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10/06/2024 | FRANCE | N°22/01829

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 10 juin 2024, 22/01829


Arrêt n° 24/00282



10 Juin 2024

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N° RG 22/01829 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZAY

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Pole social du TJ de METZ

29 Juin 2022

19//01089

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



dix Juin deux mille vingt quatre







APPELANT :



FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
>[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ



INTIMÉS :



S.A.S. [4] VENANT AUX DROITS D'[3]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Frédér...

Arrêt n° 24/00282

10 Juin 2024

---------------

N° RG 22/01829 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZAY

------------------

Pole social du TJ de METZ

29 Juin 2022

19//01089

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

dix Juin deux mille vingt quatre

APPELANT :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

S.A.S. [4] VENANT AUX DROITS D'[3]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Frédéric BEAUPRE, avocat au barreau de METZ

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Mme [U], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Mme Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [D], né le 27 août 1938, a travaillé pour le compte de la société [3] (société [3]), venant aux droits des sociétés [11] et [10] [Localité 6], du 1er août 1952 au 27 août 1993.

Durant cette période, M. [D] a occupé les postes suivants :

du 01/08/1952 au 30/04/1955 et du 02/05/1955 au 26/08/1955 : jeune ouvrier ([11]),

du 27/08/1955 au 29/07/1958 : graisseur ([11]),

du 29/11/1960 au 07/05/1961 : aide-peseur ([11]),

du 08/05/1961 au 24/08/1962 : aide-ajusteur ([11]),

du 19/09/1967 au 31/10/1967 : 2ème peseur ([11]),

du 01/11/1967 au 28/02/1970 : aide-peseur ([11]),

du 01/03/1970 au 30/11/1972 : contrôleur ([11]),

du 30/11/1972 au 31/12/1978 : ouvrier spécialisé 2ème échelon ([10] [Localité 6]),

du 01/01/1979 au 27/08/1993 : agent prévention sécurité ([10] [Localité 6]).

La société [4] (société [4]) vient aux droits de la société [3].

M. [D] a déclaré à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 8] (ci-après la CPAM ou caisse) une pathologie inscrite au tableau n°30B, transmettant avec ladite demande un certificat médical initial du Docteur [Z] du 11 avril 2017.

Le 10 octobre 2017, la caisse a pris en charge la maladie « pleurésie exsudative » de M. [D] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante.

Le 14 décembre 2017, la caisse a notifié à M. [D] un taux d'incapacité permanente partielle de 20%, lui attribuant une rente annuelle d'un montant de 2.743,42 euros à compter du 11 avril 2017.

En parallèle, M. [D] a saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation et a accepté l'offre du FIVA le 4 février 2018 fixant l'indemnisation de ses préjudices à un montant total de 11.100 euros, lequel se décompose comme suit :

8.100 euros en réparation du préjudice moral,

500 euros en réparation du préjudice physique,

2.500 euros en réparation du préjudice d'agrément.

Après l'échec de la tentative de conciliation, le FIVA a saisi, par courrier recommandé expédié le 5 juillet 2019, le Pôle social du tribunal de grande instance de Metz dans le but de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de M. [D] dans la survenance de la maladie inscrite au tableau n°30B, et de bénéficier des conséquences indemnitaires en découlant. Cette procédure était enregistrée sous le numéro RG 19/01089.

Suite à la saisine de la juridiction, M. [D] a déclaré à la CPAM de [Localité 8] une pathologie inscrite au tableau n°30D, en joignant à sa demande un certificat médical du Docteur [S] du 18 janvier 2019.

Le 3 juillet 2019, la caisse a pris en charge la maladie « mésothéliome malin de la plèvre » de M. [D] au titre du tableau n°30D des maladies professionnelles, relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante.

Le 11 février 2020, la caisse a notifié à M. [D] un taux d'incapacité permanente de 100%, lui attribuant une rente annuelle d'un montant de 27.791,72 euros à compter du 22 novembre 2018.

Le FIVA a indemnisé l'aggravation de l'état de santé de M. [D] comme suit :

23.100 euros en réparation du préjudice moral,

11.500 euros en réparation des souffrances physiques,

11.500 euros en réparation du préjudice d'agrément,

500 euros en réparation du préjudice esthétique.

