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24/06/2024 | FRANCE | N°22/01897

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 24 juin 2024, 22/01897


Arrêt n° 24/00295



24 Juin 2024

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N° RG 22/01897 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZGL

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Pole social du TJ de METZ

29 Juin 2022

221178

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt quatre Juin deux mille vingt quatre







APPELANT :



Monsieur [M] [B]

[Adresse 2]

[Adre

sse 2]

représenté par l'association [4], prise en la personne de Mme [Z] [G], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial





INTIMÉS :



L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers D...

Arrêt n° 24/00295

24 Juin 2024

---------------

N° RG 22/01897 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZGL

------------------

Pole social du TJ de METZ

29 Juin 2022

221178

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt quatre Juin deux mille vingt quatre

APPELANT :

Monsieur [M] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par l'association [4], prise en la personne de Mme [Z] [G], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial

INTIMÉS :

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Cyril FERGON, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 9]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Mme [F], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [M] [B], né le 19 septembre 1947, a travaillé pour le compte des [7] ([7]), devenues par la suite l'établissement public [6] ([6]) du 3 septembre 1962 au 28 février 1967, puis du 16 mars 1967 au 31 mars 1998.

Il a occupé les postes suivants, principalement au fond :

Formation professionnelle :

du 03/09/1962 au 30/06/1965 : apprenti électromécanicien (jour),

[D] :

du 01/07/1965 au 28/02/1967 : apprenti électromécanicien (fond),

du 16/03/1967 au 01/01/1976 : électromécanicien en taille (fond),

EPM :

du 02/01/1976 au 11/04/1977 : élève stagiaire (fond),

Matériel SCEMO :

du 12/04/1977 au 30/04/1977 : élève-technicien (fond),

du 01/05/1977 au 07/12/1980 : agent technique SCEMF (fond),

Unité d'exploitation Reumaux :

du 08/12/1980 au 31/01/1983 : porion électromécanicien (fond),

du 01/02/1983 au 28/02/1986 : porion chef de quartier électromécanicien (fond),

du 01/03/1986 au 30/09/1989 : porion fonctionnel 2ème niveau (fond),

du 01/10/1989 au 30/06/1992 : sous-chef porion électromécanicien (fond),

du 01/07/1992 au 31/03/1998 : chef porion électromécanicien (fond).

Par formulaire du 13 avril 2018, Monsieur [M] [B] a déclaré auprès de [8] (ci-après « la Caisse » ou « AMM ») être atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles sous forme de silicose, transmettant avec ladite demande de reconnaissance un certificat médical établi le 13 février 2018 par le Docteur [J].

Par décision du 7 août 2018, la [5] ([5]), [8], a admis le caractère professionnel de cette pathologie.

Le 29 octobre 2018, la Caisse a notifié à Monsieur [M] [B] la fixation d'un taux d'incapacité permanente de 5% en réparation de sa pathologie, avec attribution d'une indemnité en capital de 1.958,18 euros à la date du 14 février 2018.

Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la Caisse par lettre recommandée du 7 octobre 2019, Monsieur [M] [B] a, par courrier recommandé expédié le 30 janvier 2020, saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz afin d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle et de solliciter le bénéfice des conséquences financières en découlant.

Il convient de préciser que l'établissement public [6] a été définitivement liquidé le 31 décembre 2017, ses droits et obligations étant transférés à l'État, représenté par l'Agent Judiciaire de l'État (AJE).

Par ailleurs, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9] (ci-après la « Caisse », ou « CPAM ») intervenant pour le compte de la [5] a été appelée dans la cause.

