconnaissance de dette en litige que la somme de 416 548,14 euros est due « en raison d'indemnités de sinistres qui ont été créditées sur son compte pendant sa fonction d'agent général et qu'il n'a pas réglées à leurs bénéficiaires ou qu'il a réglé à des tiers étrangers aux parties ou encore à des tiers sur la base de sinistres fictifs ».

Dès lors que la cause prétendument inexistante est exprimée dans l'acte, il s'agirait d'une fausse cause et non d'une absence de cause et pour obtenir la nullité de cette reconnaissance, M. [E] doit faire la preuve du caractère faux de cette cause par écrit.

Or, M. [E] n'a pas produit d'écrit de nature à prouver l'inexistence du préjudice subi par la société AXA France IARD à la suite des détournements allégués tels que mentionnés dans la reconnaissance de dette en litige.

Ce moyen est donc inopérant, tout comme celui tiré de l'absence d'objet alors même que cette reconnaissance de dette avait précisément pour objet la reconnaissance par M. [E] des sommes dues par lui à la SA AXA France IARD.

De plus, M. [E] ne rapporte pas la preuve qu'il aurait signé cette reconnaissance de dette uniquement en considération de celle complétée le même jour par M. [J], la reconnaissance de dette signée par M. [E] ne faisant aucune référence à cet autre document. Cet argument n'est donc pas pertinent.

Enfin, la menace de l'emploi d'une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 anciens et suivants du code civil que s'il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l'engagement primitif.

En tout état de cause, M. [E] ne rapporte pas la preuve des man'uvres dolosives et/ou des menaces dont il aurait fait l'objet de la part de la SA AXA France IARD pour signer cette reconnaissance de dette.

Le premier juge n'avait pas expressément statué sur la demande de nullité de la reconnaissance de dette.

Par voie de conséquence et y ajoutant, la cour rejette la demande de nullité présentée par M. [E] à l'encontre de cette reconnaissance de dette.

IV- Sur les différentes demandes en paiement présentées par la SA AXA France IARD à l'égard de M. [E]

Sur l'autorité de chose jugée du pénal sur le civil

Il résulte des articles 1355 du code civil et 4 du code de procédure pénale que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'étend qu'à ce qui a été nécessairement décidé par le juge répressif quant à l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, à sa qualification et à l'innocence ou la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.

Dès lors, si la responsabilité du prévenu reconnu coupable des faits reprochés est acquise, l'évaluation du préjudice en résultant reste en discussion dans la limite des faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale (sur ce point voir par exemple Crim., 1 juin 2016, pourvoi n° 15-80.721).

Il en résulte que la présente juridiction doit apprécier elle-même le montant du dommage, peu important le fait que la prévention des faits soumise au juge pénal ait seulement fait état de détournements à hauteur de la somme de 46 060,08 euros.

Ce moyen est inopérant et sera écarté.

Sur la somme de 416 548,14 euros au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2009

L'article 1322 du code civil, dans sa version en vigueur du 14 mars 2000 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que :

« L'acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l'acte authentique ».

L'article 1326 du code civil, dans sa version en vigueur du 14 mars 2000 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que :

« L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

M. [E] ne conteste pas avoir apposé sa signature sur le document en litige, intitulé « reconnaissance de dette » et enregistré par le service des impôts le 13 mai 2009.

Il ne conteste pas non plus le fait que la mention de la somme en toutes lettres et en chiffres, à savoir 416 548,14 euros, ait été écrite par lui-même.

Cette reconnaissance de dette a toutes les caractéristiques requises pour faire la preuve de la dette invoquée par la SA AXA France IARD, sans qu'il ne soit nécessaire de la compléter par d'autres éléments de preuve.

Les arguments de M. [E] selon lesquels les fonds relatifs aux faux sinistres auraient intégralement été reversés à la SA AXA France IARD et selon lesquels la SA AXA France Iard aurait tiré profit du nombre supplémentaire de polices vendues par le biais des remises exceptionnelles faites aux clients par M. [J] sont sans incidence, dès lors que la SA AXA France IARD justifie de sa créance par un écrit conforme aux prescriptions de l'article 1326 du code civil.

