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24/06/2024 | FRANCE | N°22/01106

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 24 juin 2024, 22/01106


Arrêt n° 24/00303



24 Juin 2024

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N° RG 22/01106 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXKH

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



29 Mars 2022

18/02113

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt quatre Juin deux mille vingt quatre





APPELANT :



Monsieur [O] [E]

[Adres

se 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Marion DESCAMPS, avocat au barreau de METZ



INTIMÉS :



L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

Télédoc 353

...

Arrêt n° 24/00303

24 Juin 2024

---------------

N° RG 22/01106 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXKH

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

29 Mars 2022

18/02113

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt quatre Juin deux mille vingt quatre

APPELANT :

Monsieur [O] [E]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Marion DESCAMPS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

Télédoc 353

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Cyril FERGON, avocat au barreau de PARIS

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

TSA représentée par Mme [R], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [E], né le 30 juin 1951, a travaillé pour le compte des [6] ([6]), devenues par la suite l'établissement public [5] ([5]) du 2 juin 1976 au 26 novembre 1977, du 6 avril 1978 au 1er octobre 1979, puis du 7 février 1980 au 13 septembre 1998.

Il a occupé les postes suivants, principalement au fond :

Au Puits II :

du 02/06/1976 au 04/07/1976 : apprenti-mineur (fond),

A l'Unité d'exploitation Reumaux :

du 05/07/1976 au 22/08/1976 : apprenti-mineur ' boiseur de renforcement (fond),

A l'Unité d'exploitation Merlebach :

du 23/08/1976 au 26/11/1977 et du 06/04/1978 au 30/09/1978 : abatteur-boiseur (fond),

du 01/10/1978 au 01/10/1979 : piqueur d'élevage en PRH (fond),

A l'Unité d'exploitation Vouters :

du 07/02/1980 au 28/02/1982 : abatteur-boiseur (fond),

du 01/03/1982 au 31/08/1982 : piqueur d'élevage en PRH (fond),

du 01/09/1982 au 31/07/1983 : abatteur-boiseur (fond),

du 01/08/1982 au 31/12/1983 : rabasseneur (fond),

du 01/01/1984 au 30/04/1984 : piqueur d'élevage en PRH (fond),

du 01/05/1984 au 30/09/1984 : rabasseneur (fond),

du 01/10/1984 au 28/03/1985 : piqueur d'élevage en PRH (fond),

du 01/03/1985 au 30/09/1985 : rabasseneur (fond),

du 01/10/1985 au 31/05/1986 : piqueur d'élevage en PRH (fond),

du 01/06/1986 au 31/08/1986 : abatteur-boiseur (fond),

du 01/09/1986 au 31/03/1989 : piqueur d'élevage en PRH (fond),

du 01/04/1989 au 31/01/1990 : boiseur de renforcement (fond),

du 01/02/1990 au 31/03/1990 : rabasseneur (fond),

du 01/04/1990 au 31/07/1991 : transporteur et aide installateur taille (fond),

du 01/08/1991 au 31/10/1991 : spécialiste (fond),

du 01/11/1991 au 31/08/1994 : rabasseneur (fond),

du 01/09/1994 au 31/03/1996 : piqueur d'élevage en PRH (fond),

du 01/04/1995 au 30/11/1996 : boiseur de renforcement (fond),

du 01/12/1996 au 13/09/1998 : boiseur ' préparateur chantier machine (fond).

Monsieur [O] [E] a été déclaré inapte à son emploi du 14 septembre 1998 au 31 mars 1999, puis a bénéficié d'un congé charbonnier fin de carrière du 1er avril 1999 au 30 novembre 2001.

Par formulaire du 18 mai 2016, Monsieur [O] [E] a déclaré auprès de l'Assurance Maladie des Mines (ci-après « la Caisse » ou « AMM ») être atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n°25A2 des maladies professionnelles sous forme de silicose, transmettant avec ladite demande de reconnaissance un certificat médical établi le 25 janvier 2016 par le Docteur [H].