Après l'échec de la tentative de conciliation, le FIVA a saisi, par courrier recommandé expédié le 23 janvier 2020, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, dans le but de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de M. [D], dans la survenance de la maladie professionnelle inscrite au tableau n°30D, et de bénéficier des conséquences indemnitaires en découlant. Cette procédure était enregistrée sous le numéro RG 20/21.

M. [D] est décédé le 9 juillet 2020.

Par décision rendue le 15 octobre 2020, le Pôle social a ordonné la jonction de ces deux procédures.

La CPAM de [Localité 8] a été mise en cause.

Par jugement du 29 juin 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz (nouvellement compétent) a :

déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 8],

déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de M. [D], recevable en ses demandes,

dit que les maladies professionnelles de M. [D] inscrites aux tableaux n°30B et 30D sont dues à la faute inexcusable de son employeur, la société [4], venant aux droits de la société [3],

ordonné la majoration maximale des indemnités allouées à M. [D], dans les conditions prévues à l'article L.452-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,

dit que cette majoration des indemnités sera versée par la CPAM de [Localité 8] à la succession de M. [D], sans que cette majoration ne puisse excéder le montant de l'indemnité déjà versée, soit 685,85 euros pour la maladie n°30B et 2.315,97 euros pour la maladie n°30D,

dit que le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,

ordonné le versement de l'indemnité forfaitaire, d'un montant de 18.520 euros (dix huit mille cinq cent vingt euros), correspondant au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation, prévue à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale,

dit que cette indemnité forfaitaire sera versée par la CPAM de [Localité 8] à la succession de M. [D],

débouté le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante de ses demandes formées au titre des préjudices personnels de M. [D],

condamné la société [4], venant aux droits de la société [3], à rembourser à la CPAM de [Localité 8] l'ensemble des sommes, en principal et intérêts, qu'elle sera tenue d'avancer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale au titre des maladies professionnelles de M. [D] inscrites au tableau n°30B et 30D,

condamné la société [4], venant aux droits de la société [3], aux entiers frais et dépens,

condamné la société [4], venant aux droits de la société [3], à verser au FIVA la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le FIVA a, par déclaration remise au greffe le 8 juillet 2022, interjeté appel partiel de cette décision qui lui avait été notifiée par courrier du 1er juillet 2022, dont l'accusé de réception ne figure pas au dossier de première instance, en tant qu'elle porte sur le chef de jugement suivant :

« débouté le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante de ses demandes formées au titre des préjudices personnels de M. [D] ».

Par conclusions datées du 27 novembre 2023, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :

déclarer le FIVA recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante subrogé dans les droits de feu M. [D], dit que les maladies professionnelles n°30B et 30D dont était atteint M. [D] sont la conséquence de la faute inexcusable de la société [3] aux droits de laquelle se trouve la société [4], fixé à son maximum la majoration de la rente servie à M. [D] et jugé que la CPAM de [Localité 8] devra verser cette majoration à la succession de M. [D], fixé à son maximum l'indemnité forfaitaire soit un montant de 18.520 euros et jugé que cette indemnité sera versée par la CPAM de [Localité 8] à la succession de M. [D], fixé à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime et jugé que cette majoration sera directement versée à ce conjoint survivant par l'organisme de sécurité sociale, condamné la société [4] à payer au FIVA une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné la société [4] aux entiers frais et dépens,

infirmer le jugement en ce qu'il a débouté le FIVA de ses demandes formées au titre des préjudices personnels de M. [D],

Et, statuant à nouveau sur ce point,

fixer l'indemnisation des préjudices personnels de M. [D] comme suit :

souffrances morales : 31.200 euros,

souffrances physiques : 12.000 euros,

préjudice d'agrément : 14.000 euros,

préjudice esthétique : 500 euros,

fixer l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droits comme suit :

Mme [W] [D] (conjoint) : 32.600 euros,

M. [T] [D] (enfant) : 8.700 euros,

M. [A] [D] (petit-enfant) : 3.300 euros,

Mme [P] [X] (petit-enfant) : 3.300 euros,

M. [J] [D] (enfant) : 8.700 euros,

dire que la CPAM de [Localité 8] devra verser ces sommes au FIVA, créancier subrogé, en application de l'article L.452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, soit un total de 114.300 euros,

