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27/05/2024 | FRANCE | N°22/01600

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/01600


Arrêt n° 24/00220



27 Mai 2024

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N° RG 22/01600 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYMB

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Pole social du TJ de METZ

13 Mai 2022

20/01378

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANTE :



CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE D

ANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par...

Arrêt n° 24/00220

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01600 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYMB

------------------

Pole social du TJ de METZ

13 Mai 2022

20/01378

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Mme [G], munie d'un pouvoir général

INTIMÉE :

L'ETAT représenté par l'Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

service AT/MP Freyming Merlebach

ayant siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [C], né le 23 mai 1957, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), devenues par la suite l'établissement public Charbonnages de France (CDF), du 18 septembre 1978 au 29 juin 2003.

Durant cette période, il a occupé les postes suivants, exclusivement au fond :

du 18/09/1978 au 31/08/1979 : apprenti-mineur,

du 01/09/1979 au 01/04/1984 : bowetteur plan montant descenderie,

du 02/04/1984 au 31/07/1986 : bowetteur galerie horizontale,

du 01/08/1986 au 31/10/1986 : bowetteur plan montant descenderie,

du 01/11/1986 au 30/04/1990 : bowetteur galerie horizontale,

du 01/05/1990 au 31/10/1990 : bowetteur ouvrier spéciaux rocher,

du 01/11/1990 au 31/12/1994 : élargisseur de galeries,

du 01/01/1995 au 31/12/1995 : élargisseur de galeries chef de poste,

du 01/01/1996 au 29/06/2003 : bowetteur tous ouvrages chef de poste.

Du 30 juin 2003 au 31 janvier 2004, il a fait usage de son compte épargne temps, puis a bénéficié d'un congé charbonnier fin de carrière du 1er février 2004 au 30 septembre 2008.

En date du 1er janvier 2008, l'établissement des CDF a été dissout et mis en liquidation. Ses biens, droits et obligations ont été transférés à l'État, représenté par l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ci-après ANGDM), qui intervient au nom et pour le compte du liquidateur des CDF.

Le 27 novembre 2017, M. [C] a déclaré à l'Assurance Maladie des Mines (ci-après la caisse ou CANSSM) une maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles, en joignant à sa demande de reconnaissance un certificat médical initial établi par le Docteur [V] le 30 juin 2017, faisant état de « plaques pleurales ».

La caisse a diligenté une instruction et interrogé l'assuré, ainsi que l'État, représenté par l'ANGDM, sur les risques d'exposition professionnelle à l'inhalation de poussières d'amiante.

Par décision du 8 janvier 2019, la caisse a admis le caractère professionnel de la pathologie de M. [C] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles.

Contestant cette décision, l'État, représenté par l'ANGDM, a saisi la Commission de recours amiable en inopposabilité de la décision de prise en charge par lettre recommandée datée du 6 mars 2019. Le Conseil d'administration de la caisse, statuant sur renvoi de la Commission de recours amiable en raison d'un partage des voix, a rejeté sa requête par décision n°2019/00132 du 6 février 2020, tout en précisant que les conséquences financières de cette maladie professionnelle seraient imputées au compte spécial, les Puits II, Sainte Fontaine, Vouters et Merlebach étant fermés (arrêté du 16 novembre 1995, pris en application de l'article D.242-6-3 du Code de la Sécurité Sociale).

Selon requête déposée au greffe le 26 novembre 2020, l'État, représenté par l'ANGDM, a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz afin de contester cette décision.

La CPAM de Moselle est intervenue pour le compte de la CANSSM, l'Assurance Maladie des Mines.

Par jugement du 13 mai 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

infirmé la décision du Conseil d'administration de la caisse de l'Assurance Maladie des Mines en date du 6 février 2020,

déclaré inopposable à l'ANGDM, la décision de la CANSSM du 8 janvier 2019, emportant prise en charge de l'affection dont souffre M. [C] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, en l'absence d'éléments suffisants permettant d'établir l'exposition de ce salarié au risque du tableau n°30B,

condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, aux entiers dépens.

Par courrier recommandé expédié le 7 juin 2022, la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR réceptionnée le 19 mai 2022.

Par conclusions datées du 15 février 2024, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son représentant, la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la Caisse,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 mai 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz,

Et statuant à nouveau :

déclarer opposable à l'ANGDM la décision de prise en charge de la maladie professionnelle au titre du tableau n°30B de M. [C],

en conséquence, de confirmer la décision du Conseil d'administration de la caisse,

le condamner aux entiers frais et dépens.