Par décision du 4 novembre 2016, la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM), l'Assurance Maladie des Mines, a admis le caractère professionnel de cette pathologie.

Le 23 décembre 2016, la Caisse a notifié à Monsieur [O] [E] la fixation d'un taux d'incapacité permanente de 5% en réparation de sa pathologie, lui attribuant une indemnité en capital d'un montant de 1.950,38 euros à la date du 26 janvier 2016 (lendemain de la date de consolidation).

Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la Caisse, Monsieur [O] [E] a, par courrier recommandé du 2 janvier 2017, saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Moselle (devenu Pôle social du tribunal de grande instance de Metz le 1er janvier 2019, puis Pôle social du tribunal judiciaire de Metz au 1er janvier 2020) afin d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle et de solliciter le bénéfice des conséquences financières en découlant.

Il convient de préciser que l'établissement public [5] a été définitivement liquidé le 31 décembre 2017, ses droits et obligations étant transférés à l'État, représenté par l'Agent Judiciaire de l'État (AJE).

Par ailleurs, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle (ci-après la « Caisse », ou « CPAM ») intervenant pour le compte de la CANSSM a été appelée dans la cause.

Par jugement du 29 mars 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

jugé recevables les demandes de Monsieur [O] [E] en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, ainsi que l'intervention à la procédure de l'agent judiciaire de l'Etat,

rejeté la demande de mesures d'instruction et de production de pièces formées par le demandeur,

déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle,

jugé que le caractère professionnel de la pathologie présentée par Monsieur [O] [E] est démontré,

jugé que la preuve n'est pas rapportée de la commission par l'employeur de Monsieur [O] [E] (employeur aux droits duquel vient Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat) d'une faute inexcusable au détriment de ce salarié,

rejeté comme non fondées les demandes et prétentions de Monsieur [O] [E],

condamné Monsieur [O] [E] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Par déclaration effectuée au greffe le 28 avril 2022, Monsieur [O] [E] a interjeté appel partiel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR réceptionnée le 4 avril 2022, en ce qu'elle a :

« jugé que la preuve n'est pas rapportée de la commission par l'employeur de Monsieur [O] [E] (employeur aux droits duquel vient Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat) d'une faute inexcusable au détriment de ce salarié,

rejeté comme non fondées les demandes et prétentions de Monsieur [O] [E],

condamné Monsieur [O] [E] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019 ».

Par conclusions datées du 21 septembre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son conseil, Monsieur [O] [E] demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu le 29 mars 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz uniquement en ce qu'il « juge que la preuve n'est pas rapportée de la commission par l'employeur de Monsieur [O] [E] (employeur aux droits duquel vient Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat) d'une faute inexcusable au détriment de ce salarié ;

rejette comme non fondées les demandes et prétentions de Monsieur [O] [E] ; condamne Monsieur [O] [E] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019 »,

confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et, le cas échéant, y ajoutant :

ordonner une mesure d'instruction,

ordonner à l'ARS, la DDETS et à la DREAL la communication de toutes les informations relatives aux conditions de travail dans les mines, en particulier en ce qui concerne l'exposition au risque de l'inhalation des poussières de silice, pour la période de 1976 à 1999 et pour les postes de travail occupés par Monsieur [O] [E],

ordonner à l'AMM de transmettre à Monsieur [O] [E] une copie du dossier d'instruction de la maladie professionnelle et notamment du compte rendu de l'enquêteur et les réponses des administrations interrogées (ARS, DEETS, DREAL),

ordonner à l'AJE la production :

de l'entier dossier d'instruction de la maladie professionnelle par l'AMM,

des attestations d'exposition de Monsieur [O] [E],

des comptes rendus de réunions des instances représentatives du personnel de 1976 à 1999, période d'emploi de Monsieur [O] [E],

des relevés d'empoussièrement de 1976 à 1999,

des justificatifs de la fourniture, à Monsieur [O] [E] personnellement, des équipements de protection efficaces et adaptés contre l'inhalation de poussières pour chaque jour travaillé sur l'ensemble de la période d'emploi,

des justificatifs de l'information, faite à Monsieur [O] [E] personnellement, sur les dangers de la silice, les manières de s'en protéger et le caractère obligatoire du port des équipements individuels de protection,

dire que les [6] et [5], aux droits desquels intervient l'Agent Judiciaire de l'Etat, sont coupables d'une faute inexcusable à l'égard de Monsieur [O] [E],

