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24/06/2024 | FRANCE | N°22/01937

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 24 juin 2024, 22/01937


Arrêt n° 24/00311



24 Juin 2024

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N° RG 22/01937 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZJR

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Pole social du TJ de METZ

06 Juillet 2022

19/01884

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt quatre Juin deux mille vingt quatre







APPELANT :



Monsieur [U] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par l'association [6], prise en la personne de Mme [J] [Y], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial





INTIMÉS :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 7]

[Adresse...

Arrêt n° 24/00311

24 Juin 2024

---------------

N° RG 22/01937 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZJR

------------------

Pole social du TJ de METZ

06 Juillet 2022

19/01884

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt quatre Juin deux mille vingt quatre

APPELANT :

Monsieur [U] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par l'association [6], prise en la personne de Mme [J] [Y], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial

INTIMÉS :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Mme [K], munie d'un pouvoir général

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric BEAUPRE, avocat au barreau de METZ

substitué par Me CABOCEL , avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [S] né le 1er janvier 1955, a travaillé au sein des [8] ([8]) aux droits desquelles vient l'EPIC Charbonnages de France (CDF) du 29 décembre 1975 au 31 mars 2002 où il a occupé les postes suivants à l'unité d'exploitation de [Localité 10], [Localité 11] et [Localité 9] :

-apprenti mineur du 29/12/1995 au 25/01/1976,

-apprenti mineur du 26/01/1976 au 31/01/1976

-abatteur-boiseur du 01/02/1976 au 30/04/1976,

-poseur raille du 01/05/1976 au 31/07/1976,

-abatteur-boiseur du 01/08/1976 au 19/10/1976,

-abatteur-boiseur du 20/10/1976 au 31/12/1976,

-poseur rail du 01/01/1977 au 31/03/1977,

-ouvrier annexe de bowette du 01/04/1977 au 18/06/1977,

-ouvrier annexe de bowette du 19/10/1977 au 31/01/1978,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/02/1978 au 31/05/1978

-élargisseur de galeries travaux rocher du 01/06/1978 au 30/09/1978,

-bowetter ouvrage spéciaux rocher du 01/10/1978 au 31/01/1979,

-élargisseur de galerie du 01/02/1979 au 14/04/1979,

-poseur de rails du 20/08/1979 au 31/08/1979,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/09/1979 au 31/10/1979,

-élargisseur de galeries travaux du 01/11/1979 au 31/01/1980,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/02/1980 au 30/06/1980,

-bowetter ouvrage spéciaux rocher du 01/07/1980 au 31/08/1980,

-poseur rails du 01/09/1980 au 11/07/1981,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 05/10/1981 au 07/09/1982,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 18/04/1982 au 31/08/1984,

-bowetter ouvrage spéciaux rocher du 01/09/1984 au 30/04/1985,

-déplacé divers du 01/05/1985 au 31/07/1985,

-nettoyeur albraque du 01/08/1985 au 30/11/1985,

-poseur rails du 01/12/1985 au 31/03/1986,

-ouvrier annexe de bowette du 01/04/1986 au 28/02/1987,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/03/1987 au 31/07/1987,

-ouvrier annexe de bowette du 01/08/1987 au 31/10/1987,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/11/1987 au 11/09/1994,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 07/11/1994 au 31/12/1995,

-bowetter tous ouvrage du 01/01/1996 au 31/01/1997,

-boulonneur en chantier du 01/02/1997 au 31/05/1997,

-piqueur travaux divers du 01/06/1997 au 31/12/1998,

-piqueur travaux divers du 01/01/1999 au 07/11/2001,

-piqueur travaux divers du 08/11/2001 au 31/03/2002.

Le 1er janvier 2008, l'EPIC Charbonnages de France a été dissout et mis en liquidation. A la suite de la clôture des opérations de liquidation des Charbonnages de France le 31 décembre 2017, l'Agent Judiciaire de l'Etat (AJE), représentant l'Etat, a repris les droits et obligations de son ancien liquidateur à compter du 1er janvier 2018. Il est intervenu volontairement à la procédure.

M. [U] [S] a déclaré auprès de la caisse d'assurance maladie des mines (ci-après la caisse) être atteint d'une maladie professionnelle au titre du tableau n°25, la silicose selon le certificat médical du 8 septembre 2016.