Y ajoutant,

condamner la société [4] à payer au FIVA une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions du 15 janvier 2024, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, la société [4], venant aux droits de la société [3], demande à la cour de :

A titre principal :

infirmer le jugement rendu le 29 juin 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il :

dit que les maladies professionnelles de M. [D] inscrites au tableau n°30B et 30D sont dues à la faute inexcusable de son employeur, la société [4], venant aux droits de la société [3],

ordonné la majoration maximale des indemnités allouées à M. [D], dans les conditions prévues à l'article L.452-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,

dit que cette majoration des indemnités sera versée par la CPAM de [Localité 8] à la succession de M. [D], sans que cette majoration ne puisse excéder le montant de l'indemnité déjà versée, soit 685,85 euros pour la maladie n°30B et 2.315,97 euros pour la maladie n°30D,

dit que le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

ordonné le versement de l'indemnité forfaitaire d'un montant de 18.520 euros correspondant au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation, prévue à l'article L.452-3 CSS,

dit que cette indemnité forfaitaire sera versée par la CPAM de [Localité 8] à la succession de M. [D],

condamné la société [4] venant aux droits de la société [3], à rembourser à la CPAM de [Localité 8] l'ensemble des sommes, en principal et intérêts, qu'elle sera tenue d'avancer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 CSS au titre des maladies professionnelles de M. [D] inscrites au tableau n°30B et 30D,

condamné la société [4], venant aux droits de la société [3], aux entiers frais et dépens,

condamné la société [4], venant aux droits de la société [3], à verser au FIVA la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

En conséquence :

juger que les pathologies n°30B et 30D de M. [D] ne résultent pas d'une faute inexcusable de la société [4] venant aux droits de la société [3],

débouter le FIVA et la CPAM de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire, en cas de confirmation d'une faute inexcusable de [4] venant aux droits de AMAL :

confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz le 29 juin 2022 en ce qu'il a débouté le FIVA de ses demandes formées au titre des préjudices personnels de M. [D],

A titre infiniment subsidiaire :

réduire les montants demandés par le FIVA à de plus justes proportions.

Par conclusions déposées au greffe le 26 mars 2024, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 8] demande à la cour de :

donner acte à la caisse qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [4], venant aux droits d'AMAL,

Le cas échéant :

donner acte à la caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de la rente pour la MP n°30B, réclamée par M. [D],

prendre acte que la caisse ne s'oppose pas à ce que la majoration de rente pour la MP n°30B suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [D],

donner acte à la caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la demande de versement de l'indemnité pour la MP n°30D prévue par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale,

constater que la caisse ne s'oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, consécutivement à la maladie professionnelle de feu M. [D],

donner acte à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 8] qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des sommes susceptibles d'être allouées au titre des préjudices extrapatrimoniaux de feu M. [D],

le cas échéant, de déclarer irrecevable toute éventuelle demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de feu M. [D],

si la faute inexcusable de l'employeur devait être reconnue, de condamner l'employeur à rembourser à la caisse les sommes qu'elle sera tenue de verser au titre de la majoration de la rente et des préjudices extrapatrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR :

Le FIVA, en sa qualité de créancier subrogé, rappelle que M. [D] a travaillé pendant près de 36 années dans le domaine de l'aciérie, période durant laquelle il a contracté des pathologies spécifiques à l'inhalation de poussières d'amiante. Il indique que l'amiante était utilisée dans tous les stades de la production en aciérie et que les sociétés [5] s'en servaient dans le processus de production de l'acier, ainsi que pour les vêtements de protection.

Le FIVA ajoute que compte tenu de son importance, de sa taille et de son organisation, l'employeur, alerté par l'existence du tableau n°30, ne peut prétendre avoir tout ignoré du danger que représentait l'inhalation de poussière d'amiante ; il expose que M. [D] ne bénéficiait d'aucune mesure de protection respiratoire. Il ajoute que l'employeur ne justifie pas de consignes données aux salariés pour les informer du risque amiante et des précautions à prendre pour l'éviter. Il se prévaut notamment du témoignage du collègue de travail de M. [D]. Il soutient que l'employeur ne peut invoquer une quelconque cause exonératoire pour s'exonérer de sa responsabilité.