Si la cour l'estime utile,

ordonner une expertise en vue de déterminer et évaluer les préjudices par poste,

réserver le chiffrage du préjudice au retour du rapport d'expertise,

subsidiairement, fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [O] [E] par poste de préjudice comme suit :

son préjudice moral (souffrances morales liées à la connaissance d'être atteint d'une pathologie évolutive) à la somme de 40.000 euros,

ses souffrances physiques à la somme de 20.000 euros,

son préjudice d'agrément à la somme de 20.000 euros,

son préjudice sexuel à la somme de 20.000 euros,

réserver les droits de Monsieur [O] [E] relativement à l'indemnisation desdits préjudices en cas d'aggravation,

condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à payer à Monsieur [O] [E] la majoration du capital et l'indemnisation des préjudices personnels,

statuer sur ce que de droit relativement à l'action subrogatoire de l'AMM vis-à-vis de l'AJE,

dire que la majoration de la rente doit suivre l'augmentation du taux d'incapacité en cas d'aggravation de l'état de santé de Monsieur [O] [E] et que le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,

condamner la Caisse d'Assurance Maladie à payer à Monsieur [O] [E] les intérêts de retard courant sur les sommes susvisées depuis l'introduction des demandes devant le Pôle social, soit le 2 janvier 2017,

condamner l'AJE à payer à Monsieur [O] [E] 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC pour les frais irrépétibles combinés, de l'instance à hauteur de cour,

condamner l'AJE aux frais et dépens d'instance et d'exécution,

rejeter les demandes des défenderesses visant à la condamnation de Monsieur [O] [E].

Par conclusions déposées au greffe le 15 avril 2024, et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son conseil, l'AJE demande à la cour de :

AVANT DIRE DROIT :

débouter Monsieur [O] [E] de sa demande de communication de pièces et de sa demande d'expertise,

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer le jugement du 29 mars 2022 en ce qu'il a dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [O] [E] n'est pas due à la faute inexcusable de son employeur,

par conséquent : débouter Monsieur [O] [E] et l'Assurance [7] de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de l'AJE, la preuve de l'existence d'une faute inexcusable de l'exploitant n'étant pas rapportée,

A TITRE SUBSIDIAIRE : si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue :

confirmer le jugement du 29 mars 2022 en ce qu'il a débouté Monsieur [O] [E] de ses demandes indemnitaires formées au titre des préjudices personnels subis,

par conséquent : débouter Monsieur [O] [E] et l'Assurance [7] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre de l'AJE,

PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE :

réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

rejeter les demandes formées par Monsieur [O] [E] au titre de l'article 700 du CPC,

dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions datées du 14 novembre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [5] (AJE),

Le cas échéant :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l'indemnité en capital réclamée par Monsieur [O] [E],

en tout état de cause, fixer la majoration de l'indemnité en capital dans la limite de 1.950.38 euros,

prendre acte que la Caisse ne s'oppose pas à ce que la majoration de l'indemnité en capital suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [O] [E],

constater que la Caisse ne s'oppose pas à ce que le principe de la majoration de l'indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de Monsieur [O] [E] consécutivement à sa maladie professionnelle,

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [O] [E],

donner acte à la Caisse qu'elle ne s'oppose pas à la désignation d'un médecin expert afin de déterminer l'étendue des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [O] [E],

réserver les droits de la Caisse après dépôt du rapport d'expertise,

condamner l'employeur à rembourser à la Caisse les frais d'expertise que la Caisse aura avancés,

le cas échéant, de rejeter toute éventuelle demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°25 de Monsieur [O] [E],

condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat intervenant pour le compte de la société [5] à rembourser à la Caisse les sommes qu'elle sera tenue de verser au titre de la majoration de l'indemnité en capital et de l'intégralité des préjudices ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties, en application de l'article 455 du code de procédure civile, et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR LA DEMANDE DE PRODUCTION DE PIECES :

