RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 18/03245 - N° Portalis DBVS-V-B7C-E5IN
Minute n° 24/00161
[S], S.C.I. CYFRE
C/
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, [O], VEUVE [S], [S], [S], Association CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES, S.C.I. CYFRE
Arrêt Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 08 Novembre 2018, enregistrée sous le n° 15/00870
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 JUIN 2024
APPELANTS :
SCI CYFRE, représentée par son représentant légal
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES, représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ
SCI CYFRE, représentée par son représentant légal
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTERVENANTS VOLONTAIRES:
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE
SA MMA IARD, représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE
Madame [X] [O] veuve [S], es qualité d'héritière de Monsieur [Y] [S]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE
Monsieur [Z] [S], es qualité d'héritier de Monsieur [Y] [S]
[Adresse 13]
[Localité 8]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE
Monsieur [H] [S], es qualité d'héritier de Monsieur [Y] [S]
[Adresse 4]
[Adresse 14]
Représentée par Me Laurent ZACHAYUS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Michel RONZEAU, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 08 Février 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 11 Juin 202, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère
Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte du 31 août 2009 passé par devant Me [Y] [S], alors notaire associé de la SCP [Y] [S] et [M] [A] sise à Metz, neuf sociétés, SARL ou SCI, propriétaires de divers biens immobiliers et toutes représentées par leur gérant unique M. [W] [J], ont vendu à la SARL Thiers Développement un portefeuille de vingt-quatre immeubles ou biens et droits immobiliers pour le prix de 9.098.000,00 euros.
Parmi les biens immobiliers vendus figuraient notamment deux immeubles sis respectivement [Adresse 3]), initialement propriétés de la SCI Cyfre, vendus respectivement aux prix de 120.000 et 100.000 €.
L'acte de vente notarié comportait une clause « constitution de séquestre », aux termes de laquelle Mme [R] [L], employée de l'office notarial, était constituée séquestre de l'intégralité du prix de vente, que le vendeur lui remettait, et était chargée d'employer tout ou partie du prix de vente, aux fins de payer toutes dettes hypothécaires ou privilégiées sur les biens vendus, de façon à ce que ceux-ci ne soient plus grevés d'aucune charge, inscription ou opposition.
Alléguant avoir découvert, en 2012, que Me [S] n'avait pas désintéressé la Banque Populaire Lorraine Champagne, auprès de laquelle la SCI Cyfre avait obtenu deux emprunts, ce qui avait obligé celle-ci à la désintéresser elle-même sans avoir reçu le prix de vente lui revenant, la SCI Cyfre, par actes des 19 et 26 janvier 2015, a assigné devant le tribunal de grande instance de Metz, à raison de la non représentation des fonds correspondant au prix de vente, Me [Y] [S] ainsi que la SCP [S]-[A] prise en la personne de son administrateur Me [B] [A] et la Caisse Régionale de Garantie des Notaires aux fins notamment de le voir :
Condamner in solidum [Y] [S], la SCP [S]-[A] prise en la personne de son administrateur Me [B] [A], et la Caisse Régionale de Garantie des Notaires à payer à la SCI Cyfre la somme de 220.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
Les condamner in solidum à payer à la SCI Cyfre la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Me [S] et la SCP de notaires ont soulevé la prescription de la demande et ont notamment objecté, sur le fond, que le prix de vente revenant à la SCI Cyfre avait été affecté, sur demande de M. [J], au règlement de la dette d'une autre de ses SCI, la SCI Cassiopée.
La Caisse régionale de garantie des notaires a fait valoir de son côté que les conditions d'intervention de sa garantie n'étaient pas remplies.
Par jugement avant-dire droit rendu le 1er juin 2017, le tribunal de grande instance de Metz a :
Révoqué l'ordonnance de clôture du 27 janvier 2017 ;
Invité :
M. [I] [S] et la SCP [S]-[A], à produire toutes pièces justifiant que la somme de 120.000 euros ou bien celle de 128 193,29 euros représentant l'addition du prix de vente de 120. 000 euros et d'un apport en compte courant associé réalisé par M. [W] [J] pour 8193,29 euros (pour le premier bien), ont été effectivement perçues par la société Cassiopée et à quelle date
M.[I] [S] et la SCP [S]-[A],à produire toutes pièces justifiant que la somme de 100 000 euros ou bien celle de 108 504,51 euros représentant l'addition du prix de vente de 100 000 euros et d'un apport en compte courant associé réalisé par M. [W] [J] pour 8504,31 euros (pour le second bien), ont été effectivement perçues par la société Cassiopée et à quelle date,
M. [I] [S] et la SCP [S]-[A], Notaire, prise en la personne de son administrateur Maître [B] [A] à produire tout élément de nature à démontrer l'existence d'instructions de la SCI Cyfre et de son gérant auxquelles le notaire dit s'être conformé lors du versement des fonds ;
Renvoyé en conséquence l'affaire devant le juge de la mise en état ;
Réservé les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par jugement rendu le 08 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Metz a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile délictuelle engagée par la SCI Cyfre à l'encontre du notaire,
Rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Cyfre à l'encontre du notaire,
En conséquence,
Déclarer l'action en responsabilité civile délictuelle recevable ;
Débouté la SCI Cyfre de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SCP [S]-[A] prise en la personne de Maître [B] [A], en sa qualité d'administrateur, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté la SCI Cyfre de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la Caisse Régionale de Garantie des Notaires prise en la personne de son représentant légal, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné [Y] [S] à régler à la SCI Cyfre prise en la personne de son représentant légal :
la somme de 220 000,00 euros, à titre de dommages et intérêts, outre intérêts légaux à compter du jugement ;
la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté la SCI Cyfre du surplus de ses demandes, y compris à titre de dommages et intérêts
Débouté [Y] [S] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la SCI Cyfre prise en la personne de son représentant légal à régler :
à la SCP Doyen-Mourer prise en la personne de son représentant légal la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires prise en la personne de son représentant légal la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné [Y] [S] aux dépens.
Pour statuer ainsi le tribunal a rappelé que compte tenu du grief allégué à l'encontre de Me [S] et de la SCI [S]-[A], à savoir la non représentation de fonds provenant de la vente et l'absence de désintéressement du créancier hypothécaire, l'action de la SCI était fondée sur la responsabilité délictuelle du notaire et de la SCP.
Sur la prescription de l'action de la SCI Cyfre, le tribunal a considéré que le point de départ du délai de prescription ne pouvait nullement se situer à la date de l'acte notarié soit le 31 août 2009, puisque rien ne permettait au vendeur de penser que Me [S] n'exécuterait pas ses obligations.
Quant à la date du 10 septembre 2009, constituant la date à laquelle, selon la comptabilité du notaire, les prix de vente revenant à la SCI Cyfre avaient été virés au compte de la SCI Cassiopée sur ordre prétendu de M. [J], le tribunal a relevé que les seuls extraits de compte du notaire ne permettaient nullement de vérifier que la SCI Cyfre avait eu connaissance de ces mouvements aux fins de règlement de la dette de la SCI Cassiopée, et ce d'autant moins que le montant de ces règlements ne correspondait pas au montant total du prix de vente revenant à la SCI Cyfre. Il a également relevé que postérieurement au jugement avant dire droit du 1er juin 2017, Me [S] n'avait produit aucun justificatif complémentaire et que les instructions prétendues n'étaient pas prouvées.
