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29/05/2024 | FRANCE | N°21/02414

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 29 mai 2024, 21/02414


Arrêt n° 24/00183



29 mai 2024

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N° RG 21/02414 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FS5J

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

03 septembre 2021

F 19/00386

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt neuf mai deux mille vingt quatre







APPELANTE :


>Mme [P] [W]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me José FERNANDEZ, avocat au barreau de METZ







INTIMÉS :



SASU ASCOMETAL HAGONDANGE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Localité 5...

Arrêt n° 24/00183

29 mai 2024

---------------------

N° RG 21/02414 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FS5J

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

03 septembre 2021

F 19/00386

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt neuf mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

Mme [P] [W]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me José FERNANDEZ, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

SASU ASCOMETAL HAGONDANGE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentée par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Juliette POUYET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Me [R] [S] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS ASCO INDUSTRIES

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Jean-Luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

SCP NOEL [U] prise en la personne de Me [N] [U] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS ASCO INDUSTRIES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

Association UNEDIC Délégation AGS CGEA de NANCY prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentée par Me Adrien PERROT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 septembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, en présence de Mme Kely SOARES DE CARVALHO, greffière stagiaire

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [P] [W] a été embauchée à compter du 1er février 2012 par la société Ascometal en exécution d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet (convention de forfait en jours) en qualité de fiscaliste qualification cadre niveau II, moyennant une rémunération mensuelle de 4 532 euros sur treize mois.

La convention collective applicable à la relation contractuelle est celle de la métallurgie.

Au cours de son embauche Mme [W] a été élue membre suppléant du comité d'établissement.

Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 7 mars 2014 la société Ascometal a été placée en redressement judiciaire, et un plan de cession de ses actifs a été homologué le 7 mars 2014 au profit de la société Asco Industries.

Par jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 22 novembre 2017 la société Asco Industries a été placée en redressement judiciaire.

Par jugement du 29 janvier 2018, un plan de cession a été homologué au profit de la société Schmolz + Bickenbach AG, qui a repris les actifs et une partie du personnel du site d'Hagondange. Il a également été prévu la suppression de 149 postes intégrant celui de Mme [W].

Par décision du 28 février 2018, la société Asco Industries a été placée en liquidation judiciaire. Me [S] et la SCP Noël-Nodée-[U] ont été désignés en qualité de mandataires liquidateurs.

Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique fixé au 6 mars 2018, lors duquel un écrit lui a été remis en main propre lui faisant part des motifs économiques du licenciement envisagé et lui proposant d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Maître [E] en sa qualité d'administrateur judiciaire a organisé la consultation du CSE pour avis sur le licenciement de la salariée protégée le 6 mars 2018, et a le 9 mars 2018 saisi l'inspection du travail aux fins d'obtenir l'autorisation de licencier Mme [W].

Par décision du 2 mai 2018 notifiée à l'administrateur judiciaire de la société Asco Industries le 7 mai 2018 l'inspection du travail a autorisé le licenciement de Mme [W] et Maître [E] a par courrier en date du 9 mai 2018 notifié à la salariée protégée son licenciement pour motif économique, en rappelant qu'elle avait adhéré au dispositif du CSP.

Par requête enregistrée au greffe le 23 avril 2019, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz de demandes à l'encontre de la SASU Ascometal Hagondange en contestant le motif économique de son licenciement.

Par requête enregistrée au greffe le 20 septembre 2019 la SASU Ascometal Hagondange a demandé la convocation de la société Asco Industries représentée par les organes de la procédure collective.

Au cours de la procédure prud'homale l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Nancy a également été appelée en intervention forcée.

Par jugement contradictoire en date du 3 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Metz a statué comme suit :

« Confirme le licenciement économique de Mme [P] [W] ;

Dit et juge que le licenciement de Mme [W] n'est pas sans cause réelle et sérieuse ni nul ;

En conséquence,

Déboute Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement nul ;

Déboute également Mme [W] de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SASU Ascometal Hagondange de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Maître [R] [S] et la SCP Noël-Nodée-[U], prise en la personne de Maître [U], en leur qualité de mandataires judiciaires à la liquidation de la SAS Asco Industries, de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [W] aux éventuels frais et dépens de l'instance ».

