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03/07/2024 | FRANCE | N°21/02961

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 03 juillet 2024, 21/02961


Arrêt n° 24/00285



03 juillet 2024

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N° RG 21/02961 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FULZ

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

06 décembre 2021

20/00025

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Trois juillet deux mille vingt quatre







APPELANT :

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M. [J] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ







INTIMÉE :



SAS BUT INTERNATIONAL exploitant un magasin sis à [Localité 5] prise en la personne de son représent...

Arrêt n° 24/00285

03 juillet 2024

---------------------

N° RG 21/02961 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FULZ

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

06 décembre 2021

20/00025

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Trois juillet deux mille vingt quatre

APPELANT :

M. [J] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

SAS BUT INTERNATIONAL exploitant un magasin sis à [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Stéphane FREGARD, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Jocelyne WILD

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] [Z] a été embauché à compter du 4 avril 1989 par la SAS But International, et a été affecté au dépôt du magasin.

Selon avenant du 1er juin 2012, M. [Z] a été promu en qualité de ''vendeur ménager'' groupe 4 niveau 3, sa rémunération étant alors constituée d'une part fixe de 305 euros et de commissions et primes diverses octroyées en fonction des ventes réalisées.

A compter du 1er avril 2016, M. [Z] a été transféré au service après-vente sans qu'aucun nouvel avenant ne soit signé.

M. [Z] a souffert d'un ''burn out'' au cours de l'année 2017, reconnu comme maladie professionnelle au mois de novembre 2019.

Par requête enregistrée au greffe le 3 février 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Thionville afin d'obtenir le paiement de rappels de salaire en raison de la modification unilatérale de son contrat de travail par l'employeur.

Par jugement contradictoire du 6 décembre 2021, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud'hommes de Thionville a statué comme suit :

« Déboute M. [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la société But International, prise en la personne de son représentant légal de l'ensemble de ses demandes ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens. ».

Par déclaration transmise par voie électronique le 16 décembre 2021, M. [Z] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions d'appel n° 2 déposées par voie électronique le 16 septembre 2022, M. [Z] demande à la cour de statuer comme suit :

« Annuler ou à tout le moins infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville dans toutes ses dispositions ;

Écarter des débats la pièce adverse n°2 et la pièce adverse n°1 (si elles étaient à nouveau produites à hauteur de cour) ;

Condamner la société à payer à M. [J] [Z] :

- 3 771,96 euros brut de rappel de salaire entre le 1er avril 2016 et le 15 septembre 2017, ainsi que 377,19 euros brut de congés payés sur cette somme.

- 1 191,23 euros net du 16 septembre 2017 au 30 mars 2018

Condamner la société à la délivrance, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de 5 jours courant à partir de la notification de la décision à intervenir, des documents suivants, établis conformément au jugement à intervenir :

- Fiches de paye des mois d'avril 2016 à avril 2018

- Attestation de salaire rectifiée à destination de la CPAM

Ordonner à la société de communiquer à la prévoyance les fiches de paies rectifiées et de procéder aux déclarations liées aux salaires rectifiés.

Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée ;

Dire et juger que l'ensemble des sommes produiront intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la demande devant le conseil ;

Condamner la société aux frais et dépens d'instance et d'exécution. ».

A l'appui de son appel, M. [Z] soutient que la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Thionville doit être annulée alors que deux prétentions n'ont pas été reprises dans sa décision, de sorte que la juridiction prud'homale n'a pas motivé le rejet desdites demandes. Il ajoute que le conseil de prud'hommes n'a pas respecté le contradictoire, puisqu'il s'est fondé sur l'absence d'une page d'une pièce, sans demander aux parties de lui transmettre la page manquante, pour rejeter ses demandes.

L'appelant fait valoir que son poste et sa rémunération ont été modifiés à compter du 1er avril 2016 sans son accord.

Il souligne que l'employeur n'apporte pas la preuve de son acceptation. Il précise qu'il avait manifesté son intérêt pour être affecté au service après-vente, et qu'il aurait éventuellement donné son accord définitif selon les conditions effectives de sa nouvelle affectation. Cependant, sa hiérarchie a confondu son accord de principe avec un blanc-seing, et son contrat de travail a été modifié unilatéralement.

