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26/06/2024 | FRANCE | N°22/00206

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 26 juin 2024, 22/00206


Arrêt n° 24/00215



26 Juin 2024

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N° RG 22/00206 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FVET

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

21 Décembre 2021

F 20/00451

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



vingt six Juin deux mille vingt quatre





APPELANTE :



Mme [Y] [J]>
[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Cécile CABAILLOT, avocat au barreau de METZ





INTIMÉE :



S.A.S.U. FRANCE PARE BRISE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe YON, avocat au barreau...

Arrêt n° 24/00215

26 Juin 2024

---------------------

N° RG 22/00206 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FVET

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

21 Décembre 2021

F 20/00451

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt six Juin deux mille vingt quatre

APPELANTE :

Mme [Y] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Cécile CABAILLOT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.S.U. FRANCE PARE BRISE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe YON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Alexandre VAZZANA Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement contradictoire du 21 décembre 2021 de la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud'hommes de Metz qui a notamment :

- débouté Mme [J] de sa demande de nullité du licenciement ;

- condamné la SASU France pare brise, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [J] les sommes de 210,59 euros brut à titre de maintien de salaire, ainsi que 21,05 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- débouté Mme [J] de l'intégralité de ses demandes afférentes à celle de nullité du licenciement, de sa demande au titre du harcèlement moral et de sa demande au titre du défaut de portabilité de son contrat santé ;

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé les dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail concernant l'exécution provisoire et fixé le salaire moyen à la somme de 1 625,28 euros brut ;

- dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres 'frais et dépens' ;

Vu la déclaration d'appel interjeté par voie électronique le 20 janvier 2022 par Mme [J] ;

Vu les dernières conclusions déposées par voie électronique le 23 février 2023 par Mme [J] qui requiert la cour :

- de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné la société France pare brise à lui payer les sommes de 210,59 euros brut à titre de maintien de salaire, ainsi que 21,05 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité du licenciement et de ses prétentions subséquentes, en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre du harcèlement moral et pour défaut de portabilité de son contrat santé, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres 'frais et dépens' ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

- de condamner la société France pare brise à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité du licenciement ;

à titre subsidiaire,

- de condamner la société France pare brise à lui payer la somme de 5 600 euros net en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

dans tous les cas,

- de condamner la société France pare brise à lui payer les sommes de :

* 6 400 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution fautive du contrat de travail ;

* 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de portabilité du contrat santé ;

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées par voie électronique le 25 juin 2022 par la société France pare brise qui sollicite que la cour confirme le jugement en toutes ses dispositions, déboute Mme [J] de l'ensemble de ses prétentions et condamne celle-ci à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 5 juillet 2023 ;

Vu les autres pièces de la procédure et celles produites par les parties ;

Selon contrat écrit à durée indéterminée et à temps complet, la société France pare brise a embauché à compter du 17 septembre 2018 Mme [J], en qualité d'employée administrative, moyennant une rémunération de 1 600 euros brut par mois, outre une part variable dite 'bonus' pouvant atteindre 6 % du salaire annuel selon des modalités à négocier avec la direction en début de chaque année.

Les missions de la salariée étaient notamment les suivantes :

- prise de standard téléphonique et orientation des appels entrants ;

- appels sortants vers les clients affectés par les prescripteurs via le site France pare brise ou par transfert de prise en charge par e-mail ;

- information, conseil et explication aux intervenants du réseau des différentes procédures d'obtention de prise en charge ;

- autres tâches administratives relevant de la compétence de la personne.

La convention collective des services de l'automobile était applicable à la relation de travail.

Par courrier du 27 septembre 2019, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 8 octobre 2019.

Par lettre 11 octobre 2019, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Par acte introductif d'instance déposé au greffe le 26 août 2020, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz d'une contestation de son licenciement.

A titre liminaire, la cour relève que les deux parties sollicitent la confirmation du jugement s'agissant du maintien de salaire et des congés payés y afférents à hauteur respectivement de 210,59 euros brut et de 21,05 euros brut, de sorte que ces deux dispositions sont d'ores et déjà confirmées.

Sur la demande principale

Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son état de santé ou de sa perte d'autonomie.

Conformément à l'article L. 1134-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [J] - qui soutient que le véritable motif de son licenciement était son état de santé - a été placée, à la lecture des bulletins de paie des mois de septembre 2018 à octobre 2018 (sa pièce n° 2), en arrêt de travail pour maladie du 6 au 10 novembre 2018, du 27 au 30 novembre 2018, l'intégralité du mois de janvier 2019, du 1er au 4 février 2019, du 11 au 16 mars 2019, le 30 avril 2019, les 13 et 14 mai 2019, les 13 et 14 juin 2019, du 24 au 28 juin 2019, du 8 au 23 juillet 2019, du 20 au 23 août 2019, le 29 août 2019, du 18 au 20 septembre 2019, les 23 et 24 septembre 2019 et du 27 au 30 septembre 2019.

