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24/06/2024 | FRANCE | N°22/01219

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 24 juin 2024, 22/01219


Arrêt n° 24/00314



24 Juin 2024

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N° RG 22/01219 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXSH

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



22 Avril 2022

21/00571

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt quatre Juin deux mille vingt quatre





APPELANTE :



S.A.S. [3]

[Adresse 4

]

[Localité 1]

Représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON

substitué par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ



INTIMÉE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME

[Adresse 5]

[Localit...

Arrêt n° 24/00314

24 Juin 2024

---------------

N° RG 22/01219 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXSH

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

22 Avril 2022

21/00571

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt quatre Juin deux mille vingt quatre

APPELANTE :

S.A.S. [3]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON

substitué par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME

[Adresse 5]

[Localité 2]

non présent, non représenté

représentée par Mme [I], munie d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [Z] [S], salarié de la SAS [3], indique avoir été exposé le 18 octobre 2017, à un jet d'huile hydraulique sur toute la partie antérieure du corps, qui a par la suite entraîné des lésions cutanées. Il explique aussi avoir immédiatement pris une douche et changé de vêtements, hormis ses chaussures qui sont restées imbibées, selon lui, d'huiles hydrauliques et qu'il a continué de porter les jours suivants en l'absence de remplacement des dites chaussures.

Il ajoute qu'il a par la suite présenté des rougeurs, puis une plaie, et a fait l'objet d'un traitement antibiotique prescrit le 8 novembre 2017 par son médecin traitant.

Le soir même du 8 novembre 2017, M. [S] a été hospitalisé en raison d'une « fièvre avec frissons avec probable point d'appel pulmonaire avec un inter-trigo au niveau des orteils droits ». Il présentait également « quelques phlyctènes au niveau des mains et des pieds », et une « éruption de petits éléments eczématiformes (') sur tout le corps » : « nombreuses lésions / papules centrées par aspect vésiculeux au niveau des membres inférieurs (fesses, face post cuisses) et avant-bras, non systématiquement en regard des zones de projection de l'huile hydraulique ».

M. [S] a initialement formé une déclaration d'accident du travail qui a été rejetée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) du Puy de Dôme, celle-ci estimant qu'« il n'y a pas de relation de cause à effet entre les faits invoqués et les lésions médicalement constatées par certificat médical ».

M. [S] a alors établi une déclaration de maladie professionnelle pour des « papulo-pustules mutliples et leurs complications / dermite / lésions eczémateuse », accompagnée d'un certificat médical initial du 8 novembre 2017 mentionnant un « eczéma aigu surinfecté des membres inférieurs au contact des huiles hydrauliques ».

Par décision du 22 août 2018, la CPAM du Puy de Dôme a admis le caractère professionnel de la maladie déclarée et l'a prise en charge au titre du tableau 36 des maladies professionnelles (Lésions eczématiformes- affections provoquées par les huiles et graisses d'origine minérale ou de synthèse).

La SAS [3] a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) près la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'une réclamation afin de voir déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de la maladie de M. [S].

Par requête expédiée le 11 mars 2019, la SAS [3] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Clermond-Ferrand d'un recours contre la décision de rejet implicite de la CRA qui, par jugement du 26 novembre 2020, s'est déclaré territorialement incompétent pour connaître le litige, au profit du tribunal judiciaire de Metz à qui la procédure a été transmise.

Par décision du 17 septembre 2019, la CRA a rejeté la réclamation de la société.

Par jugement prononcé le 22 avril 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a statué de la façon suivante :

Déclare le recours de la SAS [3], recevable en la forme,

Dit n'y avoir lieu à expertise médicale,

Déclare opposable à la SAS [3], la décision de prise en charge, en date du 22 août 2018, de la maladie professionnelle de M. [S] diagnostiquée selon certificat médical initial du 8 novembre 2017,

Condamne la SAS [3] aux entiers dépens,

Dit que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Le 22 avril 2022, le jugement a été notifié à la SAS [3], laquelle en a interjeté appel par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 3 mai 2022.

Par des écritures datées du 28 septembre 2023, notifiées le 20 décembre 2023, et soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, la SAS [3] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu en 1ère instance le 22 avril 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a débouté la SAS [3] de sa demande d'inopposabilité de la décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie contractée par M. [S],

Statuant à nouveau,

Prononcer décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie contractée par M. [S],

S'il échet,

Ordonner avant dire droit une expertise médicale aux frais avancés de la CPAM du Puy-de-Dôme aux fins de déterminer la ou les causes d'apparition de la maladie ;

En tout état de cause,

Condamner la CPAM du Puy-de-Dôme aux dépens de l'instance ».