Il soutient qu'avant son changement de poste, il était rémunéré sur la base d'un salaire de base mensuel, de primes variables et d'une prime d'ancienneté. Après le 1er avril 2016, lesdites primes ont été mentionnées sur ses fiches de paie et ont varié d'un mois sur l'autre alors qu'il n'était plus vendeur et n'était donc plus commissionné, qu'ainsi des montants fictifs étaient mentionnés sur ses fiches de paie.

M. [Z] retient qu'il subit une perte de salaire du fait de la modification unilatérale de son contrat de travail, bien qu'un maintien de salaire ait été pratiqué de manière incomplète par son employeur.

Concernant le montant du salaire versé par l'employeur, M. [Z] relève une contradiction puisque la société soutient avoir maintenu son salaire sur la base de son revenu annuel perçu en 2014 année durant laquelle il a perçu un salaire moindre qu'en 2015. Il observe que la société ne fournit aucune explication sur le choix de l'année 2014 plutôt que l'année 2015, étant précisé que la rémunération perçue en 2015 lui était plus favorable.

M. [Z] maintient que sa demande de rappels de salaire n'est pas atteinte par la prescription, en faisant valoir que les modalités de calcul de la société intimée sont incompréhensibles. Il souligne qu'il n'a eu connaissance des modalités de calculs que par les explications données par l'employeur dans ses écritures du 18 juin 2020.

Par ses conclusions déposées par voie électronique le 16 juin 2022, la société But International demande à la cour de statuer comme suit :

« In limine litis confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que les demandes de M. [Z] tendant à des revendications de reliquats de salaire sont prescrites en application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail ;

Sur la demande tendant à obtenir la nullité du jugement pour « déni de justice », débouter M. [Z] de sa demande au motif que le vice infra petita consistant à ne pas reprendre l'intégralité des demandes dans l'exposé des motifs ne saurait constituer un motif de nullité du jugement ;

Sur la critique du jugement quant au non-respect du contradictoire, constater que M. [Z] n'en tire lui-même aucun préjudice sur sa défense dès lors que selon son argumentation la production ou non d'une pièce complète n'aurait en tout état de cause en aucune incidence sur la résolution du litige ;

Subsidiairement et au fond :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville en ce qu'il a débouté M. [Z] de toutes ses demandes ; statuant à nouveau sur l'appel de M. [Z] :

- Juger que la société But International justifie des conditions dans lesquelles la rémunération de M. [Z] a été maintenue à l'occasion de son changement de poste de vendeur électroménager à celui d'hôte SAV ;

- Juger que M. [Z] ne saurait venir critiquer les conditions de maintien de rémunération de référence acceptée par lui à titre transitoire dans le cadre de l'organisation de sa mutation sur le poste d'hôte SAV ;

- Juger que M. [Z] est donc mal fondé à revendiquer un quelconque reliquat de rémunération;

- En conséquence débouter M. [Z] de toute demande tant pour ce qui concerne un rappel de salaire pour la période du 1er avril 2016 au 15 septembre 2017 que pour la période du 16 septembre 2017 au 31 mars 2018 (10 000 euros) ;

- Débouter M. [Z] de sa demande de délivrance sous astreinte de bulletins de salaire rectificatifs et débouter M. [Z] de sa demande tendant à l'obtention sous astreinte d'une attestation de salaire rectifiée ;

- Plus généralement débouter M. [Z] de toutes ses demandes ;

Reconventionnellement, condamner M. [Z] à la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens. »

La société But International se prévaut de la prescription des demandes de M. [Z]. Elle soutient au titre de l'écoulement du délai que le salarié ne pouvait ignorer les conditions appliquées en matière de rémunération puisque c'est à sa demande qu'il avait été muté. Elle précise qu'il était rémunéré selon les mêmes modalités y compris durant son arrêt de travail, et retient qu'il connaissait depuis le mois d'avril 2016 sa nouvelle situation.

Elle rappelle que M. [Z] a introduit sa requête le 3 février 2020, et considère que toute demande de rappel de salaire antérieure au 2 février 2017 est prescrite.

