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19/06/2024 | FRANCE | N°22/02373

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 19 juin 2024, 22/02373


ARRÊT N°24/00205



19 Juin 2024



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N° RG 22/02373 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F2P3

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Conseil des Prud'hommes de Nancy

Décision du 11 octobre 2016



Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

Arrêt du 11 Octobre 2016



Cour de cassation

Arrêt du 6 juillet 2022



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale

-Section 1



RENVOI APRÈS CASSATION





ARRÊT DU



dix neuf Juin deux mille vingt quatre





DEMANDEUR À LA REPRISE D'INSTANCE :



Monsieur [A] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représe...

ARRÊT N°24/00205

19 Juin 2024

------------------------------

N° RG 22/02373 - N° Portalis DBVS-V-B7G-F2P3

------------------------------

Conseil des Prud'hommes de Nancy

Décision du 11 octobre 2016

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

Arrêt du 11 Octobre 2016

Cour de cassation

Arrêt du 6 juillet 2022

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRÊT DU

dix neuf Juin deux mille vingt quatre

DEMANDEUR À LA REPRISE D'INSTANCE :

Monsieur [A] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ

Représenté par Me Yann BENOIT, avocat au barreau de NANCY

DÉFENDEUR À LA REPRISE D'INSTANCE :

S.A.S. [N] VERANDALIA Prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Monsieur Alexandre VAZZANA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [B] a été employé par la société [N] Verandalia de 1985 à 1993 en qualité de menuiser. Il est devenu VRP à compter de 1993 avant de démissionner en 2000.

M. [B] a été embauché à nouveau par la société [N] Verandalia en qualité de VRP exclusif par contrat du 19 septembre 2005 avec reprise d'une ancienneté de 14 ans et 3 mois. Il a démissionné le 31 décembre 2008.

Les parties ont conclu un contrat de VRP exclusif le 18 mars 2013 sans reprise d'ancienneté, mais celle acquise à la fin du contrat de travail signé le 19 septembre 2005 a été mentionnée sur les bulletins de paie.

M. [B] a été placé en arrêt maladie à compter de décembre 2013. A partir de février 2014 les bulletins de paie délivrés à M. [B] n'ont plus mentionné l'ancienneté acquise sous l'empire du précédent contrat ayant lié les parties.

Par requête du 29 juillet 2014 M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy dans sa formation de référé afin que l'employeur lui restitue son ancienneté.

Par ordonnance du 8 septembre 2014 la société [N] Verandalia a été condamnée à restituer à M. [A] [B] son ancienneté prenant en compte les précédents contrats, sous astreinte.

Par arrêt du 20 mars 2015, la cour de Nancy a infirmé cette ordonnance et a débouté M. [B] de sa demande tendant à voir ordonner à l'employeur de lui restituer son ancienneté.

Par requête du 30 septembre 2014, M. [A] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins d'obtenir la reprise de son ancienneté et la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Au cours de la procédure prud'homale M. [B] a été licencié pour inaptitude le 28 avril 2015.

Par jugement du 11 octobre 2016, le conseil de prud'hommes de Nancy a débouté M. [A] [B] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné aux dépens.

Suite à l'appel interjeté par M. [B], la cour d'appel de Nancy a confirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a débouté M. [A] [B] de ses demandes en rappel de salaire sur prime d'ancienneté, au titre du maintien de salaire pendant son arrêt de travail, au titre de l'indemnité spéciale de rupture, et l'a infirmé pour le surplus ; la cour d'appel a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société [N] Verandalia avec effet au 28 avril 2015, et condamné la société [N] Verandalia à verser à M. [A] [B] les sommes de 7 178,18 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 717,81 euros brut à titre de congés payés sur préavis, 13 113,50 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, 36 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société [N] Verandalia aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [A] [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suite au pourvoi interjeté par la société [N] Verandalia, la Cour de cassation a, par arrêt en date du 6 juillet 2022, partiellement cassé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy comme suit :

« CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 28 avril 2015, condamne la société [N] Verandalia, aux droits de laquelle se trouve la société [N], à payer à M. [B] les sommes de 7 178,18 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, 13 113,50 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, 36 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société [N] Verandalia de sa demande en application du même texte et la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 25 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. [B] aux dépens ; ».