Monsieur [O] [E] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de production de pièces avant dire droit. Il soutient qu'un certain nombre d'éléments ne sont pas en sa possession, alors que l'employeur, désormais représenté par l'AJE, en a connaissance et ne les produit pas. Il demande en conséquence, la production par l'AJE des pièces suivantes : dossier d'instruction de la maladie professionnelle par l'AMM ; les attestations d'exposition le concernant ; les comptes-rendus de réunions des instances représentatives du personnel de 1976 à 1999 (période d'emploi du salarié) ; les relevés d'empoussièrement de 1976 à 1999 ; les justificatifs de la fourniture, à lui personnellement, des équipements de protection efficaces et adaptés contre l'inhalation de poussières pour chaque jour travaillé sur l'ensemble de la période d'emploi ; ainsi que les justificatifs de l'information faite à lui personnellement sur les dangers de la silice, les manières de s'en protéger et le caractère obligatoire du port des équipements individuels de protection.

Il ajoute que l'ARS, la DDETS et la DREAL sont également en possession d'informations relatives aux conditions de travail matériaux et outils utilisés dans les mines, ainsi que concernant les postes occupés. Il précise que la Caisse interroge systématiquement les services de la DREAL et de la DDETS, mais qu'elle n'a pas versé la réponse de ces organismes.

L'AJE sollicite le rejet de la demande de communication de pièces de Monsieur [O] [E] au motif qu'il n'appartient pas à la juridiction de pallier les carences de l'appelant s'agissant de l'administration de la preuve qui lui incombe.

La Caisse n'a pas pris position sur la demande de communication de pièces.

*******************

C'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé que la charge de la preuve de l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur incombe exclusivement au salarié.

En l'espèce, la cour tirera toute conséquence de droit des seuls éléments produits au soutien des prétentions de chacun en fonction de la charge de la preuve qui leur incombe respectivement. Elle se référera aux pièces versées aux débats pour statuer.

Il n'y a pas lieu d'ordonner à l'AJE, ni à l'ARS, ni à la DDETS, ni à la DREAL, ni à l'Assurance Maladie des Mines de produire les pièces sollicitées par Monsieur [O] [E].

La demande de Monsieur [O] [E] est en conséquence rejetée, le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

SUR LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR :

Monsieur [O] [E] sollicite l'infirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable n'était pas établie à l'encontre des [5]. Il soutient que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis en l'espèce. Il allègue notamment que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque lié aux poussières de silice cristalline, du fait des connaissances scientifiques de l'époque, la silicose ayant été inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles par une ordonnance du 2 août 1945, de la réglementation applicable, de la taille de l'organisation et des moyens considérables dont disposait l'entreprise, mais qu'il s'est abstenu de mettre en 'uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d'information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs. Il soutient que les manquements de l'employeur sont établis par les témoignages de ses anciens collègues de travail qu'il verse aux débats.

L'AJE sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a considéré que l'existence d'une faute inexcusable de l'exploitant minier n'était pas établie. Il expose que si les [6], devenues [5], avaient bien conscience du risque encouru par les salariés, ils ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger ces derniers des risques connus à chacune des époques de l'exploitation, tant sur le plan collectif qu'individuel. Il ajoute que les [6], devenues [5], ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu'aucun défaut d'information ne peut leur être reproché.

Il critique la qualité des attestations des témoins ayant déposé en faveur de Monsieur [O] [E], notamment eu égard au fait qu'elles sont stéréotypées. Il ajoute qu'elles sont imprécises, lacunaires et qu'elles ne donnent aucune information sur l'insuffisance des mesures de protection individuelles et collectives, mais également en ce qu'il n'est pas possible de déterminer que les témoins ont effectivement travaillé avec Monsieur [O] [E]. L'AJE estime enfin que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

La Caisse s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'établissement de la faute inexcusable.

