RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/02462 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTBE
Minute n° 24/00184
[D]
C/
S.A.R.L. ALTH
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 27 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 17/01747
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 02 JUILLET 2024
APPELANT :
Monsieur [C] [D] Es qualité de Liquidateur Judiciaire de la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES (MTA),
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Carole DAVIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. ALTH, représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 13 Février 2024 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 02 Juillet 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère
Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne- Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffièreà laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DE FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Alth a souscrit un contrat d'assurance automobile n° 57101/605437 auprès de la société d'assurance mutuelle à cotisations variables « Mutuelle des transports assurances » (la MTA), ayant pris effet le 1er mai 2012.
Ce contrat a été résilié le 29 janvier 2015.
Par décision du 10 juillet 2015 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (l'ACPR), la société Mutuelle des transports assurances a été placée sous administration provisoire, et Monsieur [P] [M] désigné administrateur provisoire.
Par décision du 15 décembre 2015, M. [M] a procédé à des appels de cotisations complémentaires au titre des exercices 2011 à 2013 auprès des sociétaires et sollicité de la société Alth qu'elle lui verse la somme de 10.944,35 euros pour les années 2012 et 2013.
Par décision du 23 août 2016, l'ACPR a retiré les agréments de la société Mutuelle des transports assurances.
Par jugement du 1er décembre 2016, le tribunal de grande instance de PARIS a placé la société Mutuelle des transports assurances en liquidation judiciaire et a désigné Maître [C] [D], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte d'huissier délivré le 9 octobre 2017, Maître [C] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances a fait assigner la société Alth devant le tribunal de grande instance de Thionville afin d'obtenir notamment paiement de la somme au principal de 10.944,35 euros au titre du rappel de cotisations complémentaires.
Par arrêt du 10 décembre 2019, la cour d'appel de METZ a confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Thionville du 16 avril 2018, qui avait déclaré le tribunal de grande instance de Thionville territorialement compétent.
La société Alth s'est opposée à la demande, en soulevant la prescription de celle-ci sur le fondement de l'article L. 114-1 du code des assurances. Sur le fond elle a fait valoir que la MTA ne justifiait pas du caractère exigible de sa créance, celle-ci ne résultant d'aucune décision du conseil d'administration mais seulement d'une décision de l'administrateur provisoire, et a également exposé que la réalité et le quantum de cette créance n'étaient pas justifiés au regard des pièces produites qui ne démontraient pas que la MTA ne pouvait pas faire face aux charges de sinistres et de frais de gestion puisqu'elle ne fournissait pas le montant, groupement par groupement, du coût des sinistres par rapport aux cotisations. Elle se prévalait de l'absence de versement d'un certain nombre de pièces justificatives qu'elle estimait nécessaires.
Par jugement du 27 septembre 2021 le tribunal judiciaire de Thionville a :
Déclaré Maître [C] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances recevable en ses demandes ;
Rejeté l'ensemble des demandes de Maître [C] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances formées à |`encontre de la société Alth ;
Rejeté pour le surplus les autres demandes des parties ;
Condamné Maître [C] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Nassoy ;
Condamné Maître [C] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances à payer à la société Alth la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi le tribunal a considéré, s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, que le délai de prescription pour l'exigibilité des cotisations variables ne pouvait commencer à courir à compter de la date de clôture des exercices comptables de la MTA, puisque les fractions de ces cotisations ne pouvaient être fixées que par le conseil d'administration. Il en a déduit que le point de départ du délai de prescription se situait à la date du 15 décembre 2015 date de la décision de rappel de cotisation prise par l'administrateur provisoire, lequel disposait sur ce point de tous les pouvoirs du conseil d'administration à raison de sa désignation par l'ACPR.
Sur le fond cependant, et tout en considérant, au vu des rapports des commissaires aux comptes, faisant état des résultats nets déficitaires de la MTA, que la possibilité pour l'administrateur provisoire de solliciter le versement de cotisations complémentaires au groupement « loueur de véhicules » dont faisait partie la société Alth, n'était pas contestable en son principe, le tribunal a estimé qu'il appartenait à M. [D] ès qualités, en application de l'article 1315 ancien du code civil, d'apporter la preuve de l'obligation dont il se prévaut et donc de justifier de ce que, ainsi que prévu, le rapport entre les sinistres et les cotisations versées était supérieur à 75 % ce qui impliquait de justifier du montant total des sinistres et des cotisations pour les années 2012 et 2013 à propos du groupement « loueurs de véhicules ».
Or en l'espèce le tribunal a estimé que les pièces produites ne permettaient pas de vérifier les données chiffrées énoncées par le demandeur dans des tableaux de synthèse et que de même il ne pouvait être soutenu que les sociétaires auraient eu effectivement connaissance de ces chiffres lors des assemblées générales.
Il a donc débouté de ses demandes M. [C] [D] faute de preuves.
