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24/06/2024 | FRANCE | N°21/02893

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 24 juin 2024, 21/02893


Arrêt n° 24/00285



24 Juin 2024

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N° RG 21/02893 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FUFV

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



10 Novembre 2021

19/00369

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt quatre Juin deux mille vingt quatre







APPELANTE :



Société [8]


[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Etienne GUIDON, avocat au barreau de NANCY



INTIMÉE :



URSSAF DE LORRAINE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me François BATTLE, avocat au barreau de ME...

Arrêt n° 24/00285

24 Juin 2024

---------------

N° RG 21/02893 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FUFV

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

10 Novembre 2021

19/00369

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt quatre Juin deux mille vingt quatre

APPELANTE :

Société [8]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Etienne GUIDON, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

URSSAF DE LORRAINE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 10.06.2023

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Mme Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL [8] a fait l'objet d'une vérification comptable par l'URSSAF Lorraine au titre de la période du ler janvier 2015 au 31 décembre 2017 en application des dispositions de l'article L.243-7 du Code de la Sécurité Sociale.

Dans la lettre d'observations du 21 septembre 2018, l'inspectrice en charge du contrôle a retenu sept chefs de redressement représentant un rappel de cotisations d'un montant global de 270 298 euros, à savoir :

1. indemnités voiture : 14 125€ ;

2. indemnités de grand déplacement : 222 123€ ;

3. indemnités de repas versées hors situation de déplacement : 5 412 € ;

4. prise en charge par l'employeur de contraventions : 2 171 € ;

5. rémunérations non soumises à cotisations : 24 496 € ;

6. primes diverses : 1 261 € ;

7. stagiaires ' franchises de cotisations applicables aux gratifications : 711 €.

La société [8] a contesté les termes de la lettre d'observations par courrier du 23 octobre 2018 sur 4 chefs de redressements (les points 1, 2, 3 et 5), à la suite duquel l'URSSAF Lorraine a maintenu l'intégralité du redressement entrepris.

Une mise en demeure datée du 19 novembre 2018 a par la suite été notifiée à la société le 21 novembre 2018 pour un montant total de 297 311 €, soit 270 298 € de cotisations augmentées de 27 013 € de majorations de retard.

Au cours de la saisine de la commission de recours amiable (CRA), par exploit du ler mars 2019 l'URSSAF Lorraine a fait signifier la contrainte n°0041117584 établie le 26 février 2019 pour un montant de 323 771 €.

Le 12 mars 2019 par requête déposée au greffe, la SARL [8] a formé opposition à la contrainte en soutenant les griefs portés devant la CRA, et en indignant que la contrainte délivrée ne lui permettait nullement de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation alléguée.

Par décision du 5 juillet 2019, notifiée le 18 novembre 2019, la CRA a rejeté le recours et confirmé la mise en demeure.

Le 12 décembre 2019 la SARL [8] a déposé une contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Metz.

Enregistrée sous la référence 19/02060, l'instance a été jointe à la présente procédure le 15 octobre 2020.

Par jugement du 10 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

- DECLARE la SARL [8] recevable en son opposition à contrainte ;

- DIT valide la contrainte n°0041117584 établie le 26 février 2019 par l'URSSAF Lorraine ;

- ANNULE la mise en demeure n°0041135259 du 19 novembre 2018 pour le premier chef du redressement portant sur les indemnités voiture pour la somme de 14 125 € ;

- L'A VALIDE pour le surplus ;

- VALIDE la contrainte n°0041117584 établie le 26 février 2019 pour la somme ramenée à 283 186€ majorations comprises, dont à déduire celles se rapportant à la somme de 14 125 € ;

- CONDAMNE la SARL [8] aux frais de significations de la contrainte ;

- CONDAMNE chacune des parties à conserver la charge des dépens exposés ;

- DEBOUTE l'URSSAF Lorraine au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier recommandé expédié le 29 novembre 2021, la société [8] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 15 novembre 2021.

Par conclusions du 27 février 2024, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, la société [8] demande à la cour de :

- Déclarer recevable le recours de la société [8],

Statuant à nouveau

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Annulé la mise en demeure n°0041135259 du 19 novembre 2018 pour le premier chef du redressement portant sur les indemnités voitures pour la somme de 14 125€ ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Dit valide la contrainte n°0041117584 établie le 29 février 2019 par l'URSSAF Lorraine ;

* Validé la mise en demeure n°0041135259 du 19 novembre 2018, à l'exception du premier chef de redressement portant sur les indemnités voitures pour la somme de 14 125€ ;

* Validé la contrainte n°0041117584 établie le 29 février 2019 pour la somme ramenée à 283 186€ majorations comprises, dont à déduire celles se rapportant à la somme de 14 125€