Par conséquent le tribunal a estimé que la seule date objective à compter de laquelle il était acquis que la SCI Cyfre avait connaissance de ce que Me [S] n'avait pas rempli ses obligations et n'avait pas désintéressé son créancier, était la date du 16 août 2012 correspondant au commandement de payer délivré à la SCI Cyfre à la requête de la Banque Populaire Lorraine Champagne, de sorte que le délai quinquennal de prescription n'était pas expiré lors de la délivrance de l'assignation.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action a donc été écartée.
Le tribunal a de même écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, en relevant que les moyens développés par Me [S] et la SCP [S]-[A] constituaient en réalité des défenses au fond, et que la SCI Cyfre, qui contestait avoir reçu le prix de vente litigieux, justifiait d'un intérêt à agir.
Le tribunal a ensuite relevé que la SCI Cyfre ne se prévalait que de la faute de Me [S] et non d'une faute de la SCP de notaires, de sorte qu'il a débouté la SCI Cyfre de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP Doyen-Mourer représentée par son administrateur.
Sur la faute de Me [S] le tribunal a relevé que contrairement à ce que soutenait celui-ci, aucune mention de l'acte notarié n'indiquait que la SCI Cyfre aurait reçu le prix de vente, alors qu'il était convenu que celui-ci soit confié à un séquestre, et que la SCI n'avait jamais donné quittance à Me [S], de sorte que c'est bien à lui qu'il appartenait de prouver qu'il avait rempli ses obligations telles que mentionnées dans l'acte.
Or le tribunal a considéré qu'aucun des documents versés aux débats n'apportait la preuve du versement ultérieur du prix de vente à la SCI Cyfre, et qu'il n'était pas davantage rapporté la preuve de ce que ce prix de vente aurait été versé à la SCI Cassiopée ainsi que prétendu par Me [S], les extraits de comptabilité produits, qui ne sont pas l'acte authentique, n'ayant pas sur ce point valeur de preuve. De même le tribunal a relevé que Me [S] ne faisait pas la preuve de ce qu'il aurait agi sur instruction de M. [J], gérant, alors que la SCI Cyfre n'avait nullement confirmé ce point.
Le tribunal a dès lors considéré que la SCI Cyfre rapportait la preuve d'une faute de Me [S] consistant dans l'absence de versement des fonds, et a fait droit à la demande à hauteur de 220.000 € représentant le préjudice subi par la SCI Cyfre du fait de la faute du notaire.
Le tribunal a en revanche rejeté la demande de dommages et intérêts supplémentaires, en estimant que les coûts dont se prévalait la SCI, générés par le litige, relevaient des frais irrépétibles.
Quant à la demande dirigée à l'encontre de la caisse régionale de garantie des notaires, le tribunal a relevé que la SCI Cyfre fondait cette demande uniquement sur les dispositions de l'article 12 alinéa 2 du décret du 20 mai 1955 qui dispose que la garantie visée à l'article 11 s'applique au remboursement des sommes d'argent, et à la restitution des titres et valeurs quelconques reçus par les notaires. Le tribunal a observé qu'en l'occurrence, la SCI Cyfre n'avait confié ou déposé aucune somme auprès du notaire, le seul déposant en l'espèce étant la société acquéreuse, de sorte qu'elle était mal fondée à se prévaloir de cet article en son deuxième alinéa, son action relevant en réalité de l'alinéa 3 qui n'était pas invoqué en l'espèce. Il a donc débouté la SCI Cyfre de son action dirigée contre la caisse régionale de garantie des notaires.
Par déclaration du 17 décembre 2018, la SCI Cyfre a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement rendu le 08 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Metz en ce qu'il a :
débouté la SCI Cyfre de ses demandes visant à la condamnation de la Caisse Régionale de Garantie des Notaires à lui payer la somme de 220 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande, la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
condamné la SCI Cyfre à payer à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 18/03245.
Par déclaration du 28 décembre 2018, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 07 janvier 2019, [Y] [S] a interjeté appel aux fins d'annulation subsidiairement infirmation du jugement rendu le 08 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Metz en ce qu'il a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile délictuelle engagée par la SCI Cyfre à l'encontre du notaire ;
rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Cyfre à l'encontre du notaire ; en ce qu'il a déclaré l'action en responsabilité civile délictuelle recevable à l'encontre de [Y] [S] ;
condamné [Y] [S] à régler à la SCI Cyfre prise en la personne de son représentant légal, la somme de 220 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts légaux à compter du jugement ; la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté [Y] [S] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
condamné [Y] [S] aux dépens.
Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 19/00001.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 10 septembre 2019.
[Y] [S] est décédé le [Date naissance 5] 2020. Par arrêt du 26 novembre 2020, la cour d'appel a constaté l'interruption de l'instance.
Par conclusions du 08 février 2021, la société d'assurances mutuelles à cotisation fixe MMA IARD Assurances Mutuelles et la société anonyme MMA IARD (ci-après désignées ensemble les sociétés MMA ou les assureurs), assureurs de [Y] [S], sont intervenues volontairement à l'instance.
Par ordonnance du 09 février 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire.
La SCI Cyfre a conclu en reprise d'instance le 15 juin 2021, intimant la SCP [S]-[A] ainsi que les sociétés MMA intervenues volontairement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 novembre 2021 puis révoquée par ordonnance du 10 mars 2022.
Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance en raison du décès de [Y] [S] aux fins de mise en cause des héritiers.
Par actes signifiés les 13 et 28 février 2023, la SCI Cyfre a assigné Mme [X] [O] veuve [S], M. [Z] [S] et M. [H] [S] (les consorts [S]) en intervention forcée en qualité d'héritiers de [Y] [S]. Les consorts [S] ont constitué avocat et déclaré intervenir volontairement à l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 11 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Cyfre demande à la cour d'appel de :
« Recevoir la SCI Cyfre en son appel et le dire bien fondé.
Rejeter au contraire l'appel de [Y] [S] et l'intervention volontaire de la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et de la Société MMA IARD, assureurs de [Y] [S] et les dire mal fondés.
Confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a condamné [Y] [S] à régler à la SCI Cyfre la somme de 220 000 euros, outre intérêts légaux à compter de son prononcé, et celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Mais vu le décès de [Y] [S] survenu en cours de procédure d'appel le 27 octobre 2020,
vu l'intervention volontaire de la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et de la Société MMA IARD, en leur qualité d'assureurs de [Y] [S],
Vu la mise en cause des héritiers de Maître [Y] [S]
Donner acte à la SCI Cyfre de ce qu'elle dirige désormais ses demandes contre la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et de la Société MMA IARD, en leur qualité d'assureurs de [Y] [S], contre lesquelles elle exerce l'action directe et contre les héritiers de [Y] [S].