Par déclaration du 06 octobre 2021 M. [C] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle des transports assurances (MTA), a interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au RPVA le 20 novembre 2023 Me [C] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle des transports assurances (MTA), demande à voir, au visa des articles 1134 ancien, 1103 nouveau du code civil, de l'article R.322-71 du code des assurances, L. 612-34 du code monétaire et financier, des statuts et des conditions générales de la MTA :
« Recevoir Me [D], ès qualités de Liquidateur de la Mutuelle des transports assurances en son appel, l'en déclarer bien-fondé.
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé recevable l'action de Me [D].
L'infirmer en ce qu'elle a débouté le concluant de ses demandes à l'encontre de la Société Alth.
Statuant à nouveau,
Juger que la constitution des Groupements résulte d'un procès-verbal du Conseil d'Administration daté du 3 Avril 2003, selon le critère objectif de l'activité professionnelle.
Confirmer que la décision du 15 Décembre 2015 a décidé des rappels de cotisations complémentaires pour les exercices 2011, 2012 et 2013 pour tous les groupements de sociétaires dont le rapport moyen sur ces trois années cumulés sinistres/cotisations a dépassé les 70 %.
Confirmer que les exercices 2011, 2012 et 2013 sont déficitaires au regard des comptes sociaux, approuvés par les représentants des Groupements de sociétaires et certifiés par le Commissaire aux Comptes, eu égard au résultat technique négatif de chaque exercice.
Juger que les appels de cotisations complémentaires auprès de la Société Alth en sa qualité de sociétaire du Groupement des Loueurs de véhicules, sont justifiés.
Déclarer la Société Alth tant irrecevable que mal fondée en son appel incident, ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions.
L'en débouter.
Faire droit aux demandes du concluant.
En conséquence,
Condamner la Société Alth à payer à Me [D], ès qualités de Liquidateur de la Mutuelle des transports assurances, la somme en principal de 10.944,35 €euros, laquelle sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception du courrier RAR, soit le 6 Janvier 2016, portant sur les appels de cotisations complémentaires.
Ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes des articles 1154 (ancien) et 1343-2 (nouveau) du Code Civil.
Condamner, en outre, la Société Alth à payer à Me [D], ès qualités de Liquidateur de la Mutuelle des transports assurances :
La somme de 2.000 Euros à titre de dommages et intérêts, en application des dispositions des articles (anciens) 1146 et suivants et (nouveaux) 1231 et suivants du Code Civil,
La somme de 4.000 Euros en application de l'article 700 du CPC.
Condamner la Société Alth aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction par application de l'article 699 du CPC, au profit de Me Laurent Zachayus ».
Me [D] fait valoir en substance, sur la prescription, que le point de départ de la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances se situe bien à la date de la décision de rappel de cotisations prise par le conseil d'administration, ou en l'espèce par l'administrateur provisoire désigné par l'ACPR. Il se prévaut à cet égard de la jurisprudence de principe dégagée par la cour de cassation dont il cite les arrêts, et expose que, s'agissant d'une action en paiement de cotisations complémentaires, le fait générateur constituant le point de départ du délai de prescription ne peut être que la date à laquelle a été prise la décision d'appeler ces cotisations, étant rappelé que la faculté pour le conseil d'administration de prendre de telles décisions relève de l'essence même des sociétés mutuelles d'assurance.
Il indique également, que, désigné par l'ACPR le 10 juillet 2015 en application de l'article L. 612-34 du code monétaire et financier, Me [M] avait parfaitement qualité pour prendre les décisions d'appel de cotisations complémentaires.
Sur le fond, Me [D] indique que, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, il verse aux débats l'ensemble des pièces justifiant le bien-fondé de l'augmentation des cotisations décidée par Me [M].
Il rappelle que les statuts de la MTA prévoient, comme pour toutes les sociétés d'assurance mutuelles à cotisations variables, que lorsque l'entreprise constate pour certains exercices que les cotisations qu'elle a appelées et encaissées ne permettent pas de faire face aux charges globales des sinistres et des frais de gestion, elle peut procéder à des appels complémentaires que ses adhérents sont obligés de régler. Il se réfère notamment aux articles 10 des statuts de la MTA et 47 des conditions générales du contrat, et fait valoir que ces statuts, ainsi que les conditions générales, sont bien opposables à la société Alth ainsi qu'il résulte des termes des conditions particulières signées par cette société.
Il fait valoir que dans sa décision Me [M] a clairement indiqué quel serait le taux de rappel de cotisations, en fonction du rapport sinistres/cotisations et indique que les chiffres figurant dans le tableau qu'il produit démontrent que les résultats des trois exercices 2011, 2012 et 2013 étaient déficitaires, et sont corroborés par les comptes sociaux certifiés par le commissaire aux comptes et approuvés par l'assemblée générale des représentants des groupements de sociétaires. Il fait valoir de même qu'il produit le montant, par groupement, des sinistres par rapport aux cotisations, permettant d'apprécier, pour le groupement des loueurs de véhicules auquel appartient la société Alth, le bien-fondé de la somme réclamée.