Dès lors, la SA AXA France IARD rapporte la preuve du bien-fondé de cette créance de 416 458,14 euros.

Sur la somme de 21 245 euros correspondant à des faux sinistres supplémentaires

L'article 1347 du code civil, dans sa version en vigueur du 9 juillet 1975 au 1er octobre 2016, dispose que :

« Les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Peuvent être considérées par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution ».

Le seul élément de preuve que produit la SA AXA France IARD concernant cette dette est un courrier du 16 juin 2009 dans lequel M. [E] conteste une nouvelle réclamation de la SA AXA France IARD et après calculs, indique lui-même qu'il y aurait un complément à régler de 21 245,66 euros (pièce 5-6 de la SA AXA France IARD).

Néanmoins, ce montant n'est pas indiqué en lettres et en chiffres conformément à l'article 1326 précédemment cité, de sorte que ce courrier constitue uniquement un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du code civil. Pour rapporter la preuve de sa créance, la SA AXA France IARD doit donc produire d'autres éléments de preuves.

Or, elle ne verse aux débats aucune pièce susceptible de conforter la valeur probante du courrier du 16 juin 2009.

En conséquence cette réclamation sera écartée.

Sur la somme de 64 644 euros au titre de faux sinistres reconnu par M. [J]

L'article 1384 alinéa 1 du code civil, dans sa version en vigueur du 05 mars 2002 au 01 octobre 2016, applicable au présent litige, dispose qu'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

La SA AXA France IARD fonde cette demande en paiement sur la reconnaissance de dette signée par M. [J] le 27 février 2009, pour la somme de 64 644,41 euros.

Cette reconnaissance de dette comprend, outre la mention de la somme en lettres et en chiffres les énonciations suivantes «Cette somme représente, sous réserve de redressements pouvant intervenir ultérieurement, le montant des sommes détournées dans l'exercice de sa fonction de salarié puis de sous-agent de M. [E] agent général AXA au moments des faits, établi en fonction des seuls éléments connus à ce jour, que M. [J] est dans l'impossibilité de régler et provenant d'indemnités de sinistres qui ont été détournées sur son compte pendant sa fonction et qu'il n'a pas réglées à leurs bénéficiaires ou qu'il a réglé à des tiers étrangers aux parties ou encore à des tiers sur la base de sinistres fictifs».

La qualité de mandataire n'est pas nécessairement exclusive de préposé.

Par ailleurs, M. [J] ne rapporte pas la preuve que le sous-mandat signé avec M. [E] n'aurait jamais reçu exécution.

Néanmoins, M. [E] et M. [J] ont signé des reconnaissances de dette séparées mais le même jour.

La reconnaissance de dette signée par M. [E] ne fait pas expressément référence aux détournements imputables à M. [J] et la reconnaissance de dette signée par M. [J] ne fait pas expressément référence aux détournements imputables à M. [E].

Dès lors, la cour n'est pas en mesure de s'assurer que la demande en paiement de la somme de 64 644 euros au titre des détournements opérés par M. [J] ne fait pas partiellement double emploi avec la demande en paiement de la somme de 416 458,14 euros à laquelle la cour a fait droit dans un précédent paragraphe.

Par voie de conséquence, le bien-fondé de cette prétention n'apparaît pas établi et cette demande en paiement sera écartée.

Sur la somme de 20 266 euros au titre du solde du compte de fin de gestion

A l'appui de cette demande en paiement, la SA AXA France IARD expose qu'il s'agit d'un solde en sa faveur résultant de l'état de liquidation des comptes de gestion au 18 août 2019 ; elle précise qu'il s'agit d'opérations de débit/crédit qui se règlent au final par un débit ou un crédit en faveur/défaveur de la compagnie d'assurance.

A l'appui de sa demande en paiement, la SA AXA France IARD verse aux débats, à hauteur de cour, des documents qui émanent de ses propres services, notamment ceux intitulés « comptes de fin de gestion » ou des documents qui sont extraits de son logiciel comptable. Certains comportent la signature de « [V] [I] comptabilité agents généraux » ou celle de Mme [N], inspecteur-comptable, mais il s'agit manifestement de préposés de la SA AXA France IARD.

Or nul ne peut se faire de preuve à soi-même.