*******************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s'apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l'avoir été par l'employeur aux périodes d'exposition au risque du salarié.

En l'espèce, le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [O] [E], ainsi que la réunion des conditions du tableau n°25 des maladies professionnelles ne sont pas contestées. L'AJE reconnaît en outre que les [6], devenues [5], avaient conscience du danger constitué par l'inhalation de poussières de silice et fait état de cette conscience dans ses écritures.

Seules sont discutées l'existence et l'efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l'employeur afin de préserver le salarié du danger auquel il était exposé, ainsi que la délivrance d'une information sur les risques encourus par le salarié lors de son activité professionnelle.

Ces mesures de protection sont déterminées par le décret n°51-508 du 04 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l'évacuation des poussières ou, en cas d'impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle.

L'article 187 dudit décret dispose que lorsque l'abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l'accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s'y opposer ou y remédier.

L'instruction du 30 octobre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) précises et devant être efficaces.

S'agissant des masques, on peut lire dans l'instruction de 1956 que « seuls les masques à pouvoir d'arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d'une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu'en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible ».

En l'espèce, il résulte du relevé de périodes et d'emplois établi par l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (pièce n°4 de l'appelant), que Monsieur [O] [E] a travaillé au sein des [6], devenues les [5], dans les chantiers du fond, du 2 juin 1976 au 26 novembre 1977, du 6 avril 1978 au 1er octobre 1979, puis du 7 février 1980 au 13 septembre 1998, aux postes suivants : apprenti-mineur, boiseur de renforcement, abatteur-boiseur, piqueur d'élevage en PRH, rabasseneur, transporteur et aide-installateur taille, spécialiste, et boiseur ' préparateur chanter machine.

Monsieur [O] [E] verse aux débats les témoignages établis par quatre anciens collègues de travail, à savoir Messieurs [V] [W], [O] [J] [F], [M] [D], [F] [N] (pièces n°13a à 13d, 15a et 15b de l'appelant). L'AJE critique les attestations produites au motif qu'elles sont lacunaires en ce qu'elles ne permettent pas d'établir que les témoins ont bien travaillé avec Monsieur [O] [E], à défaut d'être accompagnées des relevés de carrière des témoins. Il souligne qu'elles sont stéréotypées et ne sont nullement circonstanciées quant aux moyens de protection mis à disposition par l'employeur.

La cour relève que les témoins allèguent avoir travaillé avec Monsieur [O] [E].

Si l'AJE soutient que les témoignages produits sont stéréotypés, il est rappelé qu'ils ne sauraient être écartés pour ce seul motif et, qu'en tout état de cause, les attestations comportent des passages qui leur sont propres.

Monsieur [V] [W] déclare qu'il a travaillé avec Monsieur [O] [E] au puits Vouters dans les chantiers en attaques multiples, son relevé de périodes et d'emploi confirme que le témoin et Monsieur [O] [E] se sont côtoyés au puits Vouters de février 1980 à juin 1997 (pièce n°13a de l'appelant),

Monsieur [O] [J] [F] indique qu'il a travaillé avec Monsieur [O] [E] « au 3ème Nord 1036 à Vouters au service attaques multiples » (pièce n°13b de l'appelant).

Monsieur [M] [D] expose qu'il a côtoyé Monsieur [O] [E] entre 1995 et 1998, sans préciser le puits d'affectation, ni les postes occupés (pièce n°13d de l'appelant).

Monsieur [F] [N] précise qu'il a travaillé avec Monsieur [O] [E] entre 1980 et 1987 au P5 à Vouters et au 3ème Nord, cependant le témoin ne donne aucun détail sur le poste qu'il occupait, ni même d'informations circonstanciées sur les tâches exécutées par Monsieur [O] [E] (pièce n°13e de l'appelant).