Les échanges de SMS produits (pièce n° 23) montrent que l'arrêt maladie de Mme [J] s'est prolongé jusqu'à la mesure de licenciement du 11 octobre 2019.

Les propos que l'appelante prête à sa hiérarchie à son retour d'arrêt maladie ('ça va', tu t'es bien reposée'...' et 'J'en ai rien à faire, ça ne me regarde pas...') ne ressortent d'aucun élément du dossier.

Pour autant, Mme [J] présente des éléments de fait dont la matérialité n'est pas contestée, à savoir :

- une 'notification d'attitude' du 22 mars 2019 (pièce n° 3) qui ne prononce pas de sanction disciplinaire, mais reproche à la salariée des retards répétés sans en aviser son supérieur, l'utilisation de son téléphone portable personnel 'alors que vous étiez loguée sur les appels entrants de la plate-forme' et des pauses 'multiples' ;

- un compte rendu d''entretien individuel relatif à une observation' du 21 juin 2019 (pièce n° 4), à la suite de deux retards de plus de 30 minutes, le 19 juin 2019 et le jour même ;

- un avertissement du 27 août 2019 (pièce n° 5) pour des retards d'une durée de 5 minutes à une heure, les 8, 12, 16 et 17 août 2019 ;

- la convocation du 27 septembre 2019 (pièce n° 6) ;

- le maintien de l'entretien préalable au 8 octobre 2019, alors qu'elle était alors en arrêt maladie et avait sollicité une autre date par SMS (pièce n° 22) ;

- la lettre de licenciement du 11 octobre 2019 (pièce n° 7).

Elle verse aussi aux débats deux attestations et deux éléments médicaux :

- l'attestation de Mme [T][K] (pièce n° 16), employée, qui relate avoir constaté 'une sorte d'acharnement sur Mme [J]' ;

- l'attestation de Mme [V][W] (pièce n° 17), ancienne collègue, qui témoigne que 'Mme [J] et déjà sortie suite à plusieurs convocations dans des états de larmoiement, dans une total incompréhension' ;

- un certificat médical du 26 février 2020 (pièce n° 21) qui indique que l'intéressée 'a justifié d'un suivi médical régulier à compter du 14/01/2019" ;

- un certificat du 25 mars 2021 d'une praticienne en hypnose (pièce n° 24) qui mentionne '(...) avoir reçu Madame [J] [Y] dans mon cabinet depuis mai 2019 à février 2020 en consultation de manière régulière afin de travailler avec elle sur les différents traumatismes (...) liés par le comportement de sa Direction (...); suite à la pandémie COVID 19 nous avons arrêté et repris en septembre 2020'.

Ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à l'encontre de Mme [J], en raison de son état de santé.

En réplique, la société France pare brise produit un exemplaire de la 'notification d'attitude' du 22 mars 2019 (sa pièce n° 6) portant la mention manuscrite de la salariée 'Bon pour accord'.

Mme [J] a reconnu les reproches qui ressortent du compte rendu 'd'entretien individuel relatif à une observation' du 21 juin 2019, puisqu'elle l'a signé après avoir indiqué 'J'ai bien pris en compte vos remarques, je m'engage à être vigilente et respecter les horaires annoncés'.

Il n'est pas prétendu que la salariée aurait adressé un courrier de contestation ou, à la suite de la sanction du 27 août 2019, aurait introduit une action judiciaire en nullité.

Par ailleurs, l'employeur a visé dans la lettre de rupture du 11 octobre 2019 des éléments objectifs dont le bien fondé est, pour deux d'entre eux au moins, établi (voir ci-dessous), ce qui justifie la mesure de licenciement et dément que Mme [J] ait été victime d'une 'sorte d'acharnement' selon les termes de l'attestation de Mme [T][K]

La cour constate aussi que :

- dans les écrits de l'employeur comportant des reproches, voire un avertissement, la société France pare brise ne fait aucune référence à l'état de santé de la salariée ;

- le certificat médical du 26 février 2020 ne fait aucun lien entre l'état de santé de Mme [J] et son travail ;

- le certificat du 25 mai 2021 dont se prévaut l'appelante n'émane pas d'un médecin et ne peut se fonder que sur les dires de celle-ci.

En conséquence, des éléments objectifs démontrant que l'employeur n'a pas agi de façon discriminatoire au regard de l'état de santé de Mme [J], la demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement est rejetée.

Sur la demande subsidiaire

Aux termes des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, les motifs reprochés au salarié devant être énoncés dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les termes du litige.

L'article L. 1235-1 du même code ajoute qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La preuve est libre.