Néanmoins certaines lignes de débit sont confirmées par des courriers et attestations des assurés concernés, en attente d'un remboursement : [W] pour 116,95 euros, [F] pour 257,63 euros, [S] pour 22,99 euros, [Z] pour 221,31 euros, [O] pour 70,63 euros, [P] pour 161,80 euros, [M] pour 143,61 euros, [A] pour 180,20 euros et [Y] pour 56,39 euros soit la somme totale de 1 231,51 euros.

En conséquence, le solde débiteur du compte de gestion est établi à hauteur de 1 231,51 euros et le surplus de la demande sera rejeté.

Récapitulatif des sommes dues par M. [E] à la SA AXA France IARD

En définitive, seront retenues la créance de la somme de 416 458,14 euros au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2009 et la créance de la somme de 1 231,51 euros au titre du solde débiteur sur le compte de gestion.

S'agissant de la reconnaissance de dette, M. [E] s'était engagé à régler les sommes dues au plus tard le 1er septembre 2009.

En tout état de cause, l'article 1231-6 alinéa 1 du code civil (ancien article 1153) dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.

Le premier juge n'avait pas expressément statué sur les prétentions au titre de la somme de 21 245 euros correspondant à des faux sinistres supplémentaires et au titre de la somme de 64 644 euros au titre de faux sinistres reconnus par M. [J].

En conséquence, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [E] à payer la société AXA France IARD la somme de 113 278,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009 et statuant à nouveau, condamne M. [E] à payer la société AXA France IARD la somme de 416 548,14 euros au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2009 et la somme de 1 231,51 euros au titre du solde débiteur sur le compte de gestion, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2009, date de la mise en demeure et y ajoutant, rejette les prétentions de la SA AXA France IARD au titre de la somme de 21 245 euros correspondant à des faux sinistres supplémentaires et de la somme de 64 644 euros au titre de faux sinistres reconnus par M. [J].

V- Sur la demande en paiement de la somme de 180 824,52 euros présentée par M. [E] à l'égard de la SA Axa France IARD

La SA AXA France IARD et M. [E] admettent que la SA AXA France IARD doit verser à ce dernier une indemnité compensatrice de préavis mais discutent de l'abattement de 15% pratiqué par la société mandante.

L'article 23 alinéa 1 du statut des agents généraux d'assurance dispose que « lorsque la liquidation des comptes de l'agence générale fait apparaître un solde en faveur de la société, celle-ci est en droit, jusqu'à concurrence dudit solde, de procéder à une retenue compensatrice sur le montant des sommes versées ou à verser au titre de l'indemnité mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article 20 ».

Néanmoins dans un précédent paragraphe, la cour a considéré que la preuve d'un solde favorable à la SA AXA France IARD n'était pas établie.

La SA AXA France IARD se prévaut au surplus de la convention du 1er juillet 1959 entre la fédération française des sociétés d'assurances et la fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance mais M. [E] fait valoir, à juste titre, que ladite convention était exécutoire pour une durée de deux années seulement.

La SA AXA France IARD ne justifie donc pas du fondement légal, réglementaire ou contractuel qui lui permettrait d'opérer un abattement sur l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [E].

Ainsi l'indemnité compensatrice de préavis s'élève en réalité à 171 483,53 euros

En conséquence et y ajoutant, la cour condamne la SA AXA France IARD à payer à M. [E] la somme de 171 483,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2020, date des conclusions mentionnant cette demande en paiement.

VI- Sur la compensation

Aux termes de l'article 1289 du code civil, dans sa rédaction en vigueur avant l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés.

L'article 1290 du même code, dans sa rédaction en vigueur avant l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, dispose que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.

Dès lors, la compensation s'opérera de plein droit entre les créances réciproques de la SA AXA France Iard et de M. [E].

VII- Sur la demande en paiement de la somme de 300 000 euros présentée par M. [E] à l'égard de M. [J] et sur la demande d'appel en garantie

L'article 1326 du code civil, dans sa version en vigueur du 14 mars 2000 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que :

« L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

L'article 1347 du code civil, dans sa version en vigueur du 9 juillet 1975 au 1er octobre 2016, dispose que :

« Les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Peuvent être considérées par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution ».