La Cour de cassation a, au visa de l'article 455 du code de procédure civile retenu que la cour d'appel de Nancy avait « En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui soutenait, pour renverser la présomption de reprise d'ancienneté, que le salarié n'avait pas bénéficié d'une prime d'ancienneté lors de sa réembauche en 2013, contrairement à sa réembauche intervenue en 2005, que cela signifiait que les parties avaient décidé de reprendre l'ancienneté en 2005 mais pas en 2013, que le salarié ne s'était pas plaint de l'absence de paiement d'une prime d'ancienneté depuis sa réembauche en 2013 et que ce dernier était donc d'accord pour une non-reprise d'ancienneté à compter de mars 2013, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. ».

Par déclaration de saisine en date du 10 octobre 2022 M. [B] a régulièrement saisi la présente cour d'appel de renvoi.

Dans ses conclusions en date du 20 février 2023, M. [B] demande à la présente cour de renvoi de statuer comme suit :

« Infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que Monsieur [B] devait bénéficier d'une reprise d'ancienneté.

En conséquence,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

Dire et juger qu'il produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner la Sas [N] à verser à M. [B] les sommes suivantes :

- 7 178,18 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 717,81 euros à titre de congés payés sur préavis

- 13 638, 50 euros d'indemnité de licenciement

- 80 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. ».

M. [B] soutient que les rapports entre les parties étaient excellents puisqu'il a à nouveau été engagé par la SAS [N] selon contrat de VRP exclusif à compter du 18 mars 2013 avec une reprise d'ancienneté omise dans son contrat de travail mais figurant sur les bulletins de salaire à partir de 2013 et en 2014.

Il indique qu'aucun incident n'a été à déplorer jusqu'au jour où il a eu un important problème de santé dont l'origine n'est pas professionnelle en décembre 2013, qui l'a contraint à subir plusieurs hospitalisations. Il précise que dès 2014 son ancienneté a été modifiée, et qu'il a réagi en écrivant le 28 mars 2014 à l'employeur pour lui signaler ce retrait injustifié et obtenir le complément de salaire correspondant.

Sur la reprise d'ancienneté, M. [B] rappelle que la date d'ancienneté mentionnée dans le bulletin de paie vaut présomption simple de reprise d'ancienneté.

Il fait valoir que les parties n'ont jamais spécifiquement entendu écarter la présomption de reprise d'ancienneté ; ainsi lors de la conclusion du deuxième contrat en 2005, si aucune clause de reprise d'ancienneté ne figurait expressément la société avait reconnu l'existence de cette reprise d'ancienneté.

Il se prévaut du témoignage Mme [U], ancienne salariée de l'entreprise, qui atteste avoir assisté à l'entretien entre lui-même et la société [N] et que l'accord des parties consistait à maintenir l'ancienneté du salarié.

Il considère qu'en l'absence de stipulations expresses visant à exclure la reprise d'ancienneté et à renverser la preuve établie par les bulletins de paie, il y a lieu de se référer à la volonté des parties d'appliquer volontairement la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Il soutient que les parties ont volontairement appliqué cette convention collective, qu'une référence expresse y a été apportée dans les bulletins de salaire même si en principe elle ne s'applique pas aux VRP.

Il ajoute qu'il a bénéficié d'indemnités pendant son hospitalisation du 11 au 17 avril 2013 alors que s'il avait effectivement eu 11 mois d'ancienneté il n'aurait pas dû percevoir les indemnités.

Il retient qu'à cette présomption s'ajoute l'attitude de l'employeur, qu'il a été engagé en exécution de trois contrats de travail, dont les deux derniers étaient identiques et avec son ancienneté reprise dans le cadre du deuxième contrat.

Il considère que le fait pour l'employeur de ne pas avoir versé de prime d'ancienneté, sans que lui-même n'ait émis de contestation, ne pouvait s'analyser comme la volonté implicite de sa part d'accepter une absence de reprise d'ancienneté et ne traduit qu'une tardiveté de sa réaction qui ne peut lui être reprochée d'autant plus que l'employeur a également tardé en modifiant les bulletins de salaire onze mois après le début du contrat de travail.