Par jugement du 29 juin 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9], agissant pour le compte de la [5] ' [8],

déclaré recevable en la forme le recours de Monsieur [M] [B],

dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [M] [B] et inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur, l'Agent Judiciaire de l'Etat, venant aux droits de l'établissement [6], anciennement [7],

ordonné la majoration à son maximum de l'indemnité en capital attribuée à Monsieur [M] [B] dans les conditions prévues à l'article L.452-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,

dit que cette majoration suivra l'évolution de son taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de son état de santé et qu'en cas de décès résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

dit que cette majoration sera versée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9],

fixé l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [M] [B], résultant de sa maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 à la somme totale de 5.200 euros, soit 4.000 euros au titre des souffrances morales et 1.200 euros au titre du préjudice d'agrément,

dit que cette somme sera versée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9] à Monsieur [M] [B],

débouté Monsieur [M] [B] de ses demandes formulées au titre du préjudice causé par les souffrances physiques endurées et du préjudice fonctionnel,

rappelé que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9] est fondée à exercer son action récursoire contre l'Agent Judiciaire de l'Etat,

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie l'ensemble des sommes, en principal et intérêts, qu'elle sera tenue d'avancer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de Monsieur [M] [B] inscrite au tableau n°25,

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat aux entiers frais et dépens de la procédure,

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat à verser à Monsieur [M] [B] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

L'[4] (ci-après « [4] »), agissant pour le compte de Monsieur [M] [B] a, par lettre recommandée expédiée le 7 juillet 2022, interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée du 29 juin 2022 dont l'accusé de réception ne figure pas au dossier de première instance, en ce qu'elle a :

« fixé l'indemnisation des préjudices personnels subis par Monsieur [M] [B], résultant de sa maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 à la somme totale de 5.200 euros, soit 4.000 euros au titre des souffrances morales et 1.200 euros au titre du préjudice d'agrément,

débouté Monsieur [M] [B] de ses demandes formulées au titre du préjudice causé par les souffrances physiques endurées et du préjudice fonctionnel ».

Par conclusions récapitulatives datées du 14 mars 2024 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, l'[4], Monsieur [M] [B] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la silicose de Monsieur [M] [B] était due à la faute inexcusable de son employeur représenté par l'AJE,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a alloué qu'une indemnité de 5.200 euros au titre des préjudices personnels de Monsieur [M] [B] et en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du préjudice physique,

Statuant à nouveau :

débouter l'AJE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

condamner l'AJE à payer à Monsieur [M] [B] les sommes suivantes :

30.000 euros au titre de son préjudice moral,

30.000 euros au titre du préjudice physique,

5.000 euros au titre de son préjudice d'agrément,

5.250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

Augmentées des intérêts au taux légal à compter du jour de la décision à intervenir,

condamner l'AJE à payer à Monsieur [M] [B] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,

condamner l'AJE aux entiers frais et dépens.

Par conclusions d'intimé et d'appel incident datées du 11 mars 2024, et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, l'AJE demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

infirmer le jugement du 29 juin 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Metz, en ce qu'il a :

dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [M] [B] et inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur,

ordonné la majoration de la rente allouée à Monsieur [M] [B],

dit que cette majoration de rente sera versée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9] à Monsieur [M] [B],

dit que cette majoration de rente suivra son taux d'IPP en cas d'augmentation de son taux d'incapacité,

fixé l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [M] [B], résultant de sa maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 à la somme totale de 5.200 euros, soit 4.000 euros au titre des souffrances morales et 1.200 euros au titre du préjudice d'agrément,

dit que cette somme sera versée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9] à Monsieur [M] [B],

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 9] l'ensemble des sommes en principal et intérêts, qu'elle sera tenue d'avancer au titre de la pathologie professionnelle de Monsieur [M] [B] inscrite au tableau n°25,

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat aux entiers frais et dépens de la procédure,

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat à verser à Monsieur [M] [B] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

confirmer le jugement du 29 juin 2022, en ce qu'il a :

débouté Monsieur [M] [B] de ses demandes formulées au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et du préjudice fonctionnel,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

débouter Monsieur [M] [B] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de l'AJE, la preuve de l'existence d'une faute inexcusable de l'exploitant n'étant pas rapportée,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

débouter Monsieur [M] [B] de ses demandes de remboursement des indemnités versées au titre des souffrances physiques et morales endurées, au titre d'un préjudice d'agrément ainsi qu'au titre du préjudice extrapatrimonial évolutif hors consolidation,

PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE :

réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

rejeter les demandes formées par Monsieur [M] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dire n'y avoir lieu à dépens.