Par décision du 9 octobre 2018, la caisse a reconnu l'origine professionnelle de la maladie inscrite au tableau 25 de M. [U] [S].

Le 21 novembre 2018, la caisse a notifié à l'assuré un taux d'incapacité de 5% avec une indemnité en capital d'un montant de 1 952,33 euros correspondant à ce taux d'incapacité permanente partielle à la date du 9 septembre 2016, lendemain de la date de consolidation.

Après échec d'une tentative de conciliation introduite le 18 décembre 2018, M. [U] [S] a par requête introductive d'instance enregistrée au greffe le 19 novembre 2019, saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Metz afin d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle et bénéficier des indemnisations qui en découlent.

Par jugement du 6 juillet 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz (anciennement tribunal de grande instance) a :

-déclaré recevable M. [U] [S] en son action ;

-déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM ;

-reçu l'agent judiciaire de l'état en son intervention volontaire et reprise d'instance suite à la clôture de la liquidation des Charbonnages de France venant aux droits des [8] ;

-dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [U] [S] et inscrite au tableau 25A2 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de l'EPIC Charbonnages de France venant aux droits de [8], son employeur,

-ordonné à la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM de majorer au montant maximum l'indemnité en capital allouée à M. [U] [S], soit la somme de 1 952,33 euros,

-dit que cette majoration sera versée directement à M. [U] [S] par la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM,

-dit que cette majoration pour faute inexcusable suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [U] [S] en cas d'aggravation de son état de santé,

-dit qu'en cas de décès de M. [U] [S] résultant des conséquences de la maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

-fixé l'indemnisation des préjudices subis par M. [U] [S] du fait de la pathologie du tableau 25A2 de la manière suivante :

5 000 euros au titre du préjudice moral,

800 euros au titre du préjudice d'agrément,

-débouté M. [U] [S] au titre de son préjudice physique et du préjudice fonctionnel,

-condamné la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM à verser ces sommes à M. [U] [S],

-condamné l'agent judiciaire de l'Etat à rembourser à la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM les sommes, en principal et intérêts, que l'organisme social sera tenu d'avancer à M. [U] [S] sur le fondement des articles L452-1 à L452-3 du code de la sécurité sociale,

-condamné l'agent judiciaire de l'Etat à payer à M. [U] [S] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné l'agent judiciaire de l'état aux entiers frais et dépens,

-ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par acte du 19 juillet 2022, réceptionné par le greffe de la cour le 25 juillet 2022, M. [U] [S], représenté par l'ADEVAT-AMP a partiellement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 20 juin 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil le 16 avril 2024, M. [U] [S] représenté par l'ADEVAT-AMP demande à la cour de:

-confirmer le jugement du 6 juillet 2022 en ce qu'il a jugé que la silicose de M. [U] [S] était due à la faute inexcusable de son employeur représenté par l'AJE,

-infirmer le jugement en ce qu'il n'a alloué qu'une somme de 5 800 euros au titre des préjudices personnels de M. [U] [S] et en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du préjudice physique,

-débouter l'AJE de l'intégralité de ses demandes,

-condamner l'AJE à payer à M. [U] [S] les sommes suivantes augmentées des intérêts au taux légal :

30 000 euros au titre de son préjudice moral,

30 000 euros au titre de son préjudice physique,

5 000 euros au titre de son préjudice d'agrément,

-condamner l'AJE à payer à M. [U] [S] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner l'AJE aux entiers frais et dépens.

Par conclusions du 14 février 2014 réceptionnées au greffe de la cour le 19 février 2024 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, l'AJE demande à la cour de :

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 6 juillet 2022 en ce qu'il a :

Reconnu la faute inexcusable de l'AJE dans la survenance de la maladie professionnelle n°25 de M. [U] [S],

Ordonné la majoration du capital alloué à M. [U] [S],

Dit que cette majoration sera versée par la CPAM pour le compte de l'AMM à M. [U] [S],

Dit que cette majoration suivra le taux d'IPP en cas d'augmentation de son taux d'incapacité,

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 6 juillet 2022 en ce qu'il a condamné l'AJE à rembourser à la CANSSM l'ensemble des sommes allouées par elles à M. [U] [S],

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 6 juillet 2022 en ce qu'il a condamné l'AJE à verser la somme de 5 000 euros à M. [U] [S] au titre de sa souffrance morale,