M. [B] conteste la valeur probante du témoignage de M. [P] qui est un administrateur de la société dont le contenu est contredit par celui de Mme [U] qui a assisté à l'entretien lors duquel avait été convenu avec l'employeur que l'ancienneté devait être maintenue.

Il conteste également la pertinence de l'attestation de l'expert-comptable qui n'a pas de valeur dans la mesure où il n'est pas juriste et ne peut donc trancher la difficulté, n'a pas été témoin de l'accord intervenu, et n'indique d'ailleurs pas que l'employeur aurait demandé une remise à zéro des compteurs de l'ancienneté qui avait été reprise lors du deuxième contrat.

Au soutien de ses prétentions concernant la résiliation judiciaire M. [B] se prévaut de ce qu'il a été indûment privé de son ancienneté, avec toutes les conséquences que cela implique sur le versement de la prime d'ancienneté et sur l'absence de délai de carence, et de ce qu'il a été « sanctionné » par cette suppression d'ancienneté au moment où il connaissait des difficultés de santé, ce qui s'analyse comme une sanction discriminatoire en raison de la maladie du salarié et justifie que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Dans ses conclusions datées du 1er février 2023 la société [N] Verandalia demande à la cour de statuer comme suit :

« Rejeter l'appel interjeté par M. [A] [B],

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 11 octobre 2016, au besoin par adjonction ou substitution de motifs,

Déclarer la demande de M. [B] tendant à la condamnation de la SAS [N] au titre de l'indemnité spéciale de rupture irrecevable, faisant droit à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée,

Débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions tant irrecevables qu'infondées,

Condamner M. [B] aux entiers frais et dépens,

Condamner M. [B] à payer à la SAS [N] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC. ».

Sur l'irrecevabilité de la demande au titre de l'indemnité spéciale de rupture la société rappelle que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Sur la reprise d'ancienneté de M. [B], la société intimée soutient que la commune volonté des parties ne saurait se déduire d'un précédent contrat et de négociations contractuelles pour lesquelles l'employeur avait prévu la reprise d'ancienneté dans la mesure où il bénéficiait d'une aide versée par l'ANPE, ce qui n'est pas le cas du dernier contrat.

La société [N] Verandalia émet notamment les observations suivantes en réponse aux arguments du salarié :

- Sur l'application de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 par les parties :

Les seules dispositions conventionnelles applicables sont celles des VRP figurant sur les bulletins de paie. Outre l'exclusion formelle des VRP concernant les dispositions conventionnelles revendiquées par M. [B], la jurisprudence constante de la Cour de cassation retient qu'ils ne peuvent pas prétendre, en plus des avantages conférés par ce statut légal de VRP ou de leur statut interprofessionnel spécifique, aux dispositions de la convention collective de leur employeur. Par ailleurs, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que si le salarié peut toujours se prévaloir de la convention collective applicable à l'employeur, s'agissant des VRP c'est uniquement pour les dispositions qui précisent expressément qu'elles s'appliquent aux VRP ce qui n'est pas le cas de la convention collective de la métallurgie de Meurthe-et-Moselle.

II importe peu que les bulletins de salaire mentionnent la convention collective applicable à l'employeur.

- Sur le bénéfice d'une indemnité pendant l'hospitalisation du salarié du 11 au 17 avril 2013 :

le bulletin de paie du mois concerné révèle que M. [B] n'a pas été intégralement payé.

- Sur l'identité des deux derniers contrats :

Le contrat de 2013 est différent de celui de 2005 en termes de fonctions, d'attributions et de rémunération, et la prime d'ancienneté a été refusée par l'employeur en 2013 lors des négociations précontractuelles, et n'a pas été versée ni réclamée par M. [B] pendant près de 11 mois à compter de sa réembauche en 2013.