Au soutien de sa demande en paiement, M. [E] se prévaut du document complété par M. [J] le 17 février 2009 dont les mentions sont les suivantes (les passages présentés de la manière suivante ['] sont ceux que le rédacteur de la présente décision n'a pas été en capacité de comprendre) :

« ATTESTATION SUR L'HONNEUR

Je soussigné [J] [H] atteste sur l'honneur vouloir rembourser la somme de trois cent mille euros payé à tort par moi-même. M. [E] [C] s'engage à rembourser cette somme à Axa.

D'autre part ['] par AXA à [Localité 8] le 13/02/09 le préjudice est évalué à 484 427 ['] euros + ['] tarifaire de 40 983 euros soit 525 330 euros. Je m'engage à rembourser la moitié de cette somme soit 262 665 étant remboursables à 50% de ces actes.

[C] [E] qui ['] de 2003 à 2008 la somme ['] environ 350 000 euros dans ce cas je rembourserai la somme de 175 000 euros à M. [E] ».

Outre le fait que plusieurs mots sont illisibles, le sens général de ce document n'est pas compréhensible.

La somme de 300 000 euros figure certes en lettres mais pas en chiffres de sorte que ce document n'a pas la force probatoire de l'écrit tel qui visé à l'article 1326 du code civil. Le fait qu'il ait été déposé auprès des services des impôts pour enregistrement n'a pas d'influence sur sa valeur probatoire.

A considérer qu'il puisse servir de commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du code civil, il n'est corroboré par aucune autre pièce versée aux débats.

S'agissant de la demande d'appel en garantie, le simple fait que M. [J] ne conteste pas le chef de la décision de première instance l'ayant condamné à payer à la SA AXA France IARD la somme de 64 644,41 euros et même sa propre condamnation pour des faits d'escroquerie ne permettent pas de considérer qu'il devrait garantir M. [E] des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier.

M. [E] n'expose pas d'autre fondement légal et/ou contractuel de cet appel en garantie.

Ainsi, M. [E] ne rapporte pas la preuve de la créance qu'il invoque à l'égard de M. [J].

La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la somme de 300 000 euros et rejeté aussi la demande d'appel en garantie.

VIII- Sur les dépens et les frais irrépétibles

La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [E] aux frais et dépens exposés par AXA France IARD ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'AXA France IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [E] qui succombe au moins partiellement sera condamné aux dépens d'appel.

Pour des considérations d'équité il devra payer à la SA AXA France IARD la somme de 2 000 euros et à M. [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande d'annulation du jugement rendu le 6 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Thionville ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

condamné M. [H] [J] à payer à la SA AXA France IARD, en deniers ou quittance, le solde restant dû par lui sur la somme de 64 644,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009 ;

rejeté la demande de M. [C] [E] en paiement de la somme de 300 000 euros à l'égard de M. [H] [J] ;

rejeté la demande de M. [C] [E] d'appel en garantie à l'encontre de M. [H] [J] ;

condamné M. [C] [E] aux frais et dépens exposés par la SA AXA France IARD ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'AXA France IARD ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [C] [E] à payer à la société AXA France IARD la somme de 113 278,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2009 ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. [C] [E] à payer la SA AXA France IARD la somme de 416 548,14 euros au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2009 ;

Condamne M. [C] [E] à payer la SA AXA France IARD la somme de 1 231,51 euros au titre du solde débiteur sur le compte de gestion, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2009 ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de M. [C] [E] d'annulation de la reconnaissance de dette datée du 27 février 2009 ;

Rejette les prétentions de la SA AXA France IARD au titre de la somme de 21 245 euros correspondant à des faux sinistres supplémentaires et de la somme de 64 644 euros au titre de faux sinistres reconnus par M. [H] [J] ;

Condamne la SA AXA France IARD à payer à M. [C] [E] la somme de 171 483,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2020 ;

Rappelle que la compensation s'opère de plein droit entre les créances réciproques de la SA AXA France IARD et de M. [C] [E], conformément aux articles 1289 et 1290 du code civil dans leur version applicable au présent litige ;

Condamne M. [C] [E] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [C] [E] à payer à la SA AXA France Iard la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [C] [E] à payer à M. [H] [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00110
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.00110 ?
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