Et, ce fait,
Dire et juger que les condamnations prononcées par le jugement du 8 novembre 2018 contre [Y] [S] au profit de la SCI Cyfre le sont à l'encontre de la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et de la Société MMA IARD, en leur qualité d'assureurs de [Y] [S], et contre les héritiers de [Y] [S].
Infirmer le jugement entrepris pour le surplus en ce qu'il a débouté la SCI Cyfre de sa demande dirigée contre la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et en tant qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Vu les dispositions des alinéas 2 et 3 de l'article 12 du décret no 55-604 du 20 mai 1955,
Dire et juger que les condamnations prononcées par le jugement du 8 novembre 2018 contre [Y] [S] au profit de la SCI Cyfre le sont également à l'encontre de la Caisse Régionale de Garantie des Notaires.
En conséquence, condamner solidairement Mme [X] [O] veuve [S], M. [H] [S] et M. [Z] [S], pris en leur qualité d'héritiers de [Y] [S] et in solidum avec la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et la Société MMA IARD, tenues solidairement entre elles en leur qualité d'assureurs de [Y] [S], à payer à la SCI Cyfre la somme de 220 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile du chef des frais irrépétibles de 1ère instance, le tout avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement du 8 novembre 2018.
Les condamner in solidum en tous les frais et dépens de 1ère instance.
Condamner solidairement Mme [X] [O] veuve [S], M. [H] [S] et M. [Z] [S], pris en leur qualité d'héritiers de [Y] [S] et in solidum avec la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et la Société MMA IARD Assurances Mutuelles et la Société MMA IARD, tenues solidairement entre elles en leur qualité d'assureurs de [Y] [S], en tous les frais et dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme supplémentaire de 5 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel. »
La SCI Cyfre, appelante des dispositions ayant rejeté ses demandes à l'encontre de la caisse régionale de garantie des notaires, fait valoir que [Y] [S] a reçu le prix de vente de l'acquéreur sans l'affecter ensuite au désintéressement du créancier hypothécaire ni le reverser au vendeur de sorte qu'elle se prévaut bien d'une non représentation de fonds au sens de l'alinéa 2 de l'article 12 du décret n°55-604 du 20 mai 1955.
Elle expose que la Caisse Régionale de Garantie des Notaires ne démontre pas que, conformément à ce qu'elle allègue, les fonds lui revenant ont été versés à la société Cassiopée qui de surcroît n'avait pas qualité pour les recevoir, et que de même il n'est pas démontré que M. [J] aurait donné de telles instructions de versement, d'ailleurs contraires aux actes notariés. La SCI Cyfre relève qu'au contraire les fiches des deux immeubles prévoyaient le désintéressement de la banque populaire par le prélèvement du prix de vente, et le versement d'un complément par la SCI Cyfre.
Elle en conclut que, dès lors que l'alinéa 2 de l'article 12 précité est applicable en l'espèce, le moyen tiré de ce que l'intervention de la caisse de garantie ne serait que subsidiaire par rapport à l'intervention de l'assureur professionnel n'est pas fondé, et considère que, bien que le tribunal ait qualifié de dommages et intérêts la somme de 220.000 € allouée, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, ces prix de vente n'ont pas été représentés.
De même la SCI Cyfre considère, en suite des objections de la caisse régionale de garantie des notaires, que le caractère certain et exigible de sa créance est établi par l'acte de vente lui-même, et que la formalité de la lettre recommandée adressée au notaire n'est pas obligatoire, la défaillance de celui-ci pouvant être établie par tous moyens de droit commun.
A titre subsidiaire, elle se prévaut également des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 12 du décret du 20 mai 1955, relatif à la responsabilité professionnelle du notaire, et fait valoir que si en cette hypothèse le rôle de la caisse de garantie n'est que subsidiaire, cependant en l'espèce la défaillance de l'assureur de Me [S] est également établie, puisqu'elle se serait désistée si cet assureur avait accepté de couvrir le sinistre.
Sur l'appel interjeté par Me [S], et l'intervention volontaire des assureurs et des héritiers de Me [S], la SCI Cyfre soutient que son action n'est pas prescrite. Elle conteste que le point de départ du délai de prescription puisse être le 10 septembre 2009, en affirmant que les fonds détenus par le notaire n'ont pas été virés à la SCI Cassiopée, que celle-ci n'avait pas qualité pour les recevoir, et qu'elle-même ignorait totalement que le notaire n'avait pas désintéressé son créancier, et ne l'apprendra qu'en 2012 par le biais du commandement de payer délivré.
De même elle soutient avoir bien un intérêt à agir, en faisant valoir que M. [J], pour éviter l'exercice par la banque de son droit de suite sur les immeubles vendus, a effectué deux virements de 127.896,25 € et 118.296,70 €, de sorte que la SCI Cyfre, pour le compte de laquelle M. [J] a désintéressé la Banque Populaire, a manifestement un intérêt à agir et à solliciter condamnation des consorts [S] et des assureurs au paiement de dommages et intérêts correspondant au prix de vente.
Sur le fond, elle fait valoir que si le versement du prix de vente a été quittancé dans l'acte notarié, c'est uniquement à l'égard de l'acquéreur, mais que ceci ne fait pas preuve de ce qu'elle aurait reçu elle-même ce prix de vente, de sorte que c'est bien à Me [S], respectivement à ses héritiers, de démontrer que le notaire a satisfait à son obligation de représentation du prix, ce qu'ils ne font pas. La SCI se réfère aux motifs du premier juge, qui a justement relevé que les différents extraits de la comptabilité du notaire ne sont pas l'acte authentique et ne font pas preuve de la réalité des versements litigieux. En l'absence de tout mandat donné par la SCI Cyfre pour que le prix de vente soit prétendument reversé à la SCI Cassiopée, la SCI Cyfre considère que ces relevés ne sont pas libératoires, et qu'en outre il est sans intérêts d'invoquer le désintéressement du Crédit Suisse, alors que la SCI Cyfre n'était débitrice que de la BPALC. Le prix de vente n'ayant pas servi à désintéresser ce créancier, la SCI Cyfre en conclut qu'il a été détourné, et estime qu'elle rapporte la preuve d'une faute du notaire, directement à l'origine de son préjudice à savoir la perte du prix de vente de 220.000 €.
Par conclusions du 07 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts [S] demandent à la cour d'appel de :
« Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,
Recevoir la Société MMA IARD Assurances Mutuelles, et la Société MMA IARD, leur intervention volontaire et les déclarer recevables et bien fondés,
Recevoir M. [H] [S], M. [Z] [S] et Mme [X] [O] veuve [S] es qualités d'héritiers de [Y] [S] en leur intervention volontaire et les déclarer recevables et bien fondés
Et y faisant droit,
Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Cyfre.
Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné [Y] [S] à régler la SCI Cyfre la somme de 220 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.
Et statuant à nouveau,
Déclarer la demande de la SCI Cyfre prescrite en application de l'article 2224 du code civil,
Déclarer la SCI Cyfre dépourvue d'intérêt à agir en application de l'article 31 du code de procédure civile.
