RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/02091 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FZW7
Minute n° 24/00150
Société SCCV SAINT EXUPERY
C/
S.A.S. BATIMENT ENERGIES ASSISTANCE-BEA GROUPE PINGAT
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 23 Juin 2022, enregistrée sous le n° 2019/01879
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 MAI 2024
APPELANTE :
SCCV SAINT EXUPERY, représentée par son représentant légal
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Marjorie EPISCOPO, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE:
SAS BATIMENT ENERGIES ASSISTANCE- BEA GROUPE PINGAT, représentée parson représentant légal,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 25 Janvier 2024 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 28 Mai 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU,Conseillère
Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 19 juin 2012, la SCCV Saint-Exupéry a engagé la société Bolle & Bondue, architecte et la SAS BEA Ingénierie (ci-après dénommée la SAS BEA) pour assurer la maîtrise d''uvre de la construction d'un immeuble de bureaux situé à [Localité 5] (54).
L'article 4.1 dudit contrat précisait ainsi la répartition des rôles entre la société Bolle & Bondue et la SAS BEA : l'architecte devait assumer la conception architecturale pendant la phase de conception, se charger de l'obtention des autorisations administratives et la SAS BEA devait accomplir le reste de la mission dont les études techniques et toute la phase exécution, coordination, pilotage de chantier et assistance aux opérations de réception.
La rémunération de la SAS BEA était contractuellement fixée à la somme totale de 140 038,52 euros TTC.
La SAS BEA a établi une attestation de fin de travaux le 13 janvier 2017.
Par courrier de mise en demeure reçu le 8 novembre 2017, la SAS BEA a mis en demeure la SCCV Saint-Exupéry de lui régler la somme de 22 430,34 euros au titre d'un solde de factures impayées.
Le 7 mars 2019, le président du tribunal de grande instance de Metz, saisi par la SAS BEA, a rendu une ordonnance d'injonction de payer n°110 18/3677 condamnant la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA une somme de 25 761,58 euros au titre de factures impayées.
Cette ordonnance a été signifiée à la SCCV Saint-Exupéry par acte d'huissier du 18 juin 2019 et elle a formé opposition par courrier reçu au greffe le 5 juillet 2019.
Dans ses conclusions récapitulatives déposées le 9 septembre 2021, la SAS BEA a notamment demandé au tribunal de :
Dire et juger irrecevable et subsidiairement mal fondée l'opposition formée par la SCCV Saint-Exupéry ;
Confirmer l'ordonnance d'injonction de payer ;
Condamner la SCCV Saint-Exupéry au paiement de la somme de 25 761,58 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter de 6 novembre 2017 ;
Débouter la SCCV Saint-Exupéry de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
Condamner la SCCV Saint-Exupéry au paiement d'une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SCCV Saint-Exupéry en tous les frais et dépens en ce y compris ceux afférents à la procédure d'injonction de payer préalable.
Dans ses conclusions récapitulatives déposées le 13 décembre 2021, la SCCV Saint-Exupéry a notamment demandé au tribunal judiciaire de :
Dire et juger que la SCCV Saint-Exupéry peut se prévaloir de l'exception d'inexécution, la SAS BEA ayant été défaillante en sa mission ;
Débouter la SAS BEA de ses entières demandes ;
Reconventionnellement,
Condamner la SAS BEA à régler à la SCCV Saint-Exupéry les sommes suivantes : 9 314,12 euros TTC au titre du remplacement des baies vitrées non conformes, 2 245,80 euros au titre du remplacement des badges perdus, 170 000 euros au titre des pénalités de retard supportées par la SCCV Saint-Exupéry, pour le retard de la livraison du bâtiment à la SAS Lorraine Immo ;
A titre subsidiaire,
Ordonner une mesure d'expertise avant-dire-droit;
En toute hypothèse,
Condamner la SAS BEA à régler à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SAS BEA aux entiers frais et dépens de la présente instance.
Par jugement du 23 juin 2022, le tribunal judiciaire de Metz a :
Déclaré recevable l'opposition formée par la SCCV Saint-Exupéry ;
Mis à néant l'ordonnance n°18/3677 rendue le 7 mars 2019 ;
Statuant nouveau, et sans qu'il n'y ait lieu à expertise judiciaire,
Condamné la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA la somme de 25 761,58 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 sur celle de 22 430,34 euros et du 29 novembre 2018 pour le solde ;
Condamné la SAS BEA à régler à la SCCV Saint-Exupéry à titre de dommages et intérêts la somme de 17 000 euros ;
Débouté la SCCV Saint-Exupéry de ses autres demandes en paiement de dommages et intérêts ;
Condamné la SCCV Saint-Exupéry aux frais et dépens comprenant ceux de la procédure d'injonction de payer ainsi qu'à régler à la SAS BEA prise en la personne de son représentant légal la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté la SCCV Saint-Exupéry de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé l'exécution provisoire du jugement.
Au préalable, le tribunal a jugé que l'opposition était régulière.
Sur l'exception d'inexécution invoquée par la SCCV Saint-Exupéry pour s'opposer au paiement du solde des factures présentées par la SAS BEA, le tribunal a considéré que la SCCV Saint-Exupéry échouait à rapporter la preuve que la SAS BEA aurait établi le 13 janvier 2017 une attestation d'achèvement de travaux qui aurait été inexacte ou mensongère.
Il a retenu que la SCCV Saint-Exupéry ne rapportait pas la preuve non plus de ce que la SAS BEA aurait omis d'établir les procès-verbaux de réception et les quitus.