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 6 juillet 2022 en ce qu'il a condamné l'AJE à verser la somme de 800 euros à M. [U] [S] au titre de son préjudice d'agrément,

-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 6 juillet 2022 en ce qu'il a débouté M. [U] [S] de ses autres demandes d'indemnisation au titre de son préjudice personnel,

-à titre subsidiaire débouter M. [U] [S] et la CPAM de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de l'AJE, la preuve de l'existence d'une faute inexcusable de l'exploitant n'étant pas rapportée,

-à titre infiniment subsidiaire, débouter le demandeur de ses demandes de remboursement des indemnités versées au titre des souffrances physiques et morales endurées ainsi que du préjudice extrapatrimonial évolutif hors consolidation,

-à titre plus subsidiaire encore, réduire à de plus juste proportions les demandes indemnitaires,

-rejeter l'action récursoire de la caisse au titre des sommes versées par la majoration de l'indemnité en capital,

-rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dire n'y avoir lieu à dépens.

Par écritures transmises à la cour le 11 avril 2024 confirmées oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle (CPAM de Moselle) intervenant pour le compte de la caisse nationale d'assurance maladie des mines (CANSSM) sollicite la condamnation de l'employeur au remboursement de l'intégralité des sommes qu'elle devra avancer dans l'hypothèse où la faute inexcusable aura été reconnue.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR

L'Agent judiciaire de l'Etat soutient que si les [8] puis les Charbonnages de France avaient conscience du risque, ils ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l'exploitation. Il prétend qu'elles ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et qu'aucun défaut d'information ou de formation ne peut leur être reproché. Il conteste la pertinence des attestations produites par M. [U] [S] trop stéréotypés, identiques, imprécises et confuses, notamment quant à leur date de rédaction, et qu'il estime contredites par les pièces générales qu'il produit.

M. [U] [S] fait valoir que, compte tenu de la réglementation applicable, de l'organisation, des moyens et compétences techniques et scientifiques de l'employeur, les [8] avaient ou auraient dû avoir conscience du danger de l'exposition aux poussières de silice. Il expose que malgré cela, l'employeur n'a pas mis en 'uvre les mesures nécessaires, suffisantes et efficaces pour le préserver du danger auquel il était exposé. Il se prévaut du témoignage d'anciens collègues de travail.

La Caisse primaire d'assurance maladie de Moselle s'en remet à la Cour.

*******

L'article L 452-1 du Code de la sécurité sociale dispose que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise. Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en preserver.

Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En l'espèce, l'Agent judiciaire de l'État ne conteste pas le caractère professionnel de la maladie de M. [U] [S]. Il reconnaît que les [8] puis les Charbonnages de France avaient conscience du danger constitué par l'inhalation de poussières de silice et revendique même la conscience de ce risque.

Les parties s'opposent sur l'existence et l'efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l'employeur afin de préserver la victime du danger auquel elle était exposée.

Ces mesures de protection sont déterminées par le décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l'évacuation des poussières ou, en cas d'impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle.

L'article 187 dudit décret dispose que lorsque l'abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l'accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s'y opposer ou y remédier.

L'instruction du 30 novembre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) précises et devant être efficaces.

S'agissant des masques, on peut lire dans l'instruction de 1956 que « seuls les masques à pouvoir d'arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d'une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu'en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible ».

Il ressort du relevé de périodes et d'emplois établi le 22 février 2017 par l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs pour les [8] (pièce n° 2 de l'appelant), que M. [U] [S] a travaillé au fond à l'unité d'exploitation de [Localité 10], [Localité 11] et [Localité 9], et ce pendant 26 ans et 3 mois :

-apprenti mineur du 29/12/1995 au 25/01/1976,

-apprenti mineur du 26/01/1976 au 31/01/1976 ,

-abatteur-boiseur du 01/02/1976 au 30/04/1976,

-poseur raille du 01/05/1976 au 31/07/1976,

-abatteur-boiseur du 01/08/1976 au 19/10/1976,

-abatteur-boiseur du 20/10/1976 au 31/12/1976,

-poseur rail du 01/01/1977 au 31/03/1977,

-ouvrier annexe de bowette du 01/04/1977 au 18/06/1977,

-ouvrier annexe de bowette du 19/10/1977 au 31/01/1978,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/02/1978 au 31/05/1978