Par courrier du 10 avril 2024, repris oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de [Localité 9] a informé la juridiction qu'elle ne déposera pas d'écritures en s'en remet à la cour quant à la reconnaissance de la faute inexcusable et aux montants susceptibles d'être alloués sur cette base, mais sollicitera la condamnation de l'employeur au remboursement de l'intégralité des sommes qu'elle devra avancer dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait reconnue.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties, en application de l'article 455 du code de procédure civile, et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE :

Monsieur [M] [B], représenté par l'[4], fait valoir que jusqu'à présent les [7], devenues les [6], ont toujours reconnu l'exposition à la silice des mineurs, se prévalant notamment des différentes campagnes d'information relatives à la silicose, considérée comme un risque inhérent à la profession de mineurs des mines de charbon. Il rappelle qu'il a été exposé aux poussières de silice pendant une durée de 36 années durant laquelle il a exercé une activité correspondant à la liste limitative prévue par le tableau n°25 des maladies professionnelles et que, dès lors, la présomption d'imputabilité doit s'appliquer. Monsieur [M] [B] ajoute que les témoins confirment son exposition aux poussières de silice.

L'AJE conteste l'exposition de Monsieur [M] [B] aux poussières de silice, en faisant notamment valoir que l'appelant ne produit aucun élément objectif permettant d'établir son exposition, alors qu'il n'indique pas à quelles fonctions, ni à quelles périodes, il aurait été exposé aux poussières de silice

L'AJE remet en cause les attestations des témoins produites par Monsieur [M] [B], notamment eu égard au fait qu'il n'est pas possible de déterminer que les témoins ont effectivement travaillé avec Monsieur [M] [B] et ne permettent dès lors pas d'établir que ce dernier a été exposé au risque du tableau n°25 des maladies professionnelles.

La Caisse s'en remet à la cour.

***********************

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°25 désigne la silicose comme affection consécutive à l'inhalation de poussières minérales renfermant de la silice cristalline (quartz, cristobalite, tridymite), des silicates cristallins (kaolin, talc), du graphite ou de la houille.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [M] [B] répond aux conditions médicales du tableau n°25. Seule est discutée l'exposition professionnelle du salarié au risque « silice ».

Il résulte du relevé de périodes et d'emplois établi par l'[3] (pièce n°2 de l'[4]), que Monsieur [M] [B] a travaillé au sein des [7], devenues les [6], du 3 septembre 1962 au 28 février 1967, puis du 16 mars 1967 au 31 mars 1998, aux postes suivants : apprenti électromécanicien, électromécanicien en taille, élève stagiaire, élève technicien, agent technique SCEMF, porion électromécanicien, porion chef de quartier électromécanicien, porion fonctionnel 2ème niveau, sous-chef porion électromécanicien, et chef porion électromécanicien.

Monsieur [M] [B] verse aux débats les témoignages établis par quatre anciens collègues de travail, à savoir Messieurs [S] [U], [A] [I], [Y] [L] et [M] [W] (pièces n°7 à 11A, 15 et 15 bis de l'[4]). L'AJE critique les attestations produites au motif qu'elles sont lacunaires en ce qu'elles ne permettent pas d'établir que les témoins ont bien travaillé avec Monsieur [M] [B].

La cour relève que les témoins allèguent tous avoir travaillé avec Monsieur [M] [B], certains ayant complété leurs témoignages initiaux à hauteur d'appel en y annexant leurs relevés de carrières respectifs.

Monsieur [S] [U] indique qu'il a côtoyé Monsieur [M] [B] de 1962 à 1984, cependant il ne précise pas le puits dans lequel il était affecté, et ne donne pas de description précise des tâches exécutées qui permettrait de connaître les postes occupés par le témoin et le salarié (pièces n°7 de l'[4]). A défaut de relevé de carrière, il n'est pas possible d'établir que Messieurs [S] [U] et [M] [B] ont bien travaillé ensemble.