* Condamné la société [8] aux frais de signification de la contrainte,

Statuant à nouveau

- Déclarer justifiée et recevable l'opposition de la société [8] à la contrainte n°0041117584 établie le 29 février 2019 ;

- Dire et Juger que les chefs de redressement : n°2 - Indemnité de grand déplacement (222 123€) ; n°3 - Indemnité de repas versée hors situation de déplacement ( 5 4126€) ; n°4 - Prise en charge par l'employeur de contraventions (2 1716€) ; n°5 - Rémunérations non soumises à cotisations (24 496€) ; n°6 - Primes Diverses (1 261€) ; et n °7 - Stagiaires ' Franchises de cotisations applicables aux gratifications (711€) contestés doivent être annulés ;

- Annuler la contrainte en ce qu'elle est irrégulière dans la forme et infondée sur le fond ;

En tout état de cause :

- Condamner l'URSSAF aux entiers dépens ;

- Condamner l'URSSAF à verser à la société [8] la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.

Par conclusions du 10 novembre 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, l'URSSAF Lorraine demande à la cour de :

- Déclarer la SARL [8] recevable mais mal fondée en son appel,

En conséquence,

- La débouter de l'intégralité de ses demandes et confirmer, en toutes ses dispositions, la décision entreprise,

- Condamner, à hauteur d'appel, la SARL [8] à payer à l'URSSAF Lorraine la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la SARL [8] aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR LA VALIDITE DE LA CONTRAINTE

La société [8] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la contrainte n°0041117584 qui lui a été délivrée lui avait permis de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. Elle souligne que la contrainte portait sur un montant de 323 771€ et visait plusieurs mises en demeure, alors que la mise en demeure du 19 novembre 2018 portait sur une somme de 297 311€.

L'URSSAF Lorraine sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle souligne que la contrainte litigieuse permettait au débiteur de connaître la cause, la nature, la date et le montant des sommes réclamées.

************************

Il est constant que la contrainte décernée pour le recouvrement de cotisations et contributions doit permettre au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Il sera également rappelé que le paiement partiel d'une partie des sommes réclamées dans la contrainte est sans emport sur la validité de celle-ci.

En l'espèce, la contrainte n°0041117584 émise le 26 février 2019 et signifiée le 1er mars 2019 (pièce n°7 de l'URSSAF) porte sur un montant de 323 771€ et regroupe les réclamations de 4 mises en demeure dûment notifiées à l'appelante :

- mise en demeure n°0041117584 en date du 28 septembre 2018 pour absence de versement des cotisations d'août 2018, d'un montant de 6 376 €, notifiée par LRAR reçue le 1er octobre par la société [8] (pièce n°2 de l'URSSAF) ;

- mise en demeure n°0041130485 en date du 29 octobre 2018 pour majorations de retard complémentaires et absence de versement des mois de mai et septembre 2018, d'un montant de 12.419 € notifiée par LRAR reçue le 2 novembre 2018 par l'appelante (pièce n°3 de l'URSSAF) ;

- mise en demeure n°0041135259 en date du 19 novembre 2018 d'un montant de 297 311 € pour les chefs de redressement de la lettre d'observations du 21 septembre 2018 concernant les années 2015 à 2017, notifiée par LRAR reçue le 21 novembre 2018 par l'appelante (pièce n°4 de l'URSSAF) ;

- mise en demeure n°0041147027 en date du 29 novembre 2018 d'un montant de 7 665 € pour absence de versement des cotisations d'octobre 2018, notifiée par LRAR reçue le 8 décembre 2018 (pièce n°5 de l'URSSAF).

Il résulte ainsi de la lecture de chacune desdites mises en demeure, dont l'appelante a parfaitement eu connaissance, que les sommes réclamées et leur cause y sont clairement détaillées, et que la contrainte litigieuse, qui en reprend les dates, montants et les causes apparait ainsi parfaitement établie.

Par ailleurs, il ne saurait résulter du paiement partiel par la société [8] de certaines des sommes réclamées par l'URSSAF Lorraine, une quelconque nullité de la contrainte.

En conséquence, le moyen tiré de la nullité de la contrainte ne saurait être accueilli favorablement.

Au vu de ces éléments, il y a donc lieu de valider la contrainte litigieuse et confirmer le jugement entrepris sur ce point.

SUR LE BIEN FONDE DE LA CREANCE

Il sera tout d'abord relevé par la cour que les dispositions du jugement entrepris relatives au chef de redressement n°1 sur l'exonération de charges en lien avec « l'indemnité voiture » ne sont pas contestées par l'URSSAF Lorraine, qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, si bien que ce point ne sera pas discuté par la cour.

