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27/05/2024 | FRANCE | N°22/01762

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/01762


Arrêt n° 24/00217



27 Mai 2024

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N° RG 22/01762 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYZH

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Pole social du TJ de METZ

01 Juin 2022

19/00087

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre





APPELANT :



Monsieur [Z] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]r>
représenté par l'association [8], prise en la personne de Mme [U] [G], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial



INTIMÉS :



L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direct...

Arrêt n° 24/00217

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01762 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYZH

------------------

Pole social du TJ de METZ

01 Juin 2022

19/00087

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANT :

Monsieur [Z] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par l'association [8], prise en la personne de Mme [U] [G], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial

INTIMÉS :

L'AGENT JUDICIAIRE DE l' ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Cyril FERGON, avocat au barreau de PARIS

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 7]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

CPAM DE MOSELLE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par M. [T], muni d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mathilde TOLUSSO,

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Mme Sylvie MATHIS, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Z] [M], né le 1er janvier 1952, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (« HBL »), devenues l'établissement public [9] (« [9] »), du 10 septembre 1975 au 3 mars 1977, du 2 août 1977 au 26 janvier 1979, puis du 26 mai 1979 au 30 septembre 2001.

Durant cette période, il a occupé les postes suivants, exclusivement au fond :

A l'UE Simon :

du 10/09/1975 au 31/05/1976 : apprenti-mineur,

du 01/06/1976 au 03/03/1977 : aide-abatteur ' piqueur traçage charbon,

du 02/08/1977 au 28/02/1978 : abatteur-boiseur,

du 01/03/1978 au 26/01/1979 : abatteur-boiseur ' piqueur montage,

du 26/05/1979 au 31/05/1979 : piqueur montage,

du 01/06/1979 au 31/07/1979 : piqueur traçage charbon,

du 01/08/1979 au 30/09/1981 : piqueur montage $gt;50D creusement montage,

du 01/10/1981 au 31/12/1983 : piqueur traçage charbon chef de poste,

du 01/01/1984 au 31/03/1984 : boiseur chantier machine,

du 01/04/1984 au 30/06/1984 : piqueur d'élevage en PRH dressant,

du 01/07/1984 au 31/10/1985 : piqueur traçage charbon,

du 01/11/1985 au 30/04/1986 : piqueur montage $gt;50D creusement montage,

du 01/05/1986 au 31/07/1986 : élargisseur de galeries,

du 01/08/1986 au 31/10/1986 : bowetteur de bure ou de puits,

du 01/11/1986 au 28/02/1987 : piqueur traçage charbon,

du 01/03/1987 au 31/07/1987 : bowetteur galerie horizontale travaux rocher,

du 01/08/1987 au 31/03/1988 : bowetteur de plan montant ou descenderie,

du 01/04/1988 au 31/05/1989 : ouvrier annexe de bowette,

A l'UE Fond [Localité 10] :

du 01/06/1989 au 28/02/1990 : bowetteur de plan montant ou descenderie,

du 01/03/1990 au 30/04/1990 : élargisseur de galeries,

du 01/05/1990 au 31/12/1991 : bowetteur de plan montant ou descenderie,

du 01/01/1992 au 31/08/1992 : piqueur traçage charbon,

du 01/09/1992 au 26/03/1995 : bowetteur ouvrages spéciaux rocher,

A l'UE Reumaux :

du 27/03/1995 au 30/11/1996 : bowetteur galerie horizontale travaux rocher,

du 01/12/1996 au 31/06/1997 : boulonneur en chantier,

du 01/06/1997 au 31/12/1998 : piqueur travaux divers,

A l'UE Merlebach :

du 01/01/1999 au 02/07/2001 : piqueur travaux divers,

du 03/07/2001 au 30/09/2001 : piqueur travaux divers (personnel en CET).

Il a bénéficié d'un congé charbonnier fin de carrière à compter du 1er octobre 2001 jusqu'au 28 février 2006.

Le 12 février 2017, il a adressé à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (« la Caisse ») une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau n°30A, accompagnée d'un certificat médical initial du Docteur [N] [I] du 9 janvier 2016, diagnostiquant une asbestose.

