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11/06/2024 | FRANCE | N°18/03311

France | France, Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 11 juin 2024, 18/03311


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 18/03311 - N° Portalis DBVS-V-B7C-E5NW

Minute n° 24/00163





S.C.I. VALOR

C/

[F], [L], VEUVE [F], [F], [F], S.C.P. [E] [F]-[K], Association CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES









Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 08 Novembre 2018, enregistrée sous le n° 15/00869





COUR D'APPEL DE METZ



1

ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 11 JUIN 2024









APPELANTE :



SCI VALOR Représentée par son représentant légal

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 7]



Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 18/03311 - N° Portalis DBVS-V-B7C-E5NW

Minute n° 24/00163

S.C.I. VALOR

C/

[F], [L], VEUVE [F], [F], [F], S.C.P. [E] [F]-[K], Association CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 08 Novembre 2018, enregistrée sous le n° 15/00869

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 JUIN 2024

APPELANTE :

SCI VALOR Représentée par son représentant légal

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 7]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

SCP [E] [F]-[K] représentée par Maître [O] [K], agissant en sa qualité d'administrateur.

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES, représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ

INTERVENANTS VOLONTAIRES:

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

SA MMA IARD, représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

Madame [W] [L] veuve [F], es qualité d'héritière de Monsieur [E] [F]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

Monsieur [X] [F], es qualité d'héritier de Monsieur [E] [F]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

Monsieur [M] [F], es qualité d'héritier de Monsieur [E] [F]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 08 Février 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 11 Juin 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère

Mme FOURNEL, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 31 août 2009 passé par-devant Me [E] [F], alors notaire associé de la SCP [E] [F] et [J] [K] sise à [Localité 8], neuf sociétés, SARL ou SCI, propriétaires de divers biens immobiliers et toutes représentées par leur gérant unique M. [T] [N], ont vendu à la SARL Thiers Développement un portefeuille de vingt-quatre immeubles ou biens et droits immobiliers pour le prix de 9.098.000,00 euros.

Parmi ces biens immobiliers vendus figurait notamment un lot de copropriété (lot n°4) dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 11] et [Adresse 16] à [Localité 14] (Pas de Calais) vendu au prix de 185 000 euros.

L'acte de vente notarié comportait une clause « constitution de séquestre », aux termes de laquelle Mme [Z] [I], employée de l'office notarial, était constituée séquestre de l'intégralité du prix de vente, que le vendeur lui remettait, et était chargée d'employer tout ou partie du prix de vente, aux fins de payer toutes dettes hypothécaires ou privilégiées sur les biens vendus, de façon à ce que ceux-ci ne soient plus grevés d'aucune charge, inscription ou opposition.

Par actes des 19 et 26 janvier 2015, la SCI Valor a assigné devant le tribunal de grande instance de Metz Me [E] [F] ainsi que la SCP [F]-[K] et la Caisse régionale de garantie des notaires, en exposant avoir constaté que Me [F] n'avait pas reversé à la BNP Paribas, créancière, le prix de vente perçu, de sorte que la créancière n'avait pas été désintéressée, et que M. [N] pour la SCI avait ensuite viré une somme de 197.421,41 € sur le compte du notaire aux fins de paiement de la banque, sans que cette somme soit utilisée par le notaire pour payer la banque.

La SCI demandait dès lors à voir, principalement :

Condamner in solidum [E] [F], la SCP [F]-[K] prise en la personne de son administrateur Me [O] [K], et la Caisse Régionale de Garantie des Notaires à payer à la SCI Valor la somme de 197 421,21 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

Les condamner in solidum à payer à la SCI Valor la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Me [F] et la SCP de notaires ont soulevé la prescription de la demande et ont notamment objecté, sur le fond, que le prix de vente revenant à la SCI Valor avait été affecté, sur demande de M. [N], au règlement de la dette d'une autre de ses SCI, la SCI Cassiopée.

La Caisse régionale de garantie des notaires a fait valoir de son côté que les conditions d'intervention de sa garantie n'étaient pas remplies.

Par jugement avant-dire droit rendu le 1er juin 2017, le tribunal de grande instance de Metz a :

Révoqué l'ordonnance de clôture du 27 janvier 2017 ;

Invité :

[E] [F] et la SCP [F]-[K], Notaire, prise en la personne de son administrateur Maître [O] [K], à produire toutes pièces justifiant que la somme de 185 000 euros ou bien celle de 219 903,13 euros représentant l'addition de 185 000,00 euros et de 34 903,13 euros (apport en compte courant de M. [N]) ont été effectivement perçues par la société Cassiopée, à quelle date ;

[E] [F] et la SCP [F]-[K], Notaire, prise en la personne de son administrateur Maître [O] [K], à produire tout élément de nature à démontrer l'existence d'instructions de la SCI Valor et de son gérant auxquelles le notaire dit s'être conformé lors du versement des fonds ;

Renvoyé en conséquence l'affaire devant le juge de la mise en état ;

Réservé les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;

Par jugement rendu le 08 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Metz a :

Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile délictuelle engagée par la SCI Valor à l'encontre du notaire ;

Rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Valor à l'encontre du notaire

En conséquence,

Déclaré l'action en responsabilité civile délictuelle recevable ;

Débouté la SCI Valor de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de [E] [F] et de la SCP [F]-[K] prise en la personne de Maître [O] [K], en sa qualité d'administrateur, ainsi que de celles formées à l'encontre de la Caisse Régionale de Garantie des Notaires prise en la personne de son représentant légal, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SCI Valor prise en la personne de son représentant légal aux dépens ainsi qu'à régler :

à [E] [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

à la SCP [F]-[K] prise en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires prise en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a rappelé que compte tenu du grief allégué à l'encontre de Me [F] et de la SCI [F]-[K], à savoir la non représentation de fonds provenant de la vente et l'absence de désintéressement du créancier hypothécaire, l'action de la SCI était fondée sur la responsabilité délictuelle du notaire et de la SCP.

Sur la prescription de l'action, le tribunal a exclu que le point de départ de la prescription quinquennale puisse se situer à la date à laquelle, selon la comptabilité du notaire, le prix de vente revenant à la SCI Valor aurait été viré au compte de la SCI Cassiopée sur ordre prétendu de M. [N], soit le 10 septembre 2009. Le tribunal a relevé que les seuls extraits de compte du notaire ne permettaient nullement de vérifier que la SCI Valor avait eu connaissance de ces mouvements aux fins de règlement de la dette de la SCI Cassiopée, et ce d'autant moins que le montant de ces règlements ne correspondait pas au montant total du prix de vente revenant à la SCI. Il a également relevé que postérieurement au jugement avant dire droit du 1er juin 2017, Me [F] n'avait produit aucun justificatif complémentaire et que les instructions prétendues n'étaient pas prouvées.