Par déclaration transmise le 1er octobre 2021, Mme [W] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Au cours de la procédure d'appel la société Ascometal Hagondange a saisi le magistrat de mise en état d'une requête aux fins de déclarer prescrite l'action engagée par Mme [W], après avoir reçu l'information de ce que la salariée avait par un écrit en date du 20 mars 2018 adhéré au CSP.

Par ordonnance en date du 28 novembre 2022 le magistrat de la mise en état a rejeté la requête de la société Ascometal Hagondange soutenue également par les autres parties, en relevant que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action relève non pas de la procédure d'appel mais du débat au fond.

Par ses conclusions récapitulatives en date du 7 février 2023, Mme [W] demande à la cour de statuer comme suit :

« Déclarer l'action de Mme [W] non prescrite et donc recevable ;

Déclarer l'appel de Mme [W] recevable et bien fondé ;

En conséquence ;

Infirmer le jugement entrepris ;

Renvoyer la cause et les parties devant le tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il soit statué sur la question préjudicielle suivante :

« la décision critiquée est-elle suffisamment motivée au regard des obligations de l'autorité administrative et n'est-elle pas par ailleurs entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la suppression du poste de la salariée et quant à l'obligation de la cédante de rechercher effectivement un reclassement auprès du repreneur ' »

Surseoir à statuer sur la demande de Mme [W] jusqu'à décision définitive du tribunal administratif saisi.

Ordonner que Asco Industries et Ascometal Hagondange seront tenus de réparer solidairement le préjudice causé à la salariée ;

Fixer la créance de l'appelante à la liquidation judiciaire d'Ascq Industries à la somme de 45 320 € ;

Condamner solidairement Ascometal Hagondange au paiement de la même somme ;

Ordonner que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'Unedic Délégation AGS-CGEA de Nancy ;

Condamner solidairement les intimés à la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les intimés aux entiers frais et dépens. ».

S'agissant de la prescription de son action soulevée par la société Ascometal Hagondange ainsi que les autres parties intimées, Mme [W] soutient que si elle a accepté le CSP le 20 mars 2018, elle bénéficie en sa qualité d'élue d'une protection spéciale de licenciement qui nécessite l'autorisation de l'inspecteur du travail. Elle considère que le délai pour contester la rupture de son contrat de travail ne pouvait commencer qu'à partir du 9 mai 2018, à savoir la date de la rupture effective de son contrat de travail.

Au soutien de sa demande de sursis à statuer, Mme [W] indique que la décision de l'autorité administrative n'est pas sérieusement motivée et qu'aucune vérification n'a été faite sur la suppression du poste de fiscaliste, pas plus que sur le contrôle de l'impossibilité de reclassement notamment auprès du repreneur.

Elle soutient qu'en mars 2018, soit avant son licenciement, un consultant a été engagé par le repreneur afin d'assurer ses fonctions.

Mme [W] ajoute que dès le mois de juin 2018, soit moins de deux mois après son licenciement, la société a recruté un fiscaliste. Elle précise qu'elle avait postulé pour ces offres auprès du recruteur.

Elle rappelle que sa qualification pouvait permettre à l'autorité administrative de vérifier si elle était en mesure d'occuper un poste même modifié ou nouvellement créé en matière de douane compte tenu de ses compétences et de ses diplômes.

