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27/05/2024 | FRANCE | N°23/00967

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 23/00967


Arrêt n° 24/00222



27 Mai 2024

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N° RG 23/00967 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F6QG

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Pole social du TJ de METZ

17 Septembre 2021

20/00108

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANTE :



SAS [5]

[Adresse 1]

[Localité

3]

Représentée par Me Etienne GUIDON, avocat au barreau de NANCY

substitué par Me BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ



INTIMÉE :



L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURIT E SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALE...

Arrêt n° 24/00222

27 Mai 2024

---------------

N° RG 23/00967 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F6QG

------------------

Pole social du TJ de METZ

17 Septembre 2021

20/00108

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

SAS [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Etienne GUIDON, avocat au barreau de NANCY

substitué par Me BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURIT E SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LORRAINE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me François BATTLE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation au 25.03.2024

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société [5], société par actions simplifiées, a fait l'objet d'une vérification de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires (AGS) par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Lorraine pour la période du ler janvier 2015 au 31 décembre 2017.

Selon lettre d'observations du 22 octobre 2018, adressée par courrier recommandé, l'URSSAF Lorraine a notifié à la société [5] les 18 chefs de redressement envisages à son encontre, entrainant un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant total de 35.496 euros.

Selon lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2018, l'URSSAF Lorraine a mis en demeure la société [5] de lui régler la somme totale de 38.926 euros, soit 35.496 euros et 3.430 euros de majorations de retard, déduction faite d'un versement de 260 euros.

La société [5] a contesté cette mise en demeure devant la Commission de recours amiable près l'organisme, qui a rejeté sa requête par décision du 18 octobre 2019 notifiée le 17 décembre 2019.

Selon courrier recommandé expédié le 22 janvier 2020, la société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Metz pour contester cette décision.

Par jugement du 17 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

DEBOUTE la société [5] de son recours ;

DIT qu'il n'existe pas d'accord tacite de l'URSSAF Lorraine concernant le point de redressement litigieux ;

CONFIRME le redressement entrepris ;

RECU l'URSSAF Lorraine en sa demande reconventionnelle ;

CONDAMNE la société [5] à verser à l'URSSAF Lorraine la somme de 38.926 euros, soit 35.496 euros et 3.430 euros de majorations de retard, le tout sans préjudice des majorations complémentaires à décompter au jour du paiement intégral des cotisations, et ce par application de l'article R243-18 du code de la sécurité sociale ;

CONDAMNE la société [5] aux entiers frais et dépens ;

CONDAMNE la société [5] à payer à l'URSSAF la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier recommandé expédié le 18 octobre 2021, la société [5] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 1er octobre 2021.

Par ordonnance du 28 février 2023, le magistrat chargé d'instruire l'affaire ordonnait la radiation du rôle, l'affaire n'étant pas prêté à être plaidée.

Par écritures du 24 avril 2023, la société [5] sollicitait la reprise de l'instance. L'affaire était fixée au 4 décembre 2023.

Par conclusions datées du 24 avril 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, la société [5] demande à la cour de :

- Déclarer recevable le recours de la société [5],

- Annuler le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Metz en date du 17 septembre 2021,

En conséquence :

- Dire et Juger que le chef de redressement n°8 Exonérations aide à domicile / réduction générale des cotisations contesté doit être annulé,

A défaut :

- Recalculer le montant du redressement eu égard au journal de paye.

- Rembourser les sommes trop perçues par l'URSSAF, somme qui s'élève à 9 663€ au total et qui concerne les postes de redressement suivants : 5 ' Versement Transport : Assujettissement progressif (431€) 10 ' Réduction du taux de la cotisation AF sur les bas salaires (677€) 11- Cotisations patronales dues au titre de la pénibilité (1 776€) et 15 Contribution FNAL supplémentaire (6 779€)

- Laisser à la requérante le bénéfice de ses plus amples explications.