Comme retenu par les premiers juges, les témoignages de Messieurs [O] [J] [F], [M] [D] et [F] [N] ne sont pas suffisamment précis pour établir qu'ils ont bien travaillé avec Monsieur [O] [E], les témoins n'ayant pas joint leur relevé de carrière.

Seul le témoignage de Monsieur [V] [W] sera retenu, l'AJE ne produisant pas d'éléments susceptibles de remettre en cause la qualité de collègue de travail direct du témoin et de l'appelant.

Monsieur [V] [W] explique que les opérations de foration et de perçage du rocher par boisage dégageaient beaucoup de poussières de silice et de charbon. Le témoin souligne que le forage se faisait à sec, sans eau, et qu'aucun système d'arrosage n'était prévu. Il ajoute « certains jours on nous distribuait des masques et parfois quand on arrivait, il n'y en avait plus car le groupe d'avant avait tout pris. Il n'y avait pas assez de masques pour tout le monde. Les masques fonctionnaient mal car avec la chaleur et la transpiration ils se mouillaient et se bouchaient tellement il y avait de la poussière collée dessus. On devait enlever les masques pour pouvoir indiquer les man'uvres dangereuses et communiquer entre nous. ['] La poussière de rocher et de charbon nous tombait dessus, on ne pouvait pas s'en échapper. Elle était présente partout. Il n'y avait pas de système d'aspiration et d'évacuation dans l'air et de la poussière dans la mine. Personne ne nous a informé sur les dangers de cette poussière ».

L'inefficacité des systèmes de ventilation et d'abattage des poussières évoqués par l'employeur est mis en évidence par le fait que le témoin relate que des poussières étaient présentes dans l'atmosphère de travail et qu'il n'y avait pas de systèmes d'arrosage. Par ailleurs, ce dernier souligne le fait que les masques mis à leur disposition n'étaient pas adaptés alors que la poussière et la transpiration les bouchaient et qu'ils devaient les retirer pour communiquer.

Si l'AJE indique dans ses écritures qu'il a placé la santé de ses employés en tête de ses priorités en ne cessant de trouver des moyens pour améliorer le système d'arrosage, l'aération des galeries, et en mettant à la disposition des mineurs des masques de plus en plus efficaces, elle développe uniquement des considérations d'ordre général qui ne comportent aucun élément sur les conditions de travail concrètes de Monsieur [O] [E], ni sur la qualité des moyens de protection réellement mis à la disposition du salarié.

Aussi, l'ensemble des éléments qui précèdent confirment que l'employeur qui avait conscience du danger auquel Monsieur [O] [E] était exposé n'a pas pris les mesures nécessaires afin de protéger ce dernier des dangers liés à l'inhalation des poussières de silice, ceci alors qu'il n'a pas mis en place de mesures de protection collective (aération-arrosage) et individuelle (port du masque) suffisantes et efficaces.

Partant, il s'ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles dont souffre Monsieur [O] [E] doit être déclarée comme résultant de la faute inexcusable commise par l'employeur à son égard.

Le jugement entrepris, qui a retenu que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle du tableau n°25 de Monsieur [O] [E] n'était pas établie, sera donc infirmé.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE

Sur la demande d'expertise

Monsieur [O] [E] formule une demande d'expertise, si la cour l'estime nécessaire, afin de déterminer et d'évaluer ses préjudices par poste.

L'AJE sollicite le rejet de la demande d'expertise formée par Monsieur [O] [E] alors que ce dernier procède d'ores et déjà au chiffrage de ses prétentions.

Monsieur [O] [E] ne développe pas dans ses écritures d'arguments spécifiques relatifs à la mise en place d'une expertise médicale sur sa personne. Au regard des chefs de préjudices dont il fait état et des pièces versées au dossier, le recours à une mesure d'expertise n'apparaît pas nécessaire, alors que la cour s'estime suffisamment éclairée par les éléments du dossier et dispose des documents suffisants pour se prononcer sur les demandes indemnitaires de l'appelant.

La demande d'expertise médicale sera dès lors rejetée.