Par courrier du 29 août 2017, la Caisse a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie.

La Caisse a notifié à Monsieur [Z] [M], 13 octobre 2017, la fixation d'un taux d'incapacité permanente de 5% à compter du 10 janvier 2016, lendemain de la date de consolidation, avec attribution d'une indemnité en capital de 1.950,38 euros.

Monsieur [Z] [M] a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation. Il a accepté l'offre de cet organisme fixant l'indemnisation des préjudices à hauteur de 16.800 euros dont 14.200 euros au titre du préjudice moral, 400 euros au titre du préjudice physique et 2.200 euros au titre du préjudice d'agrément.

Le 18 octobre 2017, Monsieur [Z] [M] a saisi la Caisse pour faire reconnaitre l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur.

Après échec de la tentative de conciliation, Monsieur [Z] [M] a saisi, par lettre recommandée expédiée le 21 janvier 2019 le Pôle social du tribunal de grande instance de Metz (devenu Pôle du tribunal judiciaire de Metz à compter du 1er janvier 2020) d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de [9] à l'origine de sa maladie professionnelle du tableau n°30 A.

La Caisse a été mise en cause et le FIVA est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 1er juin 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines,

déclaré recevable en la forme le recours de Monsieur [Z] [M],

déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [Z] [M], recevable en ses demandes,

dit que l'existence d'une faute inexcusable des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues [9], aux droits desquels vient l'Agent Judiciaire de l'Etat, dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [Z] [M] n'est pas établie,

débouté Monsieur [Z] [M] et le FIVA de leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de leurs demandes subséquentes,

déclaré en conséquence sans objet les demandes de la CPAM de Moselle,

débouté Monsieur [Z] [M] et le FIVA de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum Monsieur [Z] [M] et le FIVA aux entiers frais et dépens de l'instance,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

L'Association de Défense des Victimes d'Accident du Travail, de l'Amiante et des Maladies Professionnelles (ci-après « ADEVAT-AMP »), agissant pour le compte de Monsieur [Z] [M] a, par lettre recommandée expédiée le 13 juin 2022, interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée du 1er juin 2022 dont l'accusé de réception ne figure pas au dossier de première instance.

Par conclusions datées du 13 novembre 2023, soutenues oralement à l'audience par son représentant, l'ADEVAT-AMP, Monsieur [Z] [M] demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondée la demande formée par Monsieur [Z] [M],

infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

juger que la maladie professionnelle inscrite au tableau n°30A de Monsieur [Z] [M] est due à la faute inexcusable de son employeur, l'EPIC [9],

juger que Monsieur [Z] [M] a droit à une majoration de sa rente en la portant au taux maximum conformément aux dispositions de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale,

condamner la Caisse à lui payer cette majoration,

dire et juger :

que cette majoration prendra effet à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle,

en cas d'aggravation ultérieure, que le taux de la rente sera indexée au taux d'IPP,

en cas de décès imputable, que la rente de conjoint sera majorée à son taux maximum et que la Caisse devra verser l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, de même qu'en cas d'aggravation du taux d'IPP à 100 %,

condamner l'AJE à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner l'AJE aux entiers frais et dépens,

déclarer la décision à intervenir commune à la Caisse.

Par conclusions datées du 18 mars 2024, soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'AJE, demande à la cour :

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer le jugement du 1er juin 2022 en toutes ses dispositions,

débouter Monsieur [Z] [M] et le FIVA de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de l'AJE,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

débouter Monsieur [Z] [M] et le FIVA de leurs demandes indemnitaires au titre du préjudice physique, du préjudice moral, et du préjudice d'agrément,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

rejeter la demande formulée par Monsieur [Z] [M] au titre de l'article 700 du CPC, le cas échéant la réduire à 500 euros,

rejeter la demande formulée par le FIVA au titre de l'article 700 du CPC, le cas échéant la réduire à 500 euros,

dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions d'appelant incident datées du 11 janvier 2024, soutenues oralement à l'audience par son conseil, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

déclaré recevable en la forme le recours de Monsieur [Z] [M],

déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [Z] [M], recevable en ses demandes,

