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24/06/2024 | FRANCE | N°22/01168

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 24 juin 2024, 22/01168


Arrêt n° 24/00310



24 Juin 2024

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N° RG 22/01168 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXOP

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



23 Mars 2022

20/00614

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt quatre Juin deux mille vingt quatre



APPELANTE :



CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECUR

ITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 6]

[Localité 3...

Arrêt n° 24/00310

24 Juin 2024

---------------

N° RG 22/01168 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXOP

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

23 Mars 2022

20/00614

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt quatre Juin deux mille vingt quatre

APPELANTE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Mme [H], munie d'un pouvoir général

INTIMÉE :

Madame [L] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par M. [G], muni d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 27.05.2024

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [D] est décédé le 7 juin 2018.

Par courrier du 9 octobre 2018, Mme [L] [D], veuve de [N] [D], a adressé à la CANSSM-Assurance Maladie des Mines de Moselle (Caisse ou CANSSM) une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour le compte de son mari défunt [N] [D], d'imputabilité du décès de celui-ci, et d'attribution d'une rente de conjoint survivant. Était joint à ce courrier une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'un lymphome malin et mentionnant à titre de pièce jointe un certificat médical établi par le docteur [R] à la date du 9 avril 2018.

Par courriers datés du 16 et du 30 octobre 2018, la CANSSM demandait à Mme [L] [D] de lui faire parvenir « le certificat médical initial décrivant les blessures ou lésions constatées suite à l'accident », afin de compléter l'étude du dossier de son mari.

Mme [L] [D] adressait à la Caisse un nouveau certificat médical établi le 26 octobre 2018 par le docteur [R] faisant état d'un « lymphome malin non hodgkinien diffus à grandes cellules ».

Par courrier du 2 novembre 2018, la CANSSM précisait à Mme [L] [D] avoir reçu le 29 octobre 2018 sa déclaration de maladie concernant [N] [D] ainsi que le certificat médical, et ajoutait que l'instruction de sa demande était en cours et qu'une décision devrait être prise dans le délai de trois mois à compter de cette date.

Par courrier du 8 novembre 2018, la Caisse indiquait à Mme [L] [D] avoir reçu le 10 octobre 2018 la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical indiquant lymphome malin pour son conjoint décédé, et précisant que la décision devrait être prise « dans le délai de trois mois à compter de la date mentionnée ci-dessus ».

Le 25 janvier 2019, la Caisse notifia à Mme [L] [D] un délai complémentaire d'instruction de 3 mois.

La Caisse diligentait une enquête administrative qui donnait lieu à un rapport daté du 21 mars 2019.

Le même jour, la Caisse informait Mme [L] [D] qu'elle pouvait consulter le dossier avant transmission au CRRMP (Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles), saisi compte tenu du fait que la maladie déclarée est hors tableau.

Par lettre datée du 24 avril 2019, la CANSSM a notifié à Mme [L] [D] un refus provisoire de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle, n'ayant pas reçu à cette date l'avis du CRRMP.

Mme [L] [D] a saisi une première fois le 14 mai 2019 la commission de recours amiable de la Caisse aux fins de contester cette décision.

Le 12 septembre 2019, le CRRMP de [Localité 5]-Alsace-Moselle a rendu un avis défavorable à la reconnaissance en maladie professionnelle de la pathologie déclarée par Mme [L] [D] pour le compte de [N] [D], précisant que « les études épidémiologiques et les connaissances actuelles ne permettent pas au comité d'établir un lien direct et essentiel entre l'activité professionnelle et l'affection déclarée ».

Par décision du 19 septembre 2019 notifiée à Mme [L] [D] le 27 novembre 2019, la CRA a rejeté le recours formé par Mme [L] [D] contre la décision de rejet provisoire de sa demande en reconnaissance de la maladie professionnelle.