Sur la majoration de l'indemnité en capital

Aux termes de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l'article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l'article précédent [faute inexcusable de l'employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité [...] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ».

En l'espèce, compte tenu du taux d'incapacité permanente partielle qui lui a été reconnu (5%), Monsieur [O] [E] s'est vu allouer une indemnité en capital d'un montant de 1.950,38 euros à la date du 26 janvier 2016 (lendemain de la date de consolidation).

Aucune discussion n'existe à hauteur de cour concernant la majoration au maximum de l'indemnité en capital versée à Monsieur [O] [E], dans la limite de 1.950,38 euros, et dans les conditions telles que définies à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, étant admis que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de l'intéressé, et que le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle.

Sur les préjudices personnels de Monsieur [O] [E]

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale qu'« indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. [...] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ».

Sur les souffrances physiques et morales

Monsieur [O] [E] sollicite l'allocation d'un montant de 20.000 euros au titre de ses souffrances physiques et 40.000 euros en réparation de son préjudice moral.

L'AJE fait valoir que la date de consolidation coïncidant avec celle du certificat médical initial, il n'existe pas de période de maladie traumatique. Concernant la période postérieure à la consolidation de l'état de santé de la victime, il précise qu'il appartient à cette dernière de rapporter la preuve dudit préjudice. L'AJE souligne que les témoignages des proches de Monsieur [O] [E] ne sont pas accompagnés de pièces médicales, à l'exception du rapport médical d'évaluation du taux d'IPP mentionne une absence de retentissement fonctionnel respiratoire de la silicose dont est atteint l'appelant.

La Caisse s'en remet à l'appréciation de la cour.

*******************

Comme indiqué, il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la Caisse à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière du 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947).

En l'espèce, la victime, en application de l'article L.434-1 du code de la sécurité sociale, s'est vue attribuer une indemnité en capital, son taux d'incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d'admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d'incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage le déficit fonctionnel permanent.

Dès lors, Monsieur [O] [E] est recevable en sa demande d'indemnisation des souffrances physiques et morales subies, sous réserve qu'elles soient caractérisées.

S'agissant des souffrances physiques subies, Monsieur [O] [E] produit des pièces médicales (compte-rendu de consultation du 12 juin 2015, certificat médical initial, rapport médical d'évaluation du taux d'IPP en MP, dossier de la médecine du travail) (pièces n°6, 7, 9, 12 et 16), ainsi que l'attestation rédigée par sa fille (pièce n°13c).

Aux termes du rapport médical d'évaluation du taux d'IPP en MP (pièce n°9), et comme souligné à juste titre par l'AJE, le médecin-conseil a conclu que la silicose chronique dont est atteint Monsieur [O] [E] n'avait aucun retentissement fonctionnel respiratoire.

Par ailleurs, le témoignage de la fille de Monsieur [O] [E], si cette dernière fait état d'essoufflements de son père, ne permettent pas de rattacher ces symptômes à la pathologie dont il est atteint.

Monsieur [O] [E] sera débouté de sa demande d'indemnisation des souffrances physiques.

Concernant le préjudice moral, Monsieur [O] [E] était âgé de 64 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint de silicose. Le témoignage de sa fille (pièce n°13c de l'appelant) établit que le comportement de Monsieur [O] [E] a changé depuis la découverte de sa pathologie, ce dernier se montrant anxieux et craignant que sa maladie ne s'aggrave. Ces éléments caractérisent l'anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d'une maladie irréversible due à l'exposition aux poussières de silice et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance.

Le préjudice moral est donc caractérisé en l'espèce et sera réparé par l'allocation d'une somme de 15.000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause, et à l'âge de Monsieur [O] [E] au moment de son diagnostic.

Sur le préjudice d'agrément

L'indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu'il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d'une activité spécifique sportive ou de loisir qu'il lui est désormais impossible de pratiquer.

Monsieur [O] [E] sollicite l'indemnisation de son préjudice d'agrément à hauteur de 20.000 euros, sans donner davantage de détails sur ledit préjudice.

