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03/07/2024 | FRANCE | N°21/02958

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 03 juillet 2024, 21/02958


Arrêt n° 24/00286



03 juillet 2024

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N° RG 21/02958 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FULQ

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

16 novembre 2021

21/00064

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Trois juillet deux mille vingt quatre







APPELANT :



M. [I] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE







INTIMÉE :



SARL BSW prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par M...

Arrêt n° 24/00286

03 juillet 2024

---------------------

N° RG 21/02958 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FULQ

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

16 novembre 2021

21/00064

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Trois juillet deux mille vingt quatre

APPELANT :

M. [I] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE

INTIMÉE :

SARL BSW prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie GUINET-ACKERMANN, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 octobre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [I] [Y] a bénéficié du 31 janvier 2020 au 7 février 2020 d'une période de mise en situation en milieu professionnel au sein de la SARL BSW.

Puis, selon contrat de travail écrit à durée indéterminée et à temps complet, la société BSW a embauché à compter du 10 février 2020 M. [Y], en qualité de mécanicien moyennant une rémunération de 11,20 euros brut par heure, outre la prime de 'panier repas'.

L'article 4 a précisé que :

'M. [I] [Y] exercera les fonctions de mécanicien et devra à ce titre veiller à l'entretien et aux réparations nécessaires des véhicules confiés à la société BSW par ses clients.

A la demande de l'employeur, M. [I] [Y] pourra également être amené à effectuer des dépannages et visites de parc dont les lieux seront principalement situés dans le département de la Moselle (57) mais seront susceptibles de s'étendre au Bas-Rhin (67) et à la Meurthe-et-Moselle (54)'.

La convention collective applicable à la relation de travail était celle des services de l'automobile.

M. [Y] a été en arrêt maladie du 17 juin au 30 juin 2020.

Par courrier du 1er juillet 2020 assorti d'une mise à pied, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 8 juillet 2020.

Par lettre du 10 juillet 2020, M. [Y] a été licencié pour faute grave, en raison de 'l'utilisation de plaque d'immatriculation de la société à des fins personnels, fait ayant été constaté le 29/06/2020".

Par requête introductive d'instance enregistrée au greffe le 11 février 2021, M. [Y] a saisi la juridiction prud'homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement.

Par jugement contradictoire du 16 novembre 2021, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud'hommes de Metz a statué ainsi :

" Dit que la demande de M. [Y] est recevable,

Dit que la mise à pied est à titre conservatoire et non disciplinaire,

Requalifie le licenciement pour faute grave de M. [Y] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Dit que la mise à pied à titre conservatoire n'est pas justifiée,

Ordonne son annulation,

Dit que M. [Y] doit bénéficier de son indemnité de préavis ainsi que des congés payés afférents,

Condamne la société BSW, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [I] [Y] les sommes de :

* 566,63 € brut au titre de rappel du salaire retenu pendant la mise à pied,

* 56,62 € brut d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire à titre de la mise à pied,

* 849,35 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

* 84,93 € brut au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis,

Déboute M. [Y] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Déboute M. [Y] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Ordonne à la société BSW prise en la personne de son représentant légal de remettre à M. [Y] l'attestation Pôle Emploi dûment rectifiée, sous astreinte de 20 € par jour à compter du 20 ème jour suivant le prononcé du présent jugement,

Se réserve la liquidation de l'astreinte,

Condamne la société BSW, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [Y] la somme de 600 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Rappelle l'exécution provisoire de droit du présent jugement en application de l'article R 1454-28 du Code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [Y] s'élevant à 1 938,56 € brut ;

Déboute la société BSW, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle,

Condamne la société BSW, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens et aux éventuels frais d'exécution."