Et, statuant à nouveau :

dire que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [Z] [M] est la conséquence de la faute inexcusable de l'AJE, repreneur du contentieux de l'ancien EPIC [9],

fixer à son maximum la majoration de l'indemnité en capital prévue à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1.950,38 euros

dire que la CANSSM devra verser cette majoration de capital à Monsieur [Z] [M],

dire que cette majoration devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de Monsieur [Z] [M], en cas d'aggravation de son état de santé,

dire qu'en cas de décès de la victime imputable à sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,

fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [Z] [M] comme suit :

préjudice moral : 14.200 euros,

souffrances physiques : 400 euros,

préjudice d'agrément : 2.200 euros,

Total : 16.800 euros,

dire que la CANSSM devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé, en application de l'article L.452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale,

Y ajoutant :

condamner l'Agent Judiciaire de l'État, repreneur du contentieux de l'ancien EPIC [9] à payer au FIVA une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 14 mars 2024, soutenues oralement à l'audience par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, demande à la cour de :

lui donner acte qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [9] (AJE),

Le cas échéant,

lui donner acte qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l'indemnité en capital réclamée par Monsieur [Z] [M] et le FIVA,

en tout état de cause de fixer la majoration de l'indemnité en capital dans la limite de 1.950,38 euros ,

prendre acte qu'elle ne s'oppose pas à ce que la majoration de rente suive l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [Z] [M],

constater qu'elle ne s'oppose pas à ce que le principe de la majoration de l'indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de Monsieur [Z] [M] consécutivement à sa maladie professionnelle,

lui donner acte qu'elle s'en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des sommes susceptibles d'être allouées au titre des préjudices extrapatrimoniaux de Monsieur [Z] [M],

si la faute inexcusable de l'employeur devait être reconnue, condamner l'AJE à rembourser à la Caisse les sommes qu'elle sera tenue de verser au titre de la majoration de l'indemnité en capital et des préjudices extrapatrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale,

le cas échéant, de rejeter toute éventuelle demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°30A de Monsieur [Z] [M].

Il est renvoyé aux conclusions précitées pour un examen complet des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR :

Monsieur [Z] [M] fait valoir que compte tenu de l'inscription des affections respiratoires liées à l'amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945, des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l'époque, de la réglementation applicable relative à la protection contre les poussières et de l'importance de l'organisation et de l'activité de cet employeur, celui-ci aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié ; que ni l'information, ni les moyens nécessaires à sa protection n'ont été mis en 'uvre par [9].

L'Agent Judiciaire de l'Etat soutient que les Houillères du Bassin de Lorraine ne pouvaient avoir conscience du risque et qu'elles ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l'exploitation, avec les données connues et les mesures de protection qui existaient ; qu'elles ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu'aucun défaut d'information ne peut leur être reproché. Il ajoute que très tôt les Houillères se sont préoccupées des masques et de leur efficacité et ont 'uvré contre l'empoussièrement par la mise en place et l'amélioration constante des systèmes d'arrosage, d'abattage des poussières, d'aérage et de capotage. Il fait également valoir que ce n'est qu'en 1996 qu'ont été introduits dans la liste du tableau n°30 des maladies professionnelles, les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante de sorte que les HBL ne pouvaient pas, dans ce contexte, avoir conscience du danger du risque amiante.

Il critique les attestations versées aux débats en ce qu'il n'est pas possible d'établir que les témoins ont travaillé avec Monsieur [Z] [M], et quant à leur imprécision sur la description des moyens de protection mis en place.

Le FIVA soutient les arguments de Monsieur [Z] [M].

La Caisse s'en rapporte à l'appréciation de la cour concernant l'établissement de la faute inexcusable de l'employeur.

******************

L'article L.452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Sur l'exposition au risque :

L'AJE fait état d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Metz en date du 23 octobre 2023, lequel a déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle dont souffre Monsieur [Z] [M] opposable à l'ANGDM.