Par décision du 24 septembre 2019, la Caisse a notifié à Mme [L] [D] un refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Saisie une deuxième fois le 9 octobre 2019 d'un recours contre la décision de refus du 24 septembre 2019, la Commission de recours amiable de la Caisse a rejeté la nouvelle réclamation présentée par Mme [L] [D], et ce par décision du 23 janvier 2020 notifiée le 13 mai 2020.

S'agissant de la demande d'imputabilité du décès, par courrier du 30 novembre 2018, la CANSSM précisait à Mme [L] [D] avoir reçu le 26 novembre 2018 le certificat faisant état du décès de [N] [D], lui indiquant qu'un avis médical est nécessaire pour qu'elle puisse se prononcer sur l'imputabilité du décès à la maladie du 26 octobre 2018, et que la décision relativement à cette demande devrait être prise dans le délai de trois mois.

Le 22 février 2019, la Caisse notifia à Mme [L] [D] un délai complémentaire d'instruction de 3 mois sur la demande d'imputabilité du décès à la maladie du 26 octobre 2018.

Par décision du 24 avril 2019, la Caisse a notifié à Mme [L] [D] un refus de prise en charge du décès de [N] [D] au titre de la maladie professionnelle déclarée au motif que cette maladie n'a pas été reconnue au titre de la législation des risques professionnels.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 25 mai 2020 et expédiée le 4 juin 2020, Mme [L] [D] a formé un recours devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz afin de voir infirmer la décision de la commission de recours amiable notifiée le 13 mai 2020, précisant qu'elle considère que la maladie de son mari et son décès qui en a suivi sont en lien direct et essentiel avec l'activité professionnelle de celui-ci dans les mines de charbon.

Par ordonnance du 3 septembre 2020, le juge de la mise en état du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a, en application de l'article R 142-17-2 du code de la sécurité sociale, désigné un second CRRMP avec pour mission de dire s'il existe un lien direct et essentiel entre la pathologie (lymphome malin) dont était atteint [N] [D] et le travail qu'il effectuait habituellement.

Le CRRMP des Hauts-de-France, désigné à cette fin, a rendu son avis le 30 mars 2021, dans lequel il indique qu'« il ne peut être retenu de lien direct et essentiel entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle ».

Par jugement prononcé le 23 mars 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a statué de la façon suivante :

Juge recevable en la forme et bien fondé le recours formé par Mme [L] [D] à l'encontre de la décision rendue le 23 janvier 2020 par la commission de recours amiable près l'assurance maladie des mines ;

Infirme cette décision du 23 janvier 2020 ;

Juge que l'assurance-maladie des mines n'a pas respecté les délais d'instruction découlant des articles R 441-10 et R 441-14 du code de la sécurité sociale et que par conséquent le caractère professionnel de la pathologie contractée par [N] [D] a été implicitement reconnu par l'organisme social ;

Juge par la suite inopérant le débat concernant la validité des avis des CRRMP de [Localité 5] et de [Localité 4]- région Hauts de France ;

Rejette le moyen d'irrecevabilité soulevée par la CPAM de Moselle concernant l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable relativement à l'imputabilité du décès de M. [N] [D] à sa maladie professionnelle ;

Juge que l'assurance-maladie des mines n'a pas respecté les délais d'instruction découlant des textes susvisés concernant la demande formée par Mme [L] [D] d'imputabilité du décès de son mari à la maladie professionnelle dont celui-ci a été victime ;

Juge que par suite l'organisme social a implicitement reconnu l'imputabilité du décès de M. [N] [D] à sa maladie professionnelle ;

Juge que Mme [L] [D] est en droit par conséquent de prétendre aux indemnités et rentes qui lui sont dues de ce chef ;

Condamne la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ' l'assurance maladie des mines, aux dépens engendrés par la présente procédure.

Par lettre recommandée expédiée le 2 mai 2022, la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ' l'assurance maladie des mines, a interjeté appel partiel de cette décision.