Par ses conclusions d'intimée n° 3 datées du 5 juin 2023, la société Ascometal Hagondange demande à la cour de statuer comme suit :

« Infirmer le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il a débouté la société Ascometal Hagondange de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirmer en toutes ses autres dispositions le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Metz, aux besoins par substitution de motifs au vu de la prescription de l'action de Mme [W] ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Déclarer irrecevable l'action de Mme [P] [W], au vu de la prescription ;

Déclarer en conséquence irrecevables toutes les demandes de Mme [P] [W] ;

Débouter en conséquence Mme [P] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

Déclarer irrecevable la demande de Mme [P] [W] de renvoi devant le tribunal administratif pour qu'il soit statué sur une question préjudicielle, ou à tout le moins la rejeter comme étant mal fondée ;

Déclarer irrecevable la demande de Mme [P] [W] de sursis à statuer, ou à tout le moins la rejeter comme étant mal fondée ;

Débouter Mme [P] [W] de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Asco Industries et Ascometal Hagondange au paiement de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

Débouter Mme [P] [W] de l'ensemble des demandes, fins et conclusions ;

Condamner Mme [W] à payer à la société Ascometal Hagondange la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'instance d'appel et 4 000 € au titre de la première instance ;

Condamner Mme [P] [W] aux entiers dépens. ».

Au soutien de la prescription de l'action engagée par Mme [W], la société Ascometal Hagondange fait valoir que le contrat de Mme [W] a été rompu pour motif économique suite à son adhésion au CSP le 20 mars 2018, fait ignoré au cours de la procédure de première instance.

L'intimée souligne que ce n'est que treize mois après cette date que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes en contestation de la rupture de son contrat de travail et en dirigeant son action contre la société Ascometal Hagondange.

Elle considère que le délai de prescription d'un an a commencé à courir à compter de la date de l'adhésion de Mme [W] au CSP à savoir le 20 mars 2018, et que le délai de prescription de l'action était écoulé au moment de la saisine du conseil de prud'hommes.

En ce qui concerne la rupture du contrat de travail, la société Ascometal Hagondange précise qu'elle n'a jamais été l'employeur de Mme [W]. Elle ajoute que l'appelante n'a pas été licenciée pour motif économique car son contrat de travail a été rompu d'un commun accord consécutivement à son adhésion au CSP.

La société Ascometal Hagondange fait valoir que les demandes de question préjudicielle et de sursis à statuer de Mme [W] n'ont pas été soulevées avant toute défense au fond, et retient qu'elles sont irrecevables et à tout le moins mal fondées.

L'intimée considère que la décision de l'inspection du travail est suffisamment motivée : elle comporte les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, ainsi que tous les éléments caractérisant le licenciement économique.

Sur le licenciement économique de Mme [W], la société Ascometal Hagondange soutient que la suppression du poste de fiscaliste est avérée.

Elle souligne que le consultant PWC engagé au mois de mars 2018 par ses services n'a nullement repris le poste de fiscaliste de l'appelante, et ajoute que le poste de responsable fiscalités douanes pourvu en mars 2019 ne correspondait pas à celui de Mme [W], qui occupait un poste de fiscaliste et non de responsable fiscalités douanes.

La société Ascometal Hagondange rappelle que le jugement du 29 janvier 2018 a autorisé les administrateurs judiciaires à procéder au licenciement pour motif économique des salariés non repris, notamment le poste de fiscaliste occupé par Mme [W].

Par leurs conclusions transmises le 5 juin 2023, Maître [S] et la SCP Noël-Nodée-[U], en leurs qualités de liquidateurs judiciaires de la société Asco Industries, demandent à la cour de statuer comme suit :

« A titre liminaire

Déclarer irrecevable l'action de Mme [P] [W]

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Metz, au besoin par substitution de motifs ;

A titre principal

Déclarer irrecevable et en tout état de cause mal fondée la demande de question préjudicielle soulevée par Mme [W] ;

Débouter Mme [W] de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Metz, au besoin par substitution de motifs ;

En tout état de cause

Débouter Mme [W] de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner Mme [W] à payer à la société Asco Industries la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. ».

Les liquidateurs, ès qualités, reprennent à leur compte la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [W] qui a été soulevée par la société Ascometal Hagondange, en relevant que la salariée a accepté le CSP le 20 mars 2018, avant d'être informée de la rupture de son contrat de travail du fait de cette adhésion.