Il ajoute qu'il ne conteste pas le caractère professionnel de la pathologie dont souffre Monsieur [Z] [M], dès lors la condition tenant à l'exposition est considérée comme remplie.

Sur la conscience du danger par les HBL puis par les [9] :

La dangerosité de l'amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l'inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.

Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l'exposition professionnelle à l'amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur [B] dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l'asbestose et le travail des ouvriers de l'amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l'empoussièrement. A partir de 1935 d'autres publications ont fait un lien entre l'exposition professionnelle à l'amiante et le cancer broncho-pulmonaire.

Les maladies engendrées par les poussières d'amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d'amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d'entraîner les maladies inscrites au tableau n°30A est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.

Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s'agissant de la protection des travailleurs exposés à l'amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l'employeur de sa propre responsabilité.

Ainsi, dès le début des années 1950, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l'usage, alors encore licite, de la fibre d'amiante.

Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d'amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Si ce décret n'était pas applicable aux mines, il ne pouvait qu'alerter à nouveau les [9] sur la nocivité de l'amiante. D'ailleurs, il résulte des pièces même produites par l'AJE que les [9] disposaient d'un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [W], entré dans l'entreprise en 1977, l'intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecine sur l'amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l'existence au sein des [9] d'un centre d'études et de recherche (le CERCHAR) à la compétence internationale reconnue en la matière.

Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l'époque de la période d'emploi de Monsieur [Z] [M], des risques sanitaires graves, d'ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.

Ainsi, au vu de ce qui vient d'être développé et compte tenu des emplois exercés par Monsieur [Z] [M] au fond des mines, il en résulte que les HBL puis les [9] ne pouvaient ignorer le risque encouru par l'intéressé.

Sur les mesures de protection mises en 'uvre :

Il convient de rappeler que s'agissant de la réglementation applicable, une réglementation en matière de protection contre l'empoussiérage a existé très tôt et a connu une évolution particulière à partir de 1951, date du décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l'exploitation des mines dont l'article 314 énonce : « Des mesures sont prises pour protéger les ouvriers contre les poussières dont l'inhalation est dangereuse » ; qu'une instruction du 15 décembre 1975 relative aux mesures de prévention médicales dans les mines de houille a introduit la notion de pneumoconiose autre que la silicose et a préconisé des mesures de prévention telles que des mesures d'empoussiérage, de classement des chantiers empoussiérés, de détermination de l'aptitude des travailleurs aux différents chantiers et de leur affectation dans les chantiers empoussiérés.

En l'espèce, il résulte du relevé de périodes et d'emplois établi par l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (pièce n°2 de l'ADEVAT-AMP) que Monsieur [Z] [M] a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) du 10 septembre 1975 au 3 mars 1977, du 2 août 1977 au 26 janvier 1979, puis du 26 mai 1979 au 30 septembre 2001, exclusivement au fond, aux postes suivants : apprenti-mineur, aide-abatteur ' piqueur traçage charbon, abatteur-boiseur, piqueur montage, piqueur traçage charbon chef de poste, boiseur chantier machine, piqueur d'élevage en PRH dressant, élargisseur de galeries, bowetteur de bure ou de puits, bowetteur galerie horizontale travaux rocher, bowetteur de plan montant ou descenderie, ouvrier annexe de bowette, bowetteur ouvrages spéciaux rocher, boulonneur en chantier, et piqueur travaux divers.

Monsieur [Z] [M] verse aux débats les témoignages établis par trois anciens collègues de travail, à savoir Messieurs [K] [A], [P] [S] et [L] [F] (pièces n°9 à 11 de l'ADEVAT-AMP). Le témoignage de Monsieur [C] [V] (pièce n°12 de l'ADEVAT-AMP) ne sera pas retenu, alors que le témoin n'allègue pas avoir travaillé directement avec Monsieur [Z] [M] et qu'il a travaillé dans un autre puits des HBL.