La société intimée indique que les deux demandes sur lesquelles l'appelant prétend que le juge prud'homal aurait omis de statuer ne sont pas des moyens de droit et que dès lors leur omission ne saurait entraîner l'annulation du jugement.

Concernant le non-respect du contradictoire, la société But International souligne que la juridiction prud'homale s'est contentée de souligner le fait que M. [Z] n'avait pas fourni les éléments de preuve à l'appui de ses prétentions.

S'agissant de la modification du contrat de travail, la société But International expose que M. [Z] s'est présenté pour être affecté au poste au service après-vente, et que le directeur ainsi que le chef du dépôt ont attiré l'attention du salarié sur la perte de rémunération qu'il allait subir.

Elle explique qu'elle a proposé à M. [Z] de maintenir son salaire antérieur dans un premier temps, en lui permettant de reprendre son ancien poste en cas de difficultés ; ainsi la rémunération de M. [Z] a été basée sur un salaire de référence déterminé au regard de la rémunération perçue lorsqu'il était vendeur électroménager au cours de l'année 2014 afin de permettre un maintien du salaire pendant une période transitoire avant que M. [Z] ne bascule définitivement vers un poste d'hôte SAV et ce afin de limiter la baisse mécanique de rémunération qu'engendrait la différence d'emploi et de structure de rémunération afférente.

Elle souligne que le salarié avait donné son accord pour le changement de poste puisqu'il avait posé sa candidature, et pour les modalités de rémunération. Elle précise que la rémunération annuelle de l'année 2014 a été retenue comme base de calcul car il s'agit d'une année « sans liquidation » (sic).

L'ordonnance de clôture de la procédure de mise en état a été rendue le 1er février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'annulation du jugement

- Sur la motivation

Selon l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 458 du même code ajoute, dans son premier alinéa que les dispositions de l'article 455 doivent être respectées à peine de nullité.

M. [Z] sollicite l'annulation du jugement entrepris sur le fondement de l'article 455 susvisé. Il soutient que les premiers juges ont omis de reprendre deux demandes dans le jugement, à savoir « écarter des débats la pièce adverse n°2 et la pièce adverse n°1 ; dire et juger que l'ensemble des sommes produiront intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la présente demande ».

La cour relève que les éléments dont fait état M. [Z] caractérisent en réalité une omission de statuer, laquelle ne constitue pas une cause de nullité prévue par l'article 458 du code de procédure civile.

De surcroît, le jugement rendu le 6 décembre 2021 est suffisamment motivé, les premiers juges ayant notamment visé les dernières conclusions du conseil du salarié du « 15 septembre 2021 » (en réalité du 15 septembre 2020) et s'y référant.

C'est donc, en ayant pris en considération toutes les demandes présentées par le demandeur, y compris celle tendant à écarter des pièces de la défenderesse, que le jugement a débouté M. [Z] « de l'ensemble de ses demandes » dans son dispositif.

La demande de M. [Z] d'annulation du jugement pour défaut de motivation est donc rejetée.

- Sur le respect du principe du contradictoire

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

M. [Z] soutient que les premiers juges n'ont pas respecté le principe du contradictoire en le déboutant de ses demandes au motif qu'il manquait la page n°2 de l'avenant à son contrat de travail, alors l'argument tenant au défaut de preuve n'avait pas été soulevé par la société But qui ne discutait pas du contenu de l'avenant, ni soulevé d'office par les premiers juges lors des débats. Il fait valoir que le conseil de prud'hommes aurait dû rouvrir les débats sur ce point.

Le conseil de prud'hommes de Thionville a indiqué, au sujet de la pièce litigieuse « Le demandeur produit ce document en pièce 1 mais ne nous livre que les pages 1 à 3 de cet avenant fixant sa rémunération. De ce fait, le demandeur en ne produisant pas le détail des commissionnements liés à l'avenant du contrat de travail, ne justifie pas de sa demande. Le juge n'a pas à pallier la carence de la charge de la preuve ».

Il s'avère toutefois qu'aucune difficulté tenant à l'absence d'une page de la pièce n°1 produite par M. [Z] n'a été évoquée lors de l'audience de plaidoirie du 8 février 2021, tant par les parties que par les conseillers, le procès-verbal de ladite audience ne comportant aucune mention à ce sujet.