Les autres témoins ont joint leurs relevés de carrières à leurs attestations (pièce n°10A, 11A et 15A de l'[4]), ces derniers établissent qu'ils étaient des collègues de travail directs de Monsieur [M] [B], ces informations n'étant pas utilement remises en cause par l'AJE.

Monsieur [A] [I] explique que « leur activité consistait principalement au montage, entretien, et dépannage des machines d'abattage dans les chantiers au charbon et des machines de creusement dans les chantiers au rocher » (pièces n°8, et 10 de l'[4]). Il ajoute que lui-même et Monsieur [M] [B] étaient exposés quotidiennement aux poussières de charbon et de silice générées par les machines employées au fond et que les chantiers dans lesquels ils travaillaient « étaient très poussiéreux » et que « le faisceau de leur lampe frontale avait parfois du mal à percer ». Le témoin indique que le déversement des produits sur les convoyeurs à bandes dégageait des poussières qui se dispersaient dans l'air environnant et étaient inhalées par les mineurs se trouvant à proximité, et notamment Monsieur [M] [B].

Monsieur [Y] [L] déclare que les travaux du fond, notamment de creusement, d'abattage, produisaient et soulevaient de grandes quantités de poussières et que les nuages étaient parfois si denses que lui-même et Monsieur [M] [B] avaient du mal à respirer et à se déplacer (pièces n°9, et 11 de l'[4]). Il précise que cette poussière était principalement composée de silice.

Monsieur [M] [W] expose qu'il occupait le même poste d'électromécanicien que Monsieur [M] [B], ce qui les conduisait à installer ou réparer diverses machines au fond et à travailler à proximité des machines d'abattage au charbon ou au rocher (pièce n°15 de l'[4]). Il insiste sur le fait qu'ils travaillaient dans une atmosphère irrespirable avec un air chaud et humide, dans une atmosphère fortement empoussiérée « dont par moment la distance visuelle n'excédait pas le mètre ».

Il résulte ainsi des témoignages susvisés que l'exposition habituelle de Monsieur [M] [B] au risque « silice » est établie.

Dès lors, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer, et l'AJE n'apportant pas la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint Monsieur [M] [B] est établi à l'égard de l'établissement public [6] auquel l'AJE est substituée. Le jugement est confirmé.

SUR LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR :

Monsieur [M] [B], représenté par l'[4], sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable était établie à l'encontre des [6]. Il soutient que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis en l'espèce. Il allègue notamment que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque lié aux poussières de silice cristalline, du fait des connaissances scientifiques de l'époque, la silicose ayant été inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles par une ordonnance du 2 août 1945, de la réglementation applicable, de la taille de l'organisation et des moyens considérables dont disposait l'entreprise, mais qu'il s'est abstenu de mettre en 'uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d'information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.

L'AJE sollicite l'infirmation du jugement entrepris, il expose que si les [7], devenues [6], avaient conscience du risque encouru par les salariés, ils ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger ces derniers des risques connus à chacune des époques de l'exploitation, tant sur le plan collectif qu'individuel. Il ajoute que les [7], devenues [6], ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu'aucun défaut d'information ne peut leur être reproché.

Il critique la qualité des attestations des témoins ayant déposé en faveur de Monsieur [M] [B], notamment eu égard au fait qu'elles sont imprécises, lacunaires et qu'elles ne donnent aucune information sur l'insuffisance des mesures de protection individuelles et collectives. L'AJE estime enfin que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

La Caisse s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'établissement de la faute inexcusable.

*******************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s'apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l'avoir été par l'employeur aux périodes d'exposition au risque du salarié.

En l'espèce, le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [M] [B], ainsi que la réunion des conditions du tableau n°25 des maladies professionnelles sont établis. L'AJE fait valoir que la connaissance du danger n'a jamais été niée de façon globale par les [6] pour tous les postes et à toutes les périodes. Il ajoute que dès lors que les [7], devenues [6], avaient connaissance d'un danger pour leurs salariés, ils mettaient en place les mesures nécessaires pour préserver leur santé par la mise en 'uvre de mesures de protections individuelles et collectives.