Enfin il estime que les demandes de production de pièces supplémentaires formulées par la société Alth sont sans incidence sur la solution du litige, de même que la jurisprudence dont elle se prévaut.
Aux termes de ses dernières conclusions du 05 avril 2022 la SARL Alth conclut, au visa des articles L.221-11 du Code de la Mutualité, L.114-1 du Code des assurances, R.322-71 du Code des assurances, des statuts de la Mutuelles des Transports Assurances, à voir :
« Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il a déclaré recevable Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des Transports Assurances, en ses demandes,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des Transports Assurances et condamné ce dernier au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Et y statuant de nouveau
A titre liminaire
Constater que les demandes de cotisations complémentaires de la Mutuelle des Transports Assurances ont été formulées plus de deux (2) ans après la clôture des exercices 2011, 2012 et 2013 sur lesquels portaient ces cotisations complémentaires,
Constater que l'assignation a été délivrée à la société Alth le 09 octobre 2017, soit plus de trois (3) ans après la clôture du dernier exercice concerné (2013),
En conséquence
Déclarer irrecevable car prescrite l'action de Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des transports assurances,
A titre principal
Constater que Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des Transports Assurances, ne rapporte par la preuve que les conditions posées par l'article R.322-71 du Code des assurances sont remplies et que, notamment, les demandes de cotisations complémentaires sont fondées sur une augmentation des charges résultant des sinistres ou des frais de gestion,
Dire et juger que la créance de Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des transports assurances, n'est ni certaine, ni exigible,
En conséquence
Débouter Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des Transports Assurances, de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Alth,
En tout état de cause
Condamner Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des Transports Assurances, à payer à la société Alth la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Maître [C] [D], ès-qualité de liquidateur de la Mutuelle des Transports Assurances, aux entiers dépens ».
Sur la prescription, la société Alth, se référant tant aux dispositions de l'article L. 211-11 du code de la mutualité, qu'aux dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, soutient que l'événement qui a donné naissance à l'action dont disposait la MTA, à savoir le fait générateur des cotisations complémentaires réclamées, ne peut pas être postérieur à la validation des comptes de l'exercice concerné par le conseil d'administration et à l'approbation par l'assemblée générale des comptes pour chaque exercice, puisque seul l'arrêté comptable permet d'identifier les charges résultant des sinistres, ainsi que les frais de gestion.
Elle observe qu'en l'espèce la MTA ne l'a assignée qu'en 2017 alors qu'elle réclame des cotisations complémentaires pour les exercices 2011 à 2013, et fait valoir que dès l'arrêté des comptes de 2013 et le début du premier semestre 2014 la MTA était en mesure, pour ce dernier exercice, de savoir si la situation comptable et financière justifiait une demande de cotisations complémentaires, et qu'il en était de même pour les exercices antérieurs. Elle en conclut que pour chaque exercice, le fait générateur point de départ du délai de prescription biennal ne peut être postérieur au jour de la communication des comptes sociaux au conseil d'administration.
Aucun rappel de cotisations complémentaires n'ayant été effectué dans le délai biennal ayant suivi chacun des trois exercices et la communication des comptes au conseil d'administration, la société Alth en conclut que l'action de la MTA est aujourd'hui prescrite.
Quant à la fixation du point de départ du délai de prescription à la date à laquelle est prise par le conseil d'administration la décision de procéder à des rappels de cotisation, la société Alth fait valoir qu'une telle solution aboutit à laisser à la société d'assurance le contrôle total de la prescription et à rendre de fait imprescriptibles les demandes de complément de cotisations. Elle considère que la jurisprudence produite est dépassée et est contraire au souci du législateur de limiter d'une manière générale les délais de prescription, ainsi qu'il résulte de la réforme issue de la loi du 17 juin 2008.
Sur le fond, la SARL Alth soutient que la MTA ne justifie pas du bien-fondé de sa créance, et se réfère à ses statuts et notamment à leur article 10, ainsi qu'à des conditions générales n° 101, alors que les contrats qu'elle a signés renvoient à d'autres conditions générales, ce dont elle déduit que la MTA ne justifie pas de l'opposabilité de ces conditions non plus que de ses statuts.
Elle fait également valoir qu'aux termes de l'article 10 des statuts, comme aux termes de l'article R. 322-71 du code des assurances, la décision de rappel de cotisations doit émaner du conseil d'administration, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'il n'est pas justifié de ce que Me [M] disposait des pouvoir pour ce faire, ce dont la société Alth déduit que la décision prise le 15 décembre 2015 n'est pas valable.