La déclarer irrecevable en toutes ses demandes et prétentions,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu le protocole du 8/11/2013,
Constater l'absence de faute du notaire, l'absence de préjudice et l'absence de lien de causalité.
Débouter la SCI Cyfre de toutes ses demandes, fins et conclusions.
La condamner à payer à la société M.M.A. IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, ainsi qu'à la SCP [Y] [S] [A] et à M. [H] [S], M. [Z] [S] et Mme [X] [O] veuve [S] es qualités d'héritiers de Feu [Y] [S], la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel. »
Les sociétés MMA et les consorts [S] maintiennent tout d'abord que l'action de la SCI Cyfre est prescrite au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil, dès lors que la SCI a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits dès le 10 septembre 2009, date à laquelle, sur instructions de M. [J], gérant, les prix de vente des immeubles de la SCI Cyfre ont été virés sur le compte de la SCI Cassiopée afin de permettre le règlement de la dette de celle-ci vis à vis du Crédit Suisse. Ils soutiennent que M. [J] n'a jamais contesté l'existence d'un tel virement, étant rappelé que la SCI Cassiopée était redevable d'un montant particulièrement important, et que les consorts [S] ainsi que leurs assureurs justifient de ce que Me [Y] [S] a émis un chèque de 6.613.105,45 € au bénéfice de la SCP Attal, notaire à Paris, au titre de la créance du Crédit Suisse. Ils soulignent que ni ce règlement, ni le compte de la SCI Cassiopée ouvert dans les livres de l'étude notariale, n'ont été contestés par M. [J].
Subsidiairement ils se prévalent du défaut d'intérêt à agir de la SCI Cyfre, laquelle ne peut sérieusement contester que les deux prix de vente ont bien été portés au crédit de son compte ouvert en l'étude notariale, ni contester le fait qu'en tout état de cause et compte tenu du montant des créances à rembourser, elle n'avait pas vocation à percevoir ce prix de vente. Ils ajoutent que les virements dont se prévaut la SCI Cyfre ont été effectués par M. [J], et que la SCI est d'autant plus irrecevable à agir qu'elle ne soutient pas avoir réglé elle-même la Banque Populaire Lorraine Champagne.
Sur le fond les consorts [S] et les MMA considèrent que la preuve d'une faute permettant d'engager la responsabilité notariale n'est pas rapportée. Ils soulignent que dans ses écritures de première instance la SCI Cyfre n'a jamais contesté les relevés de compte versés aux débats par l'étude notariale, que M. [J] n'a pas davantage contesté les écritures passées sur le compte de la SCI Cassiopée, et que l'absence de toute contestation fait preuve de la réalité des virements litigieux. Ils estiment rapportée la preuve des faits qu'ils allèguent puisqu'il est justifié du règlement au profit de la SCP Attal, notaire, d'une somme de 6.613.105,45 € pour le compte du crédit suisse, créancier de la SCI Cassiopée, faisant preuve de l'opération réalisée sur demande de M. [J], qui seul y avait intérêt.
Enfin ils contestent l'existence pour la SCI Cyfre d'un préjudice, dès lors que l'assureur du notaire a pris en charge le remboursement d'un des prêts et que la SCI Cyfre soutient vainement que les deux prêts ont été réglés sur les fonds propres de M. [J], de sorte que l'allocation d'une somme de 220.000 € à la SCI Cyfre constituerait pour elle un enrichissement sans cause.
Par conclusions du 19 mai 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Caisse régionale de garantie des notaires demande à la cour d'appel de :
« Vu le décret du 20 mai 1955,
Dire, juger et constater que l'appel de la SCI Cyfre est mal fondé.
En conséquence,
L'en débouter.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI Cyfre de ses demandes dirigées contre la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et en ce qu'il a condamné la SCI Cyfre à verser à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la SCI Cyfre à verser à la Caisse Régionale de Garantie des Notaires une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel. »
La Caisse régionale de garantie des notaires fait valoir que le fondement principal retenu par la SCI Cyfre pour justifier la demande à son encontre, reste à hauteur d'appel l'alinéa 2 de l'article 12 du décret du 20 mai 1955 relatif à la garantie assurée par la caisse pour le remboursement des sommes d'argent ou la restitution des titres et valeurs reçus par les notaires à l'occasion de leurs actes.
Elle fait valoir que le premier juge a à juste titre relevé que la SCI Cyfre n'avait pas la qualité de déposant de la somme litigieuse de sorte qu'elle ne pouvait se fonder sur cet alinéa 2.
Elle ajoute que les assureurs MMA justifient que les fonds litigieux ont été versés à la SCI Cassiopée sur instructions de M. [J], gérant, de sorte que ces fonds n'ont été ni conservés par le notaire ni détournés à son profit.
Elle en conclut que la SCI Cyfre est mal fondée à agir sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article précité, et ce d'autant moins qu'il résulte aussi bien des termes de l'assignation initialement délivrée par la SCI à Me [S], à la SCP de notaires et à la caisse de garantie, que des termes du jugement du 8 novembre 2018, et des propres conclusions de la SCI, que seule la responsabilité civile professionnelle de Me [S] est en cause.
Quant à la demande de la SCI Cyfre à son encontre fondée sur l'alinéa 3 de l'article 12 précité, la Caisse régionale de garantie des notaires soutient qu'elle ne peut davantage aboutir dès lors que dans cette hypothèse la caisse de garantie n'intervient qu'à titre subsidiaire, si l'assureur ne doit pas sa garantie ou s'il ne couvre qu'une partie du préjudice et que le notaire est défaillant, alors qu'il n'est nullement démontré que l'assurance de [Y] [S] ne couvrirait pas le sinistre.
De même elle fait valoir qu'en application du premier alinéa de l'article 12, la garantie collective des notaires ne peut jouer que sur justification de l'exigibilité de la créance et de la défaillance du notaire. Or la créance de la SCI Cyfre ne peut être considérée comme exigible qu'à partir du moment où une décision judiciaire en fixe le montant, et la défaillance du notaire doit être établie par l'envoi d'une lettre recommandée aux fins d'exécution de ses obligations, restée infructueuse.
La Caisse régionale de garantie des notaires fait valoir qu'en l'espèce ces deux conditions ne sont pas, ou pas encore réunies, puisque notamment il n'existe aucune décision judiciaire exécutoire, de sorte que l'appel en garantie formé à son encontre est mal fondé.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est donné acte à la société d'assurance mutuelle MMA IARD Assurances mutuelles, ainsi qu'à la SA MMA IARD, de leur intervention volontaire à la présente procédure, et il est de même donné acte à M. [H] [S], M. [Z] [S] et Mme [X] [O] veuve [S], de leur intervention volontaire en qualité d'héritiers de [Y] [S].
