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27/06/2024 | FRANCE | N°23/01481

France | France, Cour d'appel de Metz, 3ème chambre, 27 juin 2024, 23/01481


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





















N° RG 23/01481 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F76I



Minute n° 24/00192





[L]

C/

[F]



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Juge des contentieux de la protection de METZ

08 Juin 2023

12-23-4

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COUR D'APPEL DE METZ



3ème CHAMBRE

A.R.I.



ARRÊT DU 27 JUIN 2024







APPELANTE :>


Madame [O] [L]

[Adresse 2]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ



INTIMÉE :



Madame [I] [F]

[Adresse 1]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ





COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/01481 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F76I

Minute n° 24/00192

[L]

C/

[F]

-------------------------

Juge des contentieux de la protection de METZ

08 Juin 2023

12-23-4

-------------------------

COUR D'APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE

A.R.I.

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

APPELANTE :

Madame [O] [L]

[Adresse 2]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Madame [I] [F]

[Adresse 1]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. MICHEL,Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller

M. KOEHL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 23 avril 2023, Mme [O] [L] a consenti à Mme [I] [F] un bail à usage d'habitation sur un appartement situé [Adresse 1] moyennant un loyer mensuel de 504 euros et une provision sur charges de 35 euros.

Par acte d'huissier du 15 décembre 2022, Mme [F] a fait citer la bailleresse devant le juge des contentieux de la protection statuant en référé aux fins de la voir condamner sous astreinte à faire exécuter les travaux nécessaires afin de rendre le logement décent, l'autoriser à séquestrer le montant du loyer et des charges sur le compte CARPA de son mandataire jusqu'à la remise en état du logement et de la réalisation des travaux, condamner Mme [L] à lui payer une indemnité provisionnelle de 5.000 euros à valoir sur son préjudice de jouissance et son préjudice personnel et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement mettre les frais avancés d'une expertise judiciaire à la charge du bailleur.

Mme [L] a demandé au juge des référés de rejeter ces demandes, au besoin ordonner avant dire droit une expertise aux frais avancés de la locataire, dire qu'elle restera tenue du règlement du loyer durant l'expertise et la condamner au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 8 juin 2023, le juge des contentieux de la protection a':

- condamné Mme [L] à faire réaliser les travaux de peinture de type «'bloqueur de fond'» dans toutes les pièces du logement loué à Mme [F] et les travaux de réparation des VMC de l'appartement afin de les rendre fonctionnelles et ce, dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois, à défaut d'exécution dans le délai

- rejeté la demande d'expertise judiciaire

- ordonné la consignation des loyers sur le sous-compte CARPA du mandataire de Mme [F] à compter de la décision jusqu'à la réalisation des travaux

- condamné Mme [L] à verser à Mme [F] la somme de 3.000 euros à titre provisionnel à valoir sur son préjudice de jouissance et son préjudice personnel

- condamné Mme [L] à verser à Mme [F] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Mme [L] aux dépens.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le11 juillet 2023, Mme [L] a interjeté appel de toutes les dispositions de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions du 18 mars 2024, elle demande à la cour de prononcer l'annulation, subsidiairement infirmer l'ordonnance de référé et de :

- avant dire droit ordonner une mesure d'expertise sur l'immeuble aux fins d'examiner contradictoirement les désordres allégués, déterminer leur origine, dire si les travaux déjà réalisés sont de nature à y remédier et /ou de préconiser les travaux propres à y remédier

- débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes

- subsidiairement dire n'y avoir lieu à consignation des loyers, subsidiairement que cette demande n'a plus d'objet, plus subsidiairement que la consignation des loyers ne sera que partielle et à hauteur de 100 euros par mois auprès de la caisse des dépôts et consignations

- juger que Mme [F] sera tenue de justifier au bailleur ou à sa mandataire de la consignation du loyer auprès de la caisse des dépôts et consignations dans le délai de son paiement stipulé au bail faute de quoi le loyer sera réputé non réglé

- débouter Mme [F] de sa demande de provision et subsidiairement réduire la provision à 200 euros

- en tout état de cause déclarer Mme [F] irrecevable et subsidiairement mal fondée en l'ensemble de ses demandes et les rejeter

- la condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel et à lui verser une somme de 1.500 euros pour la procédure de première instance et 1.500 euros pour la procédure d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la nullité, l'appelante expose que le juge des référés a excédé ses pouvoirs d'une part en la condamnant à faire réaliser les travaux de peinture de type «'bloqueur de fond'» et de réparation des ventilations mécaniques contrôlées (ci-après VMC) sans demande présentée en ce sens, d'autre part en ordonnant la consignation des loyers sur le compte CARPA de l'avocat de la locataire alors qu'aucun texte ne permet de consignation sur un tel compte, que cet avocat ne peut être considéré comme un tiers et que toute consignation ne peut intervenir qu'auprès de la caisse des dépôts et consignations.