Si le premier juge a considéré que la SAS BEA ne répondait que partiellement aux critiques de la SCCV Saint-Exupéry concernant l'absence partielle de décomptes généraux définitifs des entreprises, il a toutefois indiqué que la SCCV Saint-Exupéry ne rapportait pas la preuve d'un quelconque préjudice, outre le fait que la rémunération de la SAS BEA était prévue de manière globale et forfaitaire.
Sur la demande reconventionnelle de la SCCV Saint-Exupéry motivée par des erreurs et manquements du maître d''uvre qui auraient retardé la livraison de l'immeuble, le tribunal a indiqué que l'obligation d'assurer la direction des travaux et le contrôle d'exécution entrait expressément dans les missions contractuelles de la SAS BEA.
Il en a déduit que la compétence de la maîtrise d''uvre lui permettait de se rendre compte de la non-conformité des baies vitrées comme de celle de l'escalier de secours et de faire les réserves nécessaires. Il a ajouté que la SAS BEA aurait dû imposer des travaux correctifs en cours d'exécution du chantier ou alerter la SCCV Saint-Exupéry de ces désordres, ce qui n'a manifestement pas été fait.
Le tribunal a considéré que ce manquement fautif de la société BEA à ses obligations contractuelles est l'une au moins des causes du retard pris par la livraison du bâtiment à la société Lorraine Immo, ce qui a conduit la SCCV Saint-Exupéry à régler des pénalités de retard et il a estimé que la part de responsabilité de la SAS BEA s'élevait à 10% du montant de ces pénalités contractuelles de 170 000 euros.
Il a écarté les autres demandes reconventionnelles en paiement, à savoir la somme de 2 245,80 euros correspondant aux badges perdus, puisque la SAS BEA soutient avoir réglé ce coût supplémentaire ainsi que la somme de 9 314,12 euros au titre du remplacement des baies vitrées non conformes, puisque la SAS BEA est intervenue pour permettre la réalisation des travaux réalisés par la société Xylotech selon facture du 6 juin 2018 d'un montant de 9314, 12 euros TTC.
Par déclaration reçue au greffe le 24 août 2022, la SCCV Saint-Exupéry a interjeté appel du jugement entrepris en ce qu'il a mis à néant l'ordonnance n°18/3677, en ce qu'il a condamné la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA la somme de 25 761 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 sur celle de 22 430,34 euros et du 29 novembre 2018 pour le solde, débouté la SCCV Saint-Exupéry de ses autres demandes en paiement de dommages et intérêts, 9 314,12 euros au titre du remplacement des baies vitrées non conformes, 2 245,80 euros au titre du remplacement des badges perdus et 170 000 euros au titre des pénalités de retard, subsidiairement l'a déboutée de sa demande tendant à voir ordonner avant-dire-droit une expertise, en ce qu'il a condamné la SCCV Saint-Exupéry prise en la personne de son représentant légal aux frais et dépens comprenant ceux de la procédure d'injonction de payer ainsi qu'à régler à la SAS BEA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté la SCCV Saint-Exupéry de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a prononcé l'exécution provisoire du jugement.
La SAS BEA a formé un appel incident dans ses conclusions déposées le 23 décembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions récapitulatives déposées le 23 mars 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la SCCV Saint-Exupéry demande à la cour de :
Infirmé le jugement rendu le 23 juin 2022 par le tribunal judiciaire de METZ en ce qu'il a mis à néant l'ordonnance RG n° 18/3677 rendue le 7 mars 2019, en ce qu'il a condamné la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA la somme de 25 761,58 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 sur celle de 22.430,34 euros et du 29 novembre 2018 pour le solde ; en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts tendant au paiement des sommes suivantes : 9 314,12 euros au titre du remplacement des baies vitrées non conformes, 2 245,80 euros au titre du remplacement des badges perdus, 170 000 euros au titre des pénalités de retard supportées par la SCCV SAINT EXUPERY, pour le retard de la livraison du bâtiment à la SAS Lorraine Immo, subsidiairement l'a déboutée de sa demande tendant à voir ordonner à titre avant-dire-droit une expertise, l'a condamnée aux frais et dépens comprenant ceux de la procédure d'injonction de payer ainsi qu'à régler à la SAS BEA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté la SCCV Saint-Exupéry de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a prononcé l'exécution provisoire du présent jugement ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
débouter la SAS BEA de sa demande tendant à voir la SCCV Saint-Exupéry condamnée à lui payer la somme de 25 761,58 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 sur celle de 22 430,34 euros et du 29 novembre 2018 pour le solde ;
Reconventionnellement,
Condamner la SAS BEA Groupe PINGAT à payer à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 9 314,12 euros au titre du remplacement des baies vitrées non conformes, à titre de dommages et intérêts ;
Condamner la SAS BEA Groupe PINGAT à payer à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 2 245,80 euros au titre du remplacement des badges perdus ;
Confirmer le jugement rendu le 23 juin 2022 par le Tribunal Judiciaire de Metz en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la SAS BEA ;
Infirmer le jugement sur le quantum ;
En conséquence,
Condamner la SAS BEA Groupe PINGAT à payer à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 170 000 euros au titre des pénalités de retard supportées par la SCCV Saint-Exupéry, pour le retard de la livraison du bâtiment à la SAS Lorraine Immo ;
En tout état de cause,
Condamner la SAS BEA à payer à la SCCV Saint-Exupéry une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 1° du code de procédure civile ;
Condamner la SAS BEA aux entiers dépens d'instance et d'appel.
A titre liminaire, la SCCV Saint-Exupéry expose que selon contrat de vente en l'état futur d'achèvement du 20 octobre 2015, elle a vendu à la SAS Lorraine Immo l'immeuble en litige, moyennant le prix de 5 040 000 euros TTC.