Par conclusions datées du 23 février 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, l'URSSAF de Lorraine demande à la cour de :

- Déclarer la SAS [5] recevable mais mal fondée en son appel,

En conséquence,

- Confirmer, en toutes ses dispositions, la décision rendue le 17 septembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de Metz,

- Condamner la SAS [5] aux entiers frais et dépens,

- Condamner, à hauteur d'appel, la SAS [5] à payer à 1'URSSAF Lorraine la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE,

Tout d'abord, il sera relevé par la cour que le recours contentieux formulé le 20 janvier 2020 par la société [5] devant le pôle social du tribunal judiciaire de Metz ne concernait que le chef de redressement n°8 sur les 18 points de la lettre d'observations du 22 octobre 2018, si bien que la cour n'est saisie que de ce chef, outre la demande de restitution d'un trop perçu formulé par la société appelante.

SUR LE CHEF DE REDRESSEMENT N° 8 : EXONERATIONS AIDE A DOMICILE ' REDUCTION GENERALE DES COTISATIONS

La société [5] soutient qu'elle bénéficie sur ce point d'un accord tacite de l'URSSAF résultant du contrôle dont elle avait fait l'objet pour les années 2012 à 2014 et qui avait donné lieu à une lettre d'observations le 16 avril 2015.

Elle fait valoir que, lors de ce contrôle, l'URSSAF avait été amenée à vérifier les pratiques existantes au sein de la société et qu'elle avait relevé que l'exonération « aide à domicile » avait été appliquée pour tous les salariés intervenant au domicile de personnes âgées, seuls les administratifs ayant été exclus, et ce sans qu'aucun redressement n'ait été opéré, ce qui démontre que la pratique de la société en matière d'application de l'exonération « aide à domicile » avait bien été examinée et validée. Elle en déduit donc que le cumul de cette exonération avec d'autres cotisations avait ainsi bien fait l'objet d'un accord tacite, et qu'en l'absence de changement de son activité, il y a bien une identité de pratique.

L'URSSAF Lorraine soutient que la société [5] a cumulé à tort l'exonération « aide à domicile » avec la réduction générale des cotisations, et ce alors que ce cumul n'est possible pour un même salarié que si celui-ci est intervenu auprès de publics fragiles et non-fragiles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'URSSAF fait valoir que la société [5] ne démontre aucunement l'existence d'un accord tacite résultant du précédent contrôle, dès lors que les deux situations contrôlées n'étaient pas identiques.

***********************

Il ressort des dispositions de l'article L.241-10 III du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en l'espèce, que les rémunérations des aides à domicile employées par des associations ou entreprises agréées bénéficient d'une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale.

S'il est possible d'autoriser pour un même salarié, le cumul de cette exonération « aide à domicile » avec la réduction Fillon, c'est à la condition que soient précisés par le cotisant, pour chaque prestation d'aide, l'identité et la qualité de la personne auprès de laquelle l'intervention a été effectuée, la nature et la date du service rendu, ainsi que l'heure de début et de fin d'intervention.

Par ailleurs, il est constant que, dès lors que l'organisme de recouvrement s'est abstenu de critiquer, à l'occasion d'un précédent contrôle la pratique, connue de lui, suivie par un employeur dans la détermination de l'assiette des cotisations, son silence équivaut à une acceptation implicite de la pratique en question.

Il incombe à l'employeur de préciser les éléments et les circonstances du contrôle de nature à caractériser la décision implicite de l'URSSAF, et notamment de rapporter la preuve d'une décision non équivoque de l'URSSAF approuvant la pratique litigieuse.

Il appartient alors aux juges du fond d'apprécier souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui leur sont soumis pour juger de l'existence d'un accord tacite.

En l'espèce, la lettre d'observations du 16 avril 2015 (pièce n°6 de l'URSSAF) concernait en son point n°4 « l'exonération des aides à domicile : contrats de travail et activités exercées ». Il apparaît ainsi qu'à l'occasion de ce contrôle, comme relevé à juste titre par les premiers juges, l'URSSAF avait contrôlé l'exigibilité des différents salariés à l'exonération « aide à domicile », la lettre d'observations ne laissant aucunement apparaître un contrôle spécifique du cumul des exonérations.