La SARL Alth ajoute que selon la MTA, les rappels de cotisation s'imposent à tous les assurés dès lors que ceux-ci ont fait partie des groupements professionnels ayant contribué aux pertes de l'exercice, mais que pour autant elle ne justifie pas de la constitution exacte du groupement auquel la société Selv (sic) appartiendrait, ni du calcul des résultats du groupement.
Elle considère encore qu'il n'est pas établi que la MTA ait enregistré des pertes pour les trois exercices concernés, alors que seul l'exercice 2012 a connu une dégradation élevée, et que la MTA bénéficie d'une réassurance, dont il s'avère qu'elle a pris en charge une part importante des engagements. La société Alth en conclut que pour justifier sa demande de rappel de cotisation, la MTA ne peut se référer au montant brut des sinistres, alors qu'une part importante est couverte par la réassurance.
Elle affirme encore que le rappel de cotisations complémentaires doit permettre à la société mutuelle d'assurance de faire face aux charges probables résultant des sinistres et aux frais de gestion ainsi qu'indiqué à l'article R.311-71 du code des assurances, alors qu'en l'espèce la décision prise par Me [M] n'avait pas pour but de faire face à ces charges, mais avait comme objectif de restaurer la marge de solvabilité de la MTA, notamment au regard des règles de solvabilité 2. Or la société Alth considère que l'absence de respect des règles de solvabilité 2 n'est nullement une preuve de l'absence de possibilité de régler les sinistres constitués ou les charges sociales et soutient que les demandes formulées par la Mutuelle des Transports Assurances ne correspondent nullement à des charges résultant des sinistres et des frais de gestion.
A cet égard, et alors que Me [M] lui-même avait reconnu que la MTA n'était plus en mesure de présenter la marge de solvabilité requise par la réglementation, la SARL Alth fait valoir que la MTA n'est pas en mesure de justifier de la nature et du quantum de sommes qui correspondraient à des charges probables de sinistres et à des frais de gestion.
La SARL Alth estime dès lors nécessaire que soient produits un certain nombre d'éléments essentiels, dont elle donne la liste, afin de connaître la situation comptable de la Mutuelle des Transports Assurances et de voir réellement si celle-ci peut entrer dans les conditions d'ouverture de l'article R.322-71 du code des assurances.
Examinant et commentant l'ensemble des rapports des commissaires aux comptes de 2010 à 2015, la société Alth soutient que la problématique de solvabilité de la MTA n'est apparue que dans le rapport du commissaire aux comptes du 30 juin 2014.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la prescription alléguée de l'action de la Mutuelle des Transports Assurances représentée par son liquidateur
La Mutuelle des Transports Assurances est une société d'assurance mutuelle à cotisation variable, régie par les dispositions du code des assurances, et notamment par les dispositions spécifiques des articles L.322-26-1 à L. 322-26-9 et R.322-42 et suivants de ce code.
Aux termes de l'article L.114-1 alinéa 1er du code des assurances, « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. »
Les modalités de mise en 'uvre de la variabilité des cotisations sont énoncées à l'article R. 322-71 du code des assurances, selon lequel « Le sociétaire ne peut être tenu en aucun cas, sauf par application des dispositions du premier alinéa de l'article R.322-65 ni au-delà de la cotisation inscrite sur sa police dans le cas d'une société à cotisations fixes, ni au-delà du montant maximal de cotisation indiqué sur sa police dans le cas d'une société à cotisations variables.
Le montant maximal de cotisation prévu dans ce dernier cas ne peut être inférieur à une fois et demie le montant de la cotisation normale nécessaire pour faire face aux charges probables résultant des sinistres et aux frais de gestion.
Le montant de la cotisation normale doit être indiqué sur les polices délivrées à leurs sociétaires par les sociétés à cotisations variables.
Les fractions du montant maximal de cotisation que les assurés des sociétés à cotisations variables peuvent, le cas échéant, avoir à verser en sus de la cotisation normale, sont fixées par le conseil d'administration ou le directoire. »
Il résulte de cet article que, dans le cadre d'une société d'assurance mutuelle à cotisation variable, la cotisation appelée pour un exercice n'est que provisoire et qu'il est réservé au conseil d'administration la faculté de réclamer des cotisations complémentaires pour des exercices passés.
L'utilisation d'une telle faculté suppose que la société d'assurance mutuelle ait connaissance du montant total des sinistres qu'elle sera tenue de garantir au titre d'un exercice, et cette connaissance ne peut exister qu'au règlement définitif de l'ensemble des sinistres déclarés durant l'exercice, lequel peut intervenir largement après la fin de l'exercice considéré.
A cet égard, la simple approbation des comptes ne crée pas pour le sociétaire d'obligation d'acquitter une éventuelle cotisation complémentaire, obligation qui ne peut résulter que d'une décision ultérieure prise en connaissance du rapport définitif entre la valeur des sinistres déclarés et le montant total des cotisations.