La cour observe à titre liminaire que l'appel de la SCI Cyfre ne porte que sur les dispositions du jugement de première instance ayant rejeté ses demandes à l'encontre de la Caisse régionale de garantie des notaires, que ce soit à titre principal, au titre d'une demande de dommages et intérêts supplémentaires à hauteur de 10.000 € ou au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ainsi, et en l'absence d'appel sur ces points, le jugement précité est définitif en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 € formulée à l'encontre de Me [S], et aujourd'hui ses héritiers, et en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la SCP [S]-[A] prise en la personne de Me [B] [A] en sa qualité d'administrateur provisoire.
Ces deux dispositions sont donc définitives et hors de la saisine de la cour.
I- Sur la prescription alléguée de l'action de la SCI Cyfre
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'occurrence, et que l'action de la SCI Cyfre soit fondée sur le défaut de représentation par [Y] [S] des sommes confiées, ou qu'elle soit fondée sur sa responsabilité civile professionnelle, il n'est pas contesté que la SCI exerce une action mobilière en paiement d'une somme d'argent.
La SCI Cyfre reproche à Me [S] de n'avoir, ni réglé les sommes dont elle était redevable vis à vis de la Banque Populaire Lorraine Champagne, ni à défaut viré à son profit le montant du prix de vente de ses immeubles.
L'acte de vente notarié du 31 août 2009 mettait effectivement à la charge de Me [S], respectivement d'une employée de son étude, le règlement des créanciers hypothécaires, ce qui ne pouvait se faire qu'une fois le prix de vente versé en l'étude du notaire et donc postérieurement au 31 août 2009.
L'allégation des consorts [S] et des sociétés d'assurance MMA, selon laquelle Me [S] aurait en réalité employé le prix des deux ventes effectuées par la SCI Cyfre, à désintéresser le créancier de la SCI Cassiopée après avoir viré ces prix de vente au crédit du compte de cette SCI dans sa comptabilité, et ce sur demande de M. [J], est contestée, et à minima la SCI a soutenu qu'elle n'en avait pas connaissance et n'avait pas donné de telles instructions.
Alors qu'il a été demandé à Me [S], par jugement avant dire droit du 1er juin 2017, de fournir la preuve de ce qu'il avait reçu des instructions en ce sens de M. [J], à l'époque gérant de l'ensemble des SCI, aucune preuve en ce sens n'a été fournie.
En particulier la simple production de la comptabilité interne du notaire, ne fait nullement preuve de ce que l'opération alléguée par les consorts [S] et les sociétés d'assurance, ait été portée à la connaissance de la SCI Cyfre.
Dès lors qu'il n'est pas établi que les mouvements de fonds dont se prévalent les consorts [S] et les MMA auraient été effectués sur ordre de M. [J] pour la SCI Cyfre, il ne peut être déduit de ces mouvements de fonds, qui ne sont illustrés que par des extraits de la comptabilité précitée, que la SCI Cyfre en aurait eu connaissance, à les supposer avérés.
Le simple fait qu'en première instance la SCI Cyfre n'ait pas formellement contesté les extraits comptables produits par le notaire, alors pourtant qu'elle reprochait bel et bien à celui-ci de n'avoir pas exécuté la mission dont il était chargé, ne suffit nullement à prouver son accord et encore moins sa connaissance de ces opérations à la date du 10 septembre 2009.
Cette date ne peut donc être considérée comme un point de départ du délai de prescription.
Quant au commandement de payer avant saisis immobilière signifié le 16 août 2012 et présenté par la SCI Cyfre comme le document lui ayant fait connaître que Me [S] n'avait pas exécuté les directives prévues à l'acte notarié, il est constant que par ce document la Banque Populaire Lorraine Champagne réclamait paiement d'une somme totale de 128.296,70 € au titre de l'un des deux prêts non remboursé.
Cependant dès le 27 juillet 2012, une somme de 127.896,25 € avait été virée, depuis un compte ouvert au nom de M. et Mme [J], vers l'étude de Mes [S] et [A]. Cette somme se retrouve dans le compte ouvert en l'étude notariale au nom de la SCI Cyfre, et selon les termes de cette comptabilité, aurait pour sa plus grande part été virée à la Banque Populaire en remboursement d'un des prêts.
Il s'en déduit que, au plus tard le 27 juillet 2012, la SCI Cyfre, par le biais de son gérant M. [J], savait que sa créancière n'avait pas été désintéressée.
A défaut de tout autre document probant quant à la date à laquelle la SCI aurait été informée de la situation, il y a lieu de considérer que le point de départ du délai de prescription quinquennale ne peut se situer qu'au 27 juillet 2012, date à partir de laquelle il est certain que la SCI avait connaissance du droit qu'elle pouvait exercer à l'encontre du notaire.
L'assignation à l'encontre de Me [S] ayant été signifiée le 19 janvier 2015, le délai de prescription a été valablement interrompu, et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SCI.
II-Sur l'intérêt à agir de la SCI Cyfre
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou a rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, la SCI Cyfre se prévaut du manquement de Me [S] à ses obligations, pour réclamer paiement de la somme de 220.000 € de dommages et intérêts au titre du prix de vente qui aurait dû lui être représenté. Elle invoque donc une créance qui lui confère un intérêt légitime à agir.
Les objections portées par les consorts [S] et les assureurs, selon lesquelles ce prix de vente aurait été autrement employé avec l'accord du gérant de la SCI, constituent des arguments au fond tendant au rejet de la demande, et sont contestées par la SCI Cyfre. Elles ne démontrent donc en rien une absence d'intérêt à agir, et relèvent de la discussion sur le fond.
Il en est de même de l'argument selon lequel les dettes de la SCI Cyfre vis à vis de la Banque Populaire n'auraient pas été payées par la SCI mais par des tiers, un tel argument relevant également de la discussion sur le fond.
L'intérêt légitime de la SCI est donc avéré et la fin de non-recevoir doit être rejetée.
Le jugement dont appel est donc également confirmé sur ce point.
III- Au fond
Sur l'exécution par le notaire de ses obligations
La somme de 220.000 € réclamée par la SCI Cyfre représente le prix de vente des deux immeubles cédés à la SCI Thiers. La SCI Cyfre considère que les consorts [S], venant aux droits de [Y] [S], lui en doivent représentation dans sa totalité dès lors que celui-ci n'a pas désintéressé pour son compte la banque créancière.
Il est constant que l'acte notarié du 31 août 2009, après avoir constaté le paiement du prix par l'acquéreur, mentionne que « le vendeur a, à l'instant même, ainsi qu'il résulte de la comptabilité du notaire, remis le prix de la vente au séquestre, qui le reconnaît ».
Ainsi, l'acte précité donnait effectivement quittance du paiement du prix à l'acquéreur, mais ne constatait pas en revanche le virement du prix au vendeur depuis la comptabilité du notaire, celui-ci demeurant au contraire en la comptabilité du notaire.
Selon le même acte, le séquestre était « constitué dépositaire du prix de vente durant l'accomplissement des formalités de publicité foncière, jusqu'à ce qu'il soit justifié à l'acquéreur que les biens vendus sont libres de toutes charges, inscriptions ou opposition quelconques, tant du chef du vendeur que de celui des précédents propriétaires ».