Sur le fond, elle fait valoir qu'au cours de l'année 2021, la locataire s'est plainte de moisissures sur les murs de plusieurs pièces en se référant à un rapport d'expertise du 13 juillet 2021 établi à sa demande, que ce rapport n'est ni contradictoire ni probant, qu'il ne détermine pas l'origine des désordres et reprend les déclarations de Mme [F] selon lesquelles ces moisissures ne se développent qu'en hiver. Elle prétend que ce phénomène peut s'expliquer de manière naturelle par une insuffisance de chauffage, un manque de ventilation ou d'aération, soulignant que le logement est équipé d'une VMC fonctionnelle, que la société chargée d'effectuer les travaux de réparation ordonnés par le premier juge a relevé qu'elle avait été volontairement coupée ou bouchée et régulièrement arrêtée, que l'entretien de cette installation incombe à la locataire, qu'elle l'a fait remplacer par une VMC hygro régulée et que Mme [F] n'a cessé d'entraver les travaux en refusant l'accès à son logement. Elle observe également que si l'intimée surchauffe l'appartement comme elle l'explique et n'aère pas pendant la période hiver, cette pratique est à l'origine des désordres, outre la présence d'animaux dans le logement et le fait qu'aucun des locataires précédents ne s'est plaint d'une humidité importante.

L'appelante sollicite une expertise judiciaire afin de déterminer de manière contradictoire la cause des moisissures, préconiser les remèdes adaptés à la situation et constater si les travaux de peinture de blocage déjà réalisés sont suffisants pour remédier aux désordres. Elle soutient que la demande de consignation des loyers se heurte à des contestations sérieuses, la cause des désordres n'étant pas déterminée, subsidiairement que cette prétention n'a plus d'objet puisqu'elle a fait procéder à la réalisation des travaux et que la consignation sur le compte CARPA de l'avocat de la locataire qui est tenu au secret professionnel l'empêche de vérifier l'effectivité de cette consignation. Elle s'oppose à la demande de provision aux motifs que la demande est sérieusement contestable, qu'elle a immédiatement réagi lorsque la locataire l'a avisée des désordres en 2021et que le logement n'était pas totalement inhabitable.

Aux termes de ses dernières conclusions du 26 mars 2024, Mme [F] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé et de':

- débouter Mme [L] de toutes ses prétentions

- la condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- en cas d'annulation de l'ordonnance, condamner Mme [L] à faire réaliser les travaux de peinture de type «'bloqueur de fond'» dans toutes les pièces du logement et les travaux de réparation des VMC de l'appartement afin de les rendre fonctionnelles et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois, à défaut d'exécution dans le délai

- rejeter la demande d'expertise

- ordonner la consignation des loyers sur le sous-compte CARPA de son mandataire, à compter de la présente décision jusqu'à la réalisation des travaux susvisés

- condamner Mme [L] à lui verser la somme de 3.000 euros à titre provisionnel à valoir sur son préjudice de jouissance et son préjudice moral

- à titre subsidiaire, si l'ordonnance est infirmée et une expertise ordonnée, mettre à la charge de Mme [L] les sommes à valoir au titre de l'avance sur frais d'expertise

- en tout état de cause condamner Mme [L] aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle s'oppose à la demande de nullité de l'ordonnance aux motifs que le premier juge était tenu de préciser les modalités des travaux sollicités pour rendre le logement décent, que Mme [L] qui ne peut se contredire au détriment d'autrui et qu'une consignation auprès de la CARPA est tout à fait possible, son avocat étant un auxiliaire de justice tenu au respect des obligations déontologiques notamment au titre de maniement de fonds.

Sur le fond, l'intimée expose que le rapport d'expertise du 13 juillet 2021 est contradictoire, Mme [L] étant présente et assistée, et qu'il est corroboré par un constat d'huissier ainsi que des photographies. Elle prétend que les hypothèses échafaudées par l'appelante ne sont pas étayées, qu'elle ventile quotidiennement son logement, que ses animaux ne sont pas en cause, que l'huissier a constaté que la VMC de la cuisine et des toilettes ne fonctionnait plus, que la société Aubriat a relevé que le filtre et le moteur étaient encrassés, qu'elle n'a accès ni à cette VMC située au grenier, ni à la bouche obstruée et que l'entretien de l'installation qui lui est facturé au titre des charges 220 euros à l'année ne lui incombe pas. Elle conteste s'être opposée à la réalisation des travaux en février 2023 et observe que contrairement à ce que prétend l'appelante, ce n'est pas la condamnation à réaliser des travaux qui est sans objet mais l'appel, l'exécution provisoire ayant rempli son office, concluant en conséquence à la confirmation de l'ordonnance.