Ils font valoir que l'appelante disposait ainsi de douze mois à compter du 20 mars 2018 pour introduire une action en contestation de la rupture de son contrat de travail, et que la saisine du conseil de prud'hommes le 23 avril 2019 non seulement est hors délai mais a été dirigée contre la société Ascometal Hagondange.

S'agissant de la demande de question préjudicielle formulée par Mme [W], les mandataires liquidateurs observent que cette exception est soulevée pour la première fois en cause d'appel, qu'elle n'a pas été présentée devant le conseiller de la mise en état. Ils retiennent qu'elle est irrecevable.

Au titre du bien-fondé du licenciement, les liquidateurs font valoir que le poste de travail de la catégorie professionnelle fiscaliste n'a pas été repris, de sorte que l'emploi occupé par Mme [W] faisait partie de ceux visés par la procédure de licenciements collectifs pour motif économique.

Ils rappellent que le licenciement de Mme [W] a été autorisé par l'inspecteur du travail qui a expressément constaté la réalité du motif économique invoqué, qu'il n'est pas démontré que le cessionnaire a embauché un salarié à des fonctions similaires, et que Mme [W] ne s'est pas prévalue de la priorité de réembauchage.

Par ses conclusions d'intimée du 6 juin 2023, l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Nancy demande à la cour de statuer comme suit :

« Déclarer prescrite l'action de Mme [P] [W] ;

En conséquence ;

Déclarer irrecevable l'action de Mme [P] [W] ;

La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause ;

Dire et juger l'appel de Mme [W] mal fondé ;

Rejeter sa demande de renvoi devant le tribunal administratif ;

La débouter de l'intégralité de ses demandes ;

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Dire et juger que les sommes dues en application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas garanties par l'AGS ;

Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail ;

Dire et juger que l'AGS ne pourra être tenue que dans les limites de sa garantie fixées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants du code du travail ;

Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé établi par le mandataire judiciaire et justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains ;

Dire et juger qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective ;

Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS. ».

L'AGS fait sienne l'argumentation de la société Ascometal Hagondange relative à l'irrecevabilité des demandes au regard de la prescription ; elle retient que le délai d'un an mis à la disposition de Mme [W] a commencé à courir le 20 mars 2018, date de l'acceptation du CSP, et observe que la société Asco Industries n'avait initialement pas été mise en cause.

L'organisme de garantie précise qu'il n'a été convoqué que par lettre recommandée du 17 juillet 2020.

L'AGS observe que l'inspecteur du travail était lié par le jugement définitif du tribunal de grande instance de Strasbourg du 29 janvier 2018 qui avait arrêté le plan de cession de la société Asco Industries prévoyant expressément la suppression du poste de Mme [W].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 juillet 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il ressort des données constantes du débat que par jugement en date du 29 janvier 2018 la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné la cession par la société Asco Industries de ses actifs, de ses activités de production d'aciers spéciaux, ainsi que le transfert de 1 235 contrats de travail, et a autorisé les administrateurs judiciaires à procéder dans le délai d'un mois au licenciement économique des 149 salariés non repris, parmi lesquels Mme [W].

Dans le cadre d'une procédure de licenciements collectifs pour motif économique ayant donné lieu à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi validé par une décision de la DIRECCTE Grand Est du 6 février 2018, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement pour motif économique fixé au 6 mars 2018.

Dans le même temps les mandataires judiciaires de la société Asco Industries ont organisé la tenue d'une réunion du comité d'établissement le 6 mars 2018 aux fins de consultation sur les licenciements envisagés parmi lesquels celui de Mme [W], puis ont saisi l'inspection du travail le 9 mars 2018 d'une demande d'autorisation de procéder au licenciement de Mme [W], qui était salariée protégée en sa qualité de membre suppléant du comité d'établissement

Par jugement en date du 28 février 2018 le tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé la liquidation judiciaire de la société Asco Industries et a désigné Maître [S] et la SCP Noêl Nodee [U] en qualité de liquidateurs.