Elle souligne que le représentant de la société BEA a délivré une attestation d'achèvement des travaux le 13 janvier 2017 mais que la réalité de cet achèvement a été contestée par l'acquéreur.
La SCCV Saint-Exupéry indique qu'après une procédure de référé-expertise entre la SAS Lorraine Immo et elle-même, elles ont régularisé le 14 juin 2018 un protocole d'accord aux termes duquel les pénalités de retard calculées selon l'acte de VEFA à 900 euros/jour de retard, soit 373 500 euros TTC, ont été réduites de façon forfaitaire à 170 000 euros TTC.
L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir écarté le fait que la SAS Lorraine Immo avait contesté l'achèvement des travaux et refusé la prise de possession des locaux, se prévalant de défauts de conformité majeurs concernant la sécurité incendie du site et la sécurité des personnes et de ne pas avoir pris en considération les termes du rapport d'expertise du cabinet [V], qui avait été missionné en cours d'expertise judiciaire conjointement par la SCCV Saint-Exupéry et la SAS Lorraine Immo.
La SCCV Saint-Exupéry détaille ensuite les non-conformités qu'elle impute à la SAS BEA.
S'agissant de l'escalier de secours, elle indique ainsi que le palier n'était pas conforme à la date du 8 janvier 2018 et que la réalisation des reprises a été constatée le 4 mai 2018 seulement par M. [V].
Elle fait également état de non-conformités des ouvrants pompiers et du caractère trop bruyant du dispositif de ventilation-climatisation, ce dernier point ayant toutefois fait l'objet de travaux de reprise, de sorte que le bruit engendré par les moteurs de ventilation était, le 04 mai 2018, beaucoup moins perceptible et gênant qu'avant l'intervention de réglage des moteurs.
La SCCV Saint-Exupéry estime être en droit d'opposer une exception d'inexécution, la SAS BEA n'ayant pas selon elle réalisé l'intégralité de sa mission, puisqu'elle a établi une attestation d'achèvement des travaux le 13 janvier 2017, alors qu'à cette date, les travaux n'étaient pas achevés. Elle lui reproche aussi de ne pas avoir organisé correctement la réception des travaux des entreprises.
La SCCV Saint-Exupéry soutient en effet que la SAS BEA n'a pas effectué sa mission OPR (opérations préalables à la réception), car elle a adressé un procès-verbal de réception par email aux entreprises, sans réunion physique, en leur demandant d'envoyer les exemplaires au maître de l'ouvrage.
Elle ajoute que les DGD (décomptes généraux définitifs) des entreprises n'ont été que partiellement traités par la SAS BEA et que cette dernière a en outre procédé au visa des DGD, sans que la réception et les levées de réserves ne soient intervenues.
Se référant à l'annexe 2 du contrat de maîtrise d''uvre, la SCCV Saint-Exupéry soutient que l'établissement des DGD incombait bien à la SAS BEA.
La SCCV Saint-Exupéry estime que la SAS BEA ne démontre pas s'être libérée de ses obligations par l'exécution de celles-ci et que cette inexécution est d'autant plus grave qu'elle a conduit la société Lorraine Immo à refuser la réception des travaux, ces derniers n'étant pas achevés, créant ainsi un retard dans la réception du bien.
Sur le plan technique, la SCCV Saint-Exupéry fait aussi grief à la SAS BEA d'avoir laissé poser des baies vitrées non conformes aux normes de sécurité, d'avoir supprimé la pose d'une baie vitrée qui devait permettre l'éclairage du hall d'entrée, d'avoir laissé poser un escalier de secours non conforme aux normes de sécurité et d'avoir égaré les badges d'entrée de l'immeuble.
La SCCV Saint-Exupéry présente des demandes de dommages et intérêts concernant la reprise des baies vitrées et le rachat de nouveaux badges.
Elle confirme que l'escalier non conforme a été repris mais que cette prestation a été réalisée avec retard, entraînant le refus de la SAS Lorraine Immo de recevoir l'immeuble.
Concernant les pénalités de retard, l'appelante fait valoir que le pourcentage retenu par le tribunal est dérisoire, que la SAS BEA doit être déclarée entièrement responsable et prendre à sa charge l'intégralité de ces pénalités.
Dans ses conclusions déposées le 16 janvier 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la SAS BEA demande à la cour de :
Infirmer le jugement du 23 juin 2022 en ce que celui-ci a condamné la SAS BEA Groupe PINGAT prise en la personne de son représentant légal à régler à la SCCV Saint-Exupéry, à titre de dommages et intérêts, la somme de 17 000 euros ;
Pour le surplus,
Confirmer la décision entreprise ;
Condamner la SCCV Saint-Exupéry aux entiers dépens d'appel ;
La condamner à payer à la SAS BEA une indemnité de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS BEA relève que la SCCV Saint Exupéry ne conteste pas qu'en application du contrat de maitrise d''uvre, le montant du solde des factures s'élève à 25 761,58 euros TTC et que ce solde n'a pas été réglé.
Elle soutient avoir parfaitement exécuté l'intégralité des missions qui lui avaient été confiées.
Elle relève que la SSCV Saint-Exupéry n'a jamais cru bon de la faire citer dans le cadre de la procédure de référé l'opposant à la SAS Lorraine Immo et que ni les expertises, réalisées non contradictoirement à l'encontre de la SAS BEA, ni le protocole transactionnel, ne sauraient lui être valablement opposés.
Selon l'intimée, il est totalement erroné d'indiquer que les travaux n'étaient pas achevés à la date du 13 janvier 2017, que cela ressort des seules affirmations de l'acquéreur en VEFA, mais que les relations et les incidents qui ont pu opposer le vendeur à l'acquéreur sont inopposables à la maîtrise d''uvre totalement étrangère à ces débats.