Seule la décision du conseil d'administration d'effectuer un rappel de cotisations au regard de l'ensemble des sinistres et de leur ampleur financière, peut donc constituer un fait générateur faisant courir le délai de prescription biennale de l'action en paiement de ces cotisations.
Un tel point de départ ne peut donc être fixé, ni au terme de l'exercice concerné par le rappel, ni à la date d'approbation des comptes par l'assemblée générale.
Quant au grief tiré de ce qu'un tel point de départ reviendrait à rendre imprescriptible l'action en recouvrement des cotisations complémentaires, en laissant à l'initiative du conseil d'administration le choix du point de départ du délai de prescription, la cour observe qu'il est admis sur ce point en jurisprudence ( cf. dernièrement Civ 2, 21 septembre 2023), que la fixation du point de départ du délai de prescription à la date de décision du conseil d'administration, s'entend toujours sous réserve de la caractérisation d'un éventuel abus, dont il n'est pas fait état en l'espèce.
Par ailleurs, Me [M] a pris la décision contestée du 15 décembre 2015, alors qu'il avait été désigné administrateur provisoire par l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Aux termes de l'article L. 612-34 du code monétaire et financier, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut désigner un administrateur provisoire auprès d'une personne qu'elle contrôle, auquel sont transférés tous les pouvoirs d'administration, de direction et de représentation de la personne morale. L'administrateur provisoire dispose des biens meubles et immeubles de celle-ci dans l'intérêt d'une bonne administration.
Il résulte de ce texte que Me [M] disposait bien de tous les pouvoirs normalement dévolus au conseil d'administration, et notamment de décider de l'appel de cotisations complémentaires.
Le point de départ du délai de prescription de l'action de la MTA à propos de ces cotisations complémentaire, se situe donc bien à la date de la décision prise par Me [M], soit le 15 décembre 2015.
L'assignation à l'encontre de la SARL Alth ayant été signifiée le 9 octobre 2017, aucune prescription n'était encourue.
Le jugement dont appel est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la MTA.
II- Au fond
Sur l'opposabilité des statuts et des conditions générales de la MTA
Aux termes de l'article L. 322-26-1 du code des assurances, « Les sociétés d'assurance mutuelles sont des personnes morales de droit privé ayant un objet non commercial. Elles sont constituées pour assurer les risques apportés par leurs sociétaires ou pour proposer la fourniture d'opérations mentionnées à l'article L.143-1. Moyennant le paiement d'une cotisation fixe ou variable, elles garantissent à ces derniers le règlement intégral des engagements qu'elles contractent ».
L'article R.322-71 déjà cité définit les principes de la variabilité et du rappel des cotisations dans l'hypothèse d'une société d'assurance mutuelle à cotisations variable comme la MTA.
L'article 10 des statuts de la MTA est rédigé comme suit :
« les cotisations auxquelles s'ajoutent éventuellement les frais accessoires dont le montant est fixé aux conditions particulières du contrat, sont payables dans la forme et aux époques prévues dans la police. Aux cotisations s'ajoutent les impôts, taxes et contributions dont la récupération sur les sociétaires n'est pas interdite.
Il ne peut être exigé pour un exercice une cotisation supérieure à une fois et demie le montant de la cotisation normale nécessaire pour faire face aux charges probables résultant des sinistres et aux frais de gestion.
Le montant de la cotisation normale et le montant maximum de cotisation doivent être mentionnés dans la police. Le sociétaire ne peut être tenu en aucun cas au-delà dudit maximum de cotisation. Toutefois, pour les contrats à garantie ou cotisation adaptable, le maximum de cotisation varie en fonction du coefficient d'adaptation appliqué au contrat.
Les fractions du maximum de cotisation, réclamées le cas échéant en sus de la cotisation normale, sont fixées par le conseil d'administration. Celui-ci peut prendre des décisions s'appliquant à l'ensemble des sociétaires toutes catégories d'assurance confondues, ou à des catégories d'assurance au sens de l'article R.322-58 du code des assurances ».
Cet article qui ne pose pas de règles différentes de celles de l'article R.322-71 précité, est opposable à tous les sociétaires, et aux termes de l'article 6 des statuts, la qualité de sociétaire est reconnue à toute personne physique ou morale ayant demandé son adhésion lorsque le conseil d'administration consent à cette adhésion, et la signature du contrat d'assurance constitue la preuve de cette demande et de cette acceptation.
Le même article précise quel est le montant maximum d'une éventuelle cotisation complémentaire, à savoir « une fois et demis le montant de la cotisation normale ».
Les conditions générales n° 101 du 16 mars 2010 rappellent également dans leur article 47 la variabilité des cotisations, et la possibilité de procéder à un appel complémentaire de cotisations, dans l'hypothèse où « la cotisation dite normale appelée d'avance ' ne permet pas de faire face aux charges probables d'un exercice résultant des sinistres et des frais de gestion ».