Le 16 décembre 2021, M. [Y] a interjeté appel par voie électronique.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 11 mars 2022, M. [Y] requiert la cour :

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et non une faute grave ;

- de dire que son licenciement est abusif ;

- de condamner la société BSW à lui verser les sommes de 1 698,70 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de 3 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

- de confirmer le jugement pour le surplus ;

- de condamner la société BSW à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de son appel, M. [Y] expose :

- que la lettre de convocation à l'entretien en vue d'un licenciement mentionne sa mise à pied à durée déterminée ;

- que cette mise à pied revêt un caractère disciplinaire et non conservatoire, ce qui interdit une deuxième sanction pour le même fait.

Il précise :

- qu'il n'a pas utilisé les plaques d'immatriculation de la société intimée à des fins personnelles;

- qu'il était en arrêt maladie du 17 au 30 juin 2020, ce qui démontre qu'il n'était pas occupé le 29 juin 2020 par son activité professionnelle ;

- que, pour exercer ses fonctions conformément à l'article 9 de son contrat de travail, à savoir se déplacer à l'atelier de [Localité 6] et dans la région afin d'intervenir pour le dépannage de véhicules, il devait bénéficier d'un véhicule d'entreprise ;

- qu'avant son arrêt maladie, il a utilisé son véhicule personnel, l'entreprise ne disposant plus de véhicule ;

- qu'il a obtenu l'accord verbal de son employeur pour utiliser les plaques d'immatriculation en W pour effectuer des déplacements professionnels ;

- que l'employeur n'a constaté les faits que le 29 juin 2020, soit un mois après leur survenance, alors qu'il était en arrêt maladie ;

- qu'il a bénéficié d'une carte bancaire au nom de la société, ce qui signifie qu'il avait la confiance de son employeur.

Il fait valoir :

- que la rupture est intervenue immédiatement après la première période de son arrêt maladie ;

- qu'il a été doublement sanctionné pour des faits qu'il aurait commis alors qu'il était absent et non fautif ;

- que le comportement de la société BSW traduit une volonté de se débarrasser de lui, parce qu'il a été arrêté pour cause de maladie, ce qui caractérise une discrimination liée à son état de santé et un licenciement vexatoire.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 3 juin 2022, la société BSW sollicite que la cour :

- confirme le jugement, en ce qu'il a dit que la mise à pied est à titre conservatoire et non disciplinaire et en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses demandes de dommages et intérêts tant pour licenciement abusif que pour licenciement vexatoire ;

- infirme le jugement, en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a dit que la mise à pied conservatoire n'était pas justifiée et ordonné l'annulation de celle-ci, en ce qu'il a dit que M. [Y] devait bénéficier d'une indemnité de préavis ainsi que de congés payés afférents, en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Y] les sommes de 566,63 euros brut à titre de rappel de salaire retenu pendant la mise à pied, 56,62 euros brut à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire, 849,35 euros brut au titre de l'indemnité de préavis et 84,93 euros brut au titre de congés payés afférents à l'indemnité de préavis, en ce qu'il lui a ordonné de remettre à M. [Y] l'attestation Pôle emploi dûment rectifiée sous astreinte de 20 euros par jour à compter du 20e jour suivant le prononcé du jugement et en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Y] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- dise que le licenciement de M. [Y] repose sur une faute grave ;

- déboute M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamne M. [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique :

- que la lettre du 1er juillet 2020 fait mention de la notification d'une mise à pied sans que le terme conservatoire soit expressément mentionné, mais que cette lettre, placée dans le contexte d'une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, n'avait pas pour objet de notifier une sanction disciplinaire ;

- que la mise à pied intervient comme une mesure nécessaire, compte tenu de la gravité des agissements fautifs, pour écarter le salarié de l'entreprise durant la procédure de licenciement ;

- que le bulletin de paie du mois de juillet 2020 mentionne explicitement une retenue sur salaire sous le vocable "mise à pied conservatoire".