Elle s'oppose à la demande d'expertise aux motifs que l'appelante ne justifie d'aucun motif légitime au soutien de cette mesure d'instruction. Sur la demande de consignation des loyers, elle expose que l'expertise a mis en exergue la vétusté de l'immeuble ainsi qu'un certain nombre de remèdes à apporter, que l'appelante a réagi près d'un an après et sous la contrainte judiciaire et qu'elle a fait effectuer a minima les travaux préconisés. Elle ajoute que la réalisation des travaux a entraîné un déblocage des loyers consignés de juillet à septembre, soit la somme de 1.350 euros. Sur la demande de provision, elle soutient que les moisissures sont apparues dès l'hiver 2019-2020 et se sont développées de manière considérable, qu'elle a été contrainte de dormir pendant plusieurs années dans son salon et que l'intervention de l'appelante n'a pas été rapide.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité de l'ordonnance

L'article 4 du code de procédure civile dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. L'article 5 du même code précise que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

En l'espèce, c'est en vain que Mme [L] soutient que sa condamnation à faire réaliser des travaux de peinture de type «'bloqueur de fond'» et de réparation des VMC, procède d'un excès de pouvoir du juge des référés alors qu'en première instance Mme [F] avait sollicité la condamnation de la bailleresse à effectuer les travaux nécessaires afin de rendre le logement décent et que le juge des référés n'a fait que déterminer la nature de ces travaux par le juge, comme l'y autorisent les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989. Il est relevé en outre que les travaux de peinture sont ceux préconisés par l'expert de l'Arpeje dont le rapport a été versé aux débats en première instance et soumis à la discussion des parties, comme le constat d'huissier établi le 3 novembre 2022 faisant état des dysfonctionnements des VMC. Ce moyen est inopérant en l'absence d'excès de pouvoir.

Sur la consignation des loyers sur compte CARPA du mandataire de l'intimée, contrairement à ce que soutient l'appelante, la caisse des dépôts et consignations n'a pas l'exclusivité des consignations et le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation souverain dans la nomination du séquestre judiciaire et la qualité de tiers ne peut être déniée à l'avocat de Mme [F], s'agissant d'un auxiliaire de justice qui dispose d'un pouvoir propre sur les fonds placés sur ses sous-comptes CARPA lesquels sont eux-mêmes soumis à des règles particulières de contrôle.

En conséquence l'appelante est déboutée de sa demande de nullité.

Sur la recevabilité des demandes

Selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation, ainsi qu'un bordereau récapitulatif des pièces annexé.

Il est constaté que si figure au dispositif de ses conclusions une demande tendant à l'irrecevabilité des demandes de l'intimée, l'appelante ne fait valoir aucun moyen à l'appui de cette fin de non recevoir et la cour ne relève aucun motif d'irrecevabilité, de sorte que la demande est rejetée.

Sur la demande d'expertise

L'article 144 du code de procédure civile dispose que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.

Au regard des pièces figurant au dossier, notamment des rapports des experts mandatés respectivement par les assureurs de chacune des parties, du constat établi par huissier de justice le 3 novembre 2022'et des photographies, la cour s'estime suffisamment informée sur le litige, en particulier sur l'origine des désordres et les remèdes à y apporter. L'ordonnance ayant rejeté la demande d'expertise judiciaire est confirmée.

Sur les travaux et les loyers

L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement imminent.

Selon l'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à sa sécurité physique ou à sa santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Il doit également (paragraphe a) délivrer au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux. Il lui appartient (paragraphe b) d'assurer au locataire une jouissance paisible du logement et de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle.

Le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, qui définit les caractéristiques du logement décent dispose notamment en son article 2 que :

- les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante.

- il permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.

En l'espèce, pour justifier l'existence des désordres allégués, l'intimée verse aux débats le rapport de l'expertise non judiciaire diligentée par son assureur et réalisée par le cabinet Arpeje, lequel précise qu'un représentant de la société chargée de la gestion de l'immeuble par Mme [L] a assisté aux opérations d'expertise avec un expert mandaté par son assureur dont les observations ont été consignées. Le rapport a été produit à la procédure de première instance et soumis à la libre discussion des parties, de sorte qu'il est contradictoire. Il est en outre relevé que cette expertise non judiciaire est corroborée sur la réalité des désordres allégués par les photographies et l'expertise réalisée par M. [D], de sorte que sa valeur probante est avérée.