Par conséquent le tribunal a estimé que la seule date objective à compter de laquelle il était acquis que la SCI Valor avait connaissance de ce que Me [F] n'avait pas rempli ses obligations et n'avait pas désintéressé son créancier, était la date du 7 octobre 2011, date à laquelle un procès-verbal de saisie-attribution avait été dénoncé à la SCI Valor, de sorte que le délai quinquennal de prescription n'était pas expiré lors de la délivrance de l'assignation.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action a donc été écartée.

Le tribunal a de même écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, en relevant que les moyens développés par Me [F] et la SCP [F]-[K] constituaient en réalité des défenses au fond, et que la SCI Valor, qui contestait avoir reçu le prix de vente litigieux, justifiait d'un intérêt à agir.

Le tribunal a ensuite observé que la SCI Valor ne se prévalait que de la faute de Me [F] et non d'une faute de la SCP de notaires, de sorte qu'il a débouté la SCI de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP [F]-[K] représentée par son administrateur.

Sur la faute de Me [F] le tribunal a relevé que contrairement à ce que soutenait celui-ci, aucune mention de l'acte notarié n'indiquait que la SCI Valor aurait reçu le prix de vente, alors qu'il était convenu que celui-ci soit confié à un séquestre, et que la SCI n'avait jamais donné quittance à Me [F], de sorte que c'est bien à lui qu'il appartenait de prouver qu'il avait rempli ses obligations telles que mentionnées dans l'acte.

Or le tribunal a considéré qu'aucun des documents versés aux débats n'apportait la preuve du versement du prix de vente à la SCI Valor, et qu'il n'était pas davantage rapporté la preuve de ce que ce prix de vente aurait été versé à la SCI Cassiopée ainsi que prétendu par Me [F], les extraits de comptabilité produits, qui ne sont pas l'acte authentique, n'ayant pas sur ce point valeur de preuve. De même le tribunal a relevé que Me [F] ne faisait pas la preuve de ce qu'il aurait agi sur instruction de M. [N], gérant, alors que la SCI Valor n'avait nullement confirmé ce point.

Le tribunal a dès lors considéré que la SCI Valor rapportait la preuve d'une faute de Me [F] consistant dans l'absence de versement des fonds provenant de la vente de l'immeuble et dans l'absence de désintéressement du créancier hypothécaire à savoir la banque Fortis France.

Sur le préjudice en revanche, le tribunal a constaté qu'il était versé aux débats la quittance subrogative établie le 13 novembre 2013 par la SA BNP Paribas venant aux droits de la banque Fortis France, de laquelle il résultait que le prêteur de deniers avait été désintéressé de sa créance à l'encontre de la SCI Valor par l'assureur du notaire.

D'autre part il a considéré que, si la SCI Valor produisait un relevé de compte établissant que Mme [B] [D] avait effectué depuis son compte bancaire un virement de 197.421,41 € à l'étude de notaires [F] et [K], il ne ressortait pas de cette pièce que ce virement ait été effectué par la SCI Valor ni que celle-ci ait remboursé Mme [D]. Il en a conclu que, quand bien même il serait affirmé que la somme de 197.421,41 aurait été détournée par le notaire, la SCI ne pouvait réclamer réparation d'un préjudice qu'elle n'a pas personnellement subi.

Le tribunal a dès lors débouté la SCI Valor de sa demande, et l'a également déboutée d'une demande de dommages et intérêts complémentaire de 10.000 € en estimant que les motifs allégués au soutien de cette demande relevaient de la prise en charge des frais irrépétibles exposés.

Quant à la demande dirigée à l'encontre de la caisse régionale de garantie des notaires, le tribunal a relevé que la SCI Valor fondait cette demande uniquement sur les dispositions de l'article 12 alinéa 2 du décret du 20 mai 1955 qui dispose que la garantie visée à l'article 11 s'applique au remboursement des sommes d'argent, et à la restitution des titres et valeurs quelconques reçus par les notaires. Le tribunal a observé qu'en l'occurrence, la SCI Valor n'avait confié ou déposé aucune somme auprès du notaire, le seul déposant en l'espèce étant la société acquéreuse, de sorte qu'elle était mal fondée à se prévaloir de cet article en son deuxième alinéa, son action relevant en réalité de l'alinéa 3 qui n'était pas invoqué en l'espèce. Il a donc débouté la SCI Valor de son action dirigée contre la caisse régionale de garantie des notaires.

Par déclaration du 21 décembre 2018, la SCI Valor a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz le 08 novembre 2018 en ce qu'il a :

débouté la SCI Valor de ses demandes dirigées contre [E] [F], la SCP [F]-[K] et la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et tendant à ce qu'ils soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 197 421,21 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande, celle de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Condamné la SCI Valor aux dépens ainsi qu'à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4 000 euros à [E] [F], la somme de 1 000 euros à la SCP [F] [K] et la somme de 1 000 euros à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires.

[E] [F] a formé appel incident par voie de conclusions, sollicitant ainsi l'infirmation du jugement en ses dispositions ayant rejeté les fins de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile engagée par la SCI Valor et du défaut à agir de cette dernière.

[E] [F] est décédé le [Date décès 5] 2020.

Par conclusions du 09 mars 2021, la société d'assurances mutuelles à cotisation fixe MMA IARD Assurances Mutuelles et la société anonyme MMA IARD (ci-après désignées ensemble société MMA ou les assureurs), assureurs de [E] [F], sont intervenues volontairement à l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 novembre 2021.

Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé l'interruption de l'instance.

Par actes signifiés les 13 et 28 février 2023, la SCI Valor a assigné Mme [W] [L] veuve [F], M. [X] [F] et M. [M] [F] (ci-après les consorts [F]) en intervention forcée en qualité d'héritiers de [E] [F].

Les consorts [F] ont constitué avocat et déclaré intervenir volontairement à l'instance.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 11 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Valor demande à la cour d'appel de :

« Recevoir la SCI Valor en son appel et le dire bien-fondé.

Rejeter au contraire l'appel incident de [E] [F] et de la SCP [F] [K], notaires, prise en la personne de son administrateur, Maître [O] [K], et le dire mal fondé.

Rejeter encore l'intervention volontaire de la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et de la Société MMA IARD, assureurs de [E] [F], et la dire mal fondée.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile délictuelle engagée par la SCI Valor à l'encontre du notaire, rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Valor à l'encontre du notaire,

déclaré en conséquence recevable l'action en responsabilité civile délictuelle.

Mais l'infirmer pour le surplus en ce qu'il a débouté la SCI Valor de l'ensemble de ses demandes et en tant qu'il l'a condamnée au paiement des dépens et de diverses indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Vu le décès de [E] [F] survenu en cours de procédure d'appel le [Date décès 5] 2020,

vu l'intervention volontaire de la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et de la Société MMA IARD en leur qualité d'assureurs de [E] [F],

Vu la mise en cause des héritiers de [E] [F]

Donner acte à la SCI Valor de ce qu'elle dirige désormais ses demandes contre la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et la Société MMA IARD, en leur qualité d'assureurs de [E] [F], contre lesquelles elle exerce l'action directe, et contre les héritiers de [E] [F].