Le séquestre était « autorisé à remettre la somme dont il était dépositaire au vendeur mais seulement sur justification de ce que les biens vendus ne sont plus grevés d'aucune charge, inscription ou opposition quelconque, ou que celles révélées ont été régulièrement radiées ».
Enfin la même clause donnait tous pouvoirs au séquestre « pour employer tout ou partie de la somme qui lui est confiée, à payer toutes dette hypothécaire ou privilégiée sur les biens vendus, ainsi que le montant de toute opposition et celui de tous frais nécessaires à l'obtention des justifications promises par le vendeur ».
Ainsi et aux termes mêmes de l'acte précité, le dépôt du prix de vente entre les mains du séquestre a bien été fait par le vendeur, en l'occurrence la SCI Cyfre, et non par l'acquéreur.
Aux termes de l'article 1956 du code civil, « le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ».
Il s'évince de cet article que, contrairement à ce qui est énoncé à l'article 1915 du code civil pour le dépôt, la chose déposée ne sera pas nécessairement restituée au dépositaire.
En outre les termes mêmes de la clause « constitution de séquestre » de l'acte notarié, établissent que la somme devant in fine revenir au vendeur n'était pas nécessairement le prix de vente, mais le solde restant au profit du vendeur après, notamment, désintéressement de tous les créanciers hypothécaires ou privilégiés.
Il résulte également de cette même clause que la constitution d'un séquestre n'avait d'intérêt que pour permettre de désintéresser les créanciers de la SCI, de sorte que ces deux missions dévolues au notaire sont indissociables l'une de l'autre.
La restitution totale du prix de vente au vendeur ne pouvait donc intervenir que s'il n'existait aucun créancier à désintéresser, ou à l'inverse que s'il était établi qu'aucun de ces créanciers n'avait été désintéressé par le séquestre, contrairement à ce qui était prévu.
L'argumentaire de la SCI, analysant sa demande comme une simple demande en restitution de la totalité des fonds déposés, ne tient donc pas compte de la mission dévolue au notaire et de l'éventualité d'une exécution partielle de celle-ci.
Ainsi, et bien que la SCI Cyfre ait effectivement la qualité de déposant du prix de vente auprès du séquestre, la demande qu'elle forme aujourd'hui à l'encontre des ayant droit de feu [Y] [S] et de ses assureurs, ne peut prospérer sur le simple fondement de la représentation des fonds déposés, sauf à faire abstraction de la mission dévolue au notaire, de toute analyse de l'exécution ou de l'inexécution de cette mission, et de la preuve, aussi bien d'une faute que d'un préjudice en résultant pour la SCI.
En l'occurrence, les deux « fiches immeubles » annexées à l'acte de vente et concernant les biens vendus par la SCI Cyfre, font apparaître les indications suivantes :
Sur l'immeuble sis [Adresse 3], vendu au prix de 120.000 €, étaient inscrits :
le privilège du prêteur de deniers en date du 6 août 2004 au profit de la Banque populaire Lorraine Champagne, à hauteur d'un principal de 120.000 € et de 18.000 € au titre des frais et accessoires ainsi qu'une hypothèque conventionnelle à hauteur de 16.000 € en principal et 2 .400 € en frais et accessoires au profit de la même banque,
une hypothèque légale prise par le trésor public à hauteur de 3.843 € ;
Selon la même fiche, le trésor public a consenti à la mainlevée de son hypothèque à raison du versement par le vendeur, le même jour, et à la comptabilité du notaire, d'une somme de 4.758,21€.
S'agissant du prêt consenti par la Banque Populaire, il résulte de la fiche précitée que, par courrier du 11 juin 2009, ce créancier a indiqué qu'il lui restait dû une somme de 122.558,81 €, supérieure par conséquent au montant du prix de vente.
Ainsi et toujours selon cette fiche, « le vendeur autorise dès à présent le notaire associé soussigné à prélever cette somme sur le prix de vente. En outre le vendeur en complément verse ce jour par la comptabilité du notaire associé soussigné la somme de deux mille cinq cent cinquante-huit euros et quatre-vingt un centimes (2.558,81 €) ».
Sur l'immeuble sis [Adresse 12] à [Localité 15], vendu au prix de 100.000 €, étaient inscrits le privilège du prêteur de deniers du 6 août 2004 au profit de la Banque populaire Lorraine Champagne à hauteur de la somme en principal de 100.000 € et des frais et accessoires évalués à la somme de 15.000 €, ainsi qu'une hypothèque conventionnelle à hauteur d'un principal de 13.000 € et des frais et accessoires évalués à la somme de 1.950 € au profit de la même banque.
Aux termes du courrier du 11 juin 2009, il restait dû à la Banque Populaire une somme de 105.051,49 € , et selon les termes de la fiche précitée : « le vendeur autorise dès à présent le notaire associé soussigné à prélever cette somme sur le prix de vente à concurrence de la somme de cent mille euros (100.000 €) », et « en outre le vendeur en complément verse ce jour par la comptabilité du notaire associé soussigné la somme de cinq mille cinquante et un euros et quarante-neuf centimes (5.051,49 €) ».
Ainsi, et dès lors qu'elle était redevable vis à vis de la banque prêteuse d'une somme totale de 227.610,30 €, et que le prix de vente total ne s'élevait qu'à 220.000 €, la SCI Cyfre n'aurait perçu aucune somme sur le prix de vente si Me [S], en exécution des directives explicites mentionnées dans les fiches immeubles, avait désintéressé la banque créancière.
En outre il apparaît que la SCI a déboursé une somme de 7.610,30 € pour parvenir à un remboursement complet de ce créancier, dès lors qu'il est constaté que cette somme a été versée le jour même en la comptabilité du notaire.
Il n'est pas contesté par les consorts [S] non plus que par les sociétés MAAF, que [Y] [S] n'a pas exécuté les directives résultant des énonciations de l'acte notarié précité, et ce à raison du fait que les prix de vente auraient été selon eux affectés au remboursement de la dette de la SCI Cassiopée auprès du Crédit Suisse.
Contrairement à ce qu'allèguent les consorts [S] et les assureurs, la SCI Cyfre n'a pas admis le bien-fondé de cette explication, et en particulier a toujours contesté qu'un tel ordre ait été donné par M. [J] au notaire.
Les consorts [S] et les assureurs versent aux débats les relevés de compte des SCI Cyfre et Cassiopée ouverts dans les livres de l'étude notariale, et faisant effectivement apparaître en date du 10 septembre 2009, le virement sur le compte de la SCI Cassiopée, des prix de vente revenant à la SCI Cyfre ainsi que des prix de vente revenant à d'autres SCI, puis le débit final, sur le compte de la SCI Cassiopée, d'une somme de 6. 613.105,45 €.
Il est également produit aux débats copie d'un chèque d'un montant de 6.613.105,45 €, émis au profit d'une SCP Attal à Paris, et effectivement débité du compte du notaire ouvert à la caisse des dépôts et consignations, selon les termes du mail du 20 septembre 2017.