- Sur la mention de l'ancienneté sur les bulletins de salaire :

Elle résulte d'une erreur informatique et le comptable de la société a témoigné en ce sens, et la comparaison avec les fiches de paie de 2005 fait clairement apparaître une ligne sous l'avance sur commission mentionnant la prime d'ancienneté de 138 euros brut par mois. Ce n'est que le 28 mars 2014 que M. [B] a prétendu que la reprise d'ancienneté lui avait été accordée dès son retour.

La société [N] Verandalia souligne que le témoignage de Mme [U] dont se prévaut M. [B] est contredit par les attestations qu'elle produit, et ajoute que tous les témoins relatent que jamais cette personne n'a assisté à une embauche ou signature d'un contrat de travail.

Elle fait valoir qu'aucune reprise d'ancienneté n'a été négociée en 2013, que M. [B] n'a pas bénéficié du versement de la prime d'ancienneté afférente à une reprise d'ancienneté, et qu'à aucun moment au cours des 11 premiers mois il n'a formé une quelconque réclamation à ce titre.

Elle rappelle que cette erreur matérielle a été actée par la cour d'appel de Nancy en 2015, d'autant plus qu'elle porte sur la seule indication de l'ancienneté, en l'absence de versement d'une prime d'ancienneté y afférente.

Sur la rupture et les prétentions de M. [B] au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail, la société [N] rappelle que les manquements invoqués doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Elle retient que la demande de reprise d'ancienneté est infondée, que la convention collective nationale des VRP en son article 18 ne prévoit pas une telle reprise d'ancienneté la cour d'appel de Nancy ayant tranché cette question en déboutant le salarié de sa demande tant de reprise d'ancienneté que de modification des bulletins de salaire.

La société intimée conteste que M. [B] ait été sanctionné en raison de ses problèmes de santé et soutient qu'il n'y a eu aucune discrimination en raison de la maladie. Elle précise que M. [B] n'a pas subi de pertes de salaires.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour rappelle que sa saisine dans le cadre d'une procédure de renvoi après cassation et annulation partielle est limitée aux seules dispositions de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy relatives :

- au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [B] avec effet au 28 avril 2015, et à la condamnation de la société [N] à payer à M. [B] les sommes de

7 178,18 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 13 113,50 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, 36 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- au débouté de la société [N] Verandalia de sa demande en application du même texte et sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel.

Les autres dispositions de l'arrêt du 25 avril 2018 qui a retenu que M. [B] ne pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de la convention collective de travail des industries de transformation des métaux de Meurthe et Moselle, et qui a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire sur prime d'ancienneté, de maintien de salaire pendant son arrêt de travail et d'indemnité spéciale de rupture sont définitives.

Sur la reprise d'ancienneté de M. [B]

En vertu d'une jurisprudence constante, la date d'ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur à rapporter la preuve contraire (Soc. 21 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.054 ; Soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 17-19.381).

L'employeur est en droit de rapporter la preuve contraire, qui n'est pas établie par l'absence de mention de reprise d'ancienneté au contrat de travail (Soc., 9 mars 2016, pourvoi n° 15-10.990). Si l'employeur invoque une erreur, il lui appartient d'en justifier.

En l'espèce le contrat de VRP exclusif signé par les parties le 18 mars 2013 qui prévoit l'embauche M. [B] à compter du même jour ne mentionne pas une reprise de l'ancienneté acquise lors de deux périodes d'embauches précédentes, mais les bulletins de salaire délivrés prévoient jusqu'au mois de février 2014 une ancienneté retenant les embauches antérieures, qui était ainsi renseignée comme étant au mois de mars 2013 de 17 ans et 7 mois, au mois de janvier 2014 de 18 ans et 5 mois en janvier 2014, puis de 11 mois à compter de février 2014.

Au soutien de la démonstration qui lui incombe de ce que les parties n'ont pas convenu la reprise de l'ancienneté de M. [B], la société [N] expose en premier lieu que d'autres modalités contractuelles avaient été appliquées lors de la seconde embauche en 2005, qui touchaient notamment aux fonctions et à la rémunération du salarié, que le contrat de travail ne prévoyait pas une clause de reprise mais que les primes d'ancienneté avaient toujours été versées à M. [B] car compensées par une aide publique mensuelle de 760 euros pendant un an (sa pièce n° 7).