Par conclusions du 28 décembre 2023, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 23 mars 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Sur la prise en charge de la pathologie de feu M. [D] [N] :

Déclarer Mme [L] [D] recevable mais mal fondée en son recours et l'en débouter ;

En conséquence, confirmer la décision de rejet rendue par la Commission de Recours Amiable près la CPAM de Moselle le 23 janvier 2020 ;

Condamner Mme [L] [D] aux entiers frais et dépens ;

Sur l'imputabilité du décès :

A titre principal, déclarer irrecevable la demande d'imputabilité du décès ;

A titre subsidiaire, déclarer Mme [L] [D] mal fondée en sa demande et constater que les délais d'instruction ont été respectés par la Caisse.

Par conclusions établies le 8 janvier 2024 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, Mme [L] [D] demande à la cour :

« A titre principal,

De confirmer en tous points le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 23 mars 2022 et de dire et juger :

. que le lymphome de type B à grandes cellules dont était atteint M. [N] [D] est reconnu implicitement en maladie professionnelle ;

. que le décès de M.[N] [D] est reconnu comme étant imputable à cette maladie professionnelle ;

A titre subsidiaire,

. que le lymphome de type B à grandes cellules dont était atteint M. [N] [D] était directement et essentiellement en relation avec ses expositions professionnelles et devrait être reconnu en maladie professionnelle ;

A titre infiniment subsidiaire,

. que les avis des CRRMP de [Localité 5] et de [Localité 4] concernant feu M. [N] [D] sont cassés et adresser la demande de reconnaissance de maladie professionnelle à un CRRMP autrement composé. »

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR LA DEMANDE DE RECONNAISSANCE DE LA MALADIE DECLAREE EN MALADIE PROFESSIONNELLE

A titre principal, Mme [L] [D] demande la confirmation du jugement entrepris et indique que la Caisse n'a pas respecté les délais prévus aux articles R 441-10 et R 441-14 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige, de sorte qu'elle bénéficie d'une reconnaissance implicite de la maladie professionnelle déclarée le 9 octobre 2018 pour son mari défunt. Elle précise que la notification de la prolongation pour 3 mois du délai d'instruction est intervenue tardivement le 25 janvier 2019 alors que la Caisse avait réceptionné l'entier dossier le 10 octobre 2018 et devait statuer avant le 10 janvier 2019.

La Caisse conclut à l'absence de reconnaissance implicite de la maladie professionnelle, expliquant avoir reçu le certificat médical initial le 29 octobre 2018 de sorte qu'elle a prolongé valablement le délai d'instruction le 25 janvier 2019 avant d'opposer le 24 avril 2019, dans le délai de prolongation, un refus provisoire en l'absence de réception de l'avis du CRRMP, puis de notifier un refus définitif à la date du 24 septembre 2019.

**********************

L'article R 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 10 juin 2016 au 1er décembre 2019, énonce que la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

L'alinéa 1 de l'article R441-14 de ce même code dispose que, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et qu'à l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accident du travail ou trois mois en matière de maladie professionnelle à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En l'espèce, il est constant que Mme [L] [D] a adressé à la Caisse, par courrier daté du 9 octobre 2018, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour un lymphome malin subi par son mari et ayant conduit à son décès survenu le 7 juin 2018. Ce courrier, fait état de pièces jointes dont notamment le Cerfa S6100B, correspondant à la déclaration de maladie professionnelle, un pli confidentiel pour le service médical et le certificat médical en double exemplaire établi par le docteur [S] [R].

S'agissant du document Cerfa de déclaration de la maladie professionnelle, versé aux débats par les deux parties, il convient de constater qu'il a été rempli et signé par Mme [L] [D], qu'il est daté du 9 octobre 2018 et qu'il vise notamment le certificat médical du docteur [R] daté du 9 avril 2018.