Par conclusions datées du 13 novembre 2023 soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM du Puy-de-Dôme demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu en première instance,

- Déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [S] au titre de la législation professionnelle opposable à la SAS [3],

- Débouter la SAS [3] de toutes ses demandes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE,

SUR LE CARACTERE PROFESSIONNEL DE LA MALADIE

La SAS [3] fait valoir que la Caisse ne démontre pas que les éléments du tableau 36 des maladies professionnelles sont réunies de sorte que la présomption du caractère professionnel de la maladie ne peut pas jouer. Elle explique que la biopsie réalisée ne correspond pas à un test épicutané prévu au tableau, et que les pièces médicales ne font pas état de caractère récidivant de l'eczéma constaté.

L'employeur conteste en outre l'exposition au risque de M. [S] telle que relatée par celui-ci, en ce qu'il n'a pas été informé avant le 6 novembre 2017 du fait que son salarié ait été victime de projections d'huiles hydrauliques le 17 octobre 2017, ni qu'il ait formulé des demandes de changement de chaussures dans les jours qui ont suivi.

La Caisse indique que le médecin conseil a retenu que les conditions prévues au tableau n°36 des maladies professionnelles sont réunies, que les résultats de la biopsie, qui s'analyse comme un test épicutané, n'ont pas à être communiqués à l'employeur, et que « le caractère récidivant à chaque exposition journalière » résulte du contact prolongé et répété avec ses chaussures imprégnées d'huile.

*******

Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, « est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L 434-2 et au moins égal à 25%.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la Caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la Caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L 315-13».

Il convient de souligner au préalable que la maladie professionnelle déclarée par M. [S], instruite, et invoquée par la Caisse est un eczéma, et non les papulo-pustules également prévues au tableau 36, déclarées initialement dans le cadre d'une première demande d'accident du travail mais qui a été rejetée par la Caisse.

Le tableau 36 des maladies professionnelles désigne notamment les « lésions eczématiformes récidivant en cas de nouvelle exposition au risque ou confirmés par un test épicutané », maladie invoquée par la Caisse dans sa décision de prise en charge.

L'examen du certificat médical initial établi par le docteur [F] le 8 novembre 2017, accompagnant la déclaration de maladie professionnelle formée par M. [S] le 8 novembre 2017 relativement notamment à un eczéma, fait état d'un « eczéma aigu surinfecté des membres inférieurs au contact d'huile hydraulique ».

Ni les déclarations de M. [S] dans ses courriers, ni les pièces médicales versées aux débats ne font état de ce que M. [S] a manifesté avant le 8 novembre 2017 un eczéma, de sorte que le caractère récidivant de celui-ci n'est pas établi.

Par ailleurs, s'il ressort des éléments du dossier que M. [S] a subi une biopsie le 14 novembre 2017. Cet examen se distingue du test épicutané imposé par le tableau n°36 en ce que la biopsie vise à confirmer un diagnostic (en l'espèce un eczéma), alors que le test épicutané tend à identifier les substances ou composés responsables d'une lésion.

Il n'est pas allégué ni démontré par les pièces médicales et l'enquête interne effectuée par la Caisse que M. [S] a subi un test épicutané pour confirmer l'eczéma constaté.

La pathologie déclarée le 8 novembre 2017 par M. [S] n'entre donc pas dans le cadre de celles visées au tableau n°36 des maladies professionnelles, et la décision de la Caisse de la prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels n'est pas opposable à l'employeur.

Le jugement entrepris est par conséquent infirmé et il convient de faire droit au recours exercé par la SAS [3] contre la décision de la Caisse du 22 août 2018 confirmée par décision de la CRA de la Caisse le 17 septembre 2019.

SUR LES DEPENS

La Caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme étant la partie perdante à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris rendu par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de Metz le 22 avril 2022 ;

DECLARE inopposable à la SAS [3] la décision de prise en charge au titre du tableau 36 des maladies professionnelles de la pathologie déclarée le 8 novembre 2017 par M. [S], rendue par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme en date du 22 août 2018 ;

CONDAMNE la CPAM du Puy-de-Dôme aux dépens d'appel et de première instance.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01219
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;22.01219 ?
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