Selon la SAS BEA, si la livraison n'a pas pu intervenir au mois de janvier 2017, c'est en raison de la survenance d'un dégât des eaux le 18 janvier 2017 dont elle n'est pas responsable.
Elle rappelle que le 28 février 2017, le contrôleur technique a rendu un rapport sans avis ni observation.
Elle estime que la SCCV Saint-Exupéry a confondu la notion de réception et d'achèvement, propre à la procédure de VEFA, car l'achèvement représente l'aptitude générale de l'immeuble à remplir sa destination et ne constitue pas une garantie de conformité de l'immeuble aux prescriptions contractuelles.
Elle ajoute que l'achèvement d'un bâtiment peut être constaté, alors même que ce dernier comporterait des défauts de conformité ou des malfaçons à condition, bien sûr, que ces derniers ne le rendent pas impropre à son utilisation ; elle fait aussi valoir qu'au sens des dispositions de l'article R .261-1 du code de la construction et de l'habitation, les défauts de conformité non substantiels et les malfaçons qui ne rendent pas l'ouvrage ou les éléments d'équipement impropres à leur utilisation ne sont pas pris en considération.
La SAS BEA indique également que, dans un courrier du 08 août 2017 adressé à la société Lorraine Immo, la SCCV Saint-Exupéry indiquait elle-même : « Nous vous rappelons que cet immeuble est achevé depuis le 13 janvier 2017, comme cela a été attesté à cette date par BEA ».
La SAS BEA ajoute qu'à supposer que l'on considère que le bâtiment n'était pas achevé, il est établi que cette absence d'achèvement ne lui est nullement imputable.
Elle relève que le problème de la sécurité incendie semble avoir été un sujet de discussion entre le promoteur et l'acquéreur mais que ce point est étranger à la maitrise d''uvre et donc à la SAS BEA, car il incombe à l'aménageur de la zone.
La SAS BEA assure avoir parfaitement respecté sa mission de préparation des opérations de réception, car la liste des travaux à réaliser a été établie, la SCCV Saint-Exupéry en a été avisée à chaque fois et la liste des travaux à réaliser suite aux opérations préalables de réception du 10 janvier 2017 a également été dressée.
Elle conteste n'avoir réalisé que partiellement les DGD et elle ajoute que sur l'annexe 2 du contrat de maîtrise d''uvre s'agissant du suivi budgétaire en phase travaux, il est indiqué : « P », ce qui signifie que la SAS BEA devait uniquement participer à l'exécution de la tâche ou de la mission sous la responsabilité de l'exécutant principal.
La SAS BEA fait valoir que sa qualité de maître d''uvre n'implique nullement qu'elle soit responsable des désordres, dysfonctionnements ou retards dans l'exécution des travaux de construction et que sa mission, contractuellement stipulée, n'englobait pas la surveillance du chantier, son rôle se cantonnant à la direction des travaux.
L'intimée indique aussi que le suivi de chantier répond à une simple obligation contractuelle de moyens, que la preuve d'une faute demeure, que la direction des travaux ne comporte pas la surveillance, à tout moment, des modalités d'exécution et que le maître d''uvre qui a en charge la direction des travaux n'a pas à se substituer au personnel d'encadrement de l'entreprise exécutante, car il n'est pas un chef de travaux ou un conducteur de travaux.
S'agissant des baies vitrées non conformes, la SAS BEA ajoute qu'il ne lui appartient pas de régler les factures et qu'en tout état de cause, la SCCV Saint-Exupéry n'a jamais réglé les sommes dues à la première entreprise intervenue pour les menuiseries.
S'agissant des badges, la SAS BEA assure que c'est la SCCV Saint-Exupéry qui les a perdus et que le problème est réglé de longue date, puisqu'elle a remis au maître d'ouvrage un nouveau jeu de badges réglé par ses soins.
Sur les pénalités de retard, la SAS BEA reproche à la SCCV Saint-Exupéry de vouloir lui faire supporter les conséquences du contentieux qu'elle a eu avec l'acquéreur de l'immeuble et qui s'est clôturé par une transaction, hors la présence de la SAS BEA.
Elle soutient que l'appelante succombe totalement dans l'administration de la preuve, car elle n'établit pas une faute de la part de la SAS BEA à l'origine desdits retards, d'un préjudice résultant de ce retard, d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué.
Elle verse aux débats les comptes-rendus de chantier n°48, 49 et 50, en soulignant qu'aucun grief ni observation n'est fait en ce qui concerne des prétendus retards, ou fautes, ou omissions susceptibles d'être imputables à la SAS BEA.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la mise à néant de l'ordonnance d'injonction de payer du 7 mars 2019 et sur la demande subsidiaire d'expertise judiciaire
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
La SCCV Saint-Exupéry demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 23 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a mis à néant l'ordonnance RG n° 18/3677 rendue le 7 mars 2019 mais elle ne soutient pas cette demande dans le corps de ses conclusions.
En tout état de cause, il se déduit de l'article 1420 du code de procédure civile que si l'opposition est régulière, le jugement du tribunal se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer.
De même, la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas ordonné une expertise judiciaire n'est pas soutenue.
Ainsi, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a mis à néant l'ordonnance RG n° 18/3677 rendue le 7 mars 2019 et en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire.
II- Sur la demande de la SAS BEA en paiement de la somme de 25 761,58 euros représentant le solde des honoraires du contrat de maîtrise d''uvre
L'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Il se déduit de l'article 1184 du code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, qu'une partie, confrontée à la défaillance de son partenaire, peut invoquer une exception d'inexécution afin de suspendre l'exécution de ses propres obligations contractuelles.