-élargisseur de galeries travaux rocher du 01/06/1978 au 30/09/1978,

-bowetter ouvrage spéciaux rocher du 01/10/1978 au 31/01/1979,

-élargisseur de galerie du 01/02/1979 au 14/04/1979,

-poseur de rails du 20/08/1979 au 31/08/1979,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/09/1979 au 31/10/1979,

-élargisseur de galeries travaux du 01/11/1979 au 31/01/1980,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/02/1980 au 30/06/1980,

-bowetter ouvrage spéciaux rocher du 01/07/1980 au 31/08/1980,

-poseur rails du 01/09/1980 au 11/07/1981,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 05/10/1981 au 07/09/1982,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 18/04/1982 au 31/08/1984,

-bowetter ouvrage spéciaux rocher du 01/09/1984 au 30/04/1985,

-déplacé divers du 01/05/1985 au 31/07/1985,

-nettoyeur albraque du 01/08/1985 au 30/11/1985,

-poseur rails du 01/12/1985 au 31/03/1986,

-ouvrier annexe de bowette du 01/04/1986 au 28/02/1987,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/03/1987 au 31/07/1987,

-ouvrier annexe de bowette du 01/08/1987 au 31/10/1987,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 01/11/1987 au 11/09/1994,

-bowetteur galerie horizontale travaux rocher du 07/11/1994 au 31/12/1995,

-bowetter tous ouvrage du 01/01/1996 au 31/01/1997,

-boulonneur en chantier du 01/02/1997 au 31/05/1997,

-piqueur travaux divers du 01/06/1997 au 31/12/1998,

-piqueur travaux divers du 01/01/1999 au 07/11/2001,

-piqueur travaux divers du 08/11/2001 au 31/03/2002.

M. [U] [S] produit aux débats, les attestations d'anciens collègues de travail, en la personne de M. [V], M. [D] et M. [N].

L'attestation de M. [V], produite à hauteur de cour et datée du 8 mars 2023 (pièce n°7 de l'appelant) ne sera pas retenue par la cour. En effet, il appert que cette attestation est strictement la même que celle qui avait été produite en première instance et non retenue par les premiers juges, l'appelant ayant seulement changé la date du document sur la seconde attestation avec du correcteur blanc (pièce n°PS1 de l'AJE). Son caractère probant ne sera donc pas retenu.

M. [D], dont le relevé de période et d'emplois est transmis (pièces n°8 et 8A de l'appelant) atteste, le 8 mars 2023, dans un document distinct de celui rédigé en première instance, « avoir travaillé avec M. [S] [U] (') au fond de la mine et être exposé aux poussières dans les chantiers du quartier rocher au siège de [Localité 10] à [Localité 9], de 1985 à 2000. M. [S] était au contact direct et permanent avec les poussières de silice présentes dans l'air, il respirait les poussières durant tout le temps, dès l'instant qu'il était au fond, nous avons respiré ces poussières durant toutes ces années passé au Houillère du bassin de lorraine, toutes les opérations qu'il effectuait dans les chantiers, foration du massif, évacuation des produits mine en sécurité du chantier, toutes ces opérations dégageaient de la poussières qu'il a respiré, malgré 1 masque à poussière très inefficace au bout d'une demi-heure, il recevait 1 masque par poste. Beaucoup de nos machine fonctionnaient à l'air comprimé ce qui provoquait des nuages de poussière supplémentaire, marteau piqueur, clef à choc, marteau perforateur, chargeuse sur cheville ou un rail, treuil de traction, nous avions a (') des engins électrique, « pantofore », chargeuse, monorail, ces machines étaient équipés de ventilateur pour leur refroidissement, à chaque fois ces ventilateurs soufflaient les poussières ; que M. [S] respirait même durant la pose (casse-croute) les poussières étaient présente car le chantier n'était pas à l'arrêt, donc les poussières étaient inhalé et ingéré dans l'estomac. Après 8 heures passé au fond, nous remontions au jour pour prendre douche, là j'ai vu M. [S] retirer ses habits de travail plein de poussière qu'il respirait encore une fois. Après la douche il avait toujours le contour des yeux noirci par les poussières que nous ne pouvions pas laver comme cela nous précautions avec du savon. [U] rentrait à la maison et il se nettoyait les yeux avec du lait démaquillant. M. [S] [U] a durant toutes ces années passé au fond de la mine dans les chantiers au rocher ou au charbon et a été en contact de la poussière, il l'a respiré avalé pendant toutes une carrière jours après jours, mois après mois de 1985 à 2000, sans protection efficace individuelle ou collective, pas de mise ne garde sur le danger pour notre santé. »

Pour en contester la force probante, l'AJE soulève le fait que cette attestation produite à hauteur d'appel ne comporte pas la même écriture que l'attestation rédigée en première instance.