Mme [W] a, lors de l'entretien préalable organisé le 6 mars 2018, reçu un courrier remis en main propre lui rappelant les motifs économiques et lui proposant d'adhérer au CSP (contrat de sécurisation professionnelle).

Mme [W] a le 20 mars 2018 accepté le contrat de sécurisation professionnelle, et le licenciement pour motif économique de Mme [W] a été autorisé par l'Inspection du Travail le 2 mai 2018.

Mme [W] a reçu la notification de son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 mai 2018 qui lui a été adressée par Maître [E] en sa qualité d'administrateur judiciaire, et qui lui a rappelé qu'elle avait précédemment adhéré au CSP (contrat de sécurisation professionnelle).

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

Le contrat de sécurisation professionnelle créé par la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels est défini par les articles L. 1233-65 et suivants du code du travail.

En vertu des dispositions l'article L1233-67 alinéa 1 et 2 « L'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l'employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l'article L. 1233-68. Les régimes social et fiscal applicables à ce solde sont ceux applicables aux indemnités compensatrices de préavis. ».

La société Ascometal Hagondange ainsi que les autres parties intimées se prévalent de la prescription de l'action de Mme [W] en faisant valoir que la salariée a saisi la juridiction prud'homale plus d'une année après son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, qui est intervenue le 20 mars 2018. Elles considèrent que la prescription prévue par les dispositions légales susvisées s'applique à tous les salariés, notamment aux salariés protégés, en faisant valoir que le point de départ de la prescription est « décorrélé » de la date de rupture effective du contrat de travail, et que Mme [W] « n'a donc pas été licenciée pour motif économique » car son contrat a été rompu d'un commun accord des parties consécutivement à son adhésion au CSP.

Mme [W] soutient que la rupture du contrat de travail du salarié protégé prend effet après l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail, plus précisément le lendemain de la notification de la décision de l'autorité administrative, et que le délai pour contester la rupture ne pouvait courir qu'à partir du 9 mai 2018, date du courrier de l'administrateur judiciaire notifiant le licenciement pour motif économique.

Mme [W] rappelle :

- que la procédure protectrice étant d'ordre public absolu, le contrat de travail du salarié protégé ne peut être rompu qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail, même si le salarié a préalablement accepté le CSP, puisque le délai de réflexion mis à sa disposition est prolongé jusqu'à cette date ;

- que l'employeur a sollicité cette autorisation le 9 mars 2018 ;

- que l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement par décision du 2 mai 2018 ;

- que la saisine de la juridiction prud'homale le 23 avril 2019 est donc intervenue dans le délai d'un an.

En cas de licenciement pour motif économique par une entreprise non soumise aux dispositions de l'article L. 1233-71 du code du travail, l'employeur est tenu, lors de l'entretien préalable au licenciement, de proposer au salarié qu'il envisage de licencier pour motif économique le bénéfice du CSP.

En l'espèce lors de l'entretien préalable du 6 mars 2018, un écrit a été remis en main propre à Mme [W] lui faisant part des motifs économiques du licenciement envisagé, et lui proposant d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Mme [W] a le 20 mars 2018 accepté d'adhérer au dispositif du CSP.

L'information donnée à Mme [W] et relative au délai de prescription applicable pour contester la rupture du contrat de travail ou son motif - soit un délai d'un an à compter de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle conformément aux dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail ci-avant rappelées - ne fait pas débat entre les parties puisque ces indications figurent bien dans le document remis à la salariée lors de l'entretien préalable (pièce n°2 de la société Asco Industries).

Mme [W] se prévaut d'un point de départ du délai de prescription « pour contester la rupture du contrat de travail du salarié protégé » au 9 mai 2018 - qu'elle définit comme la date de la rupture des relations contractuelles -, en faisant valoir que « même avec l'acceptation du CSP par le salarié protégé, l'inspecteur du travail peut tout de même refuser l'autorisation de licenciement » car « l'autorisation de l'inspecteur du travail n'est pas acquise».