Sur le chef de redressement n°2 : indemnités de grand déplacement

La société [8] conteste ce chef de redressement, faisant valoir que la somme forfaitaire qu'elle verse à ses salariés en grand déplacement est justifiée, outre les frais supplémentaires qu'ils doivent engager, et que cette somme forfaitaire doit être exonérée de charges. Elle rappelle qu'il est loisible à l'employeur de panacher les modalités de prise en charge en remboursant les frais à la fois sur la base du réel et à la fois sur la base du forfait. Elle soutient que l'URSSAF ayant par ailleurs contrôlé sa filiale [5] en 2016, il en résulte l'existence d'un accord tacite, puisque la société contrôlée usait des mêmes pratiques que la société [8] quant aux indemnités litigieuses, et qu'aucune irrégularité n'avait alors été relevée.

L'URSSAF Lorraine fait valoir que le redressement est justifié dès lors que le contrôle a révélé que la société [8] prenait intégralement en charge les frais de repas et d'hébergement pour ses salariés en grand déplacement, de sorte que ceux-ci n'ont aucun frais supplémentaire lié à leur situation d'éloignement. Elle réfute l'existence d'un accord tacite dès lors que le constat éventuellement fait pour une filiale n'est pas transposable à une autre entreprise du groupe et ne peut constituer un accord tacite.

**************************

Sur l'accord tacite

Il est constant que, dès lors que l'organisme de recouvrement s'est abstenu de critiquer, à l'occasion d'un précédent contrôle la pratique, connue de lui, suivie par un employeur dans la détermination de l'assiette des cotisations, son silence équivaut à une acceptation implicite de la pratique en question.

Il incombe à l'employeur de préciser les éléments et les circonstances du contrôle de nature à caractériser la décision implicite de l'URSSAF, et notamment de rapporter la preuve d'une décision non équivoque de l'URSSAF approuvant la pratique litigieuse.

L'existence d'un accord tacite de l'URSSAF doit s'apprécier au regard des contrôles effectués dans la même entreprise sans qu'il soit possible de se référer au contrôle opéré dans une autre entité juridique du même groupe.

Il appartient alors aux juges du fond d'apprécier souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui leur sont soumis pour juger de l'existence d'un accord tacite.

En l'espèce, comme relevé par les juges du fond, il convient de relever en premier lieu que le statut de filiale de la société [5], tel qu'affirmé par la société [8], apparaît insuffisamment établi, dès lors que ne sont produits aux débats qu'un organigramme établi par l'appelante elle-même, ainsi que des bulletins de paie de la filiale alléguée (ses pièces n°11-12).

Par ailleurs, comme rappelé ci-dessus, à supposer établi le fait que la société [5] soit une filiale de la société [8], un contrôle opéré dans la première exclut l'existence d'un accord tacite de l'organisme de contrôle dans la seconde, seuls les contrôles effectués au sein d'une même entreprise ou établissement pouvant servir de référence dans le cadre d'un redressement opéré par l'URSSAF.

Sur le fond

En vertu de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, la déduction des frais professionnels de l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale constitue une exception à la règle de l'assujettissement des sommes et avantages versés en contrepartie ou à l'occasion du travail.

Des lors, la qualification de remboursement de frais professionnels est retenue de façon limitative et doit répondre à la définition donnée par l'article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002 : les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

En vertu de l'article 5 de cet arrêté, l'indemnisation des frais professionnels au titre des grands déplacements s'effectue pour la métropole de la façon suivante :

« Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner chaque jour sa résidence habituelle, les indemnités de missions destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas le montant prévu au 1° de l'article 3 du présent arrêté.

S'agissant des indemnités de mission destinées à compenser les dépenses supplémentaires de logement et du petit déjeuner, elles sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas par jour 54 Euros pour le travailleur salarié ou assimilé en déplacement à [Localité 7] et dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et par jour 40 Euros pour les travailleurs salariés ou assimilés en déplacement dans les autres départements de la France métropolitaine ;

Le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller). Toutefois, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est considéré comme étant dans la situation de grand déplacement [...] ».

Ainsi, pour bénéficier d'une déduction sur les indemnités forfaitaires de grand déplacement versées à ses salariés, l'employeur doit justifier que ces indemnités sont destinées à compenser des dépenses supplémentaires de repas et de logement, la présomption d'utilisation conforme dans les limites fixées réglementairement ne pouvant jouer qu'une fois cette preuve rapportée.

Même si les deux conditions cumulatives de distance et de temps sont réunies et que la société a opté pour le versement d'allocations forfaitaires, il lui appartient de justifier de l'engagement effectif par ses salariés de frais supplémentaires liés à la mission pour bénéficier du jeu de la présomption.

Il appartient donc à la société appelante, qui entend verser des indemnités forfaitaires de grand déplacement, d'apporter la preuve, par tous moyens, que les salariés concernés se sont effectivement trouvés en situation de déplacement professionnel et qu'ils ont ainsi eu des frais de double résidence, étant empêchés de regagner leur domicile.