Par conclusions datées du 15 février 2024, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son conseil, l'État, représenté par l'ANGDM, demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer dans son intégralité le jugement du 13 mai 2022,

déclarer opposable à l'ANGDM, la décision de prise en charge du 8 janvier 2019, notamment parce que l'exposition n'est pas établie et priver l'Assurance Maladie des Mines de son action récursoire,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles pour donner son avis sur la question de savoir s'il existe un lien direct entre la pathologie de M. [C] et son activité professionnelle au sein des HBL et CDF.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties, en application de l'article 455 du code de procédure civile, et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE :

La CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, estimant avoir apporté la preuve que les conditions légales pour établir l'origine professionnelle de la maladie de M. [C] se trouvent réunies à l'égard de l'ANGDM. Elle relève que cette exposition au risque est établie par les éléments du dossier, et notamment par la description du matériel utilisé par M. [C] dans le cadre de son activité au fond, conforme à son relevé de carrière, ainsi que par sa durée d'emploi au fond de la mine. La caisse énonce enfin que l'ANGDM n'apporte aucun élément de preuve de nature à faire tomber la présomption d'origine professionnelle de la maladie dont est atteint M. [C].

Elle souligne, au contraire, qu'en première instance, l'ANGDM a reconnu, a minima, la présence d'amiante dans les joints des conduites, dans le système de freinage des convoyeurs blindés, ainsi que dans les joints des palans et dans les freins des treuils. Elle précise avoir procédé aux investigations nécessaires au traitement de la demande d'indemnisation de M. [C] en ayant rassemblé un faisceau d'indices permettant de démontrer que le salarié a été exposé au risque durant ses 25 années d'activité au fond, notamment en raison de l'utilisation de machines, et outils contenant tous des éléments ou pièces comportant de l'amiante et dégageant des fibres d'amiante lors de leur utilisation.

L'ANGDM sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle soutient que la caisse a pris en charge la maladie déclarée sans que les conditions de fond du tableau n°30B ne soient remplies dès lors que la caisse ne rapporte pas la preuve d'une exposition du salarié au risque d'inhalation des poussières d'amiante durant l'exercice de ses emplois successifs auprès des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France. L'ANGDM souligne le caractère incomplet de l'enquête administrative menée par la caisse, au mépris de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et sans tenir compte de ses réserves, la caisse se contentant de la déclaration de M. [C] et considérant automatiquement l'exposition au risque établie dès lors que le salarié présente des signes pathologiques. Elle reproche également à la caisse de ne pas avoir sollicité l'avis d'un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).

L'ANGDM fait valoir qu'il ne résulte ni du questionnaire lapidaire rempli par M. [C], lequel ne fait nullement usage du mot « amiante », ni des autres éléments du dossier, notamment en l'absence de témoignage, la moindre preuve d'une exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante de l'intéressé, ni aucune preuve de la présence de poussières d'amiante dans les outils utilisés, ceci d'autant que le salarié n'a pas décrit les emplois occupés.

**********************

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau.

En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme de sécurité sociale qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau.

Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Il convient de rappeler que le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [C] répond aux conditions médicales du tableau n°30B. Seule est contestée l'exposition professionnelle du salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante.

Selon le relevé de carrière (pièce n°4 de l'appelante), M. [C] a travaillé dans les chantiers du bassin des Houillères de Lorraine, exclusivement au fond, du 18 septembre 1978 au 29 juin 2003, aux postes suivants : apprenti-mineur, bowetteur plan montant descenderie, bowetteur galerie horizontale, bowetteur ouvrier spéciaux rocher, élargisseur de galeries, élargisseur de galerie chef de poste, et bowetteur tous ouvrages chef de poste.

En ce qui concerne les travaux effectués par M. [C], dans les réponses apportées le 26 janvier 2018 au questionnaire que lui a adressé la caisse dans le cadre de l'instruction de sa maladie professionnelle (pièce n°3 de l'appelante), l'intéressé ne donne pas de précisions sur les tâches et activités susceptibles de l'avoir exposé à un risque, se contentant d'indiquer qu'il a travaillé en bowette, galerie pierre, ainsi qu'en barrage fin de taille. Il cite cependant les outils utilisés dans le cadre des travaux du fond, à savoir les blindés à bandes, le marteau perforateur, et la boulonneuse électrique. Il est relevé que le salarié ne précise pas qu'il a été exposé au risque amiante durant sa carrière professionnelle dans le questionnaire transmis par la caisse.