La société [4] venant aux droits de la société [3] réplique que l'INRS a établi que seuls 4% des cancers sont d'origine professionnelle et que le fait de travailler dans une usine sidérurgique est un facteur de réduction du risque de mortalité lié au cancer, puisque l'environnement sidérurgique était un milieu protecteur de la santé des travailleurs. Elle souligne qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger lié au risque amiante avant 1994 et relève que le tableau n°30 ne visait que la seule activité de fabrication de produits à base d'amiante. Elle ajoute que l'activité de M. [D] ne faisant l'objet d'aucun texte, même en 1996. S'agissant des mesures prises, elle se prévaut du fait que les vêtements de protection composés d'amiante donnés aux salariés avaient fait l'objet d'un traitement anti-poussière et qu'ils ne dégageaient aucune poussière d'amiante. Elle précise que le FIVA ne rapport pas la preuve d'un quelconque manquement de sa part, ni de la violation de règles de sécurité, aucun procès-verbal, ni mise en demeure n'ayant été adressé par l'inspection du travail ou la CRAM.

Elle critique les deux attestations produites rédigées par le même témoin, dont l'une est dactylographiée, estimant que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et du témoin.

La caisse s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'établissement de la faute inexcusable.

***********************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s'apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l'avoir été par l'employeur aux périodes d'exposition au risque du salarié.

Sur l'exposition au risque :

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°30B désigne la pleurésie exsudative comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce dernier prévoit un délai de prise en charge de 35 ans, sous réserve d'une durée d'exposition de cinq ans, ainsi qu'une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.

Il convient de rappeler que la liste des travaux prévue au tableau n°30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d'entraîner les affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante.

Le tableau n°30D vise le mésothéliome malin primitif de la plèvre comme pathologie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante et prévoit un délai de prise en charge de 40 ans. La liste indicative des travaux est identique à celle prévue pour le tableau n°30B.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les maladies dont était atteint M. [D] répondent aux conditions médicales des tableaux n°30B et 30D.

La cour relève que la société [4], venant aux droits de la société [3], ne développe aucun argument sur la question de l'exposition du salarié au risque prévu par les tableaux n°30B et 30D.

Comme indiqué, M. [D] a travaillé pour le compte de la société [4], venant aux droits de la société [3], du 1er août 1952 au 27 août 1993 en qualité de jeune ouvrier, graisseur, aide-peseur, aide-ajusteur, 2ème peseur, contrôleur, ouvrier spécialisé et agent prévention sécurité.

Le FIVA, subrogé dans les droits de M. [D], produit, outre les déclarations de M. [D], le témoignage d'un ancien collègue de travail, M. [F], établi le 9 avril 2019 et complété le même jour par un document dactylographié (pièces n°10 et 29 du FIVA).

La société [4], venant aux droits de la société [3], critique le second témoignage de M. [F], indiquant que ce dernier ne respecte pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, dès lors qu'il n'est pas dactylographié et ne comporte pas la mention relative à sa production en justice.

Concernant ce témoignage, la cour observe que le FIVA a produit le certificat de travail du témoin qui établit que ce dernier a travaillé pour le compte de la société [10] [Localité 6] du 1er janvier 1973 au 30 juin 1990 (pièce n°45 du FIVA). Les certificats de travail du témoin et de M. [D] établissent qu'ils ont bien travaillé ensemble durant plusieurs années, étant employés au sein de la même équipe par leur employeur.

Quand bien même le second témoignage de M. [F] (pièce n°29) n'est pas manuscrit et ne comporte pas la mention selon laquelle il est destiné à être produit en justice, la société [4] ne justifie pas que les manquements aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile sont de nature à lui faire grief, étant relevé que les deux témoignages ont été rédigés le même jour et que le premier comporte bien la mention relative à la production en justice.