L'AJE s'oppose à l'indemnisation du préjudice d'agrément en indiquant que Monsieur [O] [E] ne produit pas d'éléments susceptibles de justifier d'un tel préjudice.

La Caisse s'en rapporte à la sagesse de la cour.

********

L'attestation de la fille de Monsieur [O] [E] (pièce n°13c de l'appelant) expose que ce dernier pratiquait la marche à hauteur de deux fois par semaine durant une trentaine de minutes mais qu'il refuse d'aller marcher avec sa famille depuis le diagnostic de la pathologie. Les activités de loisirs relatées par le témoin, à savoir le jardinage, le bricolage et la marche, ne constituent pas des activités spécifiques de loisirs distinctes de celles de la vie courante.

Dès lors, Monsieur [O] [E] ne justifiant pas suffisamment de l'existence de ce préjudice, il doit être débouté de sa demande formée à ce titre.

Sur le préjudice sexuel

En l'absence de tout élément de preuve, notamment médical, venant établir la réalité d'un tel préjudice, Monsieur [O] [E] est débouté de sa demande.

********

C'est en définitive la somme de 15.000 euros que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, devra verser à Monsieur [O] [E], au titre du préjudice moral subi par ce dernier, majorée du taux d'intérêt légal à compter de la présente décision.

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE

Aux termes de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, il apparaît « quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

En outre, les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d'indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L.452-3.

Aucune discussion n'existant à hauteur de cour quant à l'action récursoire de la CPAM de Moselle, venant aux droits de la CANSSM, cette dernière est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de l'AJE.

Par conséquent, l'AJE doit être condamné à rembourser à la CPAM de Moselle, les sommes qu'elle sera tenue d'avancer au titre de la majoration de l'indemnité en capital et des préjudices extrapatrimoniaux de Monsieur [O] [E].

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L'issue du litige conduit la cour à condamner l'AJE à payer à Monsieur [O] [E] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a dit condamné Monsieur [O] [E] aux dépens de première instance exposés à compter du 1er janvier 2019.

L'AJE, partie succombante, sera condamnée en outre aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du 29 mars 2022 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, sauf en ce qu'il a :

jugé recevables les demandes de Monsieur [O] [E] en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, ainsi que l'intervention à la procédure de l'Agent Judiciaire de l'Etat,

rejeté la demande de mesures d'instruction et de production de pièces formée par le demandeur,

déclaré le jugement commun çà la CPAM de Moselle,

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

DIT que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [O] [E] inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur, l'EPIC [5], anciennement [6], aux droits duquel vient l'Agent Judiciaire de l'État,

ORDONNE la majoration au maximum de l'indemnité en capital allouée à Monsieur [O] [E] au titre de sa maladie professionnelle n°25 dans les conditions telles que définies à l'article L.452-2 alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale, et dans la limite de 1.950,38 euros,

ORDONNE à la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, de verser cette majoration directement à Monsieur [O] [E],

DIT que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [O] [E] en cas d'aggravation de son état de santé due à sa maladie professionnelle du tableau n°25,

DIT qu'en cas de décès de Monsieur [O] [E] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle du tableau n°25, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

DEBOUTE Monsieur [O] [E] de sa demande d'expertise médicale,

FIXE l'indemnité en réparation du préjudice moral de Monsieur [O] [E] à la somme de 15.000 euros (quinze mille euros), et DIT que cette somme, qui portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, devra être versée à Monsieur [O] [E] par la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, et si besoin l'y CONDAMNE,

DEBOUTE Monsieur [O] [E] de ses demandes au titre des souffrances physiques, du préjudice d'agrément, et du préjudice sexuel,

CONDAMNE l'AJE à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, les sommes, en principal et intérêts, qu'elle aura versées à Monsieur [O] [E] au titre de la majoration de l'indemnité en capital et des préjudices extrapatrimoniaux de la victime, sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale,

CONDAMNE l'AJE à payer à Monsieur [O] [E] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'AJE aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01106
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;22.01106 ?
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