Mme [L] [D] verse par ailleurs aux débats un certificat médical daté du 9 avril 2018, établi de façon manuscrite par le docteur [R], médecin généraliste, dans lequel il précise être le médecin traitant de M. [N] [D] qui présente un lymphome malin non hodgkinien diffus à grandes cellules. Le docteur [R] conclut au vu de l'activité professionnelle de M. [D] (a travaillé 32 ans au fond des mines) et de la maladie, à ce qu'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle non inscrite au tableau est souhaitable.

La Caisse ne parle pas de ce certificat médical du 9 avril 2018 dans ses différents échanges, et justifie avoir sollicité auprès de Mme [L] [D] par deux courriers datés des 16 et 30 octobre 2018, « le certificat médical initial décrivant les blessures ou lésions constatées suite à l'accident ».

Il est constant que Mme [L] [D], en réponse à ces courriers, a fait parvenir à la Caisse un nouveau certificat médical établi par le docteur [R] le 26 octobre 2018 sur un document Cerfa, mentionnant le même descriptif de la maladie, et précisant en outre que « le patient est décédé le 7 juin 2018 ».

La Caisse justifie avoir adressé un courrier à Mme [L] [D] daté du 2 novembre 2018 dans lequel elle accuse réception de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical à la date du 29 octobre 2018, précisant que la décision devrait intervenir dans le délai de 3 mois à compter de cette date (pièce n°6 de la Caisse et n°7 de l'intimée).

Cependant, Mme [L] [D] produit aux débats un second courrier établi le 8 novembre 2018 par la Caisse (pièce n°8 de Mme [L] [D]) dans lequel la Caisse accuse réception de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical à la date du 10 octobre 2018, précisant que la décision devrait intervenir dans le délai de 3 mois à compter de cette date.

Si la Caisse invoque une erreur de plume dans la date du 10 octobre 2018 indiquée sur ce dernier courrier, elle ne justifie pas avoir informé Mme [L] [D] de son erreur afin de lui préciser de façon claire la date de début et de fin du délai d'instruction de sa demande qui variaient en fonction de ces deux courriers. Elle ne démontre pas non plus avoir signalé à Mme [L] [D] que le certificat médical du 9 avril 2018 mentionné dans son courrier du 9 octobre 2018 et dans le Cerfa de déclaration de maladie professionnelle l'accompagnant ne figurait pas au dossier transmis.

L'ensemble de ces documents, et le courrier établi par la Caisse le 8 novembre 2018, démontrent que l'organisme social avait bien reçu la déclaration établie le 9 octobre 2018 accompagnée du certificat médical initial du 9 avril 2018 à la date du 10 octobre 2018, que cette date n'était pas une erreur de plume, de sorte que son dossier étant complet à cette date, le délai d'instruction de 3 mois a commencé le 10 octobre 2018. Il appartenait dès lors à la Caisse de notifier à l'intimée soit une prolongation du délai, soit sa décision sur la demande, et ce avant le 10 janvier 2019.

En informant Mme [L] [D] par courrier daté du 21 janvier 2019 de la prolongation pour 3 mois du délai d'instruction, soit postérieurement au 10 janvier 2019, la Caisse n'a pas respecté le délai d'instruction. Le caractère professionnel de la maladie (lymphome malin) déclarée par Mme [L] [D] le 9 octobre 2018 pour le compte de son mari décédé est ainsi reconnu, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les contestations des deux avis des CRRMP de [Localité 5] et de [Localité 4].

La décision des premiers juges est confirmée sur ce point.

SUR L'IMPUTABILITE DU DECES A LA MALADIE DECLAREE

Sur la recevabilité du recours

Il résulte de l'examen de la demande du 9 octobre 2018 adressée à la Caisse par Mme [L] [D] que celle-ci a formé dans un même courrier une déclaration de maladie professionnelle pour le compte de son défunt mari, ainsi qu'une demande d'imputabilité de son décès à cette maladie (lymphome malin), sollicitant en outre une rente de conjoint survivant.