Les conditions particulières du contrat signé par la SARL Alth se réfèrent en leur première page aux conditions générales n° 101, outre le fait qu'il y est également fait référence à divers articles des conditions particulières.
Les mêmes conditions particulières, signées par la société Alth, mentionnent au chapitre 13 « Adhésion », que le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des statuts de la MTA.
Ainsi tant le principe de la variabilité des cotisations que les conditions d'un rappel de cotisations complémentaires, ont bien été portées à la connaissance de l'assurée et lui sont opposables.
Il est en outre relevé que la société Alth a souscrit un contrat, et non deux, de sorte que les développements de l'intimée quant à deux contrats, renvoyant à d'autres conditions générales et manifestement souscrits par une autre société, sont sans incidence sur le litige.
Sur le bien-fondé des rappels de cotisation pratiqués
Ainsi que précédemment indiqué, Me [M], désigné comme administrateur provisoire par l'ACPR, était à ce titre investi de l'ensemble des pouvoirs antérieurement dévolus au conseil d'administration de la MTA.
Aucune irrégularité de la décision prise ne peut donc être invoquée de ce chef.
La décision prise le 15 décembre 2015 par Me [M] rappelle que la MTA a connu au cours des années passées d'importantes pertes qui ont consommé la totalité de ses fonds propres, à savoir :
pour l'exercice 2011 : -1.807.424 €
pour l'exercice 2012 : -5.018.865 €
pour l'exercice 2013 : - 5.105.387 €.
Il en résultait que la MTA n'était plus en mesure de présenter la marge de solvabilité requise par la réglementation, raison pour laquelle l'ACPR était intervenue.
Selon Me [M], les déficits constatés étaient « la conséquence de cotisations insuffisantes de certains groupements de sociétaires, de sorte qu'il n'était pas envisageable de faire supporter aux nouveaux sociétaires les pertes occasionnées par les adhérents présents au cours de ces trois exercices », et que Me [M] devait décider de procéder à un appel de cotisations complémentaires auprès des sociétaires des groupements concernés.
Les règles de ce rappel étaient ensuite précisées, à savoir que :
étaient concernés par le rappel tous les groupements dont le montant des sinistres rapporté aux cotisations versées par le groupement excédait les taux ci-dessous mentionnés, à savoir des taux supérieurs à 70 %, le montant du rappel réclamé étant ensuite fonction de l'importance du taux du rapport
pour la détermination de ce taux, il était retenu le coût total des sinistres des trois exercices, la part des sinistres excédant un million d'euros n'étant pas retenue pour le calcul, et le montant des cotisations (s'entendant) hors taxe et hors assistance payée par l'ensemble des adhérents du groupements
le montant de l'appel complémentaire auprès de tous les sociétaires constituant ces groupements, était calculé en appliquant un taux progressif, fonction de l'importance du rapport sinistres/cotisations, au montant des cotisations émises pour chaque sociétaire dont la date d'effet était comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013.
Ainsi, pour un rapport sinistre/ cotisation supérieur à 70 % et inférieur à 75 %, le montant de l'appel complémentaire était de 5 %, il était de 10 % pour un rapport supérieur à 75% et inférieur à 80 %, de 15 % pour un rapport supérieur à 80 % et inférieur à 85 %, etc'
La cour observe que les chiffres énoncés dans la décision de Me [M] concernant les pertes enregistrées entre 2011 et 2013 sont confirmés par la production des procès-verbaux d'assemblées générales des 20 juin 2012 (exercice 2011), 27 juin 2013 (exercice 2012) et 30 juin 2014 (exercice 2013), lesquels comportent les principaux chiffres relatifs à l'activité de la MTA et notamment l'indication des résultats nets négatifs repris dans la décision précitée.
Sur la base de cette décision, il a été réclamé à la SARL Alth un appel complémentaire de 4.536,98 TTC au titre de l'année 2012 soit 15 % de sa cotisation annuelle initiale pour 2012, et un appel complémentaire de 6.407,37 € pour l'année 2013 représentant également 15 % de sa cotisation initiale.
Ce taux de 15 % a été fixé en considération du rapport entre le total des sinistres de la période 2011-2013 et le total des cotisations versées pour le groupe « loueur de véhicules ».
La SARL Alth prétend qu'il ne serait pas justifié de la constitution du groupement auquel elle appartiendrait.
Cependant à aucun moment l'intimée ne conteste que son activité serait une activité de loueur de véhicule.
D'autre part il est versé aux débats le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la MTA en date du 30 novembre 2020, par lequel le conseil d'administration a agréé la constitution des différents groupements et notamment, sous l'intitulé « autres professions du transport », l'existence du groupement « Loueurs de véhicules ».
L'existence du groupement « Loueur de véhicules » est ainsi établie, et la SARL Alth ne fournit aucun argument permettant de penser qu'elle ne relèverait pas de ce groupement.