Il sera rappelé que dans le cas présent, la SCCV Saint-Exupéry ne conteste, ni le montant total du marché conclu avec la SAS BEA, ni le solde restant à payer sur les factures de son maître d''uvre à savoir la somme de 25 761,58 euros, mais entend précisément se prévaloir du fait que la SAS BEA n'a pas respecté ses propres obligations contractuelles.
Les obligations contractuelles à la charge de la SAS BEA sont définies par le contrat de maîtrise d''uvre du 19 juin 2012, lequel précise notamment que l'architecte, à savoir la société Bolle § Bondue, a une mission de conception architecturale lui donnant la charge du déroulement de l'opération jusqu'à l'obtention des autorisations administratives (préambule de l'article 4).
Il est stipulé, dans l'article 4.1, que jusqu'à l'obtention des autorisations administratives, le BET (c'est-à-dire la société BEA) garde à sa charge la production des éléments de projet établis concernant les études techniques (par exemple l'électricité) et que pendant la phase Exécution, c'est le BET qui prend le relais, en tant que représentant et coordonnateur du maître d''uvre. Il prend ainsi en charge la phase AOR (assistance aux opérations de réception).
Ce même article stipule également que le maître d'ouvrage confie à la maîtrise d''uvre la mission de direction de chantier jusqu'à la fin de l'année de parfait achèvement des ouvrages en corps d'états séparés.
Une annexe 2 précise pour chacun des deux maîtres d''uvre l'étendue de leurs prestations.
C'est à la lumière de ces documents contractuels qu'il convient d'apprécier si la SAS BEA a imparfaitement exécuté ses obligations, les griefs du maître d'ouvrage reposant sur l'établissement d'une attestation de fin de travaux alors que les travaux n'étaient pas achevés, sur la défaillance du maître d''uvre dans l'organisation des opérations de réception et dans l'établissement des décomptes généraux définitifs des entreprises intervenantes.
Sur l'achèvement des travaux
La notion d'achèvement employée par les parties fait manifestement référence à l'achèvement en procédure de VEFA, l'article R.261-1 du code de la construction et de l'habitation disposant que :
« L'immeuble vendu à terme ou en l'état futur d'achèvement est réputé achevé au sens de l'article 1601-2 du code civil, reproduit à l'article L. 261-2 du présent code, et de l'article L. 261-11 du présent code lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation, conformément à sa destination, de l'immeuble faisant l'objet du contrat. Pour l'appréciation de cet achèvement, les défauts de conformité avec les prévisions du contrat ne sont pas pris en considération lorsqu'ils n'ont pas un caractère substantiel, ni les malfaçons qui ne rendent pas les ouvrages ou éléments ci-dessus précisés impropres à leur utilisation.
La constatation de l'achèvement n'emporte par elle-même ni reconnaissance de la conformité aux prévisions du contrat, ni renonciation aux droits que l'acquéreur tient de l'article 1642-1 du code civil, reproduit à l'article L. 261-5 du présent code ».
Selon le courrier du 8 août 2017 de la société Lorraine Immo, acquéreur de l'immeuble, ce sont les trois points suivants qui l'ont amenée à contester l'achèvement de l'immeuble : la non-conformité de l'escalier de secours extérieur, le niveau sonore de l'installation de ventilation-climatisation, ainsi que l'absence d'un poteau d'incendie.
La réalité de ces non-façons et/ou non-conformités contractuelles est confirmée dans la note établie le 4 mai 2018 par M. [V], expert en bâtiment mandaté par l'acquéreur et le maître d'ouvrage.
Il n'est pas établi que le niveau sonore de la ventilation de l'immeuble ait rendu l'immeuble impropre à son utilisation ou ait constitué une non-conformité substantielle.
En revanche, les non-conformités relatives à la sécurité du public et à la sécurité incendie apparaissent substantielles, dès lors qu'elles sont susceptibles de faire obstacle à la mise en location de l'immeuble.
Dans ces conditions et indépendamment des autres non-conformités et non-façons relevées dans un courrier de la SAS Lorraine Immo du 12 mai 2017, les travaux n'étaient manifestement pas achevés à la date du 13 janvier 2017.
Néanmoins, il sera observé que dans ces différents courriers à la SAS Lorraine Immo, la SCCV Saint-Exupéry soutenait elle-même que l'immeuble était achevé (pièce 8 et pièce 26) et elle était d'ailleurs en mesure de produire auprès de l'acquéreur le rapport final de contrôle technique du 28 février 2017, lequel ne comportait aucune observation.
Ainsi l'état d'achèvement de l'immeuble a fait l'objet d'un débat nourri entre le maître d'ouvrage et l'acquéreur.
Par ailleurs, le contrat de maîtrise d''uvre ne fait pas expressément référence à l'attestation d'achèvement en litige, son établissement ne rentrait donc pas dans les missions du maître d''uvre. Le contrat de vente en l'état futur d'achèvement signé entre la SAS Lorraine Immo et la SCCV Saint-Exupéry ne fait aucune mention non plus d'une quelconque intervention sur ce point du maître d''uvre, le désaccord sur l'état d'achèvement de l'immeuble pouvant donner lieu à l'intervention d'un homme de l'art désigné d'un commun accord par le vendeur et l'acquéreur.
L'établissement de l'attestation d'achèvement dans le cadre des opérations de VEFA ne rentrait donc pas dans les missions contractuelles de la SAS BEA.
Dès lors, la SCCV Saint-Exupéry n'est pas fondée à se prévaloir d'une quelconque exception d'inexécution liée à cette attestation pour s'opposer au paiement du solde des factures présentées par la SAS BEA.
Sur l'organisation des opérations préalables à la réception
Contrairement à ce que soutient la SAS BEA, le contrat de maîtrise d''uvre lui confie expressément, ès qualités de maître d''uvre d'exécution, la responsabilité d'organiser les OPR (opérations préalables à la réception) et la tâche d'établir les procès-verbaux de réception (page 11/16 du contrat).
Il lui appartient de démontrer qu'elle a bien rempli, sur ce point, ses obligations contractuelles.
Par ailleurs il est d'usage, dans le bâtiment, d'établir un procès-verbal de réception à l'occasion d'une visite contradictoire du lot faisant l'objet de la réception. Ces règles d'usage sont rappelées dans le contrat de maîtrise d''uvre, puisqu'il y est fait mention de la nécessité d'aviser l'entreprise et le maître d'ouvrage de la date fixée au moins 15 jours à l'avance (page 13/16).
Les documents versés aux débats, notamment les nombreux échanges de courriers électroniques entre la SCCV Saint-Exupéry et la SAS BEA, établissent que la SAS BEA a bien organisé les opérations préalables à la réception, sous la forme d'une visite regroupant toutes les entreprises le 10 janvier 2017, en présence du maître d'ouvrage.
S'agissant des opérations de réception en elles-mêmes, le protocole d'accord signé le 14 juin 2018 entre la SCCV Saint-Exupéry et la SAS Lorraine Immo, à l'article 4, mentionne que « la date d'effet de réception de l'ouvrage telle qu'elle ressort des procès-verbaux de réception établis entre le promoteur, maître de l'ouvrage, et les entreprises est fixée au 25 juillet 2017 (...)».
Ce protocole transactionnel démontre que les procès-verbaux de réception ont bien été établis mais ne permet pas de confirmer l'intervention, pour l'élaboration de ces procès-verbaux, de la SAS BEA.
Le seul procès-verbal de réception produit aux débats, à savoir celui de l'entreprise Briotet, est à l'en-tête de la SCCV Saint-Exupéry, ne fait pas mention de l'intervention du maître d''uvre et ne comporte d'ailleurs pas la signature de son représentant.
Il résulte des courriers des 20 et 22 mars 2017 de la SCCV Saint-Exupéry que cette dernière reprochait à son maître d''uvre d'avoir établi des procès-verbaux de réception sans faire réaliser de visites. Ces allégations sont corroborées par le mail adressé le 13 mars 2017 par une préposée de la SAS BEA à une des entreprises intervenantes, la société Protect Façades, lui demandant de signer l'exemplaire joint du procès-verbal de réception et de l'adresser directement au maître d'ouvrage (pièce 37 de la SCCV Saint-Exupéry).
La SAS BEA ne produit d'ailleurs pas aux débats les courriers ou avis informant le maître d'ouvrage et les entreprises de la date de la visite de réception, conformément aux stipulations contractuelles (page 13/16).
Dès lors, si la SAS BEA rapporte la preuve d'avoir exécuté ses obligations relatives aux opérations préalables à la réception, elle ne justifie pas avoir accompli sa mission s'agissant des opérations de réception en elles-mêmes.
La SCCV Saint-Exupéry est donc fondée à invoquer, sur ce point, une exception d'inexécution.
Sur les DGD
Il est d'usage qu'après l'exécution de son lot, l'entreprise concernée établisse un projet de décompte final qui est vérifié par le maître d''uvre qui établit alors un décompte général définitif transmis au maître d'ouvrage.
Il ressort de l'annexe 2 au contrat de maîtrise d''uvre que l'établissement du DGD correspondant au « Suivi budgétaire en phase tvx » était inclus dans la mission avec la précision que la SAS BEA en était l'exécutant principal, au titre de sa mission de « maître d''uvre d'exécution ».
Selon le tableau récapitulatif versé aux débats par le maître d'ouvrage, la SAS BEA n'a réalisé que 7 DGD sur les 15 nécessaires.
En aucun cas le compte-rendu de chantier n°47, qui concerne une simple réunion de chantier, n'établit la preuve de la réalisation par la SAS BEA des DGD concernant chaque entreprise.
Ainsi et pas davantage qu'en première instance, la SAS BEA ne fait la démonstration de ce qu'elle a rempli l'intégralité de cette obligation contractuelle.
La SCCV Saint-Exupéry est donc fondée à invoquer, sur ce point, une exception d'inexécution.
Sur le caractère proportionné de l'exception d'inexécution
L'exception d'inexécution doit être proportionnée à l'inexécution reprochée. La rémunération de la SAS BEA était fixée à la somme totale de 140 038,52 euros TTC.
Dans l'annexe 1, il est précisé que la phase AOR, dont on peut considérer qu'elle inclut toutes les tâches finales dont les opérations de réception et l'établissement des DGD, est estimée à 5% du coût total du contrat.
En conséquence, la SCCV Saint-Exupéry est fondée à s'opposer au paiement du solde des factures de la SAS BEA à hauteur de 7 001,93 euros.
Dès lors la cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA la somme de 25 761,58 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 sur celle de 22 430,34 euros et du 29 novembre 2018 pour le solde et statuant à nouveau, condamne la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA la somme de 18 759,65 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017.
III- Sur les demandes reconventionnelles de la SCCV Saint-Exupéry en paiement de la somme de 9 314,12 euros au titre du remplacement des baies vitrées non conformes et de la somme de 2 245,80 euros au titre du remplacement des badges perdus.
Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
S'agissant des badges, la SCCV Saint-Exupéry et la SAS BEA se renvoient la responsabilité de la perte du premier lot.
En tout état de cause, la SAS BEA affirme avoir réglé la nouvelle commande de badges et pour sa part, la SCCV Saint-Exupéry ne justifie pas du préjudice financier qu'elle aurait supporté à ce titre.
Aucun préjudice n'est donc établi de ce chef.
De même, s'agissant de la somme de 9 314,12 euros réclamée par la SCCV Saint-Exupéry au titre du remplacement des baies vitrées non conformes, la SAS BEA affirme que les sommes dues à la première entreprise intervenue au titre des menuiseries, à savoir la société MTV Alu, n'ont jamais été réglées par la SCCV Saint-Exupéry, de sorte que le règlement de la facture Xylotech a été compensé par l'absence de règlement de la facture MTV Alu.
A supposer la faute du maître d''uvre établie, la SCCV Saint-Exupéry ne démontre, ni même n'allègue, qu'elle aurait dû régler deux fois les menuiseries.
Dans cette hypothèse également aucun préjudice n'est établi.
La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la SCCV Saint-Exupéry en paiement des sommes suivantes : 9 314,12 euros TTC au titre du remplacement des baies vitrées non conformes et 2 245,80 euros au titre du remplacement des badges perdus.
IV- Sur la demande reconventionnelle de la SCCV Saint-Exupéry en paiement de la somme de 170 000 euros au titre des pénalités de retard
L'article 1147 du code civil, dans sa version en vigueur du 21 mars 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La réclamation de la SCCV Saint-Exupéry se fonde sur les termes du protocole d'accord conclu avec la société Lorraine Immo à savoir :
« En vertu de l'acte notarié du 20 octobre 2015, l'acquéreur devait prendre livraison de l'immeuble au plus tard dans les 12 mois de la signature de l'acte sauf survenance d'un cas de force majeure ou autre cause ultime de suspension de délai.
La SCCV Saint-Exupéry et la SAS Lorraine Immo s'accordent pour considérer qu 'en tenant compte de ces causes légitimes de suspension de délai, le bâtiment aurait dû être livré au plus tard pour le 10 mai 2017.
La livraison n 'intervenant finalement que le 2 juillet 2018, le montant contractuellement dû, au titre des pénalités de retard, à raison de 900 euros par jour de retard, s'élève à la somme de 3 73 500 euros TTC.
Dans un cadre transactionnel et pour permettre une livraison la plus rapide possible du bâtiment, la SAS Lorraine Immo accepte de ne percevoir, au titre des pénalités pour retard de livraison, qu'une somme globale forfaitaire et définitive arrêtée à la somme de 170 000 euros TTC, ce que la SCCV Saint-Exupéry accepte également. »
La SCCV Saint-Exupéry a donc admis un retard de livraison de quatorze mois et accepté en conséquence de verser à l'acquéreur des pénalités de retard de 170 000 euros.
Néanmoins, la SAS BEA n'était pas partie à cet accord.
Dès lors, la SCCV Saint-Exupéry doit démontrer que ce retard est bien imputable au moins partiellement à la SAS BEA et le lien de causalité entre ces fautes contractuelles et le préjudice qui en résulte pour elle.
Dans son courrier du 24 mars 2017 à la SAS Lorraine Immo, la SCCV Saint-Exupéry imputait 51 jours de retard aux intempéries et évoquait également la défaillance de certaines entreprises sous-traitantes.
Elle estimait à cinq mois le retard consécutif à ces deux séries d'événements, sans évoquer alors auprès de la SAS Lorraine Immo une quelconque responsabilité du maître d''uvre.
Sur les autres causes possibles de ce retard, il sera relevé que dans un courrier du 13 avril 2017, la société Lorraine Immo devait relever la non-conformité tenant à l'absence d'éclairage naturel du local du rez-de-chaussée alors que celui-ci devait résulter de la présence d'une baie vitrée qui n'avait pas été réalisée.
Il résulte d'un courrier du 29 mai 2017 de la SAS BEA que cette dernière est intervenue pour établir un planning de reprise portant sur la « non-conformité » résultant d'un châssis manquant. Ainsi la réalité de cette non-conformité contractuelle a été reconnue par la SAS BEA.
Les différents échanges de courrier intervenus au printemps 2017 entre la SAS Lorraine Immo et la SCCV Saint-Exupéry portaient également sur un problème de non-conformité du réseau d'assainissement mais ce point n'est pas repris dans les écritures des parties.
Par la suite, selon le courrier du 8 août 2017 de la société Lorraine Immo, acquéreur de l'immeuble, ce sont les trois points suivants qui l'ont amenée à refuser le 4 août 2017 la réception de l'immeuble : la non-conformité de l'escalier de secours extérieur, le niveau sonore de l'installation de ventilation climatisation, ainsi que l'absence d'un poteau d'incendie.
Le compte-rendu établi le 4 mai 2018 par M. [V], expert désigné par le maître d'ouvrage et l'acquéreur, confirme la non-conformité, à la date du 8 janvier 2018, de l'escalier de secours: les marches de l'escalier du palier du niveau I avait fait l'objet d'une erreur de conception au cours des travaux puisque la hauteur de marche était trop importante soit 21 centimètres au lieu de 16 centimètres, une autre marche était trop basse (12 centimètres au lieu de 17 centimètres) et une autre, au droit de l'issue de secours, devait être réduite de 2 centimètres. Dans un courrier du 13 février 2018, la SAS BEA reconnaissait d'ailleurs que cet escalier était « non conforme en termes d'altimétrie ».
Par ailleurs, il manquait une des deux bornes incendie dont le SDIS avait demandé la réalisation dans le cadre du permis de construire. Ainsi, il a été nécessaire de prévoir, à titre de travaux de reprise, la mise en place d'un bassin de 120 m3 afin de satisfaire aux exigences du SDIS quant à la conformité de l'immeuble aux règles relatives à la protection contre les incendies.
Dès lors que l'installation de ces bornes incendie était mentionnée dans le permis de construire, elle était nécessairement à la charge du maître d'ouvrage et non de l'aménageur de la zone comme le prétend la SAS BEA.
M. [V] a également confirmé la non-conformité contractuelle des ouvertures en façades par rapport aux spécifications du CCTP. La SAS BEA admet avoir fait réaliser des travaux de reprise par la société Xylotech d'un montant de 9 314,12 euros TTC selon facture du 6 juin 2018, tout en affirmant que les baies vitrées initialement posées étaient parfaitement conformes au contrat et ne posaient pas de problème en termes de sécurité. L'analyse de M. [V] sur la non-conformité contractuelle est pourtant corroborée par le 1er compte-rendu de l'expert judiciaire M. [E] en date du 8 juin 2018 qui évoque bien l'absence des châssis pompiers. Par ailleurs dans un mail du 27 février 2018, le représentant de la SAS BEA évoquait lui-même les « défaillances » de l'entreprise MTV Alu.
Enfin aussi bien M. [V] que M. [E] évoquent le niveau bruyant du système de ventilation-climatisation, problème corrigé après quelques réglages.
En conséquence, sont établies plusieurs non-conformités contractuelles : l'absence de fenêtre dans le local du rez-de-chaussée, la non-conformité de l'escalier de secours extérieur, l'absence d'un poteau d'incendie, le niveau sonore de l'installation de ventilation-climatisation et l'absence de châssis pompier en façade.
Deux non-conformités en particulier légitiment le refus par l'acquéreur de considérer l'immeuble comme étant achevé et d'en prendre livraison : la non-conformité de l'escalier de secours extérieur et l'absence d'un poteau d'incendie, En effet, ces non-conformités contreviennent à la règlementation incendie et sécurité et sont donc susceptibles de faire obstacle à la mise en location de l'immeuble.
Si ces fautes de réalisation sont aussi imputables aux entreprises chargées de réaliser les travaux, le contrat de maîtrise d''uvre du 19 juin 2012 mettait à la charge de la SAS BEA l'obligation d'assurer la direction des travaux et le contrôle d'exécution.
Il en résulte que dans le cadre de sa mission de maîtrise d''uvre incluant l'organisation de réunions de chantier régulières, la SAS BEA aurait dû se rendre compte de la non-conformité de l'escalier de secours extérieur et de l'absence d'un poteau d'incendie, afin de réclamer des travaux correctifs en cours d'exécution du chantier ou elle aurait dû alerter la SCCV Saint-Exupéry de ces désordres, ce qui n'a manifestement pas été fait.
Le simple fait que les procès-verbaux de réunions de chantiers ne fasse pas mention de l'imputabilité partielle au maître d''uvre du retard dans l'exécution du chantier est indifférent.
Ce manquement fautif de la SAS BEA à ses obligations contractuelles a contribué au retard pris par la livraison du bâtiment à la société Lorraine Immo, ayant conduit au règlement de pénalités par la SCCV Saint-Exupéry, pénalités de retard transigées à hauteur de 170 000 euros.
Il y a lieu d'évaluer à 30% la responsabilité contractuelle de la société BEA en lien avec le préjudice subi par la SCCV Saint-Exupéry.
Par voie de conséquence, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS BEA à régler à la SCCV Saint-Exupéry à titre de dommages et intérêts la somme de 17 000 euros et statuant à nouveau, condamne la SAS BEA à payer à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 51 000 euros à titre de dommages et intérêts.
V- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCCV Saint-Exupéry aux frais et dépens comprenant ceux de la procédure d'injonction de payer ainsi qu'à régler à la SAS BEA prise en la personne de son représentant légal la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le confirme en ce qu'il a débouté la SCCV Saint-Exupéry de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, condamne la SAS BEA aux dépens de première instance.
La SAS BEA qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens de l'appel.
Pour des considérations d'équité, elle devra aussi payer à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du 23 juin 2022 du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a :
Déclaré recevable l'opposition formée par la SCCV Saint-Exupéry ;
Mis à néant l'ordonnance n°18/3677 instance rendue le 7 mars 2019 ;
Rejeté la demande d'expertise judiciaire ;
Débouté la SCCV Saint-Exupéry de ses demandes en paiement de la somme de 9 314,12 euros au titre du remplacement des baies vitrées non conformes et de la somme de 2 245,80 euros au titre du remplacement des badges perdus ;
Débouté la SCCV Saint-Exupéry de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme ledit jugement en ce qu'il a :
Condamné la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA la somme de 25 761,58 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 sur celle de 22 430,34 euros et du 29 novembre 2018 pour le solde ;
Condamné la SAS BEA à régler à la SCCV Saint-Exupéry à titre de dommages et intérêts la somme de 17 000 euros ;
Condamné la SCCV Saint-Exupéry aux frais et dépens comprenant ceux de la procédure d'injonction de payer ainsi qu'à régler à la SAS BEA prise en la personne de son représentant légal la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SCCV Saint-Exupéry à régler à la SAS BEA la somme de 18 759,65 euros représentant le solde des honoraires de maîtrise d''uvre du contrat du 19 juin 2012 outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 ;
Condamne la SAS BEA à payer à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 51 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des pénalités de retard réglées à la SAS Lorraine Immo ;
Condamne la SAS BEA aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS BEA aux dépens de l'appel ;
Condamne la SAS BEA à payer à la SCCV Saint-Exupéry la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
La Greffière La Présidente de chambre