Il ressort également des pièces versées aux débats que Mme [L] [D] a envoyé à la Caisse le certificat médical établi par le docteur [V] le 17 juillet 2018, dans lequel le praticien certifie que [N] [D] est décédé le 7 juin 2018 des suites de son lymphome, document que la Caisse a réceptionné le 26 novembre 2018, tel que cela résulte de son courrier daté du 30 novembre 2018 (pièce n°15 de l'intimée) dans lequel elle précise à Mme [L] [D] que la décision sur sa demande d'imputabilité du décès à la maladie déclarée serait prise dans le délai de trois mois courant à compter du 26 novembre 2018.

Après avoir informé Mme [L] [D] de la prolongation pour 3 mois supplémentaires de l'instruction de sa demande par courrier daté du 22 février 2019 (pièce n°22 de la Caisse), la Caisse a notifié à l'intimée par courrier recommandé daté du 24 avril 2019 son refus de prise en charge du décès de son mari, au motif que « la maladie n'a pas été reconnue au titre de la législation des risques professionnels » (pièce n°23 de la Caisse). Le courrier de notification informait Mme [L] [D] des modalités de recours possible contre cette décision devant la CRA de la Caisse.

Le même jour, par courrier recommandé également daté du 24 avril 2019, la Caisse notifiait à Mme [L] [D] un refus provisoire de reconnaître la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels, à défaut d'avoir réceptionné l'avis du CRRMP.

Par lettre du 14 mai 2019 (pièce n°20 de l'intimée), Mme [L] [D] a saisi la commission de recours amiable de la Caisse d'une « contestation de la notification de refus du 24 avril 2019 » rédigée de la façon suivante :

« Par courrier du 24 avril 2019, vous me notifiez le refus de prise en charge de la maladie professionnelle du 18 10 2018, instruite suite au décès de mon époux [N] [D] des suites d'une maladie dont l'origine est professionnelle comme décrite par les certificats médicaux et questionnaires fournis.

Le motif évoqué est la non réception par les services de la CPAM de l'avis motivé du CRRMP.

Je conteste la décision et saisie la CRA au motif suivant : (') »

Dans son recours, Mme [L] [D] évoque aussi bien le caractère professionnel de la maladie déclarée de son mari, que les liens entre le décès de celui-ci et cette maladie.

Compte tenu de la notification le 24 avril 2019 par la Caisse, soit le même jour, des deux refus, l'un provisoire, l'autre définitif, mais aussi des termes du recours formé par Mme [L] [D], et enfin du lien effectué par la Caisse dans son courrier de refus de l'imputabilité du décès à la maladie avec sa première décision déboutant Mme [L] [D] de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de son mari, il convient de constater que le recours de Mme [L] [D] portait aussi bien sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie que sur l'imputabilité du décès de son mari à la maladie déclarée.

Dans sa décision du 12 septembre 2019, notifiée le 27 novembre 2019 à Mme [L] [D], la CRA qui n'a pris en compte que le recours de Mme [L] [D] contre le refus de prise en charge de la maladie, confirme la décision de la Caisse, et précise in fine qu' « une décision définitive sera envoyée à la veuve de l'assuré dès réception de l'avis du CRRMP concernant la reconnaissance de la maladie professionnelle HT (hors tableau) lymphome malin ».

Cette précision, ajoutée au lien entretenu de façon permanente par la Caisse entre l'imputabilité du décès et la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, ont légitimement laissé croire à Mme [L] [D] que son recours contre les deux décisions de la Caisse avait été pris en compte par la CRA, et que la décision sur l'imputabilité du décès de son mari à la maladie dépendait de la décision définitive de la Caisse qui lui a été notifiée par la suite le 24 septembre 2019 sous la forme d'un refus.

En saisissant la CRA, par un recours formé le 9 octobre 2019 (pièce n°23 de l'intimée), d'une contestation de ce refus définitif du 24 septembre 2019 de reconnaissance de la maladie déclarée, qui motivait pour la Caisse son refus d'imputabilité du décès à la maladie, Mme [L] [D] a régulièrement saisi la CRA d'une contestation relative aussi bien à la reconnaissance de la maladie professionnelle qu'à l'imputabilité du décès de son mari à cette maladie.