Mme [W] ne se prévaut donc nullement d'une situation de nature à lui permettre de bénéficier d'un report du point de départ du délai de prescription de son action défini par les textes légaux ci-avant rappelés ' qui est non pas la rupture du contrat de travail mais la date d'acceptation du CSP -, étant observé que l'autorisation administrative de procéder à son licenciement a été délivrée le 2 mai 2018, soit au cours du délai qui a commencé à courir à compter du 20 mars 2018 conformément aux dispositions légales susvisées.

Il convient d'ailleurs de rappeler que la jurisprudence n'admet le report du point de départ fixe d'un délai de prescription en raison de l'impossibilité dans laquelle se trouvait le demandeur d'exercer son action pendant le délai de prescription (règle contra non valentem agere non currit praescriptio) que si le titulaire n'était plus dans les temps lorsque l'impossibilité a pris fin (jurisprudence : Cass. com., 18 décembre 2001, pourvoi n° 99-12.108 ; Cass. Civ. 1e, 29 mai 2013 pourvoi n° 12-15.001 ; Cass. com., 20 avril 2017, pourvoi n° 15-15.367) et seulement dans des cas très spécifiques tels que la fraude (jurisprudence : Cass. soc., 22 juin 2016 pourvoi n° 15-16.994).

Il est ainsi retenu que l'incertitude liée à la validité d'un acte administratif (Cass. 2e civ., 12 juill. 2007, pourvoi n° 06-20.548) ou à l'attente d'une décision de justice définitive (Cass. soc., 15 juin 1995, pourvoi n° 93-18.080 ; Cass. Soc 25 mars 2015, pourvoi n° 13-22.852) ne place pas le requérant dans l'impossibilité d'agir.

Si Mme [W] bénéficiait d'une protection, et si la rupture du contrat de travail a pris effet après l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail et non à l'expiration du délai de réflexion de 21 jours, cela signifie seulement que le dispositif CSP ne fait pas exception à la règle d'ordre public selon laquelle la date de la rupture du contrat de travail du salarié protégé dépend uniquement de la date à laquelle l'inspection du travail autorise le licenciement, le délai de réflexion étant prolongé jusqu'au lendemain de la date de notification à l'employeur de la décision de l'inspection du travail.

Il convient de distinguer l'adhésion au CSP, qui emporte rupture du contrat de travail et qui constitue le point de départ du délai de l'action pour contester la rupture, et la date d'intervention de la rupture, qui se situe à l'expiration du délai de réflexion (jurisprudence : Cass. soc., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-27.446 ; Cass. Soc. 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-16.564).

En l'espèce Mme [W] a accepté la CSP le 20 mars 2018, l'autorisation de l'inspection du travail a été rendue par une décision du 2 mai 2018, et la rupture est intervenue le lendemain de la notification de cette décision que l'administrateur a indiqué être le 7 mai 2018 (pièce n° 12 de la liquidation judiciaire de la société Asco Industries).

Mme [W] a donc saisi le conseil de prud'hommes de Metz le 23 avril 2019, soit plus d'un mois après l'expiration du délai prévu par l'article L. 1233-67 du code du travail.

Au vu de ces données constantes, la cour déclare prescrite l'action de Mme [W], et déclare en conséquence irrecevables les demandes de Mme [W] au titre de la rupture de son contrat de travail pour motif économique.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement déféré relatives à l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens sont confirmées.

Il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles. Leurs demandes formées à ce titre sont rejetées.

Mme [W] est condamnée aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare prescrite l'action engagée par Mme [P] [W] ;

Déclare en conséquence les prétentions de Mme [P] [W] au titre de la rupture de son contrat de travail pour motif économique irrecevables ;

Confirme le jugement dans ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens  de première instance ;

Rejette les demandes des parties au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne Mme [P] [W] aux dépens d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/02414
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.02414 ?
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