M. [F] précise qu'en raison de son poste de garde assermenté, M. [D] était amené à se déplacer afin d'assurer la surveillance dans l'entreprise et qu'il a ainsi été exposé aux poussières d'amiante dégagées par les travaux, notamment lors de la coulée d'acier en lingotières, et du démoulage desdits lingots. Il ajoute que de nombreux produits, à savoir les masselottes, les poudres exothermiques pour la couverture de certains lingots, contenaient de l'amiante qui se dispersait en poussières chaudes très volatiles lors du démoulage des lingots.

Les déclarations du témoin rejoignent les réponses apportées par M. [D] au questionnaire transmis par la caisse dans le cadre de l'instruction de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, notamment quant au fait que les lingots étaient traités par des matériaux contenant de l'amiante qui se propageaient dans l'air (pièce n°28). Concernant la description des tâches effectuées, M. [D] a indiqué dans son questionnaire qu'il circulait à pied sur l'ensemble du périmètre de l'usine, et notamment dans les différents ateliers où l'atmosphère était chargée de poussières d'amiante

Les attestations de M. [F] produites aux débats sont suffisamment précises et circonstanciées pour que la cour retienne leur force probante. La société [4], venant aux droits de la société [3], ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause la sincérité de l'auteur et l'authenticité des faits relatés dans ses témoignages.

Dès lors, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer, et la société [4], venant aux droits de la société [3], n'apportant pas la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel des maladies dont était atteint M. [D] est établi à l'égard de l'employeur. Le jugement entrepris est confirmé.

Sur la conscience du danger par l'employeur :

S'agissant de la conscience du risque, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a retenu que l'employeur a eu ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé.

Sur les mesures prises par l'employeur pour préserver le salarié :

Concernant les mesures de protection prises par l'employeur pour éviter l'inhalation de poussières d'amiante, M. [D] a indiqué dans le questionnaire transmis à la caisse qu'il n'avait pas de masque, ni d'autre moyen de protection pour le protéger des particules d'amiante.

Ces déclarations sont confortées par le témoignage de M. [F] qui déclare « à aucun moment, des dispositifs, masque ou autre moyen, n'ont été mis à disposition du personnel ». Il ajoute avoir participé à plusieurs CHSCT et que la problématique liée aux dangers pour la santé de l'utilisation de produits composés d'amiante n'a jamais été abordée aux réunions auxquelles il était présent.

Comme relevé par les premiers juges, la société [4], venant aux droits de la société [3], se contente de se prévaloir de l'innocuité des vêtements de protection constitués d'amiante, mais ne fait état d'aucune mesure de protection individuelle et/ou collective. L'employeur ne démontre pas qu'il a mis à la disposition de ses salariés, et notamment de M. [D], des masques respiratoires adaptés pour l'empêcher d'inhaler les poussières d'amiante en suspension dans l'air environnant.

Il est constant que la société [4] ne peut, sans contradiction, prétendre qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger lié au risque amiante et en même temps affirmer qu'elle avait bien pris les mesures nécessaires pour protéger M. [D] contre ce risque.

De même, la société [4], venant aux droits de la société [3], ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la jurisprudence administrative qui a retenu la responsabilité de l'Etat dans le cadre de son pouvoir réglementaire. En effet, le fait que la responsabilité de l'Etat ait été reconnue du fait de ses manquements dans la mise en 'uvre tardive d'une législation adaptée aux risques d'exposition à l'amiante ne saurait exonérer l'employeur des conséquences du manquement à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de son salarié.

Il s'en déduit que, c'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte, que le jugement a considéré que les maladies professionnelles dont était atteint M. [D] sont dues à la faute inexcusable de son employeur, la société [4], venant aux droits de la société [3], n'ayant pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour le protéger.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE :

Sur la majoration de la rente

Aux termes de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

L'article L.452-2, alinéas 1, 3 et 6 du même code ajoute que « dans le cas mentionné à l'article précédent [faute inexcusable de l'employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. [...] Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale. [...] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ».

S'agissant de la maladie professionnelle « pleurésie exsudative » inscrite au tableau n°30B, il est constant que la caisse a notifié à M. [D], le 14 décembre 2017, un taux d'incapacité permanente partielle de 20%, et lui a attribué une rente annuelle d'un montant de 2.743,42 euros à compter du 11 avril 2017.