Et, ce fait,

Condamner solidairement Mme [W] [L] veuve [F], M. [M] [F] et M. [X] [F], pris en leur qualité d'héritiers de [E] [F], et la SCP [F]-[K] représentée par son administrateur, Maître [O] [K], et in solidum avec la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et la Société MMA IARD en leur qualité d'assureurs de [E] [F], à payer à la SCI Valor la somme de 197 421,41 euros avec intérêts au taux légal à compter -de la demande et la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Condamner solidairement Mme [W] [L] veuve [F], M. [M] [F] et M. [X] [F], pris en leur qualité d'héritiers de [E] [F], et la SCP [F]-[K] représentée par son administrateur, Maître [O] [K] et in solidum avec la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et la Société MMA IARD en leur qualité d'assureurs de [E] [F] en tous les frais et dépens de 1 ère instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ainsi qu'en appel ».

Au soutien de son appel la SCI Valor fait valoir que c'est à tort que le tribunal, tout en ayant retenu que Me [F] avait commis une faute, l'a cependant déboutée de sa demande en considérant que la SCI Valor n'était pas l'auteur du virement du 9 mai 2011 d'un montant de 197.421,41 € et n'avait donc subi aucun préjudice.

Elle expose que Mme [N] a bien effectué ce virement aux lieu et place de la SCI Valor et pour son compte, et affirme qu'il s'agissait d'une avance de fonds destinée à pallier l'insuffisance de trésorerie de la société, et ayant la nature d'un compte courant d'associé ainsi qu'il résulte de l'attestation qu'elle produit.

Sur l'appel incident du notaire, repris par ses héritiers, et sur l'intervention volontaire des assureurs, la SCI Valor, faisant siens les motifs du premier juge, soutient que son action n'est pas prescrite. Elle conteste que le point de départ du délai de prescription puisse être le 10 septembre 2009, en affirmant que les fonds détenus par le notaire n'ont pas été virés à la SCI Cassiopée, que celle-ci n'avait pas qualité pour les recevoir, et qu'elle-même ignorait totalement que le notaire n'avait pas désintéressé son créancier, et ne l'apprendra que le 07 octobre 2011, date de la dénonciation d'un procès-verbal de saisie-attribution diligentée par la BNP Paribas.

De même elle soutient qu'elle a bien intérêt à agir, puisqu'elle se prévaut de fautes du notaire engageant sa responsabilité à son égard. Elle fait notamment valoir que, si sa créancière a bien été désintéressée par l'assureur du notaire, il n'en demeure pas moins que celui-ci avait reçu pour le compte de la SCI Valor une somme de 197.421,41 € virée depuis le compte de Mme [D], et que cette somme a été employée à tout le moins à d'autres fins que le remboursement de la BNP Paribas.

Sur le fond, la SCI Valor fait valoir que si le versement du prix de vente a été quittancé dans l'acte notarié, c'est uniquement à l'égard de l'acquéreur, mais que ceci ne fait pas preuve de ce qu'elle aurait reçu elle-même ce prix de vente, de sorte que c'est bien à Me [F], respectivement à ses héritiers, de démontrer que le notaire a satisfait à son obligation de représentation du prix, ce qu'ils ne font pas. En l'absence de tout mandat donné par M. [N] pour que le prix de vente soit prétendument reversé à la SCI Cassiopée, la SCI Valor considère que les relevés de compte produits par les héritiers de Me [F] ne sont pas libératoires, et qu'en outre il est sans intérêts d'invoquer le désintéressement du Crédit Suisse, alors que la SCI Valor n'était débitrice que de la banque BNP Paribas. Le prix de vente n'ayant pas servi à désintéresser ce créancier, la SCI Valor en conclut que la faute du notaire est avérée. Elle maintient en outre que, nonobstant le désintéressement de son créancier par l'assureur de Me [F], elle a bien subi un préjudice, s'élevant à 197.421,41 € puisque, bien qu'il ait reçu cette somme, Me [F] ne l'a pas utilisée pour désintéresser le créancier et ne l'a pas représentée.

Quant à sa demande à l'encontre de la Caisse régionale de garantie des notaires, la SCI Valor fait valoir que celle-ci ne démontre pas que, conformément à ce qu'elle allègue, les fonds lui revenant ont été versés à la société Cassiopée, et que de même il n'est pas démontré que M. [N] aurait donné de telles instructions de versement. Elle considère que le décompte produit par les consorts [F] et les assureurs ne prouve rien et qu'en tout état de cause il n'est pas libératoire de l'obligation pesant sur le notaire. Elle ajoute qu'il apparaît au contraire que l'assureur du notaire a bien reconnu la responsabilité de son client puisqu'il a désintéressé le créancier hypothécaire inscrit.

Elle en conclut que, dès lors que l'alinéa 2 de l'article 12 précité est applicable en l'espèce, le moyen tiré de ce que l'intervention de la caisse de garantie ne serait que subsidiaire par rapport à l'intervention de l'assureur professionnel n'est pas fondé.

Subsidiairement elle s'estime fondée à invoquer en appel les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 12, et fait valoir, sur ce fondement, qu'aussi bien la défaillance du notaire que celle de son assureur sont établies. En outre elle considère que la formalité d'envoi d'une lettre recommandée, invoquée par la caisse de garantie, n'est pas une obligation et que selon la jurisprudence, la défaillance du notaire peut être établie par tous moyens.

Par conclusions du 07 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts [F], les sociétés d'assurance MMA et la SCP [F] et [K] demandent à la cour d'appel de :

« Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,

Recevoir la Société MMA IARD Assurances Mutuelles, et la Société MMA IARD, leur intervention volontaire et les déclarer recevables et bien fondés,

Recevoir M. [M] [F], M. [X] [F] et Mme [W] [L] veuve [F] es qualités d'héritiers de [E] [F] en leur intervention volontaire et les déclarer recevables et bien fondés,

Et y faisant droit,

Déclarer la SCI Valor irrecevable et, en tout cas, mal fondée en son appel principal contre le jugement rendu le 8 novembre 2018 par la première chambre civile du tribunal de grande instance de Metz,

Faisant droit au seul appel incident de la SCP [F]-[K], de M. [M] [F], M. [X] [F] et Mme [W] [L] veuve [F] es qualités d'héritiers de [E] [F], et de la Société MMA IARD Assurances Mutuelles, et la Société MMA IARD,

Infirmer le jugement entrepris en ses seules dispositions ayant rejeté les fins de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile engagée par la SCI Valor et du défaut à agir de la SCI Valor,

Statuant à nouveau sur ces seuls points,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

Vu l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans,

Vu les comptes étude,

Vu les virements effectués au profit de la SCI Cassiopée,

Vu la quittance subrogative du 13 novembre 2013,

Déclarer l'action de la SCI Valor prescrite.