L'existence et l'efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l'employeur afin de préserver le salarié du danger auquel il était exposé, ainsi que la délivrance d'une information sur les risques encourus par le salarié lors de son activité professionnelle sont principalement discutées.

Ces mesures de protection sont déterminées par le décret n°51-508 du 04 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l'évacuation des poussières ou, en cas d'impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle.

L'article 187 dudit décret dispose que lorsque l'abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l'accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s'y opposer ou y remédier.

L'instruction du 30 octobre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) précises et devant être efficaces.

S'agissant des masques, on peut lire dans l'instruction de 1956 que « seuls les masques à pouvoir d'arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d'une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu'en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible ».

Monsieur [A] [I] déclare que les masques fournis étaient inefficaces, n'étant pas assez étanches et se colmatant avec l'humidité de l'air et la transpiration, ce qui contraignaient leurs porteurs à se protéger avec leurs foulards (pièces n°8, et 10 de l'[4]). Il ajoute que parfois ils n'avaient pas du tout de masque à disposition. Le témoin décrit l'inefficacité des systèmes d'arrosage des poussières installées sur les machines, et rappelle qu'ils travaillaient dans une atmosphère chargée en poussières de charbon et de silice, ce qui réduisait fortement leur visibilité.

Monsieur [Y] [L] explique que lui-même et Monsieur [M] [B] n'ont jamais été informés par l'employeur ou la médecine du travail des dangers induits par l'inhalation de poussières de silice (pièces n°9 et 11 de l'[4]). Il relate qu'ils travaillaient en permanence dans un environnement fortement empoussiéré et que lorsqu'ils remontaient à la surface, leur salive était noire. Le témoin fait état de l'inefficacité des masques distribués, en quantité insuffisante, et indique que l'atmosphère humide colmatait les masques et que « le fait de travailler augmentait le rythme respiratoire, ce qui engendrait un manque d'air ».

Monsieur [M] [W] expose que lui-même et Monsieur [M] [B] ont travaillé sans masques de protection dans un milieu saturé en poussières, car les masques, non obligatoires, n'étaient pas adaptés, se bouchant à cause de l'humidité de la respiration (pièce n°15 de l'[4]). Le témoin évoque également le fait que le système d'arrosage de neutralisation des poussières installés sur les machines fonctionnait rarement et qu'ils devaient souvent intervenir dans des conditions difficiles pour dépanner certaines machines.

L'inefficacité des systèmes de ventilation et d'abattage des poussières évoqués par l'employeur est mis en évidence par le fait que les témoins relatent tous que leur environnement de travail était fortement empoussiéré, dans lequel leur visibilité était réduite à un mètre seulement, malgré les systèmes d'arrosage qui fonctionnaient rarement. Par ailleurs, ces derniers soulignent le fait que les masques mis à leur disposition n'étaient pas adaptés alors que la poussière se collait dessus et qu'ils empêchaient leurs porteurs de respirer correctement.

Si l'AJE indique dans ses écritures qu'il a placé la santé de ses employés en tête de ses priorités en ne cessant de trouver des moyens pour améliorer le système d'arrosage, l'aération des galeries, et en mettant à la disposition des mineurs des masques de plus en plus efficaces, elle développe uniquement des considérations d'ordre général qui ne comportent aucun élément sur les conditions de travail concrètes de Monsieur [M] [B], ni sur la qualité des moyens de protection réellement mis à la disposition du salarié.

Aussi, l'ensemble des éléments qui précèdent confirment que l'employeur qui avait conscience du danger auquel Monsieur [M] [B] était exposé n'a pas pris les mesures nécessaires afin de protéger ce dernier des dangers liés à l'inhalation des poussières de silice, ceci alors qu'il n'a pas mis en place de mesures de protection collective (aération-arrosage) et individuelle (port du masque) suffisantes et efficaces.

Partant, il s'ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles dont souffre Monsieur [M] [B] doit être déclarée comme résultant de la faute inexcusable commise par l'employeur à son égard.

Le jugement entrepris, qui a retenu que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle du tableau n°25 de Monsieur [M] [B] était établie, est donc confirmé.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Sur la majoration de l'indemnité en capital

Aux termes de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l'article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l'article précédent [faute inexcusable de l'employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité [...] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ».