Le recours contentieux formé par la suite le 25 mai 2020 par Mme [L] [D] devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, contre la décision du 23 janvier 2020 de la CRA ayant confirmé le refus de prise en charge, concerne donc aussi bien la reconnaissance de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, que l'imputation du décès à la maladie déclarée, et a été régulièrement formé postérieurement à la saisine de la CRA de sorte qu'il doit être déclaré recevable.

Sur le respect des délais d'instruction

Il résulte des articles R 441-10 et R 441-14 précités et des développements qui précèdent que la Caisse justifie avoir réceptionné le 26 novembre 2018 le complet dossier concernant la demande d'imputabilité du décès à la maladie déclarée, faisant ainsi courir le délai d'instruction de 3 mois à compter de cette date. Elle démontre également avoir informé Mme [L] [D] de la prolongation pour 3 mois supplémentaires de l'instruction de sa demande par courrier daté du 22 février 2019 (pièce n°22 de la Caisse), de sorte qu'en notifiant à l'intimée par courrier recommandé daté du 24 avril 2019 son refus de prise en charge du décès de son mari, au motif que « la maladie n'a pas été reconnue au titre de la législation des risques professionnels » (pièce n°23 de la Caisse), la Caisse a respecté les délais d'instructions de la demande.

La demande formée par Mme [L] [D] aux fins de voir reconnaître de façon implicite l'imputation du décès de son mari à la maladie professionnelle reconnue n'est donc pas justifiée et doit être rejetée.

Sur le fond de la demande

La Caisse prétend qu'en l'absence de reconnaissance implicite de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, l'imputation du décès à la maladie professionnelle ne peut être retenue. Mme [L] [D] soutient que la reconnaissance implicite de l'imputation du décès résulte du non-respect par la Caisse des délais d'instruction.

La reconnaissance implicite de l'imputation du décès à la maladie n'étant pas caractérisée au vu des développements qui précèdent et la Caisse n'ayant pas statué sur la demande d'imputation du décès à la maladie au regard du caractère professionnel de la maladie déclarée, tel qu'il résulte de la présente décision, il convient de renvoyer la demande sur ce chef de prétention à la Caisse, qui devra procéder à un nouvel examen en tenant compte du caractère professionnel de la maladie déclarée, la prochaine décision de la Caisse étant alors susceptible de recours devant la CRA. La Caisse devra également statuer sur les indemnités et la rente de conjoint survivant réclamées en conséquence.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens d'appel, la décision des premiers juges sur les dépens de première instance étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris du 23 mars 2022 prononcé par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, sauf en ce qu'il a :

Jugé que l'assurance-maladie des mines n'a pas respecté les délais d'instruction découlant des textes susvisés concernant la demande formée par Mme [L] [D] d'imputabilité du décès de son mari à la maladie professionnelle dont celui-ci a été victime ;

Jugé que par suite l'organisme social a implicitement reconnu l'imputabilité du décès de M. [N] [D] à sa maladie professionnelle ;

Jugé que Mme [L] [D] est en droit par conséquent de prétendre aux indemnités et rentes qui lui sont dues de ce chef ;

Statuant à nouveau sur ces points,

REJETTE la demande formée par Mme [L] [D] aux fins de constater la reconnaissance implicite de l'imputation du décès de son mari défunt, [N] [D], à la maladie déclarée le 9 octobre 2018 (lymphome malin) et retenue au titre de la législation sur les risques professionnels ;

RENVOIE à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, le soin de statuer à nouveau sur la demande d'imputabilité du décès de [N] [D] à la maladie (lymphome malin) dont il a été victime et dont le caractère professionnel a été retenu par la présente décision ;

CONDAMNE la CPAM de Moselle aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01168
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;22.01168 ?
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