En tout état de cause,

Déclarer la SCI Valor dépourvue d'intérêt à agir,

En tout état de cause,

Constater l'absence de faute, l'absence de préjudice actuel et certain, et l'absence de lien de causalité entre une hypothétique faute du notaire et le préjudice allégué.

Débouter la SCI Valor de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Valor aux entiers dépens de première instance ainsi qu'à payer la somme de 4 000 euros à [E] [F] et celle de 1 000 euros à la SCP [F]-[K] au titre de leurs frais irrépétibles de première instance,

Condamner la SCI Valor à payer à la société M.M.A. IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, ainsi qu'à la SCP [E] [F] [K] et à M. [M] [F], M. [X] [F] et Mme [W] [L] veuve [F] es qualités d'héritiers de [E] [F], la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,

Condamner la SCI Valor aux entiers dépens de la procédure d'appel ».

Les sociétés MMA et les consorts [F] maintiennent tout d'abord que l'action de la SCI Valor est prescrite au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil, dès lors que la SCI a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits dès le 10 septembre 2009, date à laquelle, sur instructions de M. [N], gérant, le prix de vente de l'immeuble de la SCI Valor a été virés sur le compte de la SCI Cassiopée afin de permettre le règlement de la dette de celle-ci vis à vis du Crédit Suisse.

Ils exposent que la somme de 185.000 €, non perçue par la SCI Valor, aurait dû lui permettre de désintéresser la banque, de sorte que c'est bien au jour où elle a constaté qu'elle ne détenait pas le prix, que le délai de prescription a commencé à courir. Ils observent encore qu'il n'a jamais été soutenu par la SCI Valor, que le notaire aurait transféré les fonds de sa propre initiative.

Subsidiairement ils se prévalent du défaut d'intérêt à agir de la SCI Valor, laquelle ne peut sérieusement contester que le prix de vente a bien été porté au crédit de son compte, étant rappelé que si la banque créancière n'a pas été réglée, c'est en raison des instructions données par M. [N]. Ils soutiennent ainsi que la SCI ne peut justifier d'aucun préjudice actuel et certain en lien avec une hypothétique faute de l'étude, et ce d'autant moins que la banque a été désintéressée par l'assureur du notaire, aux termes de la quittance subrogative versée aux débats.

En outre ils observent que le virement dont se prévaut la SCI Valor émane de Mme [D] épouse de M. [N], qui seule aurait pu avoir qualité pour agir.

Au fond, se prévalent de l'adage « nemo auditur' » en faisant valoir que le notaire n'a fait que se conformer aux instructions de la SCI Valor et de son gérant, lesquels sont donc mal fondés à s'en prévaloir.

Ils soutiennent que la preuve de la réalité des opérations voulues par M. [N], à savoir virement du prix de vente revenant à la SCI Valor puis paiement d'un chèque de 6.613.105,45 € à la SCP Attal pour le Crédit Suisse, débité sur le compte de la SCI Cassiopée, est entièrement rapportée par les éléments produits, à savoir les extraits de compte du notaire, les fiches d'immeubles établissant la créance du Crédit Suisse, et la copie du chèque émis.

S'agissant du virement effectué par Mme [D], ils adoptent la motivation du premier juge et estiment en outre que contrairement à l'attestation produite, il n'est nullement justifié de ce que ce virement aurait été effectué « pour le compte » de la SCI Valor, alors qu'il n'est produit aucun élément relatif à la comptabilité de cette SCI. Ils en concluent que, concernant l'utilisation de cette somme, la SCI Valor ne justifie d'aucun préjudice.

Ils soulignent encore que la SCI Valor, débitrice vis à vis de la banque Fortis, aux droits de laquelle vient la SA BNP Paribas, n'avait pas vocation à percevoir le prix de vente, et soutiennent que c'est en définitive en fraude des droits de ce créancier que M. [N] a donné l'ordre de désintéresser le Crédit Suisse.

Enfin ils considèrent que le préjudice allégué est d'autant moins constitué que le créancier de la SCI Valor a été désintéressé par l'assureur de Me [F].

Par conclusions du 19 mai 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le Caisse Régionale de Garantie des Notaires demande à la cour d'appel de :

« Vu le décret du 20 mai 1955,

Dire, juger et constater que l'appel de la SCI Valor est mal fondé.

En conséquence,

L'en Débouter.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI Valor de ses demandes dirigées contre la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et en ce qu'il a condamné la SCI Valor à verser à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SCI Valor à verser à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Condamner aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ».

La Caisse régionale de garantie des notaires fait valoir que l'action de la SCI Valor ne peut prospérer sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 12 du décret du 20 mai 1955, dès lors que cet alinéa ne vise que l'hypothèse de non représentation des fonds remis au notaire, alors qu'en l'espèce il résulte des conclusions de l'assignation délivrée par la SCI Valor qu'elle entendait rechercher la responsabilité professionnelle du notaire, et qu'en outre le premier juge a à juste titre relevé que la SCI Valor n'avait pas la qualité de déposant de la somme litigieuse, de sorte qu'elle ne pouvait se fonder sur cet alinéa 2.

Elle ajoute que Me [F] a justifié que les fonds litigieux avaient été versés à la SCI Cassiopée sur instructions de M. [N], et qu'il est également justifié de ce que le créancier de la SCI Valor a été désintéressé par l'assureur, de sorte que ces fonds n'ont été ni conservés par le notaire ni détournés à son profit.

Quant à la demande de la SCI Valor à son encontre fondée sur l'alinéa 3 de l'article 12 précité, la Caisse régionale de garantie des notaires soutient qu'elle ne peut davantage aboutir dès lors que dans cette hypothèse la caisse de garantie n'intervient qu'à titre subsidiaire, si l'assureur ne doit pas sa garantie ou s'il ne couvre qu'une partie du préjudice et que le notaire est défaillant, alors qu'en l'espèce il est constant que l'assureur a payé pour le compte de me [F] son assuré, une somme de 230.000 €, de sorte qu'aucun recours ne peut plus être intenté à l'encontre de la Caisse.

En outre elle fait valoir que la garantie collective des notaires ne peut jouer que sur justification de l'exigibilité de la créance et de la défaillance du notaire, alors qu'aucune de ces deux conditions n'est établie en l'état, puisque la créance de dommages et intérêts ne devient exigible qu'à partir du moment où une décision judiciaire en fixe le montant et que la défaillance du notaire doit être établie par l'envoi d'une lettre recommandée aux fins d'exécution demeurée infructueuse.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est donné acte à la société d'assurance mutuelle MMA IARD Assurances mutuelles, ainsi qu'à la SA MMA IARD, de leur intervention volontaire à la présente procédure, et il est de même donné acte à M. [M] [F], M. [X] [F] et Mme [W] [L] veuve [F], de leur intervention volontaire en qualité d'héritiers de [E] [F].

I- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'occurrence, et que l'action de la SCI Valor soit fondée sur le défaut de représentation par [E] [F] des sommes confiées, ou qu'elle soit fondée sur sa responsabilité civile professionnelle, il n'est pas contesté que la SCI exerce une action mobilière en paiement d'une somme d'argent.

La SCI Valor reproche au notaire de n'avoir, ni réglé le montant dont elle était redevable vis à vis de la SA BNP Paribas, ni à défaut viré à son profit le montant du prix de vente des immeubles, ce qui l'a amenée à virer une somme de 191.421,41 au notaire par l'intermédiaire de Mme [D], sans que cette somme soit non plus affectée au remboursement du créancier.

L'acte de vente notarié du 31 août 2009 mettait effectivement à la charge de Me [F], respectivement d'une employée de son étude, le règlement des créanciers hypothécaires, ce qui ne pouvait se faire qu'une fois le prix de vente versé en l'étude du notaire et donc postérieurement au 31 août 2009.

L'allégation des consorts [F], de la SCP [F]-[K] et des sociétés d'assurance MMA, selon laquelle Me [F] aurait en réalité employé le prix de la vente effectuée par la SCI Valor, à désintéresser le créancier de la SCI Cassiopée après avoir viré ce prix de vente au crédit du compte de cette SCI dans sa comptabilité, et ce sur demande de M. [N], est contestée, et alors qu'il a été demandé à Me [F], par jugement avant dire droit du 1er juin 2017, de fournir la preuve de ce qu'il avait reçu des instructions en ce sens de M. [N], à l'époque gérant de l'ensemble des SCI, aucune preuve en ce sens n'a été fournie.

Dès lors qu'il n'est pas établi que les mouvements de fonds dont se prévalent les consorts [F] et les MMA auraient été effectués sur ordre de M. [N] pour la SCI Valor, il ne peut être déduit de ces mouvements de fonds, qui au demeurant ne sont illustrés que par des extraits de la comptabilité du notaire, que la SCI Valor en aurait eu connaissance, à les supposer avérés.

Par ailleurs, et alors qu'il résulte de l'acte notarié que le prix de vente devait rester séquestré chez le notaire aux fins de désintéressement du créancier, il ne peut être soutenu ainsi que le font les consorts [F], la SCP et les assureurs, que le point de départ du délai de prescription devrait se situer « au jour où elle a constaté qu'elle ne détenait pas le prix », puisqu'il n'était nullement convenu que la SCI Valor doive le détenir, avant tout paiement de sa créancière.

Ainsi la date du 10 septembre 2009 correspond à une opération de virement dont il n'est nullement établi que la SCI Valor ait eu connaissance, la comptabilité interne du notaire ne faisant pas preuve sur ce point, aucune preuve n'étant non plus fournie d'un ordre quelconque donné par M. [N] au notaire.

Cette date ne peut donc être considérée comme celle à partir de laquelle la SCI Valor aurait eu connaissance de son droit.

La SCI Valor verse aux débats deux procès-verbaux relatifs à des saisies- attribution réalisées par la société d'huissiers de justice Acta les 22 février 2011 puis 04 octobre 2011 sur les fonds détenus par la SCP [F] et [K] et dont elle était redevable vis à vis de la SCI Valor, à la requête de la SA BNP Paribas.

La première saisie-attribution réalisée pour obtenir paiement d'un montant total de 196.024,19 € a été signifiée le 22 février 2011 à la SCI Valor, et un certificat de non contestation a été délivré le 14 avril 2011, et signifié à l'étude de notaires le 15 avril 2011 pour un montant de 197.319,91 €.

Il résulte également des documents produits, que le 09 mai 2011, une somme de 197.319,91 € a été virée du compte de Mme [B] [D] ouvert auprès de la banque Dexia, vers le compte de la SCP [F] et [K] ouvert à la caisse des dépôts et consignations. Après prise en compte de la commission de transfert et des frais d'intervention manuelle, le montant total prélevé sur le compte de Mme [D] s'est élevé à 197.421,41 €.

Il apparaît donc que c'est en suite de la signification d'un procès-verbal de saisie-attribution, le 22 février 2011, ayant par la suite entraîné le virement d'une somme de 197.319,91 sur le compte des notaires, que la SCI Valor a eu connaissance du fait que, malgré les termes de l'acte notarié et les obligations qu'il prévoyait à la charge du notaire, la SA BNP Paribas sa créancière, n'était pas payée.

Dès lors, et à défaut de tout autre document probant quant à la date à laquelle la SCI aurait été informée de la situation et du défaut de désintéressement de sa créancière, il y a lieu de considérer que le point de départ du délai de prescription quinquennale ne peut se situer qu'au 22 février 2011, date de signification du procès-verbal de saisie attribution.

L'assignation à l'encontre de Me [F] ayant été signifiée le 19 janvier 2015, le délai de prescription a été valablement interrompu, et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SCI.

II- Sur l'intérêt à agir de la SCI Valor

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou a rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la SCI Valor se prévaut du manquement de Me [F] à ses obligations, en lui reprochant le défaut de désintéressement de son créancier ou de représentation du prix de vente, mais également le défaut de représentation de la somme de 197.421,41 € . Elle invoque donc des griefs et une créance de dommages et intérêts qui lui confèrent un intérêt à agir.

Les objections portées par les consorts [F], la SCP [F]-[K] et les assureurs, selon lesquelles ce prix de vente aurait été autrement employé avec l'accord du gérant de la SCI, constituent des arguments au fond tendant au rejet de la demande, et sont contestées par la SCI Valor. Elles ne démontrent donc en rien une absence d'intérêt à agir, et relèvent de la discussion sur le fond.

Il en est de même de l'argument tendant à considérer que la SCI Valor serait dépourvue d'intérêt à agir, dès lors que la somme de 197.421,41 € n'a pas été déboursée par la SCI Valor mais par Mme [D], un tel argument relevant de l'examen du fond et non d'une fin de non-recevoir.

L'intérêt légitime de la SCI Valor est donc avéré et la fin de non-recevoir doit être rejetée.

Le jugement dont appel est donc également confirmé sur ce point.

Les consorts [F] et les sociétés d'assurances mentionnant également que seule Mme [D] aurait eu « qualité » pour agir, la cour rejettera également cette fin de non-recevoir, le prétendu défaut de qualité relevant d'un examen au fond quant au titulaire de la créance.

Ajoutant sur ce point, la cour rejette également cette fin de non-recevoir.