Si selon le cabinet Arpeje, la cause de ces désordres réside pour une part importante dans l'état du bâtiment dénué d'isolation, M. [D] considère que l'origine du sinistre est multi-causale et procède de l'absence d'isolation du bâtiment et du mode d'utilisation du logement au motif que le gestionnaire de l'immeuble a déclaré que le phénomène ne s'était pas produit avec les locataires précédents. Il ressort en outre des conclusions des parties, concordantes sur ce point, que les murs de l'immeuble sont dépourvus d'isolation ce qui a un impact sur l'humidité et les désordres décrits.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné sous astreinte la bailleresse à faire réaliser des travaux de peinture de type «'bloqueur de fond'» dans toutes les pièces de l'appartement et à réparer les VMC, ces travaux étant préconisés par l'expert du cabinet Arpeje pour assainir les zones recouvertes de moisissures. S'agissant des VMC, il résulte des pièces et des explications des parties que si le logement disposait d'une VMC classique, l'appelante a fait procéder en septembre 2021 à l'installation d'une ventilation positive hydro-régulée anti-condensation qui selon elle, remplace la première VMC dépourvue désormais d'utilité. Toutefois, il est relevé que seule la première VMC comporte des bouches d'aération dans les pièces sanitaires et la cuisine et il ressort du constat d'huissier dressé le 3 novembre 2022 que cet appareil ne fonctionnait pas, que la bouche de la ventilation hydro-régulée avait un très léger débit et que les traces de moisissures étaient réapparues. La nécessité de procéder à la réparation des deux appareils est donc justifiée et il n'est pas démontré que Mme [F] a délibérément coupé la seconde ventilation ou condamné sa bouche de sortie, étant observé en tout état de cause, que le «'très léger débit'» relevé par l'huissier ne procède ni de l'un, ni de l'autre, l'appareil étant lors de son intervention, en état fonctionnement et sa bouche d'aération aucunement obturée. Il n'est pas davantage établi que les dysfonctionnements résultent d'un défaut d'entretien courant, dont doit répondre la locataire en application de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 et il ressort au contraire du constat d'huissier que le moteur de la première installation a été mis hors service. Il s'en déduit que la réparation des systèmes de ventilation incombe à la bailleresse. L'ordonnance est confirmée.

En revanche, c'est à tort que le premier juge a ordonné la consignation des loyers jusqu'à la réalisation des travaux alors qu'il n'est pas établi que l'appartement est devenu inhabitable à un moment quelconque, Mme [F] ayant continué à l'occuper. La condamnation de la bailleresse à effectuer les travaux sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard, apparaît en outre suffisamment coercitive pour qu'elle fasse réaliser rapidement les travaux, l'intimée indiquant dans ses conclusions que l'appelante s'est exécutée après l'ordonnance ce qui a entraîné le déblocage des loyers de juillet à septembre. En conséquence, l'ordonnance est infirmée et Mme [F] est déboutée de sa demande de consignation des loyers.

Sur la demande de provision

Selon l'article 835 du même code, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection peut accorder une provision au créancier.

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que l'appelante a délivré à la locataire un logement dépourvu d'isolation suffisante ce qui a généré des dommages, avec la matérialisation dans la chambre à coucher et dans une moindre mesure dans la cuisine et la pièce à vivre, de moisissures noirâtres pouvant être toxiques et préjudiciables pour la santé des occupants, étant précisé que l'intimée a dénoncé le sinistre à son assureur dès le mois de mars 2021 et que les désordres perdurent ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constat du 3 novembre 2022. Il s'ensuit que la demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse et il n'est pas établi que l'intimée aurait contribué à ces dommages en entravant les travaux de mise en conformité. En conséquence, l'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a alloué une provision de 3.000 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de l'ordonnance sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

L'appelante, partie perdante, devra supporter les dépens d'appel et verser à l'intimée la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle est déboutée de sa demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DEBOUTE Mme [K] [L] de ses demandes d'annulation de l'ordonnance de référé du 8 juin 2023 et d'irrecevabilité des demandes de Mme [I] [F]';

INFIRME l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné la consignation des loyers sur le sous-compte CARPA du mandataire de Mme [I] [F] à compter de la décision jusqu'à la réalisation des travaux et statuant à nouveau,

DEBOUTE Mme [I] [F] de sa demande de consignation des loyers';

CONFIRME l'ordonnance déférée pour le surplus';

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [O] [L] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE Mme [O] [L] à payer à Mme [I] [F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

DEBOUTE Mme [O] [L] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/01481
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.01481 ?
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