Si M. [B] rétorque que « les stipulations du troisième contrat reprennent ce qui avait été mis en place lors du deuxième », la société [N] souligne avec justesse que « les données similaires résultent de l'absence de mention de clause de reprise d'ancienneté ». En outre le salarié ne conteste pas avoir toujours perçu la prime d'ancienneté correspondant aux mentions portées sur son bulletin de paie au cours de sa deuxième période d'embauche, et ne jamais l'avoir perçue à partir de sa troisième embauche.

La société [N] explique que la prise en compte de l'ancienneté à partir du 18 mars 2013 est le résultat d'une erreur informatique, que M. [B] n'a jamais formulé aucune réclamation concernant l'absence de perception d'une prime correspondant à cette mention erronée, et que la première réclamation du salarié n'a été formulée que par un courrier du 28 mars 2014. La cour observe que cet écrit de M. [B] évoque non pas l'absence de paiement de la prime d'ancienneté depuis son embauche mais la modification sur la fiche de salaire de février 2014 de l'« ancienneté que vous avez bien voulu m'accorder dès mon retour et figurant sur l'ensemble de mes bulletins de paie » (pièce n° 2 de l'employeur).

Au titre de l'erreur informatique à l'origine de la reprise d'ancienneté sur les fiches de salaires, la société [N] produit le témoignage de l'expert-comptable chargé de l'édition des bulletins de paie, M. [V], qui a attesté le 20 décembre 2014 (sa pièce n° 4):

« La mention "Ancienneté" pour la période mars 2013 à janvier 2014 figurant sur le bulletin de M. [B] [A] résulte d'une erreur informatique du logiciel de paie Sage.

En effet, dans le logiciel de paie de la société [N], le profil de salarié de M. [N] existait déjà jusqu'auparavant de 2005 à 2008.

Lors de son embauche, le profit du salarié existait déjà dans le logiciel de paye Sage et n'a pas été recréé.

Dans le logiciel de paie Sage, le compteur concernant l'ancienneté n'a pas été remis à zéro par manque de connaissance du logiciel.

L'ancienneté figurant sur le bulletin de paie comportait les cumuls d'ancienneté des deux contrats précédents de M. [B] [A].

Après avoir découvert cette erreur, elle a été rectifiée en février 2014 ».

La société [N] produit également au soutien de cette erreur de saisie informatique le témoignage d'un autre salarié de l'entreprise, M. [N] (fils du dirigeant) qui fait état d'un paramétrage de données par défaut reprenant dès l'enregistrement initial les données contenues (sa pièce n° 17) ainsi qu'une capture d'écran illustrant les informations sommaires enregistrées (sa pièce n° 18).

Les critiques émises par M. [B] sur la pertinence du témoignage de l'expert-comptable (« il n'est pas juriste et ne peut donc trancher la difficulté, et n'a pas davantage été présent pour connaître les souhaits des parties ») sont parfaitement inopérantes, étant rappelé qu'aucune prime d'ancienneté n'a été versée au salarié à compter de sa troisième embauche.

Au titre de l'absence de tout accord convenu entre les parties concernant une reprise d'ancienneté la société [N] se prévaut du contenu du témoignage rédigé le 20 décembre 2014 par M. [P], retraité, (sa pièce n° 14) qui rapporte qu'il a rendu visite au dirigeant de l'entreprise le 18 mars 2013 et que leur conversation a été interrompue par un salarié ' M. [B] - et que bien que s'étant éloigné il a pu entendu une partie des échanges ayant trait au secteur de prospection (M. [B] souhaitant retrouver la Meurthe et Moselle au lieu de [Localité 5] et [Localité 6]), à l'octroi d'une prime d'ancienneté refusée par l'employeur compte tenu de l'avance sur commissions octroyée, et au véhicule affecté à l'usage professionnel du salarié.

M. [B] conteste la valeur probante de ce témoignage dont il met en doute la sincérité en faisant valoir que son auteur était administrateur, mais la société [N] précise et justifie qu'elle n'avait plus d'administrateur dès février 2014 suite à un changement de forme juridique. Au demeurant, les indications qu'il contient sont précises et circonstanciées.