En l'espèce, par courrier du 11 octobre 2019, Mme [J] a été licenciée dans les termes suivants :

'(...) Par courrier du 27 août vous avez reçu un premier avertissement concernant des problèmes de comportement inapproprié. Depuis, vous avez été reçue à plusieurs reprises par votre manager.

En effet, vous ne respectez pas les consignes données par votre manager à savoir :

-Interdiction d'utiliser votre portable pendant vos heures de travail. Vous continuez à utiliser votre téléphone portable personnel de manière abusive malgré un rappel à l'ordre. Votre téléphone est continuellement sur votre bureau.

- Non-respect de l'argumentaire Matmut : ce projet demande le respect strict d'un argumentaire propre à la Matmut. Vous n'utilisez pas systématiquement la phrase d'accueil spécifique et vous ne vérifiez pas les garanties.

- Blocage de votre ligne téléphonique. Nous vous rappelons que votre mission principale est la prise d'appels et qu'en bloquant votre ligne vous risquez de faire perdre des appels au service client.

- Retards répétés.

Or nous ne constatons pas d'amélioration dans votre attitude et vous continuez à arriver en retard. Ces retards et votre attitude perturbent considérablement le bon fonctionnement de la société et en particulier, du service auquel vous appartenez.

En effet, en votre qualité de Chargé de clientèle, vos retards non prévisibles ont un impact très pénalisant sur notre organisation.

Ces faits nous conduisent à vous notifier par la présente votre licenciement. (...)'.

La société France pare brise a délivré un avertissement le 27 août 2019 en raison de retards répétés. Elle a ainsi épuisé son pouvoir disciplinaire pour la période antérieure, conformément aux principes selon lesquels un même fait ne peut pas justifier successivement deux mesures disciplinaires (jurisprudence constante de la Cour de cassation, voir notamment Cour de cassation, ch. soc., 21 mars 1991, pourvoi n° 89-42.663) et deux faits distincts ne peuvent pas non plus faire l'objet de sanctions successives si l'employeur avait connaissance de l'ensemble de ces faits lors du prononcé de la première sanction (jurisprudence : Cour de cassation, ch. soc. 16 mars 2010, pourvoi n° 08-43.057), ce qui n'est pas contesté en l'espèce.

Le débat porte donc sur la période postérieure pendant laquelle la salariée n'était ni en arrêt maladie ni en congé, donc du 31 août 2019 au 17 septembre 2019, ainsi que les 25 et 26 septembre 2019.

Concernant le blocage de la ligne téléphonique, Mme [J] se prévaut des deux attestations de collègues.

Mme [V][W] (pièce n° 17 de l'appelante) affirme 'qu'il n'y a pas la possibilité de bloquer une ligne téléphonique afin d'éviter de recevoir des appels', étant observé que Mme [T][K] n'évoque pas une telle impossibilité, mais seulement 'qu'il n'existe aucun moyen de preuve permettant de justifier un blocage de ligne téléphonique' (pièce n° 16).

La société France pare brise produit notamment :

- une attestation (sa pièce n° 8) de M. [N][K], directeur des études et développements informatiques au sein de la société ;

- un 'compte rendu d'entretien individuel relatif à une observation' du 25 septembre 2019 qui a été établi par Mme [V][A], responsable du pôle clients, et que Mme [J] a refusé de signer (pièce n° 9) ;

- un message électronique du même jour de Mme [V][A] (pièce n° 10) qui relate le contenu de l'entretien qui venait de se tenir entre deux arrêts maladie de la salariée et qui était distinct de l'entretien préalable au licenciement fixé au 8 octobre 2019 ;

- des attestations dactylographiées du 10 mai 2022 de Mme [V][A] et de Mme [M][U], responsable adjointe du pôle clients (pièces n° 11 et 12).

Ces documents ne respectent pas le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile, comme le souligne l'appelante, mais aucun élément ne permet d'en mettre en doute la sincérité, étant observé que, même si la signature de Mme [V][A] sur son attestation ne correspond pas à celle sur sa carte d'identité établie presque douze années plus tôt, elle est en revanche parfaitement similaire à celle qui figure au bas du compte rendu d''entretien individuel relatif à une observation' du 25 septembre 2019.

S'appuyant sur une capture d'écran, M. [N][K] indique qu'un gestionnaire du plateau de gestion peut mettre lui-même, à tout moment, sa 'console ACD Zoé' en position 'Inactif'.

Il est donc techniquement possible de bloquer une ligne téléphonique.

Rien n'établit que Mme [J] n'était pas présente lors de l'entretien du 25 septembre 2019, alors qu'elle n'était pas en arrêt maladie à cette date.

Mme [V][A] indique avoir reproché à cette occasion à la salariée que 'En fin de journée et à quelques minutes de la fermeture des lignes téléphoniques du service client, tu as décidé d'appeler ta collègue pour bloquer la ligne et ne pas recevoir d'appels (...) Selon l'équipe, ce geste était volontaire et accompagné d'une remarque 'les autres peuvent prendre les appels' '.