Cependant, il sera retenu par la cour que si cette différence d'écritures caractérise une aide à la rédaction pour rédiger de manière efficiente les faits vécus que le témoin a souhaité rapporter, et ce par deux personnes différentes étant donné le délai écoulé entre les deux instances, cet élément n'est pas de nature à remettre en cause l'authenticité du témoignage de l'intéressé, dès lors que le témoin a signé le document produit à hauteur d'appel en précisant avoir conscience de ce qu'une fausse déclaration de sa part pouvait entraîner des sanctions pénales.

Cette attestation apparaît également suffisamment circonstanciée pour établir la qualité de collègue direct du témoin, ce qui est corroboré par le relevé de carrière de M. [D] démontrant bien que ce dernier a travaillé avec M. [S] sur des périodes d'emploi et des puits communs.

Ainsi, le caractère probant de cette attestation sera retenu par la cour, l'AJE n'apportant aucun autre élément pour remettre en question le contenu de l'attestation.

De même, l'AJE entend contester l'attestation de M. [N], revue à hauteur d'appel le 8 mars 2023 dans un document distinct de celui produit en première instance, le relevé de périodes et d'emplois du témoin étant par ailleurs produit aux débats (pièces n°9 et 9A de l'appelant).

L'intéressé indique avoir « travaillé aux [8] de 1980 à 2002 au fond de la mine au quartier rocher creusement travaux neuf. J'ai vu M. [S] [U] (') être quotidiennement exposé aux poussières de différentes nature dans le cadre de son emploi de bowetteur galerie horizontale montage ou creusement descenderie, il a respiré les poussières de silice qui se dégageaient des produits pendant l'opération d'évacuation de ces dernières, par convoyeur blindés, dans les berlines ou sur un tapis bande transporteuse entre les années 1985 et 2000.

Il respirait ainsi les poussières en suspension véhiculées par la moto ventilation à chaque abattage qu'il effectuait à l'aide d'explosif il se dégageait des fumées de tir dont l'odeur et les fumées restaient en suspension pendant de longues heures. Monsieur [S] [U] utilisait différent engins de foration du genre marteau perforateur à air comprimé pour forer les trous d'abattage, il utilisait ainsi des marteaux perforateur pour forer et poser par scellement à l'aide de résine, des tiges mercide (boulons 2,20 m de longueurs) afin d'assurer le soutainement, j'ai vu aussi M. [S] [U] utiliser des marteaux piqueurs toujours à l'air comprimée pour cassé les gros blocs de roche issus de l'abattage afin de les réduire pour une meilleur évacuation durant ces travaux, il y avait énormément de poussières qui se dégageait et qui était inhaler. L'air polluée était présente partout dans le chantier, il creusait des galeries en aérage secondaire donc les retour de taille d'où l'air propulsé par les ventilateurs était déjà vissié avant d'arriver à front dans le chantier. Cette poussière était partout même dans les vêtements de travail, lorsque M. [S] prenait ses vêtements de travail aux vestiaires, il les secouait pour éliminer la poussière imprégnés dans le lingue, aux douches on ne voyait que de la poussière de charbon et autres. Cette poussière qui était inhalé par M. [S] était de la silice et autre nature, il avait beau utiliser des masques ou autre moyen de protection, les narines, les yeux, les oreilles et la gorge étaient encombrées de ses poussières novices pendant toute la durée du poste (6 à 7 heures d'affilé par jour) et ceux tout les jours de la semaine. M. [S] [U] n'a jamais été informé des risques de maladie respiratoire concernant les poussières de silice, de fumée de tir et d'amiante (qui était présente dans tous les systèmes de freinage des engins de levage) palan à chaine palans à air comprimé, treuil de traction à air comprimé, treuil, de type monorail avec lesquels il a aussi travaillé ou utiliser ».