En l'espèce, compte tenu du taux d'incapacité permanente partielle qui lui a été reconnu (5%), Monsieur [M] [B] s'est vu allouer une indemnité en capital d'un montant de 1.958,18 euros à la date du 14 février 2018.

Aucune discussion n'existe à hauteur de Cour concernant la majoration au maximum de l'indemnité en capital versée à Monsieur [M] [B], dans la limite de 1.958,18 euros, et dans les conditions telles que définies à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, étant admis que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de l'intéressé, et que le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle.

Sur les préjudices personnels de Monsieur [M] [B]

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale qu'« indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. [...] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ».

Sur les souffrances physiques et morales

Monsieur [M] [B] sollicite l'allocation d'un montant de 30.000 euros au titre du préjudice physique et 30.000 euros pour le préjudice moral.

L'AJE fait valoir que la date de consolidation coïncidant avec celle du certificat médical initial, il n'existe pas de période de maladie traumatique. Concernant la période postérieure à la consolidation de l'état de santé de la victime, il précise qu'il appartient à cette dernière de rapporter la preuve dudit préjudice. L'AJE souligne que Monsieur [M] [B] ne verse aucune pièce médicale susceptible de justifier des préjudices dont il se prévaut.

La Caisse s'en remet à l'appréciation de la cour.

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Comme indiqué, il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la Caisse à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière du 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947).

En l'espèce, la victime, en application de l'article L.434-1 du code de la sécurité sociale, s'est vue attribuer une indemnité en capital, son taux d'incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d'admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d'incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage le déficit fonctionnel permanent.

Dès lors, Monsieur [M] [B] est recevable en sa demande d'indemnisation des souffrances physiques et morales subies, sous réserve qu'elles soient caractérisées.

S'agissant des souffrances physiques subies, Monsieur [M] [B] ne produit aucune pièce médicale permettant de caractériser l'existence de souffrances physiques, ni de les rattacher aux conséquences physiques de l'affection dont il souffre. Les attestations rédigées par ses proches (pièces n°12 à 14 de l'[4]) laissent apparaître que Monsieur [M] [B] s'essouffle plus facilement, mais, à défaut de document médical, les témoignages ne permettent pas de rattacher les constats des témoins à la maladie professionnelle dont souffre Monsieur [M] [B].

Concernant le préjudice moral, Monsieur [M] [B] était âgé de 70 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint de silicose. Les témoignages de ses proches (pièces n°12 à 14 de l'[4]) établissent que le comportement de Monsieur [M] [B] a changé depuis la découverte de sa pathologie, ce dernier se montrant préoccupé par l'évolution de sa pathologie et refusant de participer à certains évènements, s'étant renfermé sur lui-même. Ces éléments caractérisent l'anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d'une maladie irréversible due à l'exposition aux poussières de silice et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance.

Le préjudice moral est donc caractérisé en l'espèce et sera réparé par l'allocation d'une somme de 14.000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause, et à l'âge de Monsieur [M] [B] au moment de son diagnostic. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Le jugement entrepris est infirmé en ce sens.

Sur le préjudice d'agrément

L'indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu'il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d'une activité spécifique sportive ou de loisir qu'il lui est désormais impossible de pratiquer.

Monsieur [M] [B] sollicite l'indemnisation de son préjudice d'agrément à hauteur de 5.000 euros, sans donner davantage de détails sur ledit préjudice.

L'AJE s'oppose à l'indemnisation du préjudice d'agrément en indiquant que Monsieur [M] [B] ne produit pas d'éléments susceptibles de justifier d'un tel préjudice.

La Caisse s'en rapport à la sagesse de la cour.

********

Monsieur [M] [B] verse aux débats le témoignage établi par Monsieur [E] [T], président du Foyer [C] de Guéblange et animateur du Raiders Club, section du foyer consacré à la randonnée pédestre (pièce n°12 de l'[4]). Le témoin précise que Monsieur [M] [B] participe aux randonnées organisées par le club depuis 2008 et que depuis quelques années il s'essouffle plus facilement, rencontre des difficultés avec les montées des parcours et ne participe plus à certaines randonnées.