Elle affirme :

- que le certificat W garage permet de faire circuler un véhicule à titre provisoire avant une immatriculation définitive, la délivrance et le renouvellement de ce certificat relevant d'une procédure spécifique réalisée auprès de l'agence nationale des titres sécurisés;

- que seuls les professionnels de l'automobile peuvent utiliser la plaque W ;

- que M. [Y], en soutenant avoir reçu un accord oral de son employeur pour utiliser les plaques professionnelles en W, reconnaît en avoir fait usage ;

- qu'elle n'avait pas donné son accord qui était impossible, sous peine de retrait de l'agrément de la préfecture pour utilisation abusive des plaques professionnelles en W;

- qu'elle s'est aperçue le 29 juin 2020 de la disparition des plaques professionnelles en W, constatant dans le même temps que les plaques d'immatriculation du véhicule personnel de M. [Y] avaient été démontées et se trouvaient au garage ;

- que le salarié a pris les plaques professionnelles en W en fraude de son employeur, en vue de les utiliser à des fins non professionnelles sur son propre véhicule ;

- que le véhicule personnel de M. [Y] est un véhicule acheté 'en import' et que ce salarié, n'ayant pas obtenu des plaques d'immatriculation françaises, s'est octroyé le droit de faire usage des plaques professionnelles en W ;

- que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il a été contraint d'utiliser son véhicule personnel pour des déplacements professionnels ;

- que M. [Y], unique salarié pendant presque toute sa période d'emploi d'une durée de 4 mois, avait une activité majoritairement sédentaire ;

- que, s'agissant des interventions ponctuelles de dépannage et de visite de parc, M. [Y] a utilisé systématiquement un véhicule mis à disposition, à l'instar des autres salariés de l'entreprise ayant occupé le même poste ;

- que M. [Y] n'a pas sollicité d'indemnisation ou de remboursement de ses frais d'essence pour avoir utilisé un véhicule personnel à des fins professionnelles.

Elle estime :

- que M. [Y], au titre de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, ne rapporte pas la preuve, comme il lui incombe d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité;

- qu'elle n'a pas fait grief à M. [Y] de son arrêt de travail ;

- que la faute du salarié a été découverte incidemment pendant l'arrêt maladie.

Par ordonnance du 10 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.

MOTIVATION

Sur la nature de la mise à pied

L'article L. 1332-2 du code du travail dispose que :

'Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.'

L'article L. 1332-3 du même code précise que lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée.

La mise à pied prononcée pour une durée maximale mais dans l'attente d'une décision définitive dans la procédure de licenciement engagée le même jour est conservatoire. (jurisprudence : Cour de cassation, ch. soc., 15 avril 2008, pourvoi n° 06-46.057).

En l'espèce, à son retour d'arrêt maladie, M. [Y], a été mis à pied par lettre remise en main propre le 1er juillet 2020 par la société BSW, dans les termes suivants:

'(...) Celui-ci (l'entretien préalable) aura lieu avec M. [D] [J], gérant, qui vous détaillera les motifs pour lesquels nous envisageons votre licenciement et recueillera vos explications. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions votre mise à pied jusqu'au jour de cet entretien. Pendant cette période, votre contrat de travail sera suspendu. Ces journées de mise à pied feront l'objet d'une retenue de salaire sur votre paye du mois de juillet 2020".

Par la remise en main propre le 1er juillet 2020 à M. [Y] d'une lettre de convocation à un entretien préalable, la société BSW a, dans un même temps, informé le salarié de la procédure disciplinaire engagée à son encontre pouvant aller jusqu'au licenciement et de sa mise à pied jusqu'à la date de l'entretien en raison de la gravité du fait reproché.

Cette annonce concomitante permet de distinguer la mise à pied conservatoire de la mise à pied sanction, peu important la durée déterminée de la mesure qui n'influe pas sur sa qualification.

En conséquence, il découle des termes de la lettre du 1er juillet 2020 que la mise à pied est de nature conservatoire et non disciplinaire, de telle sorte que le salarié licencié pour faute grave le 10 juillet 2020 n'a pas fait l'objet d'une double sanction.

Surabondamment, il y a lieu de relever que le bulletin de salaire du mois de juillet 2020 mentionne une retenue pour 'Absence mise à pied conservatoire 010720-100720".