L'AJE entend remettre en cause l'authenticité des autres témoignages en indiquant qu'ils ont été rédigés postérieurement au jugement rendu en première instance, et qu'ils sont stéréotypés et ne comportent que des considérations d'ordre général qui ne peuvent permettre de décrire les conditions de travail de Monsieur [Z] [M]. Il ajoute que les attestations lacunaires ne permettent pas d'établir que les témoins ont bien travaillé avec Monsieur [Z] [M].

Les attestations révèlent que les témoins indiquent avoir travaillé aux côtés de Monsieur [Z] [M] :

Monsieur [K] [A] indique qu'il a été en présence de Monsieur [Z] [M] lorsqu'il était mineur de fond, et produit son relevé de carrière, lequel confirme que les deux salariés ont bien travaillé ensemble sur plusieurs années dans le même puits (pièce n°9 de l'ADEVAT-AMP).

Monsieur [P] [S] précise que lui-même et Monsieur [Z] [M] étaient exposés en permanence à l'amiante (pièce n°10 de l'ADEVAT-AMP). Cependant, en l'absence de relevé de carrière, le témoignage est trop imprécis pour permettre de retenir que Messieurs [P] [S] et [Z] [M] ont bien travaillé ensemble, puisque le témoin ne précise pas les postes occupés, ni la période commune d'activité et le puits d'affectation.

Monsieur [L] [F] expose qu'il a été témoin des conditions dans lesquelles Monsieur [Z] travaillait (pièce n°11 de l'ADEVAT-AMP). Le relevé de carrière annexé à son témoignage permet d'établir que les deux salariés ont bien été affectés sur le même lieu de travail et ont ainsi travaillé ensemble pendant plusieurs années.

Ainsi, seuls les témoignages de Messieurs [K] [A] et [L] [F], suffisamment précis et accompagnés des relevés de carrières de leurs auteurs, seront retenus.

Monsieur [K] [A] précise que Monsieur [Z] [M] « ne portait ni masque, ni protection respiratoire » et qu'« il respirait toutes les fumées d'amiante qui sortaient des machines », des outils, des matériaux, des embrayages et des coffrets électriques qui contenaient tous de l'amiante (pièce n°10 de l'ADEVAT-AMP). Il explique qu'ils voyaient « des nuages toxiques dégagés par les machines » au-dessus de leurs têtes lorsqu'ils travaillaient, ce qui établit l'insuffisance de systèmes de ventilation et d'abattage des poussières. Le témoin ajoute que les responsables ne les avaient pas informés des dangers de l'amiante.

Monsieur [L] [F] expose que lui-même et Monsieur [Z] [M] n'avaient reçu aucune information sur la dangerosité de l'amiante et que l'employeur ne leur avait pas fourni de masques pour les protéger (pièce n°11 de L'ADEVAT-AMP).

Il ressort des témoignages précités des anciens collègues directs de travail de la victime qu'eux-mêmes et Monsieur [Z] [M] ne disposaient ni de protections respiratoires individuelles, ni de protections respiratoires collectives pour les préserver de l'inhalation de poussières d'amiante.

Ces témoignages ne sont pas utilement contestés par l'Agent Judiciaire de l'Etat qui ne verse au dossier aucun élément de nature à remettre en cause la sincérité de leurs auteurs et le caractère authentique des faits relatés.

L'AJE ne peut par ailleurs sérieusement prétendre qu'il a mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour lutter contre ce risque et en même temps exposer que l'exploitant minier ignorait jusqu'en 1996 les dangers liés à ce risque.

Les explications fournies par l'Agent Judiciaire de l'Etat et les pièces générales qu'il produit établissent que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.

Si sont produits des comptes-rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d'hygiène et de sécurité, évoquant les maladies liées à l'utilisation de l'amiante, ces documents ne sont pas de nature à contrecarrer les témoignages précités et à démontrer que la victime a bénéficié de moyens de protection efficaces et été informée des dangers de l'amiante alors que les poussières d'amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques et qu'il ressort de l'annexe au compte rendu de la réunion du comité de Bassin du 12 septembre 1996 qu'une action de sensibilisation de l'ensemble du personnel concernant l'amiante était seulement, à cette date, en préparation (pièce n°58 de l'AJE).