M. [B] se prévaut également du témoignage de Mme [Y] [U], ancienne secrétaire de la société, qui le 27 octobre 2016 a attesté que :

« M. [B] [A] et moi-même avons assisté à l'embauche de ce dernier dans le bureau de M. [N] [S]. J'atteste que M. [B] devait conserver son ancienneté à son nouvel embauche au sein de l'entreprise ce que M. [N] [S] avait accepté.

Actuellement je ne suis plus employée au sein de l'entreprise depuis le 5.09.2016 mais y avait travaillé 22 ans comme secrétaire. Sur ce je certifie que M. [F] [P] n'était en aucun cas présent le jour du contrat entre les 2 parties contrat signé le 18.03.2013 et qu'aucune autre personne n'était d'ailleurs présente. ».

La société [N] conteste la valeur probante de ce témoignage en faisant état de son « caractère peu circonstancié, sinon fallacieux », et en produisant les attestations de trois salariés:

- M. [W] (sa pièce n° 28), qui relate :

« Je suis menuisier a l'entreprise [N] depuis 30 ans et je me souviens très bien de la dernier embauche de [A] tellement j'etait content de revoir arriver un nouveau vendeur pour regonfler le carnet de commandes qui était bien mince. Ce jour la, nous étions en retard car nous avions du vider le camion du collège pour le poste en mecanique - J'avais des instruction a demander. [Y] était a sont bureau, je lui ai demandé ou était le chef, elle ma fait signe vers le bureau reunion. J'y suis allé, j'ai croise un homme fort et grand en manteau. J'ai saluée [A], poser mes question a M [N] et je sui reparti. Nous somme a essey depuis 2006 et je peux dir que tou les entretiens avec M [N] se font dans la reunion et jamais avec [Y]. » ;

- M. [E] (sa pièce n° 29) qui déclare :

« J'étais présent le 18/3/2013 au siège de la Sté [N] pour la réunion hebdomadaire des commerciaux. Ce jour là à mon arrivée je n'ai pu accéder à la salle de réunion occupée par Mr [N] et Mr [B]. Mr [P] était seul dans la salle d'expo.

Dans le bureau d'entrée il y avait [Y] et [O] comme d'habitude, nous avons bu un café, quand [A] est sorti je lui ai offert un café, nous avons échangé quelques bons souvenirs et puis il est parti.

Je suis travailleur indépendant depuis 2011, date de la liquidation de ma retraite et j'atteste que je n'ai jamais ressenti un changement d'habitude ou une quelconque animosité de la part de Mr [N] vis-à-vis de Mr [B] [A] pour qui nous avions tous une certaine affection. ».

- M. [O] [N] (sa pièce n° 30), fils du dirigeant de la société, qui confirme :

« Je prends connaissance de l'attestation de [Y] [U] et je constate plusieurs contre vérités.

Tout d'abord, mon père n'a pas de Bureau à proprement parlé. Il travaille sur une grande table dans l'entrée. Chaque fois qu'il reçoit quelqu'un, Fournisseurs, candidats à l'embauche, représentants... il le fait dans la salle de réunion, à l'arrière de l'exposition.

Ensuite, je suis présent dans l'entreprise depuis 2008 et j'atteste que [Y] n'a jamais assisté à un entretien d'embauche ou a une signature de contrat depuis cette date.

De plus, j'affirme que [Y] n'a assisté ni aux entretiens de M. [B] ni à la signature de son contrat. La signature de ce contrat à eu lieu un lundi matin à 9 Heures, jour de rendez-vous des commerciaux et à cette heure là, comme tous les lundi matin, [Y] s'occupe des commerciaux, relance, fourniture des contacts, réception des devis...

J'affirme encore que M. [P] était présent le 18 Mars 2013, seul dans l'exposition et que [Y] se trouvait assise à son bureau dans l'entrée en face de moi, où plusieurs autres personnes étaient présentes, [R], [G], [T]... ».