Si la différence d'écritures entre le document produit en première instance et celui versé à hauteur d'appel caractérise indéniablement une aide à la rédaction reçue du témoin par deux personnes différentes, ce seul constat, pour les raisons évoquées ci-dessus, n'est pas de nature à remettre en cause l'authenticité du témoignage de M. [N].

Il sera relevé que ce témoignage, étayé par le relevé de carrière de M. [N], et dès lors qu'il comporte des passages suffisamment précis et circonstanciés, permet de se convaincre de la qualité de collègue direct de travail de l'attestant, dont il est établi qu'il a bien travaillé sur des périodes d'emploi et des puits communs avec M. [S].

Dès lors, ce témoignage sera retenu par la cour.

Il ressort donc de ces deux attestations que l'employeur n'a pas pris des mesures de protection collective suffisantes pour assurer le dépoussiérage et l'aérage de façon efficiente, dès lors que les témoins évoquent une défaillance des systèmes d'aération et de ventilation.

Il résulte de ces deux témoignages que l'employeur n'a pas non plus pris de mesures de protection individuelle suffisantes et efficaces, notamment par le port de masques adaptés aux poussières de silice et aux conditions d'utilisation au fond de la mine (humidité, transpiration).

Enfin, M. [N] et M. [D] ont attesté tous deux d'un manque d'information quant aux dangers que représentait la silice au sein des [8] devenue CDF.

Ces témoignages ne sont pas utilement contestés par l'Agent judiciaire de l'État. Celui-ci ne verse aux débats aucun élément de nature à élever des doutes sur la sincérité de ces témoins et sur le caractère authentique des faits qu'ils relatent. Il développe seulement des considérations d'ordre général.

S'il ressort ainsi des pièces générales versées aux débats par l'Agent judiciaire de l'Etat que des mesures ont été progressivement mises en 'uvre pour améliorer l'arrosage des haveuses, lutter contre les poussières provenant du soutènement et favoriser l'aérage de la taille, ces explications ne contiennent aucun élément sur les conditions effectives de travail de M. [U] [S], et ne permettent pas de contredire la situation concrète dans laquelle ce dernier s'est trouvé, décrite par les témoignages concordants et circonstanciés de ses anciens collègues de travail, confirmant l'insuffisance des protections individuelles et collectives mises en 'uvre par les [8] devenues les Charbonnages de France.

Il résulte même de la lecture d'une note du chef de sécurité générale des [8] du 18 avril 1984 que les distributeurs de filtres pour masques étaient généralement vides et qu'aucune personne responsable des sièges ne semblait suivre cette question (pièce générale n°36 de l'appelant).

En l'état de l'ensemble de ces constatations, il doit donc être retenu que les [8], devenues les Charbonnages de France et représentés par l'AJE, qui avaient conscience du danger auquel M. [U] [S] était exposé, n'ont pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour l'en préserver.

Dès lors, le jugement entrepris est confirmé, et il sera retenu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle du tableau n° 25 de M. [U] [S].

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Sur la majoration de l'indemnité en capital

Aux termes de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l'article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l'article précédent [faute inexcusable de l'employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. ['] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ».

*******

En l'espèce, M. [U] [S] s'est vu reconnaître le 21 novembre 2018, un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % à la date du 9 septembre 2016, lendemain de la date de consolidation, avec une indemnité en capital d'un montant de 1 952,33 euros.

En l'absence de toute discussion sur ce point, il y a donc lieu de fixer au maximum la majoration de l'indemnité en capital qui doit lui être servie, tel qu'admis par la caisse.

En outre, cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de M. [U] [S], et le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle.

Le jugement entrepris est confirmé sur ces points.

Sur les préjudices personnels

M. [U] [S] demande l'infirmation du jugement du 6 juillet 2022 en ce qu'il a fixé l'indemnisation de ses préjudices extrapatrimoniaux à 5 800 euros au titre des préjudices moral et d'agrément. Il demande à la cour de fixer son préjudice moral à 30 000 euros, son préjudice physique à 30 000 euros et son préjudice d'agrément à 5 000 euros.

L'Agent judiciaire de l'Etat conclut au débouté des demandes d'indemnisation présentées au titre des souffrances physiques et morales, évoquant l'absence de période de maladie traumatique et l'absence de preuves opérantes au regard des demandes formulées. A titre subsidiaire, il demande que l'indemnisation au titre des souffrances physiques et morales soit réduite à de plus justes proportions. Il soutient enfin que la preuve d'un préjudice d'agrément n'est pas rapportée.