Concernant la maladie professionnelle « mésothéliome malin de la plèvre » inscrite au tableau n°30D, la caisse a notifié à M. [D], le 11 février 2020, un taux d'incapacité permanente de 100%, en lui attribuant une rente annuelle d'un montant de 27.791,72 euros à compter du 22 novembre 2018.

Aucune discussion n'existe à hauteur de cour concernant le principe de la majoration des rentes allouées à M. [D], pour la période précédant son décès, conformément à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, étant admis que cette majoration des indemnités ne pourra excéder le montant de l'indemnité déjà versée, soit 685,85 euros pour la maladie inscrite au tableau n°30B, et 2.315,97 euros pour la maladie inscrite au tableau n°30D. Cette majoration des indemnités sera versée à la succession de M. [D].

Le principe de la majoration de la rente du conjoint survivant n'est pas contesté par les parties, ainsi, aux termes de l'article L.452-2 susvisé, l'épouse de M. [D] est en droit de percevoir la majoration de sa rente, laquelle sera fixée à son maximum et lui sera directement versée par l'organisme de sécurité sociale.

Sur l'indemnité forfaitaire

L'article L.452-3 du code de la sécurité sociale prévoit que si la victime est atteinte d'un taux d'IPP égal à 100 % il lui est alloué en outre une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Comme indiqué, par notification du 11 février 2020, le taux d'IPP de M. [D] a été fixé à 100% à compter du 22 novembre 2018.

En l'absence de contestation des parties, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a ordonné le versement de l'indemnité forfaitaire d'un montant de 18.520 euros conformément à l'article susvisé, à la succession de M. [D].

Sur les préjudices personnels de M. [B] [D]

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale qu'« indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. [...] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ».

Sur les souffrances physiques et morales

Le FIVA, en sa qualité de créancier subrogé dans les droits de M. [D], sollicite l'indemnisation des préjudices personnels de ce dernier comme suit : 31.200 euros au titre des souffrances morales, 12.000 euros au titre des souffrances physiques.

Il souligne que M. [D] a subi une biopsie par thoracoscopie (examen particulièrement douloureux), ainsi qu'un traitement par chimiothérapie, ce qui lui a causé des souffrances extrêmes relatés par ses proches.

La société [4], devant aux droits de la société [3], rappelle que le médecin-conseil avait retenu, lors de la fixation du taux d'IPP à 20% que le poids de M. [D] expliquait une partie du syndrome restrictif. Elle indique qu'elle ne conteste pas les souffrances ressenties par M. [D], mais sollicite une évaluation, à juste proportion, des demandes FIVA. Elle demande également à ce que les souffrances morales soient réévaluées à de plus justes proportions.

*******************

Comme indiqué, il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n°21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

Dès lors le FIVA qui a indemnisé la victime est recevable en sa demande d'indemnisation des souffrances physiques et morales subies par l'intéressé sous réserve qu'elles soient caractérisées.

S'agissant des souffrances physiques subies par M. [D], le FIVA produit des pièces médicales (rapport médical d'évaluation du taux d'IPP pour la pathologie n°30B, explorations fonctionnelles respiratoires, scanner thoraco-abdominal, rapport médical d'évaluation du taux d'IPP pour la pathologie n°30D, certificats médicaux, synthèse d'hospitalisation (pièces n°12 à 15, 17, 19, 36 à 42).

La lecture du rapport médical d'évaluation du taux d'IPP en MP (pièces n°36 à 38 du FIVA) démontre que M. [D] a subi une biopsie sous cutanée intercostale d'un nodule hypermétabolique le 21 novembre 2018, intervention invasive et douloureuse.

Par la suite, les antécédents carcinologiques repris dans le courrier rédigé par le Docteur [S] le 17 juin 2020 (pièce n°39 du FIVA) établissent que M. [D] a suivi un traitement par chimiothérapie débutant avec quatre cures de carboplatine-alimta-avastin afin de traiter le mésothéliome dont il était atteint.