III- Au fond

Sur l'exécution par le notaire de ses obligations

La somme de 191.421,41 € actuellement réclamée par la SCI Valor ne représente pas le prix de vente de son bien, qui s'élevait à 185.000 €, mais le montant viré au notaire, majoré des frais, en suite de l'absence de désintéressement de la SA BNP Paribas.

Il est constant que l'acte notarié du 31 août 2009, après avoir constaté le paiement du prix par l'acquéreur, mentionne que « le vendeur a, à l'instant même, ainsi qu'il résulte de la comptabilité du notaire, remis le prix de la vente au séquestre, qui le reconnaît ».

Ainsi, l'acte précité donnait effectivement quittance du paiement du prix à l'acquéreur, mais ne constatait pas en revanche le virement du prix au vendeur depuis la comptabilité du notaire, celui-ci demeurant au contraire en la comptabilité du notaire.

Selon le même acte, le séquestre était « constitué dépositaire du prix de vente durant l'accomplissement des formalités de publicité foncière, jusqu'à ce qu'il soit justifié à l'acquéreur que les biens vendus sont libres de toutes charges, inscriptions ou opposition quelconques, tant du chef du vendeur que de celui des précédents propriétaires ».

Le séquestre était « autorisé à remettre la somme dont il était dépositaire au vendeur mais seulement sur justification de ce que les biens vendus ne sont plus grevés d'aucune charge, inscription ou opposition quelconque, ou que celles révélées ont été régulièrement radiées ».

Enfin la même clause donnait tous pouvoirs au séquestre « pour employer tout ou partie de la somme qui lui est confiée, à payer toutes dette hypothécaire ou privilégiée sur les biens vendus, ainsi que le montant de toute opposition et celui de tous frais nécessaires à l'obtention des justifications promises par le vendeur ».

Ainsi et aux termes mêmes de l'acte précité, le dépôt du prix de vente entre les mains du séquestre a bien été fait par le vendeur, en l'occurrence la SCI Valor, et non par l'acquéreur.

Aux termes de l'article 1956 du code civil, « le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ».

Il s'évince de cet article que, contrairement à ce qui est énoncé à l'article 1915 du code civil pour le dépôt, la chose déposée ne sera pas nécessairement restituée au dépositaire.

En outre les termes mêmes de la clause « constitution de séquestre » de l'acte notarié, établissent que la somme devant in fine revenir au vendeur n'était pas nécessairement le prix de vente, mais le solde restant au profit du vendeur après, notamment, désintéressement de tous les créanciers hypothécaires ou privilégiés.

Il résulte également de cette même clause que la constitution d'un séquestre n'avait d'intérêt que pour permettre de désintéresser les créanciers de la SCI, de sorte que ces deux missions dévolues au notaire sont indissociables l'une de l'autre.

Ainsi, et bien que la SCI Chawan ait effectivement la qualité de déposant du prix de vente auprès du séquestre, la demande qu'elle forme aujourd'hui à l'encontre des ayant droit de [E] [F] et de ses assureurs, ne peut prospérer sur le simple fondement de la représentation des fonds déposés, sauf à faire abstraction de la mission dévolue au notaire, de toute analyse de l'exécution ou de l'inexécution de cette mission, et de la preuve, aussi bien d'une faute que d'un préjudice en résultant pour la SCI.

En l'occurrence il résulte de la « fiche immeuble » produite par les consorts [F], la SCP [F]-[K] et les sociétés d'assurance MMA, concernant l'appartement vendu sis [Adresse 11] et [Adresse 16] à [Localité 14], que le bien vendu était encore grevé d'une inscription au profit de la société Fortis banque, aux droits de laquelle vient la SA BNP Paribas, à savoir le privilège du prêteur de deniers, renouvelé le 6 juillet 2009 pour un montant en principal de 180.000 € et de 36.000 € au titre des frais et accessoires.

Selon la même fiche, qui se réfère à une télécopie du 29 juillet 2009, le montant restant dû selon attestation du prêteur devait s'élever au 4 septembre 2009 à 185.645,28 €, absorbant par conséquent intégralement le prix de vente mais ne mettant en sus à la charge de la SCI Valor qu'une somme résiduelle de 645,28 €.

Il résulte suffisamment des documents produits que contrairement aux termes de l'acte de vente, Me [F] n'a pas utilisé le prix de vente pour désintéresser ce créancier, ce qui n'est pas contesté.

La première saisie-attribution diligentée par la SA BNP Paribas sur les sommes dont le notaire devait être redevable vis à vis de la SCI Valor est restée infructueuse, malgré la somme de 197.319,91 € virée sur le compte du notaire, puisque une seconde saisie-attribution était diligentée le 04 octobre 2011, celle-ci étant également restée infructueuse à telle enseigne que la banque n'a finalement été désintéressée qu'en suite de la transaction intervenue le 13 novembre 2013 entre elle et la société MMA IARD Assurances mutuelles, par laquelle une somme de 230.000 € était versée à la banque.

Quant à l'explication alléguée par les consorts [F], la SCP de notaires et les assureurs, ceux-ci versent effectivement aux débats les relevés de compte des SCI Valor et Cassiopée ouverts dans les livres de l'étude notariale, faisant apparaître en date du 10 septembre 2009 le virement sur le compte de la SCI Cassiopée, du prix de vente revenant à la SCI Valor ainsi que des prix de vente revenant à d'autres SCI, puis le débit final, sur le compte de la SCI Cassiopée, d'une somme de 6. 613.105,45 €.

Il est également produit aux débats copie d'un chèque d'un montant de 6.613.105,45 €, émis au profit d'une SCP Attal à [Localité 15], et effectivement débité du compte du notaire ouvert à la caisse des dépôts et consignations, selon les termes du mail du 20 septembre 2017.

Pour autant, ce chèque ne renseigne en rien sur le destinataire effectif de cette somme, et aucun renseignement en provenance de la SCP Attal ne vient confirmer que la somme précitée était bien destinée à régler la dette de la SCI Cassiopée auprès du Crédit Suisse.

S'agissant des extraits des comptes ouverts au nom des SCI dans la comptabilité du notaire, il est rappelé que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, de sorte que la seule production de la comptabilité interne de l'étude ne peut valoir preuve à défaut de production de tous documents, tels qu'extraits de compte émanant de la caisse des dépôts et consignation, ou confirmation émanant de la SCP Attal quant au destinataire d'une telle somme, venant confirmer la réalité des opérations décrites dans cette comptabilité. Si le notaire ne peut s'en prévaloir à son profit, cette comptabilité peut en revanche être invoquée contre lui.

En l'espèce et compte tenu de cette règle de preuve il a été demandé à [E] [F] par jugement du 1er juin 2017 de fournir toutes pièces justifiant de ce que les prix de vente revenant à la SCI Valor auraient effectivement été versés au profit de la SCI Cassiopée, et de ce qu'il disposait effectivement d'instructions sur ce point de la part de M. [N].