Il n'en est pas de même concernant le contrôle objet du présent litige, qui a donné lieu à la lettre d'observations du 22 octobre 2018 (pièce n°1 de l'URSSAF), et qui, intitulé « exonérations aide à domicile ' réduction générale des cotisations », a eu notamment pour objectif de vérifier la possibilité ou non de cumuler ladite exonération avec d'autres exonérations de cotisations patronales.

Ce contrôle a conduit à l'identification par l'URSSAF de plusieurs erreurs liées au principe de non cumul de l'exonération « aide à domicile » avec d'autres exonérations pour un même salarié.

Ainsi, contrairement à ce qu'indique l'appelante, pour qu'un accord tacite existe de la part de l'URSSAF, il ne suffit pas que les contrôleurs aient examiné par deux fois l'exonération dite « aide à domicile », encore faut-il que la nature spécifique du contrôle sur ladite cotisation permette de déduire que, sur un point déterminé, qui n'avait pas fait antérieurement l'objet d'observation, la nature du contrôle effectué et l'absence d'observation permettent d'en déduire un accord tacite sur la pratique litigieuse.

Il en résulte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point, les deux bases de redressement entre le premier contrôle et le second contrôle n'étant pas identiques.

Par ailleurs, il sera rappelé que si le cumul de l'exonération aide à domicile - ouverte aux personnes fragiles- avec la réduction générale des cotisations patronales Fillon - ouverte aux publics dits non fragiles - est autorisé pour un même salarié, c'est à la condition que soit établi par le cotisant la preuve des éléments de fait permettant d'établir la possibilité de cumul.

Il s'ensuit donc que l'employeur doit être en mesure de produire à l'URSSAF, pour chaque personne ayant recours à l'aide à domicile, un bordereau mensuel comportant les nom, prénom et signature de la personne concernée par les interventions, les dates et durées des interventions de l'aide à domicile, les nom, prénom et signature de celle-ci, ceci afin de justifier, singulièrement quand ses salariés interviennent à la fois auprès d'un public fragile et d'un public non fragile comme en l'espèce, de la bonne ventilation des deux exonérations.

Or, il apparaît en l'espèce que la société [5] fournit à hauteur d'appel les plannings de certains salariés pour l'année 2017 (sa pièce n°5) ce qui n'apparaît nullement de nature à établir, sur les trois années contrôlées, l'erreur de l'URSSAF dans l'application des dispositions règlementaires applicables en l'espèce.

En effet, faute notamment de pouvoir établir la qualité des personnes qui ont bénéficié des interventions litigieuses, ces plannings ne permettent pas de démontrer que certains salariés n'intervenaient pas au domicile de personnes dites fragiles, la seule mention d'une croix pour ces interventions n'étant pas suffisamment probante.

Il s'ensuit que le redressement est validé et le jugement confirmé.

SUR LA DEMANDE DE RESTITUTION DE TROP PERCU

L'appelante sollicite le remboursement par l'URSSAF de la somme de 9663€, correspondant à 4 postes de redressement pour lesquels un trop-perçu a été versé.

L'URSSAF Lorraine fait valoir que ce trop-perçu a fait l'objet, dans la lettre d'observations, d'une déduction sur le montant total du redressement si bien que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de restitution de la société [5].

*************************

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que l'URSSAF, ayant reconnu dans la lettre d'observations du 22 octobre 2018, l'existence d'un trop-perçu de la société appelante, a procédé à bon escient à une compensation de créance sur le montant total du redressement.

La société [5] ne développant aucun moyen de droit ou de fait permettant de remettre en cause cette compensation de créance, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.

SUR LES DEMANDES ANNEXES

L'issue du litige conduit la cour à débouter la société [5] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et à la condamner à payer à l'URSSAF Lorraine la somme de 1500€ sur ce même fondement.

La société [5] est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 17 septembre 2021 ;

Y ajoutant

DEBOUTE la société [5] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [5] à payer à l'URSSAF Lorraine la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 23/00967
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;23.00967 ?
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