La cour confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a dit que la mise à pied était intervenue à titre conservatoire.

Sur le bien-fondé de la mise à pied conservatoire et du licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l'employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en 'uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués.

En l'espèce, par lettre du 10 juillet 2020, M. [Y] a été licencié pour faute grave par la société BSW, dans les termes suivants :

" Monsieur,

Vous êtes l'auteur de l'utilisation de plaque d'immatriculation de la société à des fins personnels, fait ayant été constaté le 29/06/2020. Nous vous avons convoqué pour un entretien préalable à un licenciement éventuel, dans nos locaux, le 08/07/2020, afin de vous exposer nos remarques et d'entendre vos explications.

Suite à cet entretien, nous avons estimé que vos explications n'atténuaient en rien notre regard sur la gravité des faits reprochés : ils constituent un manquement inacceptable à vos fonctions et obligations dans l'entreprise : nous ne pouvons plus vous y maintenir en activité sans préavis.

Par conséquent, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Il prend effet à la date de présentation de ce courrier. (...)'

La société BSW reproche à M. [Y] d'avoir détenu les plaques d'immatriculation professionnelles '[Immatriculation 7]' appartenant à la société à son domicile personnel, alors qu'il était en arrêt maladie du 17 juin 2020 au 30 juin 2020, ce fait ayant été constaté par l'employeur le 29 juin 2020, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le salarié.

Pour établir la faute grave, la société BSW verse aux débats :

- le témoignage de M. [O], salarié de l'entreprise en tant que livreur, qui certifie s'être 'rendu, à la demande de mon employeur (...) au domicile de Mr [Y] [I] (...) fin juin 2020. Il m'a été demandé de contrôler la présence de plaques d'immatriculation [Immatriculation 7] sur le véhicule Peugeot Partner de Mr [Y]. Avec mon collègue Mr [E] Nous avons récupéré les plaques d'immatriculation avec l'accord de Mr [Y]' (pièce n° 4);

- la main-courante déclarée le 1er juillet 2020 à l'hôtel de police de [Localité 5] par le gérant de la société, dans les termes suivants :

'Je suis gérant du garage BSW à [Localité 6]. J'ai constaté la disparition d'une paire de plaque d'immatriculation '[Immatriculation 7]' de mon garage qui semble avoir été emprunté par un employé nommé [I] [Y] pour un usage personnel.

Je ne désire pas déposer plainte quant à présent mais je préfère laisser une trace au cas où ma plaque d'immatriculation garage soit signalée dans vos services.

J'ai récupéré ces plaques lundi 29/06/2020" ;

- trois attestations de salariés ou anciens salariés mécaniciens qui indiquent unanimement avoir bénéficié d'un véhicule appartenant à la société pour leurs déplacements professionnels (pièces n° 9 et 10).

Ces trois attestations viennent ainsi démentir les affirmations peu crédibles de M. [Y] sur les raisons de son comportement. Il prétend avoir utilisé son véhicule personnel Peugeot Partner pour les besoins de son activité professionnelle, en obtenant l'accord oral de son employeur pour l'usage de plaques d'immatriculation en W, mais ceci n'est confirmé par aucun élément du dossier, M. [Y] ne produisant même aucune demande de remboursement de frais kilométriques qu'il aurait engagés.

La société BSW démontre ainsi que M. [Y], pendant une période de suspension du contrat de travail correspondant à un arrêt maladie, détenait à son domicile des plaques d'immatriculation en W, sans motif légitime.

La société BSW souligne, à juste titre, que le salarié pouvait d'autant moins ignorer la gravité de ses agissements qu'il avait lui-même été gérant, de l'année 2015 à l'année 2017, d'une société d'entretien et réparation de voitures. (pièce n° 8 de l'intimée)

L'attitude du salarié - qui n'avait que quelques mois d'ancienneté - pouvait, eu égard à la nature du manquement commis, engager la responsabilité de la société. Elle justifiait à tout le moins la perte de confiance de l'employeur, alors que la société BSW est une petite structure au sein de laquelle le gérant et ses salariés doivent être en mesure de collaborer étroitement.