Enfin, si l'AJE souligne que l'EPIC [9] a mis en place une surveillance médicale spéciale amiante dès 1977, il ne précise toutefois pas à quels salariés elle s'était appliquée et si Monsieur [Z] [M] en a été bénéficiaire ; cette surveillance médicale ne peut, en tout état de cause, être considérée comme un moyen suffisant de prévention des maladies liées à l'inhalation des poussières d'amiante, ayant seulement pour objet de constater la présence de la maladie en vue de son traitement.

Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver Monsieur [Z] [M] du risque d'inhalation de poussières d'amiante, de sorte que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a dit que la maladie professionnelle de Monsieur [Z] [M] inscrite au tableau n°30A n'est pas due à la faute inexcusable de son employeur, la faute inexcusable de l'EPIC [9] aux droits duquel vient l'Agent judiciaire de l'Etat étant établie en l'espèce.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR:

. sur la majoration de l'indemnité en capital :

Aux termes de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l'article L.452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l'article précédent [faute inexcusable de l'employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité [...] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret ».

En l'espèce, compte tenu du taux d'incapacité permanente partielle qui lui a été reconnu (5%), Monsieur [Z] [M] s'est vu allouer une indemnité en capital d'un montant de 1.950,38 euros à compter du 10 janvier 2016 (lendemain de la date de consolidation).

Aucune discussion n'existe à hauteur de Cour concernant la majoration au maximum de l'indemnité en capital versée à Monsieur [Z] [M], dans la limite de 1.950,38 euros, et dans les conditions telles que définies à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, étant admis que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente en cas d'aggravation de l'état de santé de l'intéressé, et que le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle.

. sur l'indemnité forfaitaire :

La question de l'indemnité forfaitaire de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale apparaît en l'état prématurée, en l'absence de litige né et actuel sur l'allocation de cette indemnité forfaitaire et alors qu'il est constant que le taux d'incapacité de Monsieur [Z] [M] imputable à sa maladie professionnelle, est actuellement de 5%.

. sur les préjudices extrapatrimoniaux de M. [M] :

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale qu'« indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. [...] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. »

Les dispositions de cet article, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-8 QPC du 18 juin 2010, ne font pas obstacle à ce qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur et indépendamment de la majoration de rente servie à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, celle-ci puisse demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

- souffrances physiques et morales

Le FIVA, en sa qualité de créancier subrogé, demande l'indemnisation des souffrances morales subies par Monsieur [Z] [M] à la somme de 14.200 euros et 400 euros pour ses souffrances physiques.

L'Agent judiciaire de l'Etat soutient que la date de consolidation coïncide avec la date du certificat médical initial, de sorte que le FIVA ne peut se prévaloir d'une période de maladie traumatique et ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral ou physique pour la période postérieure à la consolidation.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle s'en remet à l'appréciation de la cour.

***************

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d'incapacité permanente défini à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

Dès lors, le FIVA qui justifie avoir indemnisé Monsieur [Z] [M] est recevable en sa demande d'indemnisation des souffrances physiques et morales, sous réserve qu'elles soient caractérisées.

S'agissant des souffrances physiques subies par Monsieur [Z] [M], le FIVA produit une pièce médicale (rapport médical d'évaluation du taux d'IPP en AT/MP) (pièce n°6 du FIVA) qui ne permet pas de rattacher les dyspnées d'effort dont se plaint la victime à la maladie professionnelle asbestose dont cette dernière est atteinte.

Le FIVA sera donc débouté de sa demande au titre des souffrances physiques.

S'agissant des souffrances morales, Monsieur [Z] [M] était âgé de 64 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint de la pathologie, asbestose, du tableau n°30A des maladies professionnelles.

L'anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d'une maladie irréversible due à l'amiante et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera justement réparée par l'allocation de la somme de 14.200 euros sollicitée par le FIVA, eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l'âge de Monsieur [Z] [M] au moment de son diagnostic.