Son épouse, Madame [O] [B], indique que depuis le diagnostic de la pathologie, Monsieur [M] [B] s'essouffle rapidement lorsqu'il bricole ou jardine (pièce n°14 de l'[4]). Elle ajoute que son époux était un membre très actif d'une association l'Âge d'Or qui organisait « des rencontres, repas, activités, voyages » pour leurs membres, puisqu'il en était le vice-président, mais qu'il ne s'est plus autant impliqué suite à la découverte de sa maladie, et que l'association n'existe plus depuis le terme du mandat du président.

Le témoignage du président du Foyer [C] permet d'établir que Monsieur [M] [B] participait activement à une activité spécifique avant le diagnostic de sa maladie professionnelle et que depuis lors il n'est plus en mesure de s'y adonner comme auparavant.

Dès lors, le préjudice d'agrément de Monsieur [M] [B] a été justement indemnisé à hauteur de 1.200 euros, le jugement entrepris est confirmé pour les motifs qui précèdent.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Selon le rapport [N], le déficit fonctionnel permanent a vocation à indemniser « la réduction définitive du potentiel physique, psycho sensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ».

Monsieur [M] [B] sollicite une indemnisation distincte au titre de son déficit fonctionnel permanent à hauteur de 5.250 euros en faisant valoir que depuis les arrêts rendus par la Cour de cassation le 20 janvier 2023, il est en droit de solliciter la condamnation de l'AJE à l'indemniser à ce titre.

Or, Monsieur [M] [B] a d'ores et déjà sollicité l'indemnisation de ses souffrances physiques et morales sur base du même arrêt rendu par la Cour de cassation, de sorte que lesdits préjudices couvrent tant la période antérieure que la période postérieure à la date de consolidation.

Au regard de la composition du déficit fonctionnel permanent, lequel englobe les souffrances morales et physiques postérieures à la consolidation, ainsi que des atteintes aux fonctions physiologiques, et la perte de qualité de vie, et du fait que Monsieur [M] [B] ne démontre pas que sa demande ne conduira pas à une double indemnisation de son préjudice, et ne justifie pas du principe d'un préjudice distinct restant à indemniser, il sera débouté de sa demande au titre du déficit fonctionnel permanent.

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE

Aux termes de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, il apparaît « quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

En outre, les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d'indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L.452-3.

Aucune discussion n'existant à hauteur de cour, la CPAM de [Localité 9], agissant pour le compte de la [5], est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de l'AJE.

Par conséquent, l'AJE doit être condamné à rembourser à la CPAM de [Localité 9], les sommes qu'elle sera tenue d'avancer au titre de la majoration de l'indemnité en capital et des préjudices extrapatrimoniaux de Monsieur [M] [B].

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L'issue du litige conduit la cour à condamner l'AJE à payer à Monsieur [M] [B] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'AJE à verser à Monsieur [M] [B] la somme de 1.000 euros sur base de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance.

L'AJE, partie succombante, sera condamné en outre aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris du 29 juin 2022 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, sauf en ce qu'il a fixé l'indemnisation des souffrances morales subies par Monsieur [M] [B] à 4.000 euros,

Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé,

FIXE l'indemnité en réparation du préjudice moral de Monsieur [M] [B] à la somme de 14.000 euros (quatorze mille euros), et DIT que cette somme, qui portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, devra être versée à Monsieur [M] [B] par la CPAM de [Localité 9], agissant pour le compte de la [5] ' [8], et si besoin l'y CONDAMNE,

CONDAMNE l'AJE à rembourser à la CPAM de [Localité 9], agissant pour le compte de la [5] ' [8], les sommes, en principal et intérêts, qu'elle aura versées à Monsieur [M] [B] au titre de la majoration de l'indemnité en capital et des préjudices extrapatrimoniaux de la victime, sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale,

CONDAMNE l'AJE à payer à Monsieur [M] [B] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'AJE aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01897
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;22.01897 ?
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