Pour autant, ce chèque ne renseigne en rien sur le destinataire effectif de cette somme, et aucun renseignement en provenance de la SCP Attal ne vient confirmer que la somme précitée était bien destinée à régler la dette de la SCI Cassiopée auprès du Crédit Suisse.
S'agissant des extraits des comptes ouverts au nom des SCI dans la comptabilité du notaire, il est rappelé que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, de sorte que la seule production de la comptabilité interne de l'étude ne peut valoir preuve à défaut de production de tous documents, tels qu'extraits de compte émanant de la caisse des dépôts et consignation, ou confirmation émanant de la SCP Attal quant au destinataire d'une telle somme, venant confirmer la réalité des opérations décrites dans cette comptabilité. Si le notaire ne peut s'en prévaloir à son profit, cette comptabilité peut en revanche être invoquée contre lui.
En l'espèce et compte tenu de cette règle de preuve il a été demandé à [Y] [S] par jugement du 1er juin 2017 de fournir toutes pièces justifiant de ce que les prix de vente revenant à la SCI Cyfre auraient effectivement été versés au profit de la SCI Cassiopée, et de ce qu'il disposait effectivement d'instructions sur ce point de la part de M. [J].
De tels éléments de preuve n'ont jamais été fournis, et si le chèque dont copie est versé aux débats est un élément de nature à apporter un certain crédit à la version présentée par les consorts [S] et les assureurs, il est cependant insuffisant pour constituer une preuve formelle, notamment faute de certitude quant au destinataire final de cette somme et faute de preuve de toute instruction en ce sens de la part de M. [J].
Il est donc établi que Me [S] n'a pas exécuté les directives expressément mentionnées dans l'acte notarié du 31 août 2009, ce qui doit être retenu comme une faute à son encontre.
Sur le préjudice en résultant pour la SCI Cyfre
Il résulte des pièces versées aux débats que selon commandement de payer avant saisie immobilière du 16 août 2012, la Banque populaire Lorraine Champagne a réclamé à la SCI Cyfre un montant total de 128.296,70 € au titre du solde impayé d'un des prêts, comprenant les intérêts de retard et déduction faite des paiements effectués.
Dès avant cette date, le 27 juillet 2017, une somme de 127.896,25 € avait été virée depuis un compte ouvert auprès de la banque Degroof au nom de M. et Mme [J], vers un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations au nom de la SCP [A], et cette somme se retrouve effectivement au crédit du compte ouvert à l'étude de notaires, au nom de la SCI Cyfre.
Les consorts [S] et les assureurs font valoir que la somme de 127.896,25 € n'a pas été payée par la SCI Cyfre, qui ne peut donc s'en prévaloir et arguer d'un préjudice sur ce point.
Cependant, cette somme a bien été versée par le notaire au crédit de la SCI Cyfre selon l'extrait de compte qu'il produit, et constitue bien un paiement de la part de celle-ci. Au vu des indications figurant sur l'extrait de compte produit par les consorts [S], la majeure partie de cette somme, soit 117.109,60 €, aurait été reversée à la Banque Populaire en remboursement du prêt n° 01624116, le surplus étant reversé à M. [V] [D].
Il importe peu que cette somme provienne, non pas directement de la SCI Cyfre, mais de M. et Mme [J], dès lors que ceux-ci ont entendu payer pour le compte de la SCI, et que cette somme a bien été portée au crédit de cette société.
La SCI est en droit de se prévaloir de ce paiement vis à vis du notaire, qui l'a bien enregistré à son nom, et l'origine des fonds n'intéresse que les rapports entre la SCI et les époux [J], ces derniers disposant de moyens légaux, gestion d'affaire ou autre, pour se faire rembourser par la SCI qui reste potentiellement débitrice vis à vis d'eux. Les consorts [S] en revanche, ainsi que les assureurs, tiers à ces rapports, ne sont pas fondés à s'en prévaloir.
Ainsi il est établi que la SCI Cyfre a versé une somme de 127.896,25 € pour régler une partie de sa dette vis à vis de la banque populaire. Quant à la ventilation de cette somme par le notaire et à l'affectation d'une partie à M. [V] [D], aucun autre document n'en atteste de sorte que la totalité de cette somme sera retenue comme étant un règlement de la dette de la SCI, bien que la totalité n'ait apparemment pas été reversée à la banque.
La SCI Cyfre se prévaut également d'un versement de 118.298,20 €. Cependant la cour observe, outre le fait que cette somme semble provenir du compte d'une société Infinity, que celle-ci n'a été versée, ni au notaire ni à la Banque Populaire, mais à M. [N] [D].
Aucun document ne vient par ailleurs confirmer les allégations de la SCI selon lesquelles cette somme aurait eu vocation à rembourser M. [D] de la somme payée par lui en sa qualité de caution de la SCI.
Dès lors il ne peut être considéré que la somme de 118.298,20 € correspondrait à un remboursement de la banque, effectué par la SCI à raison de la carence du notaire sur ce point.
Enfin, il apparaît que, selon protocole d'accord du 8 novembre 2013, la compagnie MMA Assurances Mutuelles, et la SA MMA IARD, ont pour le compte de leur assuré Me [Y] [S], versé à la Banque Populaire Lorraine Champagne une somme de 134.596,28 € en remboursement du prêt de 136.000 € souscrit par la SCI Cyfre, pour l'acquisition des immeubles sis [Adresse 16].
Il apparaît dès lors que la banque populaire a perçu au total une somme de (117.109,60 + 134.596,28) = 251.705,88 € au titre de ses créances, lesquelles étaient évaluées en juin 2009 à 227.610,30 €, ce qui est cohérent avec le cours des intérêts, et est également cohérent avec les décomptes transmis en mars 2011 par la banque au notaire (pièce n° 7 de la SCI, solde restant dû de 123.459,76 € sur le prêt d'un montant initial de 136.000 € , et de 112 .670, 25 € sur le prêt d'un montant initial de 113.000€).
La cour observe qu'il n'est pas contesté par la SCI Cyfre que la somme remise à Me [S] a bien, pour sa plus grande part, été reversée à la banque. En outre et depuis le commandement du 16 août 2012 et le protocole précité, il n'apparaît pas que la SCI Cyfre ait été à nouveau sollicitée, de sorte qu'il y a lieu d'en conclure que la Banque Populaire est actuellement entièrement désintéressée.
Dès lors il apparaît que la SCI Cyfre a été dans l'obligation de verser une somme supplémentaire de 127.896,25 € pour désintéresser son créancier, et ce alors qu'elle n'a pas perçu le prix de vente, et que celui-ci n'a pas été employé ainsi que prévu. En outre il n'est pas davantage justifié de ce que les sommes de 2.558,81 € et 5.051,49 €, dont il est expressément indiqué à l'acte notarié qu'elles ont été le jour même versées à la comptabilité du notaire, aient été employées à rembourser la banque.
Ainsi et du fait de la carence fautive du notaire, la SCI Cyfre a déboursé une somme supplémentaire de 127.896,25 tandis que la somme de 7.610,30 € versée par elle n'a pas été employée ainsi qu'elle aurait dû l'être, de sorte qu'elle subit un préjudice total de 135.506,55 €.