M. [D] a été pris en charge au sein du service de médecine et de gérontologie clinique de l'hôpital [9] le 6 juillet 2020 pour la mise en place de « soins palliatifs dans un contexte de mésothéliome pulmonaire stade final » (pièce n°40 du FIVA). En raison de la dégradation rapide de son état de santé, M. [D] a été mis sous oxygène et a reçu un traitement à base de morphine afin d'atténuer ses douleurs. Il est décédé le 9 juillet 2020.

Au regard des éléments qui précèdent, et des traitements lourds suivis par M. [D] suite au diagnostic de sa pathologie, les souffrances physiques subies par ce dernier seront réparées par l'octroi d'une somme de 10.000 euros.

S'agissant du préjudice moral, M. [D] était âgé de 78 ans lorsqu'il a appris qu'il souffrait d'une pleurésie exsudative, et de 80 ans lorsqu'il a pris connaissance du fait qu'il était atteint d'un mésothéliome malin primitif de la plèvre. L'anxiété indissociablement liée au fait de se savoir atteint de deux pathologies dues à l'amiante, dont une irréversible, pathologies dont bon nombre de ses anciens collègues sont atteints parfois de formes plus graves ou sont décédés, et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance, sera réparée par l'allocation de la somme de 28.000 euros de dommages-intérêts, eu égard à l'existence de deux maladies professionnelles due à l'amiante, à la nature des pathologies en cause et à l'âge de M. [D] au moment de leur diagnostic.

Sur le préjudice d'agrément

L'indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu'il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d'une activité spécifique sportive ou de loisir qu'il lui est désormais impossible de pratiquer.

En l'espèce, le FIVA, subrogé dans les droits de M. [D], sollicite l'octroi d'une indemnité de 14.000 euros en réparation de son préjudice d'agrément.

Si le FIVA soutient que M. [D] pratiquait la « gymnastique douce », la fille de M. [D] évoquant une inscription à « un club de gym », aucun document justifiant de ladite pratique, notamment la licence sportive, n'est versée aux débats. Les autres activités de loisirs relatés par le témoin, à savoir le jardinage, le bricolage et la marche, telles que relatées dans les pièces produites, ne constituent pas des activités spécifiques de loisirs distinctes de celles de la vie courante.

Le FIVA est dès lors débouté de sa demande au titre du préjudice d'agrément.

Sur le préjudice esthétique

Le FIVA sollicite l'indemnisation du préjudice esthétique de M. [D] à hauteur de 500 euros, en faisant valoir qu'il était considérablement affaibli en raison de sa pathologie, ce qui constitue un préjudice esthétique indéniable.

L'altération de l'état physique de M. [D] résulte du courrier rédigé par le Docteur [E] le 9 juillet 2020, lequel fait état d'une altération de l'état général (AEG) « avec anorexie et majoration de la détresse respiratoire », le patient étant placé sous oxygène (pièce n°40 du FIVA).

Le préjudice esthétique de M. [D] est dès lors établi et il sera fait droit à la demande du FIVA à hauteur de 500 euros.

*******************

En définitive, c'est une somme totale de 38.500 euros que la caisse devra verser au FIVA, créancier subrogé, au titre des souffrances physiques et morales endurées par M. [D], et de son préjudice esthétique.

Sur les préjudices des ayants droits

Le FIVA sollicite l'indemnisation des préjudices subis par les ayants droits, préjudices qui ne sont pas contestables, et ce à hauteur de 32.600 pour la veuve de M. [D], 8.700 euros pour ses deux enfants et 3.300 euros pour ses deux petits-enfants. Il rappelle que les époux [D] étaient mariés depuis 59 ans, et que tous les ayants-droits ont accompagné M. [D] durant sa maladie, notamment en aménageant leurs plannings respectifs pour être à son chevet lors de son hospitalisation en soins palliatifs.

La société [4], venant aux droits de la société [3], critique l'attestation rédigée par la fille de M. [D] pour le compte des autres ayants droits en soutenant qu'elle ne respecte pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, et qu'en tout état de cause, rien ne justifie le montant octroyé par le FIVA aux ayants-droits de M. [D].

*******************

L'article L.452-3, alinéas 2 et 3, du code de la sécurité sociale dispose que « De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants-droits de la victime mentionnés aux articles L.434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée. / La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur ».