Me [D] pour le compte de la MTA verse en outre aux débats :
un tableau récapitulatif des résultats par groupements au 30 septembre 2015, mentionnant pour tous les groupements et pour les années 2011 à 2013, les cotisations émises, les cotisations encaissées, le total des sinistres bruts (comprenant les sinistres supérieurs à 1.000.000 €) et le total des sinistres nets. Ce tableau, outre les résultats par groupement, fait apparaître les différents totaux pour l'ensemble des groupements.
une liasse reprenant les chiffres précités groupement par groupement, et faisant apparaître notamment les résultats du groupement « Loueurs de véhicule » pour les années 2011 à 2013, en termes de cotisations perçues et de sinistres.
Il résulte du premier de ces documents que pour l'année 2011 le montant total des cotisations acquises brut est de 21.265.979,00 €, et que ce montant se retrouve au compte de résultat produit lors de l'assemblée générale du 20 juin 2012. Pour l'année 2012 ce montant s'élevait à 34.278.789 €, montant confirmé par les indications fournies au procès-verbal d'assemblée générale du 27 juin 2013. Pour l'année 2013 ce montant s'élevait à 39.868.353 €, montant également confirmer dans le rapport annuel du conseil d'administration lors de l'assemblée générale du 30 juin 2014.
Parallèlement, le montant total des sinistres nets s'est élevé pour 2011 à 17.984.557 € soit un rapport sinistres/cotisations de 0,85, à 30.903.165 € en 2012 soit un rapport de 0,90, et à 25.190.600 en 2013 soit un rapport de 0,63.
Quant aux résultats spécifiques du groupe « Loueurs de véhicules », ils sont selon le tableau récapitulatif produit, qui reprend à l'identique les chiffres figurant au tableau récapitulatif des résultats de l'ensemble des groupements :
Pour l'année 2011 :8.634.806 € de cotisations acquises et 7.970.411 € au titre des sinistres nets écrêtes à 1 million d'euros
Pour l'année 2012 : 14.271.218 € de cotisations acquises et 14.237.885 € au titre des sinistres nets écrêtés à 1 million d'euros,
Pour l'année 2013 : 13.860.286 € de cotisations acquises et 8.811.919 € au titre des sinistres nets écrêtés à 1 million d'euros.
TOTAL : 36.766.310 € au titre des cotisations acquises pour la période 2011-2013 et 31.020.215 € au titre des sinistres nets soit un rapport sinistres/cotisations de 0,84, ou 84 %.
Selon la décision du 15 décembre 2015, un rapport sinistres/cotisations de 84 % a donc pour conséquence un rappel de cotisations d'un taux de 15 %, taux applicable aux rapports supérieurs à 80 % et inférieurs à 85 %.
La cour observe que les chiffres globaux figurant dans les tableaux fournis, à savoir le montant total des cotisations perçues pour chaque exercice, et le montant total brut des sinistres, sont corroborés par les chiffres fournis lors des assemblées générales, et que ces chiffres ont été certifiés par le commissaire aux comptes et approuvés par les assemblées générales.
Il s'agit par ailleurs de chiffres qui ont été vérifiés par M. [M] lorsque celui-ci, d'une part a pris la décision de rappeler des cotisations, et d'autre part a fait savoir à la société Alth quel était le montant précis dont il l'estimait redevable, en fonction des résultats du groupement « Loueurs de véhicules » et de ses années d'adhésion.
M. [M] était mandaté par l'APCR, notamment pour exercer ce contrôle et en tirer les conséquences, de sorte que les chiffres sur lesquels il s'est appuyé après les avoir vérifiés, et qui sont actuellement communiqués, ne peuvent qu'être tenus pour exacts, sauf à considérer que le travail de vérification et de rectification mené n'aurait aucune autorité ou valeur probante.
Il sera encore observé qu'en suite du jugement dont appel, M. [D] a versé aux débats le listing complet des cotisations « normales » acquises auprès du groupement « Loueurs de véhicules » de 2011 à 2013 inclus, ainsi que la liste complète des sinistres, pour la même période et pour le même groupement.
La SARL Alth malgré ses critiques, n'a formulé aucune observation ni tiré aucune conclusion de ces pièces.
Enfin et pour le surplus des arguments formés par la société Alth, la cour constate qu'il a bien été tenu compte des possibilités de réassurance de la MTA puisque les litiges d'une valeur supérieure à 1.000.000 d'Euros pris en charge à ce titre n'ont pas été comptabilisé au titre des sinistres venant en comparaison des cotisations normales versés, et que les valeurs de références ne sont pas les valeurs de sinistres brutes comme le soutient à tort la société Alth, mais les valeurs nettes.
De même il n'est pas justifié de soutenir que le rappel décidé par M. [M] n'aurait pas visé à compenser l'insuffisance des cotisations par rapport aux sinistres, mais aurait eu pour but de restaurer la marge de solvabilité de la MTA.