Elle est donc en droit de solliciter la condamnation in solidum des consorts [S] et des assureurs à lui verser cette somme à titre de dommages et intérêts.
En revanche, et dès lors que les assureurs de Me [S] ont en partie pris en charge le remboursement que devait effectuer leur assuré, la SCI n'est pas fondée à réclamer représentation de la totalité du prix de vente.
Le jugement dont appel doit donc être infirmé en ce sens.
Compte tenu en outre du décès de Me [Y] [S], et de l'intervention volontaire des MMA et des héritiers de Me [S], la présente condamnation sera prononcée à l'encontre des consorts [S] et des assureurs MMA, in solidum.
En application de l'article 1231-7 du code civil et nonobstant une infirmation partielle, les intérêts sur la somme précitée seront dus à compter du jugement du 08 novembre 2018.
Sur la demande à l'encontre de la Caisse régionale de garantie des notaires
Aux termes de l'article 12 du décret n° 55-604 du 20 mai 1955, dans sa version applicable au présent litige, « La garantie visée à l'article 11 joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu à l'article 2298 du code civil, et sur la seule justification de l'exigibilité de la créance et de la défaillance du notaire.
Cette garantie s'applique au remboursement des sommes d'argent, à la restitution des titres et valeurs quelconques reçus par les notaires à l'occasion des actes de leur ministère ou des opérations dont ils sont chargés en raison de leurs fonctions.
Elle s'étend aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les notaires dans l'exercice normal de leurs fonctions à raison de leur fait, de leur faute ou de leur négligence, ou du fait, de la faute ou de la négligence de leur personnel.
Elle ne couvre pas les pertes subies à raison de l'insuffisance des gages.
La défaillance du notaire est établie par la production d'une lettre recommandée, à lui adressée avec demande d'avis de réception, afin d'obtenir l'exécution de ses obligations, et demeurée plus d'un mois sans effet ».
Il résulte de l'alinéa 1er de cet article que, quel que soit le fondement retenu pour rechercher la garantie de la caisse régionale de garantie des notaires, il doit être justifié de l'exigibilité de la créance et de la défaillance du notaire.
Il résulte des motifs du présent arrêt relativement aux obligations et à la faute du notaire, que les obligations pesant sur celui-ci aux termes de l'acte du 31 août 2009, ne se réduisaient nullement à une obligation de représentation des fonds qui lui étaient confiés, mais incluaient l'obligation de désintéresser la banque créancière de la SCI Cyfre. Ainsi, la créance de la SCI Cyfre n'est pas une créance de restitution des fonds confiés, mais une créance de dommages et intérêts consécutive à l'inexécution fautive par Me [S] de ses obligations.
Dès lors, la garantie de la caisse régionale de garantie des notaires, ne peut être recherchée sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 12 précité, mais uniquement sur le fondement de l'alinéa 3 relative à la responsabilité délictuelle du notaire.
En l'occurrence, la créance de la SCI Cyfre n'a été fixée que par le présent arrêt, de sorte qu'elle n'était pas exigible lors de l'introduction de la procédure contre la caisse de garantie.
En outre, si les exigences de l'alinéa 5 de l'article 12 précité n'excluent pas que la preuve de la défaillance du notaire puisse être établie par le biais des règles de preuve du droit commun, il reste qu'en l'espèce tant que le principe que le montant de la créance de la SCI Cyfre n'étaient pas arrêtés avant la présente décision, de sorte qu'aucune défaillance du notaire ou de son assureur dans le paiement d'une telle créance n'a pu être constatée dans les conditions prévues par l'article 12 précité.
Il s'en suit par conséquent que, en l'état, les conditions permettant de solliciter la garantie de la caisse régionale de garantie des notaires ne sont pas remplies, et le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Cyfre de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Caisse.
IV- Sur les dépens et les sommes réclamées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Bien que la somme principale arbitrée par la cour soit inférieure à celle fixée par le premier juge, il n'en demeure pas moins que la demande de la SCI Cyfre était fondée.
En conséquence le jugement dont appel est confirmé en ce qui concerne ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, y compris s'agissant de la condamnation prononcée à l'encontre de la SCI Cyfre et au bénéfice de la caisse régionale de garantie des notaires.
En revanche, les sociétés MMA n'étant pas parties à la procédure de première instance, rien ne justifie qu'elles soient également condamnées aux dépens de première instance ou au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sollicité, l'action directe exercée à leur encontre ne pouvant aboutir que pour ce qui concerne les sommes qui leurs sont réclamées dans le cadre de l'instance à laquelle elles interviennent.
A hauteur d'appel, les consorts [S] et les compagnies d'assurance, qui succombent, supporteront les dépens.
Il est en outre équitable d'allouer à la SCI Cyfre, en remboursement des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la présente instance, une indemnité de 5.000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Donne acte à la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles ainsi qu'à la SA MMA IARD de leur intervention volontaire ;
Donne acte à M. [H] [S], M. [Z] [S], et Mme [X] [O] veuve [S] de leur intervention volontaire ès qualités d'héritiers de Feu Me [Y] [S] ;
Donne acte à la SCI Cyfre de ce qu'elle dirige désormais ses demandes à l'encontre de la société MMA Assurances mutuelles et de la société MMA IARD, en leur qualité d'assureur de Me [Y] [S], et contre les héritiers de Me [Y] [S] ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité civile délictuelle engagée par la SCI Cyfre à l'encontre du notaire,
rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SCI Cyfre à l'encontre du notaire,
Déclaré l'action en responsabilité civile délictuelle recevable,
Débouté la SCI Cyfre de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la Caisse régionale de garantie des notaires, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamné Me [Y] [S] à régler à la SCI Cyfre la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté Me [Y] [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la SCI Cyfre à régler à la Caisse régionale de garantie des notaires la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné Me [Y] [S] aux entiers dépens,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne solidairement Mme [X] [O] veuve [S], M. [H] [S] et M. [Z] [S] ès qualités d'héritiers de Me [Y] [S], in solidum avec la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles et la SA MMA IARD, celles-ci tenues solidairement entre elles en leur qualité d'assureurs de Me [Y] [S], à payer à la SCI Cyfre une somme de 135.506,55 € assortie des intérêts légaux à compter du 8 novembre 2018 ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement Mme [X] [O] veuve [S], M. [H] [S] et M. [Z] [S] ès qualités d'héritiers de Me [Y] [S], in solidum avec la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles et la SA MMA IARD, celles-ci tenues solidairement entre elles en leur qualité d'assureurs de Me [Y] [S], aux entiers dépens d'appel ;
Condamne solidairement Mme [X] [O] veuve [S], M. [H] [S] et M. [Z] [S] ès qualités d'héritiers de Me [Y] [S], in solidum avec la société d'assurances mutuelles MMA IARD Assurances mutuelles et la SA MMA IARD, celles-ci tenues solidairement entre elles en leur qualité d'assureurs de Me [S], à verser à la SCI Cyfre une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre