La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°23/01854

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 23/01854


Arrêt n° 24/00253



27 Mai 2024

---------------

N° RG 23/01854 - N° Portalis DBVS-V-B7H-GA6X

------------------

Pole social du TJ de METZ

12 Mars 2021

18/00137

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANT:



FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE


[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ





INTIMÉS :



Monsieur [W] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

non présent, non représenté



L'AGENT JUDICIAIRE ...

Arrêt n° 24/00253

27 Mai 2024

---------------

N° RG 23/01854 - N° Portalis DBVS-V-B7H-GA6X

------------------

Pole social du TJ de METZ

12 Mars 2021

18/00137

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANT:

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur [W] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

non présent, non représenté

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par M. [Z], muni d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [X], né le 27 janvier 1950, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) devenues l'établissement public Charbonnages de France (CDF) du 10 juillet 1978 au 31 mars 2000, exclusivement au fond.

Il a bénéficié d'un congé charbonner fin de carrière du 1er avril 2000 au 31 janvier 2005.

Par formulaire établi en date du 27 avril 2016, M. [X] a déclaré à la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines - l'Assurance Maladie des Mines (ci-après la caisse ou CANSSM) une pathologie au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, transmettant avec ladite demande de reconnaissance un certificat médical initial du Docteur [V] du 25 novembre 2015.

Par décision du 20 décembre 2016, la caisse a pris en charge la maladie de M. [X] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, relatif aux affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante.

Le 17 janvier 2017, la caisse a notifié à M. [X] un taux d'incapacité permanente partielle de 5% et lui a attribué une indemnité en capital d'un montant de 1950,38 euros à compter du 26 novembre 2015.

En parallèle, M. [X] a saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation, et a accepté l'offre du FIVA d'un montant total de 15.100 euros, se décomposant comme suit :

13.800 euros en réparation de son préjudice moral,

200 euros en réparation de son préjudice physique,

1.100 euros en réparation de son préjudice d'agrément.

Après échec de la tentative de conciliation introduite devant l'Assurance Maladie des Mines par courrier du 26 avril 2017, M. [X] a, par courrier recommandé du 15 janvier 2018, saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle afin d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier des conséquences indemnitaires en découlant.

Il convient de préciser que l'établissement public Charbonnages de France a été définitivement liquidé le 31 décembre 2017, ses droits et obligations étant transférés à l'État, représenté par l'Agent Judiciaire de l'État (AJE).

Par ailleurs, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle (CPAM ou caisse) qui agit pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) depuis le 1er juillet 2015, a également été mise en cause.

Le FIVA est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 12 mars 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :

déclaré M. [X] recevable en son action,

déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X], recevable en ses demandes,

déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines,

reçu l'Agent Judiciaire de l'Etat en ses intervention volontaire et reprise d'instance suite à la clôture de la liquidation des Charbonnages de France venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine,

dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [X] et inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de l'EPIC Charbonnages de France venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine, son employeur,

ordonné à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM de majorer au montant maximum l'indemnité en capital versée en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1.950,38 euros (mille neuf cent cinquante euros et trente-huit centimes),

dit que cette majoration sera versée à M. [X] par la CPAM de Moselle,

dit que la majoration de l'indemnité en capital servie en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué,

dit qu'en cas de décès de M. [X] résultant des conséquences de la maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

débouté le FIVA de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de l'indemnisation des préjudices subis par M. [X],

déclaré opposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B de M. [X],

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat, à rembourser à la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM les sommes, en principal et intérêts, que l'organisme social sera tenu de payer au titre des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale,

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer à M. [X] la somme de 600 euros (six cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté le FIVA de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute demande plus ample ou contraire au présent dispositif,

condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat aux entiers frais et dépens,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le FIVA a, par déclaration remise au greffe le 24 mars 2021, interjeté appel partiel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR datée du 12 mars 2021 et dont l'accusé de réception ne figure pas au dossier de première instance, en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes formulées au titre des préjudices subis par M. [X], et de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue en date du 21 novembre 2022, l'affaire a été radiée du rang des affaires en cours, ceci dans l'attente de la justification du dépôt des conclusions de M. [X] au greffe et de la transmission des conclusions et pièces aux autres parties, étant précisé qu'à défaut de

diligences effectuées par la partie dans un délai de deux mois, la réinscription de ladite affaire sera possible à la demande des autres parties.

M. [X] n'a pas déposé de conclusions dans le délai imparti par l'ordonnance rendue le 21 novembre 2022, de sorte que le FIVA a sollicité la reprise de l'instance par acte réceptionné au greffe le 18 septembre 2023. L'affaire a fait l'objet d'une réinscription au rôle.

M. [X] a dessaisi son avocat de son mandat d'appel, le FIVA intervenant désormais au soutien des intérêts de ce dernier.

Par conclusions récapitulatives datées du 1er février 2024, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X], demande à la cour de :

confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté le FIVA de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de l'indemnisation des préjudices subis par M. [X],

Et, statuant à nouveau sur ce point :

fixer l'indemnisation des préjudices personnels de M. [X] comme suit :

préjudice moral : 13.800 euros,

souffrances physiques : 200 euros,

préjudice d'agrément : 1.100 euros,

total : 15.100 euros,

dire que la CPAM de Moselle pour le compte de l'Assurance Maladie des Mines ' CANSSM devra verser cette somme de 15.100 euros au FIVA, créancier subrogé, en application de l'article L.452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,

Y ajoutant,

condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer au FIVA une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 18 novembre 2022, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, l'AJE demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

juger l'Agent Judiciaire de l'Etat recevable et bien fondé en son appel incident,

confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz en date du 12 mars 2021 sauf en ce qu'il a jugé que M. [X] aurait été exposé au risque au sens du tableau n°30B des maladies professionnelles,

PAR CONSEQUENT ET STATUANT A NOUVEAU :

juger qu'il n'est pas rapporté la preuve de l'exposition de M. [X] au risque au sens du tableau n°30B des maladies professionnelles et, pour le surplus, confirmer le jugement du 12 mars 2021,

A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue :

Sur les souffrances physiques et morales et le préjudice d'agrément

débouter le FIVA de ses demandes d'indemnisation au titre d'un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [X] ainsi qu'au titre d'un préjudice d'agrément,

plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions les demandes du FIVA au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [X],

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

déclarer infondée la demande présentée par M. [X] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

par conséquent, débouter M. [X] de sa demande présentée sur ce fondement,

subsidiairement, réduire toute condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre de l'AJE de ce chef à la somme de 500 euros,

déclarer infondée la demande présentée par le FIVA sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

par conséquent, débouter le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X], de sa demande présentée sur ce fondement,

dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions datées du 20 avril 2022, soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM demande à la cour de :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société Charbonnages de France (CDF),

Le cas échéant :

donner acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l'indemnité en capital,

prendre acte que la Caisse ne s'oppose pas à ce que la majoration de rente suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [X],

constater que la Caisse ne s'oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [X] consécutivement à sa maladie professionnelle,

prendre acte à la Caisse qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne l'évaluation des préjudices extrapatrimoniaux,

déclarer irrecevable toute éventuelle demande d'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie prise par la Caisse,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat à rembourser à la Caisse les sommes, en principal et intérêts, que l'organisme sera tenu de payer au titre des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE :

Le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X], sollicite la confirmation du jugement entrepris. Il expose qu'à l'époque où M. [X] travaillait au fond, l'ensemble du matériel employé par les Charbonnages de France contenait de l'amiante, lequel se désagrégeait et se propageait dans l'atmosphère sous forme de poussières volatiles. Il insiste sur le fait que M. [X] a été exposé aux poussières d'amiante durant toute sa carrière au fond, alors qu'il man'uvrait, réparait et entretenait des machines comportant de l'amiante, mais également lorsqu'il confectionnait des joints en amiante pour isoler les conduites d'air et d'eau.

L'AJE sollicite l'infirmation du jugement entrepris. Il conteste l'exposition de M. [X] au risque d'inhalation de poussières d'amiante et souligne que tous les équipements employés au fond, tels que les joints et les treuils n'étaient pas amiantés et qu'il n'est pas prouvé que M. [X] a utilisé du matériel équipé de freins composés d'amiante.

Il critique les attestations produites qui sont imprécises, notamment quant à la qualité de collègues directs de la victime, et manquent dès lors de force probante. L'AJE estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

La caisse s'en remet à l'appréciation de la cour.

***********************

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [X] répond aux conditions médicales du tableau n°30B. Seule est discutée l'exposition professionnelle du salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante.

Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l'inhalation de poussières d'amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d'entraîner les affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante.

Il n'est pas contesté que M. [X] a travaillé au sein des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues les Charbonnages de France du 10 juillet 1978 au 31 mars 2000 aux postes suivants :

du 10/07/1978 au 29/08/1978 : apprenti-mineur,

du 01/12/1978 au 31/01/1979 : abatteur-boiseur,

du 01/02/1979 au 30/04/1979 : piqueur d'élevage,

du 01/05/1979 au 31/05/1981 : boiseur chantier machine,

du 01/06/1981 au 28/02/1982 : piqueur d'élevage,

du 01/03/1982 au 30/04/1982 : boiseur chantiers,

du 01/02/1982 au 30/06/1982 : abatteur boiseur,

du 01/07/1982 au 30/11/1982 : piqueur d'élevage,

du 01/12/1982 au 30/04/1983 : boiseur chantiers,

du 01/05/1983 au 29/02/1984 : abatteur boiseur,

du 01/03/1984 au 30/04/1985 : boutefeu,

du 01/05/1985 au 28/02/1986 : boutefeu opérationnel charbon,

du 01/03/1986 au 31/03/1986 : boutefeu,

du 01/04/1986 au 31/01/1990 : boutefeu opérationnel charbon,

du 01/02/1990 au 30/04/1990 : boutefeu,

du 01/05/1990 au 31/07/1990 : boutefeu opérationnel charbon,

du 01/08/1990 au 30/09/1991 : boutefeu,

du 01/10/1991 au 30/09/1993 : boutefeu opérationnel charbon,

du 01/10/1993 au 31/03/2000 : boutefeu.

Le FIVA verse aux débats les témoignages établis par d'anciens collègues de travail de M. [X], à savoir Mrs [U], [Y] et [F] (pièces n°14 à 16 du FIVA). L'AJE entend remettre en cause les témoignages produits, il souligne que les relevés de carrières des témoins ne sont pas joints aux attestations, et qu'en raison de l'imprécision de ces dernières, il n'est pas possible d'établir que les témoins ont bien travaillé aux côtés de M. [X]. Il ajoute que les attestations sont stéréotypées et comportent des passages identiques à des témoignages versés dans le cadre d'autres instances relatives à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'exploitant minier.

La cour relève que si les témoins déclarent avoir travaillé avec M. [X], leurs témoignages ne précisent pas le puits dans lequel ils auraient été affectés, ni les postes occupés, les déclarations des témoins étant trop imprécises sur les tâches réellement exécutées, tant par eux que par M. [X].

Ainsi, en l'absence de relevé de carrière, les attestations sont trop imprécises et lacunaires pour permettre de retenir que les témoins ont bien travaillé aux côtés de M. [X] et sont dès lors dépourvues de valeur probante.

En revanche, il résulte des écritures de l'AJE que ce dernier reconnaît, à minima, que certains joints employés au fond et que les convoyeurs blindés libéraient de l'amiante lors des freinages. A cet égard, il écrit, concernant les chaînes des convoyeurs blindés, « il est vrai que l'opération nécessitait des freinages ; néanmoins, l'analyse réalisée par le Service Sécurité Générale montre que même dans des conditions sévères lors du raccourcissement de la chaîne la libération de fibres au voisinage des convoyeurs blindés était infinitésimale ».

En l'espèce, il est constant que M. [X] a nécessairement travaillé aux côtés des convoyeurs blindés utilisés au fond, notamment lorsqu'il occupait les postes d'abatteur-boiseur, piqueur d'élevage ou boiseur, puisqu'il devait exécuter les travaux d'abattage du charbon dans un espace confiné dans lequel circulaient des convoyeurs qui libéraient des particules d'amiante lors du freinage.

Ainsi, il résulte des éléments qui précèdent que l'exposition habituelle de M. [X] est établie, au moins jusqu'en 1996, date d'interdiction d'usage de l'amiante. Il convient de relever que la présence d'amiante dans les équipements utilisés au fond résulte du rapport annuel de la commission d'hygiène et de sécurité du Bassin du 03 septembre 1996 annexé au compte-rendu de la réunion du Comité de Bassin du 12 septembre 1996, alors que l'exploitant minier y a indiqué rechercher « les lieux potentiels où de l'amiante pourrait être présente ainsi que des matériaux contenant de l'amiante » (pièce n°72 de l'AJE).

Dès lors, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer, et l'AJE n'apportant pas la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint M. [X] est établi à l'égard de l'établissement public Charbonnage de France auquel l'AJE est substitué.

Le jugement entrepris est confirmé.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR :

Le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X], fait valoir que la réglementation antérieure à 1977 imposait déjà aux employeurs de fournir une protection au personnel contre les poussières, ces dernières incluant nécessairement les poussières d'amiante. Ainsi, compte tenu de l'inscription des affections respiratoires liées à l'amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945, des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l'époque, de la réglementation applicable relative à la protection contre les poussières et de l'importance de l'organisation et de l'activité de cet employeur, celui-ci aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié ; que ni l'information, ni les moyens nécessaires à sa protection n'ont été mis en 'uvre par Charbonnages de France.

L'AJE sollicite l'infirmation du jugement entrepris et soutient, outre la contestation de l'exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante, que les Houillères du Bassin de Lorraine ne pouvaient avoir conscience avant 1996 du risque et qu'elles ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l'exploitation, avec les données connues et les mesures de protection qui existaient ; qu'elles ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu'aucun défaut d'information ne peut leur être reproché. Il ajoute que très tôt les Houillères se sont préoccupées des masques et de leur efficacité et ont 'uvré contre l'empoussièrement par la mise en place et l'amélioration constante des systèmes, d'abattage des poussières, et d'aérage. Il fait également valoir que les HBL ne pouvaient pas avoir conscience du danger du risque amiante avant 1977.

Il critique les attestations produites, estimant que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations du salarié et de ses témoins.

La caisse s'en remet à l'appréciation de la cour concernant l'établissement de la faute inexcusable.

***********************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s'apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l'avoir été par l'employeur aux périodes d'exposition au risque du salarié.

Sur la conscience du danger par l'employeur :

S'agissant de la conscience du risque, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a retenu que l'employeur a eu ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé.

Sur les mesures prises par l'employeur pour préserver le salarié :

S'agissant des mesures de protection mises en 'uvre, une réglementation en matière de protection contre l'empoussiérage a existé très tôt et a connu une évolution particulière à partir de 1951, date du décret n°51-508 du 04 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines dont l'article 314 énonce : « Des mesures sont prises pour protéger les ouvriers contre les poussières dont l'inhalation est dangereuse ». Également, une instruction du 15 décembre 1975 relative aux mesures de prévention médicales dans les mines de houille a introduit la notion de pneumoconiose autre que la silicose, et a préconisé des mesures de prévention telles que des mesures d'empoussiérage, de classement des chantiers empoussiérés, de détermination de l'aptitude des travailleurs aux différents chantiers et de leur affectation dans les chantiers empoussiérés.

En l'état du dossier, la cour n'ayant pas retenu la force probante des témoignages produits par le FIVA, étant relevé que ces derniers sont insuffisamment détaillés quant aux manquements relatifs à l'absence de moyens de protection reprochés à l'exploitant minier, il n'est pas possible d'établir que l'employeur n'a pas délivré de moyens de protection suffisants à ses employés, les seules déclarations de M. [X], non corroborées par d'autres éléments objectifs, n'étaient pas suffisantes pour emporter la conviction de la cour.

Par ailleurs, les décisions de justice citées par le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X], dans ses écritures concernant la reconnaissance de la faute inexcusable dans les dossiers d'autres mineurs ne sont pas de nature à établir une faute inexcusable de l'employeur dans le cadre du présent dossier, ces décisions n'ayant autorité de chose jugée qu'entre les parties, la Juridiction, étant tenue de se déterminer au regard des circonstances particulières de chaque instance qui lui est soumise, et de motiver ses décisions au cas par cas.

Enfin les seules pièces générales émanant de l'AJE et du FIVA ne permettent de tirer aucune conclusion pertinente sur le cas individuel de M. [X] quant aux mesures prises par l'employeur pour le protéger, ni sur leur absence.

A défaut de faire état et de justifier des carences précises de l'employeur quant à la mise en place de mesures de protection destinées à protéger la santé de M. [X], il convient de constater que M. [X] ne démontre pas suffisamment l'existence de la faute inexcusable de l'employeur comme étant à l'origine de sa maladie professionnelle déclarée et inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles.

Par conséquent, le jugement entrepris est infirmé.

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE :

L'action récursoire de la caisse est sans objet dès lors que la faute inexcusable de l'employeur n'est pas retenue.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

La cour dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, le FIVA étant débouté de ses demandes formées sur ce fondement.

Le jugement entrepris est infirmé quant aux dépens.

Partie succombante, le FIVA, subrogé dans les droits de M. [X], sera condamné aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 12 mars 2021,

Statuant à nouveau sur les points infirmés, et y ajoutant,

DIT que le caractère professionnel de la pathologie inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles dont est atteint M. [W] [X] est établi à l'égard de l'AJE,

DIT que l'existence d'une faute inexcusable des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, aux droits desquels vient l'Agent Judiciaire de l'État, dans la survenance de la maladie professionnelle de M. [W] [X] inscrite au tableau n°30B, n'est pas établie,

DEBOUTE le FIVA, subrogé dans les droits de M. [W] [X], de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de ses demandes subséquentes,

DECLARE en conséquence sans objet les demandes de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle,

DEBOUTE le FIVA, subrogé dans les droits de M. [W] [X], de sa demande formée sur base de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le FIVA, subrogé dans les droits de M. [W] [X], aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019, ainsi qu'aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 23/01854
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;23.01854 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award