De tels éléments de preuve n'ont jamais été fournis, et si le chèque dont copie est versé aux débats est un élément de nature à apporter un certain crédit à la version présentée par les consorts [F] et les assureurs, il est cependant insuffisant pour constituer une preuve formelle, notamment faute de certitude quant au destinataire final de cette somme et faute de preuve de toute instruction en ce sens de la part de M. [N].

Il est donc établi que Me [F] n'a pas exécuté les directives expressément mentionnées dans l'acte notarié du 31 août 2009, ce qui doit être retenu comme une faute à son encontre.

D'autre part, il résulte de l'extrait de compte émanant de la banque Dexia, qu'une somme de 197.319,91 € a été virée depuis ce compte vers le compte de la SCP de notaires ouvert à la caisse des dépôts et consignations.

Il n'est pas contestable que, alors que l'intitulé de ce virement était explicitement «  Rem prêt Fortis Doss SCI Valor SCP [F] et [K] (..) Caisse des dépôts et consignations », et que son montant correspondait exactement à la somme réclamée par la banque dans un acte de signification d'un certificat de non contestation du 15 avril 2011, cette somme n'a pas servi à désintéresser la créancière, puisque une seconde saisie a été diligentée en octobre 2011 sans plus de succès, et qu'un paiement a finalement été effectué par l'assureur du notaire.

Il apparaît ainsi que Me [F] n'a pas davantage affecté la somme versée au remboursement de la créancière, et si les intimés allèguent aujourd'hui que cette somme a servi à désintéresser d'autres créanciers, la cour constate qu'il n'est fourni aucune preuve sur ce point.

Ainsi le seul document produit par les consorts [F], la SCP [F]-[K] et les sociétés MMA reste le relevé du compte de la SCI Valor dans la comptabilité du notaire, relevé mentionnant effectivement qu'en suite du versement de cette somme, plusieurs débits auraient été effectués afin de désintéresser certains créanciers, mais pour les raisons déjà développées, un tel document est insuffisant pour faire la preuve de la réalité des opérations et notamment des paiements effectués, de même qu'il ne fait pas preuve de ce que la SCI Valor, au contraire de l'intitulé explicite du virement, aurait donné pour instructions de payer d'autres créanciers.

Il en résulte par conséquent que Me [F] a également commis une faute en n'affectant pas la somme de 197.319,91 € au remboursement de la créancière, sans la restituer pour autant à la SCI.

Sur le préjudice en résultant pour la SCI Valor

Sur la demande en paiement d'une somme de 197.421,41 €

La somme de 197.421,41 € réclamée par la SCI Valor, a effectivement été prélevée sur un compte ouvert au nom de Mme [D], épouse de M. [N] et non sur un compte ouvert au nom de la SCI.

L'intitulé du virement tel qu'il résulte du relevé émanant de la banque Dexia, établit cependant sans contestation possible qu'il était bien émis pour le compte de la SCI Valor et afin de payer la dette de celle-ci. La réalité de ce virement n'est par ailleurs pas contestée par les consorts [F] et les assureurs, et la somme de 197.319,91 euros figure bien au crédit du compte de la SCI Valor, et non au crédit d'un éventuel compte au nom de Mme [D].

Ce virement était donc bien destiné à figurer au patrimoine de la SCI Valor.

La SCI Valor est donc en droit de faire valoir qu'elle avait apporté en compte une somme de 197.319,91 €, et l'origine de ces fonds n'intéresse que les rapports entre la SCI Valor et Mme [D], laquelle dispose de moyens légaux, gestion d'affaire ou remboursement de compte courant, pour se faire rembourser par la SCI qui reste potentiellement débitrice vis à vis d'elle. Les consorts [F] en revanche, ainsi que les assureurs, tiers à ces rapports, ne sont pas fondés à s'en prévaloir.

Enfin, et alors qu'il est établi que la SCI Valor était en droit de se prévaloir d'une somme de 193.319,91 € versée à son crédit, il est constant qu'une telle somme n'a pas servi à rembourser la créancière de la SCI malgré les termes du virement précité.

L'affectation du prix de vente au paiement de la somme due à la créancière n'aurait laissé à la charge de la SCI Valor qu'un solde de 645,28 € mais l'aurait dispensée de fournir une somme supplémentaire aux fins de remboursement de la banque.

En l'absence de toute affectation du prix de vente puis de la somme de 197.319,91 € (non compris les frais bancaires restés à la charge de Mme [D]) au remboursement de la SA BNP Paribas, la SCI Valor justifie donc de ce qu'elle a subi un préjudice en ayant en pure perte affecté une somme supplémentaire au remboursement de sa créancière, préjudice qui se chiffre dès lors à la somme de (197.319,91 ' 645,28) = 196.674,63 €.

En application de l'article 1231-7 du code civil, le juge ayant toujours la possibilité de déroger aux règles concernant le point de départ des intérêts produits par une somme de nature indemnitaire, les intérêts légaux sur cette somme seront dus à compter du 08 novembre 2018, date du jugement de première instance.

Le jugement est donc infirmé en ce sens.

Cependant la cour observe que, bien qu'ayant intimé également la SCP [F]-[K], et bien que concluant expressément à la condamnation in solidum de celle-ci avec les autres intimés, la SCI Valor ne fait valoir aucun argument au soutien d'une telle demande de condamnation, de nature à remettre en cause les motifs spécifiques par lesquels le premier juge a rejeté sa demande à l'encontre de la SCP, à savoir l'absence de toute faute de celle-ci.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dès lors et en l'absence de tout moyen allégué à l'appui d'une demande en condamnation de la SCP [F]-[K] et donc d'une infirmation du jugement sur ce point, il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SCI Valor de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP [F]-[K].

Seuls les consorts [F] tenus solidairement, et les sociétés d'assurance MMA seront donc condamnés in solidum au paiement de la somme précitée.

Sur la demande en paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires

Cette somme réclamée en première instance par la SCI Valor en raison contentieux et de la « gestion lourde » qu'aurait entraîné le litige, avait fait l'objet d'un rejet de la part du premier juge, qui avait considéré qu'une telle demande concernait les frais irrépétibles exposés par la demanderesse.

A hauteur d'appel la SCI Valor ne fait valoir aucun argument au soutien d'une telle demande, notamment pour critiquer l'avis exprimé par le premier juge.

En l'absence d'arguments et en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, il convient par conséquent de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de la SCI Valor sur ce point.

Sur la demande à l'encontre de la Caisse régionale de garantie des notaires

Aux termes de l'article 12 du décret n° 55-604 du 20 mai 1955, dans sa version applicable au présent litige, « La garantie visée à l'article 11 joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu à l'article 2298 du code civil, et sur la seule justification de l'exigibilité de la créance et de la défaillance du notaire.