Il résulte des termes de la décision du 15 décembre 2015 que la MTA venait de subir des pertes durant plusieurs années consécutives, qu'elle n'était plus en conséquence en mesure de présenter la marge de solvabilité requise, et que les déficits constatés étaient «la conséquence de cotisations insuffisantes de certains groupements ».
Le même constat figure dans le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale du 10 décembre 2013 lequel énonce avoir « à nouveau constaté une aggravation importante du coût des sinistres des exercices antérieurs » pour diverses raisons (hausse des indemnités réclamées et allouées notamment) ce qui a pour conséquence que « l'estimation de nos engagements qui était auparavant déterminée sur la base de données statistiques des années écoulées, ne s'est plus avérée pertinente... », de sorte que malgré une augmentation des produits financiers et une participation importante de la réassurance, « l'exercice 2012 se solde par une insuffisance de 5.019 k€ ».
Les pertes importantes des trois exercices considérés sont donc bien mises en lien avec une insuffisance de cotisations, elle-même due entre autres à l'augmentation des indemnisations allouées et donc du coût des sinistres, de sorte que la distinction opérée est sans pertinence.
Il en est de même des exigences de la société Alth portant sur la fourniture de justificatifs ou d'explications sur différents points (transfert de salariés, communication du registre unique du personnel, liste des provisions techniques, liste des engagements de 2010 à 2017, traités de réassurance, éléments de prise en charge des sinistres par Hannover Re, critères des calculs de rappel, comptes annuels...), qui équivalent à exiger un véritable audit de la MTA sans rapport avec le litige.
En tout état de cause, les critères de rappel des cotisations ainsi que les calculs ont bien été fournis à la société Alth par le biais des courriers et mises en demeure envoyées par M. [M].
Ainsi que précédemment indiqué, le taux de rappel des cotisations issus du rapport sinistres/cotisation du groupement « Loueurs de véhicule », était de 15 %, et ce taux a été appliqué aux cotisations d'ores et déjà payées par la société Alth pour les années 2012 et 2013, ce qui résulte de l'appel complémentaire de cotisations adressé à la société Alth, laquelle a en outre été par la suite destinataire de plusieurs courriers d'explication émanant de M. [M].
La somme de 10.944,35 € réclamée, soit (4.536,98 + 6.407,37) est donc justifiée et la société Alth doit être condamnée à s'en acquitter.
Les intérêts sur cette somme seront dus à compter du 21 juin 2016, date de réception d'une mise en demeure recommandée.
La capitalisation des intérêts étant de droit lorsqu'elle est réclamée et porte sur des intérêts échus depuis un an au moins, il sera fait droit à la demande sur ce point.
Le jugement dont appel est donc infirmé en ce qu'il a débouté Me [D] ès qualités de liquidateur de la MTA, de sa demande principale.
Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
En l'espèce, Me [D] n'indique pas quel préjudice distinct du retard dans le paiement aurait été causé par l'attitude de la SARL Alth.
En outre le simple usage des voies de droit ne caractérise pas la mauvaise foi d'une partie.
La demande de dommages et intérêts est donc rejetée et le jugement est confirmé sur ce point.
III- Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens de la présente décision conduit à infirmer le jugement dont appel dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Alth, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il ne sera pas fait droit à la demande de distraction des dépens, les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile n'étant pas applicables dans les trois départements d'Alsace Moselle à raison des dispositions spécifiques des articles 103 à 107 du code local de procédure civile.
Il est en outre équitable d'allouer à Me [D], ès qualités de liquidateur de la M.T.A., la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit 2.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a :
déclaré Me [C] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société d'assurance mutuelle Mutuelle des transports assurance, recevable en ses demandes,
débouté Me [C] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société d'assurance mutuelle Mutuelle des transports assurance de sa demande en dommages et intérêts,
L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Condamne la SARL Alth à verser à Me [C] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société d'assurance mutuelle Mutuelle des transports assurance la somme de 10.944,35 € assortie des intérêts légaux à compter du 21 juin 2016,
Ordonne la capitalisation des intérêts produits par la somme de 10.944,35 € dès lors qu'ils sont dus pour au moins une année entière, et dit qu'ils produiront eux-mêmes intérêts,
Condamne la SARL Alth aux entiers dépens de première instance,
Condamne la SARL Alth à verser à Me [C] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société d'assurance mutuelle Mutuelle des transports assurance la somme de 2.000 € en remboursement des frais irrépétibles exposés en première instance,
Y ajoutant,
Condamne la SARL Alth aux entiers dépens d'appel,
Condamne la SARL Alth à verser à Me [C] [D] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société d'assurance mutuelle Mutuelle des transports assurance la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Rejette la demande de distraction des dépens.
La Greffière La Présidente de chambre