Or la juridiction prud'homale s'est fondée sur l'absence d'une page de l'avenant au contrat de travail initial pour débouter M. [Z] de « l'ensemble de ses demandes ».

En statuant ainsi, sans avoir demandé au cours du délibéré la production complète du document dont la communication à l'autre partie n'était pas contestée ni invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de l'intégralité de la pièce n°1 qui figurait dans le bordereau de pièces transmis par le demandeur à l'appui de ses écritures, la juridiction prud'homale a violé le principe du contradictoire.

Au regard de la violation du principe du contradictoire, la cour annule le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Thionville le 6 décembre 2021.

Conformément à l'article 562 du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout.

Sur la demande de mise à l'écart de pièces

M. [Z] demande à la cour d'écarter les pièces n° 1 et 2 produites par l'employeur, qui correspondent aux témoignages de MM. [L] et [R], en faisant état de leur caractère mensonger et de leur valeur probante contestable.

Au vu du principe de liberté de la preuve en matière prud'homale, la force probante ou la sincérité d'un témoignage n'est pas une hypothèse permettant de mettre en cause sa recevabilité, étant rappelé que l'office du juge du fond est avant tout d'apprécier la valeur probante des éléments produits par les parties, et non de les écarter.

Cette demande de M. [Z] est rejetée.

Sur la prescription des demandes de rappel de salaire

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance.

En l'espèce, M. [Z] soutient qu'il n'a pris connaissance des modalités de calcul de son salaire que par les explications figurant dans les écritures transmises par l'employeur en première instance le 18 juin 2020 et que, dès lors, ses demandes ne sont pas prescrites.

Il est constant que, postérieurement à son affectation au service après-vente, M. [Z] a continué de percevoir des commissions intitulées « GLD pack/simpli », « ménager » et « TRC » comme celles qui lui étaient versées auparavant en fonction du nombre de ventes effectuées conformément au document annexé à l'avenant signé par les parties le 1er juin 2012 (pièce n°1 de l'appelant), ce alors que le salarié ne réalisait plus de ventes.

La société But International se contente d'alléguer qu'elle a maintenu ''temporairement'' le salaire de M. [Z], conformément à ce qui avait été convenu entre les parties. Elle indique que le calcul du salaire de référence du salarié correspond au revenu annuel perçu par ce dernier au cours de l'année 2014.

Cependant, aucune explication cohérente n'est fournie par la société But International sur les modalités de fixation de la rémunération appliquées par elle, puisque des commissions et primes fictives ont été versées au salarié alors qu'il n'occupait plus un poste commercial et ne réalisait plus de ventes.

La lecture des bulletins de paie ne confirme pas les allégations de la société But International, car les salaires versés à M. [Z] ne correspondent pas au salaire de référence dont elle fait état dans ses écritures (2 742 euros brut de salaire de base hors heures supplémentaires), et la partie variable fluctue tous les mois.

Ainsi, au vu de l'impossibilité pour le salarié de comprendre, lors de la délivrance des bulletins de salaire, les modalités de rémunération appliquées par l'employeur avec une rémunération variant mensuellement, la cour retient que M. [Z] n'a pas été en mesure de vérifier chaque mois lors de la réception des fiches de paie qu'il avait été rempli de ses droits, et de pouvoir réclamer le paiement de reliquats de salaires. Il est rappelé en ce sens que lors de la saisine du conseil de prud'hommes M. [Z] a formulé une demande avant dire droit dès la conciliation afin d'être informé des modalités de calcul appliquées par l'employeur pour le chiffrage de son salaire de base.

En conséquence, la prescription triennale n'ayant pas commencé à courir au moment où M. [Z] a saisi la juridiction prud'homale, la fin de non-recevoir tirée de la prescription est rejetée.

Sur la modification unilatérale du contrat de travail

Aux termes de l'article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun, de sorte qu'une modification dudit contrat doit faire l'objet d'un accord exprès du salarié.

A cet égard, la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que le nouveau mode de rémunération soit supérieur au salaire antérieur (jurisprudence : Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2017, pourvoi n°15-21.352).

Les modalités de calcul de la partie variable du salaire, dès lors que ces dernières sont définies dans un document contractuel, tel un avenant, ne peuvent être modifiées sans l'accord du salarié (jurisprudences : Cour de cassation, Chambre sociale, 16 février 1999, RJS 4/99 n°475 ; 9 décembre 1998, RJS 1/99 n°45, bulletin n°541).

Il est constant que l'acceptation par le salarié de la modification de son contrat de travail ne peut être déduite ni de l'absence de contestation, ni de la poursuite des relations contractuelles, car le salarié doit avoir manifesté la volonté claire et non équivoque d'accepter la modification du contrat proposée par l'employeur (jurisprudence : Cour de cassation, Chambre sociale, 9 janvier 2008, pourvoi n° 06-44.522).

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucun avenant n'a été signé par les parties postérieurement à l'avenant du 1er juin 2012 qui définissait notamment les conditions de rémunération de la part variable du salaire perçu par M. [Z] en sa qualité de ''vendeur ménager''.

M. [Z] explique qu'il avait certes montré de l'intérêt pour le poste de vendeur en SAV, et que s'il avait été affecté à cet emploi par son employeur, il n'avait pas donné son accord qui était réservé au vu des conditions d'embauche appliquées par l'employeur. M. [Z] précise qu'il n'avait pas consenti à une baisse de sa rémunération.

Il est observé que les fiches de paie de M. [Z] ne laissent apparaître aucun changement du poste occupé, ni du coefficient appliqué au salarié.

L'employeur prétend que le salarié a accepté en connaissance de cause d'être affecté au poste au service après-vente, en étant conscient que son salaire ne serait maintenu que temporairement et qu'il subirait ensuite une perte de revenu, et évoque dans ses écritures l'application de « mesures conservatoires » relatives à la rémunération de M. [Z] « afin que cette intégration dans un poste SAV puisse être couronnée de succès ».

Au soutien de la réalité de l'accord du salarié la société But International se prévaut de trois attestations rédigées par M. [L] directeur du magasin, M. [R] chef de dépôt, et Mme [B] chef de caisse.

Ces témoignages (pièces n°1 à 3) comportent toutefois des contradictions non anodines, notamment quant à la partie à l'origine de la proposition de changement de poste, puisque le directeur de magasin indique que M. [Z] lui a proposé sa candidature, tandis que le chef de caisse déclare que le poste a été proposé au salarié par le directeur.

Les déclarations du directeur du magasin ne sont même pas conformes au courriel qu'il a pourtant lui-même rédigé et adressé à la caisse primaire d'assurance maladie le 25 mars 2019, dans lequel il écrit « [J] a toujours travaillé à la carte, c'est la raison qui m'a poussé à proposer cette fonction à M. [Z] » (pièce n°5 du salarié).

Le directeur ne fait nullement référence dans ce courriel au caractère temporaire du maintien de la rémunération de référence de M. [Z], et explique : « j'ai repris son salaire de référence en tant que vendeur (soit 40% au-dessus du salaire de référence au SAV) ».

Par ailleurs, si le directeur indique avoir proposé à M. [Z], qui l'aurait accepté, de retenir le salaire moyen perçu au cours de l'année 2014 afin de maintenir temporairement sa rémunération, les fiches de paie démontrent que le salarié n'a pas bénéficié des salaires censés avoir été convenus entre les parties puisqu'il a perçu une rémunération totale mensuelle variable, et notamment certains mois un montant moindre que celui indiqué par l'employeur comme le salaire de référence.

Ainsi, au vu des incohérences des déclarations des témoins qui leur enlèvent toute crédibilité et toute valeur probante, la société But International ne démontre pas que M. [Z] a manifesté une acceptation claire et non équivoque pour le changement de son poste et pour le changement de sa rémunération, d'autant plus qu'aucun avenant n'a été proposé au salarié afin de détailler le nouveau poste proposé et les modifications de la rémunération, et que l'employeur a appliqué un calcul de rémunération empirique, connu de lui seul, et incompréhensible pour le salarié.

Il importe peu que M. [Z] ait dès lors perçu une rémunération plus avantageuse qu'un ''hôte SAV'' ou même qu'un ''responsable SAV'', alors que tout changement ' même temporaire - de sa fonction et des modalités de sa rémunération requiert son accord exprès et préalable.

En conséquence, la cour retient que l'employeur a modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [Z] sans son accord.

Sur les rappels de salaire

En raison de la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur, et plus particulièrement des modalités de calcul de la rémunération appliquées à M. [Z], ce dernier peut prétendre au salaire qu'il percevait avant ladite modification.

M. [Z] a calculé un salaire de référence sur la base de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l'année 2015 (35 214,17 euros brut), soit 2 934,51 euros brut et sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser les montants suivants au titre des rappels de salaire :

- 3 771,96 euros brut pour la période entre le 1er avril 2016 et le 15 septembre 2017, outre 377,19 euros de congés payés (pièce n°8),

- 1 191,23 euros net pour la période entre le 16 septembre 2017 et le 30 mars 2018.

La société But International conteste le salaire de référence retenu par M. [Z] mais n'apporte aucune explication satisfaisante sur la raison pour laquelle elle a retenu un salaire moyen perçu durant l'année 2014, soit un montant moins favorable au salarié que celui de l'année 2015. En tout état de cause, elle ne propose aucun calcul pour remettre en cause les résultats obtenus par M. [Z] et ne se prévaut d'aucune erreur ou incohérence dans les calculs opérés par le salarié.

En conséquence, il est fait droit aux prétentions de M. [Z] à titre de rappels de salaire à hauteur de 3 771,96 euros brut pour la période entre le 1er avril 2016 et le 15 septembre 2017, outre 377,19 euros brut de congés payés, et de 1 191,23 euros net pour la période entre le 16 septembre 2017 et le 30 mars 2018.

Ces montants sont augmentés des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2020, date de réception par l'employeur de la seconde convocation à l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes (le récépissé de la première convocation ne figurant pas au dossier de première instance).

Sur la demande au titre de la remise de documents

L'article L. 3243-2 du code du travail dispose que, lors du paiement du salaire, l'employeur remet aux personnes mentionnées à l'article L. 4243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie.

La cour rappelle que l'employeur peut remettre au salarié un seul bulletin de paie rectificatif pour l'ensemble de la période en litige (jurisprudence : Cour de cassation, ch. soc., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-11.790).

La cour ayant fait droit aux demandes de rappels de salaire présentées par M. [Z], il convient d'ordonner à l'employeur de délivrer au salarié un bulletin de paie rectifié pour la même période, soit les mois d'avril 2016 à mars 2018.

De même, afin de permettre à M. [Z] de bénéficier des rappels d'indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie et des indemnités réglées par la prévoyance, l'employeur est condamné à délivrer une attestation de salaire rectifiée à destination de l'organisme de sécurité sociale, et à transmettre à l'organisme de prévoyance le bulletin de paie rectifié et de procéder aux éventuelles déclarations liées aux rappels de salaire.

Aucun élément particulier du dossier ne laissant craindre que la société But International manifeste une réticence dans l'exécution de la présente décision, il n'y a pas lieu en l'état d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société But International est déboutée de sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles.

Elle est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Annule le jugement rendu le 6 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Thionville,

Statuant sur le tout au regard de la dévolution totale,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de rappels de salaire formées par M. [J] [Z],

Rejette la demande de M. [J] [Z] de mise à l'écart des pièces n°1 et 2 produites par la SAS But International,

Condamne la SAS But International à payer à M. [J] [Z] les sommes suivantes à augmenter des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2020 :

- 3 771,96 euros brut pour la période entre le 1er avril 2016 et le 15 septembre 2017, outre 377,19 euros brut de congés payés,

- 1 191,23 euros net pour la période entre le 16 septembre 2017 et le 30 mars 2018,

Condamne la SAS But International à remettre à M. [J] [Z] un bulletin de paie rectifié pour les mois d'avril 2016 à mars 2018, et à remettre une attestation de salaire rectifiée à destination de la caisse primaire d'assurance maladie, conformément aux dispositions du présent arrêt et sans fixation d'astreinte,

Ordonne à la SAS But International de transmettre à l'organisme de prévoyance la fiche de paie rectifiée, et de procéder aux déclarations relatives aux rectifications de salaire conformément aux dispositions du présent arrêt,

Déboute la SAS But International de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS But International aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/02961
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;21.02961 ?
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