******************

Sur les souffrances physiques et morales

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'évènement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

En l'espèce, la victime ne verse aucune pièce médicale permettant à la cour de caractériser l'existence de souffrances physiques résultant de la pathologie déclarée, de sorte que M. [U] [S] doit être débouté de sa demande à ce titre, le jugement entrepris étant confirmé en sens.

S'agissant du préjudice moral, M. [U] [S] était âgé de 61 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint de silicose. L'anxiété décrite par sa fille (pièce n°12 de l'appelant) liée au fait de se savoir atteint d'une maladie irréversible due à l'inhalation de poussières de silice dont bon nombre de ses anciens collègues sont atteints parfois de forme plus graves ou sont décédés et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l'allocation d'une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts avec intérêt au taux legal à compter de la decision eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l'âge de M. [U] [S] au moment de son diagnostic, le jugement de première instance étant infirmé sur ce point.

Sur le préjudice d'agrément

L'indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu'il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d'une activité spécifique sportive ou de loisir qu'il lui est désormais impossible de pratiquer.

Si les proches de M. [U] [S] (ses amis, M. [X] et M. [W], et sa fille Mme [S]) indiquent que ce dernier rencontre davantage de difficultés dans sa vie personnelle qui l'empêchent désormais d'effectuer les activités qu'il avait l'habitude d'exercer antérieurement à sa maladie professionnelle (voyages, bricolage, jardinage), ces attestations manquent de précisions et sont insuffisantes à caractériser la pratique régulière par la victime avant sa maladie professionnelle d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

En conséquence, ce préjudice ne peut être indemnisé, le jugement entrepris étant infirmé en ce sens.

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE.

La CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM demande à la cour que l'AJE soit condamnée à lui rembourser l'intégralité des sommes qu'elle devra avancer à M. [U] [S] en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

L'AJE soulève que s'agissant des préjudices professionnels, M. [U] [S] est retraité depuis le 31 mars 2007 de telle sorte qu'il n'existe aucun préjudice au titre de la perte de gains professionnels ou de l'incidence professionnelle. Il considère que l'indemnité en capital versée par la caisse à la victime n'indemnise en l'espèce aucun préjudice personnel, ni la majoration qui en est l'accessoire.

*******************

Aux termes de l'article L.452-3-1 du code de la Sécurité Sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, que « quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

Les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la Sécurité Sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d'indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L.452-3.

En application de ces textes, c'est donc vainement que l'AJE s'oppose à l'action récursoire de la caisse au titre de la majoration de l'indemnité en capital, au motif pris de l'absence de préjudice professionnel du fait du départ à la retraite de M. [S].

Dès lors, la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de l'AJE, et à demander à ce que ce dernier soit condamné à lui verser les sommes qu'elle sera tenue d'avancer à M. [U] [S] au titre de la majoration de l'indemnité en capital et au titre de ses souffrances morales, le jugement entrepris étant confirmé en ce sens.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET LES DEPENS

L'issue du litige conduit la cour à condamner l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à M. [U] [S] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, partie succombante, l'AJE sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 6 juillet 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a fixé à la somme de 5 800 euros l'indemnisation des préjudices personnels de M. [U] [S], soit 5 000 euros au titre des souffrances morales et 800 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Et statuant à nouveau sur les points infirmés,

DEBOUTE M. [U] [S] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément ;

FIXE l'indemnité réparant le préjudice moral de M. [U] [S] à la somme de 10 000 euros (dix mille euros) avec intérêt au taux légal à compter de la décision ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

RAPPELLE que la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle agissant pour le compte de la caisse autonome de la sécurité sociale des mines devra verser la majoration de l'indemnité en capital et l'indemnité due au titre des souffrances morales à M. [U] [S].

RAPPELLE que l'Agent Judiciaire de l'Etat devra rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle agissant pour le compte de la caisse autonome de la sécurité sociale des mines les sommes que cette dernière sera tenue de verser au titre de la majoration de l'indemnité en capital et du préjudice moral de M. [U] [S].

Y ajoutant,

CONDAMNE l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à M. [U] [S] la somme de 2500 (deux mille cinq cent) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01937
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;22.01937 ?
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