Mme [V][A] affirme que la salariée a reconnu avoir 'effectivement bloqué volontairement sa ligne téléphonique'.

Mme [M][U] confirme le manquement de Mme [J] :

'Mme [Y] [J] a persisté à ne pas respecter ses horaires de prise de poste, et de disponibilité en prise d'appel nuisant ainsi à la qualité de service attendu par nos clients au-delà du 28/08/2019.

En effet, l'ouverture de la plate-forme téléphonique de 8h30 à 18h30 pour l'accueil du client implique que le gestionnaire soit présent à l'heure fixée dans son planning, et ne bloque pas sa ligne en fin de journée pour éviter la réception du dernier appel de la journée.'

Par ailleurs, Mme [J] souligne que ses retards ont tous été justifiés et en conteste la réalité, ce qui est contradictoire.

En réalité, sa responsable, Mme [V][A], lui a reproché, lors de l'entretien du 25 septembre 2019, un défaut persistant de ponctualité ('Malgré plusieurs rappels, tu continues à arriver en retard') et non un manque d'information préalable de l'employeur.

Dans son attestation, cette responsable ajoute, après le rappel de plusieurs griefs dont des 'retards fréquents et répétés', que 'Tous ces faits ont persisté pendant plusieurs mois et notamment au-delà du 28/08/2019'.

Mme [M][U] confirme dans son attestation que 'Les retards, notamment, ont persisté au-delà du 28/08/2019'.

Les deux griefs sont donc établis.

Ces deux manquements - qui ont persisté postérieurement à l'avertissement du 27 août 2019, malgré les rappels et la sanction reçus - suffisent à démontrer que Mme [J] n'a pas su modifier son comportement et n'a pas laissé d'autre choix à l'employeur que de mettre un terme à la relation de travail.

En conséquence, le licenciement est fondé, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Il ressort de l'article L. 1222-1 que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

L'employeur doit ainsi faire bénéficier le salarié des conventions, accords collectifs et usages applicables dans l'établissement et, de manière générale, faire observer la réglementation en vigueur.

La bonne foi se présume.

En l'espèce, Mme [J] soutient :

- qu'elle a subi de multiples remarques, vexations et convocations injustifiées pendant l'exécution du contrat de travail ;

- qu'elle a fait l'objet d'un 'acharnement poussé' et ressortait en pleurs des multiples entretiens avec sa hiérarchie ;

- que ces faits ont gravement dégradé ses conditions de travail et sa santé, de sorte qu'elle a dû faire l'objet d'un suivi médical ;

- que des 'traumatismes de perte de confiance et estime de soi, pleurs et insomnies' sont en lien avec le comportement de la direction ;

- que les premiers juges ont omis d'examiner si une exécution déloyale du contrat de travail pouvait être reprochée à l'employeur.

L'appelante ne rapporte pas la preuve de remarques vexatoires et/ou de convocations injustifiées de la part de l'employeur, le courriel qu'elle vise dans ses conclusions, à savoir la pièce n° 20, ne contenant que des propos parfaitement anodins de sa supérieure hiérarchique.

Les attestations de Mme [T][K] et de Mme [V][W] mentionnent des pleurs de Mme [J] à la suite de plusieurs convocations de la direction, Mme [T][K] évoquant même une 'sorte d'acharnement'. Toutefois, aucun élément du dossier ne fait ressortir que l'employeur aurait excédé l'exercice normal de son pouvoir de direction.

Comme cela a déjà été mentionné ci-dessus, le certificat médical du 26 février 2020 ne fait aucun lien entre l'état de santé de Mme [J] et son travail.

Le certificat du 25 mai 2021 dont se prévaut l'appelante n'émane pas d'un médecin et n'est susceptible de reposer que sur les dires de celle-ci.

En définitive, aucune mauvaise foi de l'employeur n'est établie.

La demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale est donc rejetée, étant observé que les premiers juges ont écarté le harcèlement moral soulevé devant eux mais n'ont pas répondu au moyen subsidiaire tiré de l'exécution fautive du contrat de travail.

Sur la portabilité du contrat santé

A supposer un manquement de l'employeur s'agissant de la portabilité du contrat santé d'entreprise, Mme [J] ne justifie d'aucun préjudice.

La demande de dommages et intérêts est donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance sont confirmées.

Mme [J] est déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, mais condamnée à payer à la société France pare brise la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par celle-ci en cause d'appel.

Mme [J] est condamnée aux dépens d'appel, en application de l'article 696 du même code.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [Y] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Y] [J] à payer à la SAS France pare brise la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne Mme [Y] [J] aux dépens d'appel.

Le greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 22/00206
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.00206 ?
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