La cour retient la pertinence des observations faites par la société [N] dans ses écritures concernant le contenu du témoignage « bien tardif » de l'ancienne secrétaire de l'entreprise dont s'est prévalu M. [B] au cours de la première procédure d'appel, dont la teneur « joue sur la confusion puisqu'aucune date n'est précisée quant à cette embauche, Mme [U] se contentant d'ajouter que M. [P] n'était pas présent le jour de la signature le 18 mars 2013 ». La société [N] observe en effet avec justesse que M. [P] n'a pas prétendu avoir assisté à la signature du contrat.

Aussi ce seul témoignage isolé et imprécis dont se prévaut M. [B] ne peut suffire à apporter une contradiction efficace aux éléments produits par l'employeur au soutien de la démonstration de l'absence de tout accord des parties pour la reprise de l'ancienneté de M. [B].

Si le salarié affirme que la société [N] a tenu compte de son ancienneté reprise au titre des indemnités versées durant une période d'hospitalisation du 11 au 17 avril 2013, l'employeur indique - sans être efficacement contredit - que M. [B] n'a pas perçu la totalité de l'acompte sur commission dont a été déduite la période d'absence (pièce n° 8 ' bulletin de salaire du mois d'avril 2013 retenant un acompte de 1 724,15 au lieu de 2 007,51 euros les autres mois).

En conséquence, au vu des éléments dont se prévaut la société [N], qui démontrent non seulement que la reprise de l'ancienneté de M. [N] n'avait pas été convenue entre les parties lors de l'embauche mais que la mention de cette ancienneté sur les bulletins de paie provient d'une erreur due aux données informatiques appliquées ''par défaut'' lors de l'émission des fiches de paie, les prétentions du salarié à ce titre sont rejetées. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail lorsque l'employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles et que le manquement commis par celui-ci est suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat.

La cour rappelle que M. [B] n'avait formulé des prétentions qu'au titre de la résiliation judiciaire, et qu'il n'avait pas contesté le bien-fondé de son licenciement pour inaptitude.

Au soutien de ses prétentions M. [B] prétend qu'il a été indûment privé de son ancienneté, avec toutes les conséquences que cela implique sur la prime d'ancienneté et sur l'absence de délai de carence.

Il fait état de circonstances brutales et d'une sanction par cette suppression d'ancienneté au moment où il connaissait une sérieuse difficulté de santé, qui s'analyse comme une sanction discriminatoire.

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1 de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison, notamment, de son état de santé.

En application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [B] considère qu'en raison de la non reprise de son ancienneté, à un moment où il connaissait des problèmes de santé, il a été victime d'une discrimination liée à la maladie, de sorte que la résiliation du contrat aux torts de l'employeur est justifiée.

Il a été ci-avant retenu le caractère erroné des mentions relatives à la reprise d'ancienneté de M. [B] figurant sur les bulletins de salaire.

La rectification de cette mention erronée ' sans aucune autre incidence, notamment financière - apportée par l'employeur à compter du mois de février 2014 ne peut valablement être considérée comme une sanction, ni comme une mesure discriminatoire.

Faute pour M. [B] de présenter des éléments de fait laissant supposer dans leur ensemble l'existence d'une discrimination ou d'une sanction discriminatoire, ces prétentions sont rejetées.

En conséquence, faute pour M. [B] de démontrer la réalité de manquements imputables à l'employeur, ses prétentions au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail sont rejetées.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement déféré relatives à l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens sont confirmées.

Il est contraire à l'équité de laisser à la charge de la société [N] ses frais irrépétibles. Il lui est alloué la somme de 2 000 euros au titre de ses frais exposés dans les deux procédures d'appel.

M. [B] est condamné aux dépens des deux procédures d'appel, et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire dans les limites du renvoi et en dernier ressort :

Confirme le jugement rendu le 11 octobre 2016 par le conseil de prud'hommes de Nancy ;

Y ajoutant :

Condamne M. [A] [B] à payer à la SAS [N] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux procédures d'appel,

Rejette les prétentions de M. [A] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [A] [B] aux dépens des deux procédures d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 22/02373
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;22.02373 ?
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