Cette garantie s'applique au remboursement des sommes d'argent, à la restitution des titres et valeurs quelconques reçus par les notaires à l'occasion des actes de leur ministère ou des opérations dont ils sont chargés en raison de leurs fonctions.

Elle s'étend aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les notaires dans l'exercice normal de leurs fonctions à raison de leur fait, de leur faute ou de leur négligence, ou du fait, de la faute ou de la négligence de leur personnel.

Elle ne couvre pas les pertes subies à raison de l'insuffisance des gages.

La défaillance du notaire est établie par la production d'une lettre recommandée, à lui adressée avec demande d'avis de réception, afin d'obtenir l'exécution de ses obligations, et demeurée plus d'un mois sans effet ».

Il résulte de l'alinéa 1er de cet article que, quel que soit le fondement retenu pour rechercher la garantie de la caisse régionale de garantie des notaires, il doit être justifié de l'exigibilité de la créance et de la défaillance du notaire.

Il résulte des motifs du présent arrêt que l'acte notarié faisait obligation à Me [F] de payer la banque créancière de la SCI Valor au moyen du prix de vente, et que l'action intentée par cette SCI a pour origine le non-respect de cette obligation. De la même manière, la somme de 197.319,91 n'a pas été virée au compte du notaire afin qu'il la représente ultérieurement, mais afin qu'il l'utilise pour régler la créancière, ce qu'il n'a pas davantage fait.

Ainsi il ne peut être soutenu que le notaire n'était tenu que d'une simple obligation de représentation des fonds confiés, et l'inexécution de ses obligations a pour conséquence que la SCI Valor dispose à son encontre d'une créance de dommages et intérêts d'origine délictuelle.

Dès lors, la garantie de la caisse régionale de garantie des notaires, ne peut être recherchée sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 12 précité, mais uniquement sur le fondement de l'alinéa 3 relative à la responsabilité délictuelle du notaire.

En l'occurrence, la créance de la SCI Valor n'a été fixée que par le présent arrêt, de sorte qu'elle n'était pas exigible lors de l'introduction de la procédure contre la caisse de garantie.

En outre, si les exigences de l'alinéa 5 de l'article 12 précité n'excluent pas que la preuve de la défaillance du notaire puisse être établie par le biais des règles de preuve du droit commun, il reste qu'en l'espèce tant que le principe que le montant de la créance de la SCI Valor n'étaient pas arrêtés avant la présente décision, de sorte qu'aucune défaillance du notaire ou de son assureur dans le paiement d'une telle créance n'a pu être constatée dans les conditions prévues par l'article 12 précité.

Il s'en suit par conséquent que, en l'état, les conditions permettant de solliciter la garantie de la caisse régionale de garantie des notaires ne sont pas remplies, et le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Valor de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Caisse.

IV-Sur les dépens et les sommes réclamées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de la présente décision, qui fait droit à la demande de la SCI Valor, conduit à infirmer le jugement de première instance dans ses dispositions concernant les dépens et la somme allouée à [E] [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant à l'encontre de la SCI Valor, les consorts [F], venant aux droits de [E] [F], supporteront les dépens de première instance.

Il est équitable en outre d'allouer à la SCI Valor, en remboursement des frais irrépétibles exposés en première instance, une indemnité de 4.000 €.

En revanche, les sociétés MMA n'étant pas parties à la procédure de première instance, et ne venant pas aux droits de [E] [F], rien ne justifie qu'elles soient également condamnées aux dépens de première instance ou au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sollicité, l'action directe exercée à leur encontre ne pouvant aboutir que pour ce qui concerne les sommes qui leurs sont réclamées dans le cadre de l'instance à laquelle elles sont parties.

La décision dont appel étant confirmée dans ses dispositions relatives aux demandes formées tant à l'encontre de la SCP [F]-[K] qu'à l'encontre de la Caisse régionale de garantie des notaires, il convient de la confirmer également en ce qu'elle a condamné la SCI Valor à payer la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles à chacune de ces parties.

A hauteur d'appel les consorts [F], ainsi que les sociétés d'assurance MMA qui succombent, supporteront les dépens.

Il est également équitable d'allouer à la SCI Valor, en remboursement de ses frais irrépétibles, une somme de 5.000 € qui sera supportée par les consorts [F] et les assureurs.

L'équité commande enfin d'allouer au titre de leurs frais irrépétibles, une somme de 1.500 € à la SCP [F]-[K] ainsi qu'à la Caisse régionale de garantie des notaires.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Donne acte à la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles ainsi qu'à la SA MMA IARD de leur intervention volontaire

Donne acte à M. [M] [F], M. [X] [F], et Mme [W] [L] veuve [F] de leur intervention volontaire ès qualités d'héritiers de Me [E] [F]

Donne acte à la SCI Valor de ce qu'elle dirige désormais ses demandes à l'encontre de la société MMA Assurances mutuelles et de la société MMA IARD, en leur qualité d'assureur de Me [E] [F], et contre les héritiers de Me [E] [F],

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile délictuelle engagée par la SCI Valor à l'encontre du notaire,

rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Valor à l'encontre du notaire,

déclaré l'action en responsabilité civile délictuelle recevable,

Débouté la SCI Valor de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP [F]-[K] y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la SCI Valor de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la Caisse régionale de garantie des notaires, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Débouté la SCI Valor de sa demande en paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires,

Condamné la SCI Valor à payer à la SCP [F]-[K] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SCI Valor à payer à la Caisse régionale de garantie des notaires la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne solidairement Mme [W] [L] veuve [F], M. [M] [F] et M. [X] [F] ès qualités d'héritiers de Me [E] [F], in solidum avec la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles et la SA MMA IARD en leur qualité d'assureurs de Me [E] [F], à payer à la SCI Valor une somme de 196.674,63 € assortie des intérêts légaux à compter du 8 novembre 2018,

Condamne solidairement Mme [W] [L] veuve [F], M. [M] [F] et M. [X] [F] ès qualités d'héritiers de Me [E] [F] aux entiers dépens de première instance,

Condamne solidairement Mme [W] [L] veuve [F], M. [M] [F] et M. [X] [F] ès qualités d'héritiers de Me [E] [F] à payer à la SCI Valor une somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir,

Condamne solidairement Mme [W] [L] veuve [F], M. [M] [F] et M. [X] [F] ès qualités d'héritiers de Me [E] [F], in solidum avec la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles et la SA MMA IARD en leur qualité d'assureurs de Me [E] [F], aux entiers dépens d'appel,

Condamne solidairement Mme [W] [L] veuve [F], M. [M] [F] et M. [X] [F] ès qualités d'héritiers de Me [E] [F], in solidum avec la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles et la SA MMA IARD en leur qualité d'assureurs de Me [E] [F], à payer à la SCI Valor une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Valor à verser à la SCP [F]-[K] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Valor à verser à la Caisse régionale de garantie des notaires une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/03311
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;18.03311 ?
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