En l'espèce, si la société [8] indique que les frais de grand déplacement qu'elle prend en charge au réel ne prennent pas en compte les frais de transport à la charge de ses salariés, ce qui justifie, pour les frais de grands déplacements, un panachage entre le remboursement de certains frais au réel et le versement d'une somme forfaitaire exonérée de charges sociales, il résulte des textes susvisés qu'il lui appartient, afin de justifier l'allocation d'une somme forfaitaire supplémentaire au remboursement de certains frais au réel, de démontrer précisément l'engagement effectif par chacun des salariés concernés de frais supplémentaires de grands déplacements liés à leur maintien sur leurs lieux de mission, ainsi que le caractère partiel de la prise en charge au réel par l'employeur de desdits frais.

Or, force est de constater en l'espèce que la société [8] se montre défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe, ne produisant aucun décompte, ni pièces permettant de démontrer l'existence de frais supplémentaires liés à la situation d'éloignement de ses salariés, si bien que les conditions d'une exonération de charges sociales ne sont pas démontrées.

Le jugement contesté est confirmé sur ce chef de redressement.

Sur le chef de redressement n°3 : indemnité de repas versée hors situation de déplacement

La société [8] fait valoir que certains de ses salariés travaillant dans ses locaux à [Localité 2] perçoivent une indemnité forfaitaire de repas de 15€ dès lors que leur domiciliation dans la banlieue nancéenne ne leur permet pas de regagner leur résidence pour le repas, et qu'ils s'exposent ainsi à des frais.

L'URSSAF Lorraine soutient que la situation des salariés concernés ne justifie pas une exonération de charges.

****************************

L'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002, modifie par l'arrêté du 25 juillet 2005, portant sur les frais professionnels déductibles des cotisations, prévoit que :

« Les indemnités liées à des circonstances de fait qui entrainent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas les montants suivants :

1° Indemnité de repas

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 15 Euros par repas ;

2° Indemnité de restauration sur le lieu de travail

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, telles que travail en équipe, travail poste, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 5 Euros ;

3° Indemnité de repas ou de restauration hors des beaux de l'entreprise :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des [Localité 6] de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 7,5 Euros ».

En l'espèce, il ressort des opérations de contrôle et de la lettre d'observations du 21 septembre 2018 que certains salariés situés à [Localité 2], adresse du siège de la société [8], percevaient une indemnité forfaitaire de 15€ exonérée de charges sociales. Or, ces salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise et bénéficiant ainsi d'une pause déjeuner, ils n'étaient aucunement soumis aux conditions particulières de travail énoncées par le texte susvisé.

La société [8] n'apportant aucun élément probant pour justifier le bénéficie d'une exonération de charges, ce chef de redressement est donc confirmé.

Sur le chef de redressement n°5 : rémunérations non soumises à cotisations

La société [8] indique que les sommes versées aux deux sous-traitants concernés par le chef de redressement l'ont été dans l'ignorance de la situation de leur irrégularité et qu'un manque de vigilance ne saurait lui être reproché.

L'URSSAF Lorraine rappelle que la comptabilité de la société [8] a permis de découvrir l'existence de paiements sous le titre « sous-traitants sur chantiers » à des personnes ne disposant d'aucun numéro SIRET ou de compte URSSAF. Elle précise n'avoir pas, à titre exceptionnel, relevé de situation de travail clandestin, mais avoir intégré les montants versés à ces sous-traitants dans l'assiette de calcul des cotisations sociales.

*************************

L'article L.311-2 du code de la sécurité sociale énonce que sont obligatoirement affiliées aux assurances sociales du régime général toute personne, salariée ou travaillant à quelque titre ou lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs, quels que soient la nature et le montant des rémunérations, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

Comme relevé par les premiers juges, il convient de constater que la société [8] ne produit aucune pièce, y compris à hauteur d'appel, lui permettant d'affirmer qu'elle ne pouvait connaître l'absence d'immatriculation des sous-traitants concernés.

Ainsi, en l'absence d'éléments contraires, dès lors qu'il résulte des constatations de l'URSSAF Lorraine que les sous-traitants en cause ont participé à l'économie de la société [8], les montants qui leur ont été versés sont assimilables à des rémunérations versées en contrepartie d'un travail, et donc, comme telles, sont soumises à cotisations.

Le jugement entrepris est donc confirmé en toutes ses dispositions.

SUR LES DEMANDES ANNEXES

La société [8] succombant en son recours est déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et est condamnée à payer à l'URSSAF Lorraine la somme de 2000€ sur le fondement du même article.

La société [8] est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 10 novembre 2021 ;

DEBOUTE la société [8] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [8] à payer à l'URSSAF Lorraine la somme de 2000€ (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [8] aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 21/02893
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;21.02893 ?
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