- préjudice d'agrément

Le FIVA demande une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 2.200 euros, mais ne donne aucune précision sur ce préjudice dans ses écritures.

L'AJE s'oppose à cette demande, indiquant que le FIVA ne verse aucun élément permettant de justifier de ses prétentions, de sorte qu'il n'établit ni la pratique régulière d'activités sportives ou de loisirs spécifiques avant la survenance de la maladie, ni du fait que Monsieur [Z] [M] a dû renoncer à ces activités du fait de la maladie.

La Caisse s'en rapporte.

***************

Le préjudice d'agrément vise quant à lui exclusivement à réparer le préjudice spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique de sports ou de loisirs, à laquelle elle se livrait antérieurement. Ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de la maladie professionnelle. Il appartient à la victime de justifier de la pratique antérieure de ces activités.

En l'espèce, aucune pièce versée aux débats ne permet de caractériser la pratique régulière antérieure d'une activité spécifique sportive ou de loisir se distinguant de celles de la vie courante, si bien que le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [Z] [M], doit être débouté de sa demande au titre du préjudice d'agrément subi par l'assuré.

***************

C'est donc en définitive une somme de 14.200 euros que la Caisse devra verser au FIVA, créancier subrogé, au titre des souffrances morales subies par Monsieur [Z] [M].

SUR L'ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE

Aux termes de l'article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, il apparaît « quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

En outre, les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d'indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L.452-3.

Aucune discussion n'existant à hauteur d'appel sur ce point, la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de l'AJE.

En application des textes susvisés, il convient de rappeler que l'organisme de sécurité sociale est fondé à exercer son action récursoire à l'encontre de l'AJE, représentant l'ancien employeur de Monsieur [Z] [M], s'agissant tant de la majoration de la rente que des préjudices extrapatrimoniaux versés à l'assuré.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS

L'issue du litige conduit la cour à infirmer les dispositions du jugement entrepris sur les frais et dépens de première instance et à condamner l'AJE à les prendre à sa charge, tout comme les dépens d'appel.

L'équité commande en outre de condamner l'AJE à payer à Monsieur [Z] [M] la somme de 2.500 euros et au FIVA la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du 1er juin 2022 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz, sauf en ce qu'il a déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, et déclaré recevable en la forme le recours de Monsieur [Z] [M],

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

DIT que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [Z] [M] inscrite au tableau n°30A des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur, l'EPIC [9], anciennement Houillères du Bassin de Lorraine, aux droits duquel vient l'Agent Judiciaire de l'État,

ORDONNE la majoration au maximum de l'indemnité en capital allouée à Monsieur [Z] [M] au titre de sa maladie professionnelle n°30A dans les conditions telles que définies à l'article L.452-2 alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale, et dans la limite de 1.950,38 euros,

ORDONNE à la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, de verser cette majoration directement à Monsieur [Z] [M],

DIT que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [Z] [M] en cas d'aggravation de son état de santé due à sa maladie professionnelle du tableau n°30A,

DIT qu'en cas de décès de Monsieur [Z] [M] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle du tableau n°30A, le principe de la majoration de l'indemnité en capital restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur l'indemnité forfaitaire,

FIXE l'indemnité en réparation du préjudice moral de Monsieur [Z] [M] à la somme de 14.200 euros (quatorze mille deux cents euros), et DIT que cette somme, qui portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, devra être versée au FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [Z] [M], par la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM ' l'Assurance Maladie des Mines, et si besoin l'y CONDAMNE,

DEBOUTE le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [Z] [M], de ses demandes au titre des souffrances physiques et du préjudice d'agrément,

CONDAMNE l'Agent judiciaire de l'État à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, les sommes qu'elle sera tenue de verser, en principal et intérêts, au titre de la majoration de la rente et des préjudices extra-patrimoniaux subis par l'assuré, en application de l'article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale,

CONDAMNE l'Agent Judiciaire de l'État à payer à Monsieur [Z] [M] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Agent Judiciaire de l'État, à payer au FIVA la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Agent Judiciaire de l'État, aux dépens de première instance et à ceux d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01762
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.01762 ?
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