En l'espèce, il apparaît que le décès de M. [D], survenu à l'âge de 81 ans, a indéniablement causé à son épouse, laquelle, après 59 ans de mariage, a assisté à son dépérissement, l'a accompagné puis a souffert de son décès prématuré, un préjudice moral justement et intégralement réparé par la somme réclamée par le FIVA à hauteur de 32.600 euros.

Il apparaît également que le fait pour les enfants du défunt, M. [T] [D] et Mme [J] [D], d'avoir assisté au dépérissement de leur père ainsi qu'à son décès leur a indéniablement causé un préjudice moral. Ainsi, eu égard à ces liens familiaux, le préjudice moral de M. [T] [D] et Mme [J] [D] sera réparé par l'allocation d'une somme de 8.700 euros, chacun. Celui des deux petits-enfants du défunt, M. [A] [D] et Mme [P] [X], qui résulte nécessairement de la perte de leur grand-père, sera réparé par l'allocation de la somme de 3.300 euros chacun.

Le FIVA, qui a indemnisé Mme [W] [D], M. [T] [D], Mme [J] [D], ainsi que M. [A] [D] et Mme [P] [X], étant subrogé dans leurs droits, l'organisme de sécurité sociale devra lui verser ces sommes.

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE :

En application des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d'une action récursoire à l'encontre de l'employeur, s'agissant des sommes versées par elle au titre de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Aucune discussion n'existant à hauteur de cour quant à l'action récursoire de la CPAM de [Localité 8], le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que la CPAM de [Localité 8] est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société [4], venant aux droits de la société [3].

Par conséquent, la société [4], venant aux droits de la société [3] doit être condamnée à rembourser à la CPAM de [Localité 8], lesdites sommes qu'elle aura versées sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

L'issue du litige conduit la Cour à condamner la société [4], venant aux droits de la société [3], à payer au FIVA, qui est en droit comme tout justiciable de solliciter que son adversaire qui succombe supporte les frais irrépétibles qu'il a exposés, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [4], venant aux droits de la société [3] qui succombe sera également condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris du 29 juin 2022 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, sauf en ce qu'il a débouté le FIVA de ses demandes formées au titre des préjudices physique, moral et esthétique de M. [B] [D],

En conséquence, statuant à nouveau sur les points infirmés,

FIXE l'indemnité réparant le préjudice physique subi par M. [B] [D] du fait de ses maladies professionnelles des tableaux n°30B et 30D des maladies professionnelles à la somme de 10.000 euros (dix mille euros),

FIXE l'indemnité réparant les souffrances morales subies par M. [B] [D] du fait de ses maladies professionnelles des tableaux n°30B et 30D des maladies professionnelles à la somme de 28.000 euros (vingt-huit mille euros),

FIXE l'indemnité réparant le préjudice esthétique subi par M. [B] [D] du fait de ses maladies professionnelles des tableaux n°30B et 30D des maladies professionnelles à la somme de 500 euros (cinq cents euros),

FIXE l'indemnisation du préjudice moral subi par les ayants-droits de M. [B] [D] comme suit :

32.600 euros (trente-deux mille six cents euros) pour Mme [W] [D] (veuve),

8.700 euros (huit mille sept cents euros) pour M. [T] [D] (enfant),

8.700 euros (huit mille sept cents euros) pour Mme [J] [D] (enfant),

3.300 euros (trois mille trois cents euros) pour M. [A] [D] (petit-enfant),

3.300 euros (trois mille trois cents euros) pour Mme [P] [X] (petit-enfant),

DIT que ces sommes, qui porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision, devront être payées par la CPAM de [Localité 8] au FIVA, créancier subrogé, et si besoin l'y CONDAMNE,

CONDAMNE la société [4], venant aux droits de la société [3], à rembourser à la CPAM de [Localité 8], les sommes que l'organisme de sécurité sociale aura avancées sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale,

CONDAMNE la société [4], venant aux droits de la société [3] à payer au FIVA la somme de 1.500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'instance d'appel,

CONDAMNE la société [4], venant aux droits de la société [3] aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01829
Date de la décision : 10/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-10;22.01829 ?
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