Le maintien du salarié dans l'entreprise était donc impossible, y compris pendant la procédure de licenciement et la durée du préavis, étant observé que l'employeur a agi dans des délais restreints entre la découverte des faits à la fin du mois de juin 2020 et le courrier de convocation du 1er juillet 2020, puis entre ce courrier et la lettre de rupture du 10 juillet 2020.

En conséquence, la mise à pied à titre conservatoire, puis le licenciement pour faute grave sont fondés.

Les demandes du salarié tendant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, ainsi que ses prétentions subséquentes (rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire et congés payés y afférents, indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) sont rejetées, le jugement étant infirmé en ce sens et en ce qu'il a ordonné l'annulation de la mise à pied conservatoire, alors que l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire était fondé.

Sur le licenciement vexatoire

Lorsqu'un salarié sollicite des dommages et intérêts en raison des circonstances de la rupture de son contrat de travail, les juges du fond sont tenus de rechercher si, comme le soutient l'intéressé, les conditions de la rupture n'ont pas été abusives ou vexatoires, peu important que le licenciement soit fondé.

Le licenciement vexatoire constitue un préjudice distinct de celui invoqué au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il appartient au salarié de prouver que les conditions vexatoires à l'origine de son préjudice moral sont remplies.

En l'espèce, M. [Y] prétend que son licenciement qui survient à la suite de son arrêt de travail du 17 juin au 30 juin 2020 a été prononcé par la société BSW en raison de son absence pour maladie.

M. [Y] ne rapporte aucune preuve d'agissements vexatoires de la part de l'employeur, en lien ou non avec sa maladie, étant au demeurant observé que le motif à l'origine de la mise à pied conservatoire, puis de la mesure disciplinaire de licenciement était objectivement avéré.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts est rejetée, la cour confirmant le jugement sur ce point.

Sur la remise sous astreinte d'une attestation Pôle emploi.

Selon l'article R 1234-9 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

En l'espèce, l'attestation Pôle emploi remise à M. [Y] à l'occasion de la rupture de son contrat de travail indique qu'il a été licencié pour faute 'lourde' - et non pour faute grave. (pièce n° 8 de l'appelant)

En conséquence, il convient d'ordonner à la société BSW la remise à M. [Y] d'une attestation Pôle emploi rectifiée et conforme au présent arrêt, sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter du présent arrêt et sans que l'astreinte puisse courir plus de quatre mois, étant observé qu'aucun motif particulier ne justifie que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte.

Le jugement de première instance est donc infirmé dans ses dispositions relatives à la remise sous astreinte d'une attestation Pôle emploi et à la liquidation de l'astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement est infirmé, en ce qu'il a condamné la société BSW aux dépens de première instance et à payer à M. [Y] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] est débouté de sa demande présentée sur le fondement du même article, mais condamné à payer à la société BSW la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par celle-ci en cause d'appel.

M. [Y] est condamné aux dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement, en ce qu'il a dit que la mise à pied avait un caractère conservatoire et non disciplinaire, en ce qu'il a rejeté la demande présentée par M. [I] [Y] de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et en ce qu'il a rejeté la demande de la SARL BSW sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la mise à pied à titre conservatoire est justifiée et qu'il n'y a pas lieu à son annulation ;

Dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;

Rejette la demande de M. [I] [Y] tendant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

Rejette les demandes de M. [I] [Y] à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, au titre de congés payés y afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés y afférents et à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL BSW à remettre à M. [I] [Y] une attestation Pôle emploi rectifiée et conforme au présent arrêt, sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter du présent arrêt et sans que l'astreinte puisse courir plus de quatre mois;

Rejette la demande présentée par M. [I] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] [Y] à payer à la SARL BSW la somme de 1 000 euros sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [I] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière La Présidente

Lz conséquence, il découle des termes de la lettre du 1er juillet 2020 que la mise à


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/02958
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;21.02958 ?
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