Il y a lieu de relever que le questionnaire rempli par l'employeur (pièce n°3 de l'intimée), s'il comporte une erreur au début en mentionnant le nom d'un autre employé, concerne bien le parcours professionnel de M. [C] alors que les périodes d'emploi et les fonctions occupées correspondent au relevé de carrière du salarié et que la conclusion désigne bien M. [C]. Ledit questionnaire est beaucoup plus détaillé sur les fonctions principales occupées par le salarié qui sont décrites de la façon suivante, pour ce qui concerne sa période au fond :

« Apprenti-mineur du 18/09/1978 au 31/08/1979 : jeune embauché qui a d'abord suivi des cours théoriques (en salle) et des cours pratiques dans une mine image (c'est-à-dire un chantier de fond reconstitué au jour). Il s'est ensuite perfectionné aux différentes techniques et méthodes d'exploitation dans les quartiers écoles réservés aux apprentis.

Bowetteur de plan montant ou descenderie du 01/09/1979 au 01/04/1984 : ouvrier qui participe à tous les travaux de creusement d'une galerie au rocher, pouvant être pentée jusqu'à +/- 12° ; purgeage des terrains, foration, minage chargement des produits, mise en place du soutènement.

Bowetteur galerie horizontale du 02/04/1984 au 31/07/1986 : ouvrier mineur participant aux travaux de creusement d'une galerie au rocher (dans la pierre) ; purgeage des terrains, foration, minage (consiste à mettre les cartouches dans les trous percés auparavant) chargement des produits, mise en place du soutènement, garnissage.

Bowetteur de plan montant ou descenderie et Bowetteur galerie horizontale du 01/08/1986 au 30/04/1990.

Bowetteur ouvrages spéciaux rocher du 01/05/1990 au 31/10/1990 : ouvrier mineur participant aux travaux de creusement d'un ouvrage spécial au rocher (dans la pierre), et notamment niche (consiste à mettre les cartouches dans les trous percés auparavant), magasin, élargissement de galerie. Il effectue les travaux de foration, minage, chargement, mise en place du soutènement.

Elargisseur de galerie du 01/11/1990 au 31/12/1994 : ouvrier mineur qui participe à tous les travaux d'élargissage ou remise à section d'un traçage au charbon.

Elargisseur de galerie chef de poste du 01/01/1995 au 31/12/1995 : chef d'équipe qui participe à tous les travaux d'élargissage ou remise à section d'un traçage au charbon. Chef de poste : ouvrier mineur chef d'une équipe ou de plusieurs équipes, responsable sur son poste (matin, midi ou nuit). Il rend compte à son agent de maîtrise des travaux réalisés.

Bowetteur tous ouvrages chef de poste du 01/01/1996 au 29/06/2003 : ouvrier mineur chargé de participer aux travaux de creusement d'une galerie au rocher (dans la pierre) ; purgeage des terrains, foration, minage (consiste à mettre les cartouches dans les trous percés auparavant), chargement des produits, mise en place du soutènement ».

L'ANGDM précise en outre que, dans le cadre de ses activités, l'intéressé a été amené à utiliser habituellement des outils et machines tels que « marteau piqueur, marteau perforateur, manipulation soutènement, pelle, perforatrice, matériel de levage et manutention ».

L'ANGDM décrit ainsi elle-même les différentes activités et matériels utilisés par M. [C] tout au long de sa carrière dans les chantiers du fond, sans que ces précisions ne contredisent les mentions plus laconiques indiquées par le salarié.

Ainsi, M. [C] a exercé au fond pendant 24 ans et 9 mois, dont plus de 17 années avant l'interdiction de l'utilisation de l'amiante.

Si l'ANGDM conteste l'exposition de M. [C] aux poussières d'amiante, elle reconnaît un travail dans un milieu chaud, humide et empoussiéré, avec des opérations de manutention lourde, outre du travail en hauteur.

De plus, aux périodes où M. [C] a travaillé pour le compte des HBL, devenues par la suite CDF, l'ANGDM admet habituellement que de l'amiante était présente au fond à minima dans certains joints, le système de freinage de certains éléments d'équipement et les installations électriques, tel étant notamment le cas de certains engins de levage de type treuils et palans. Cette reconnaissance de présence d'amiante ressort à suffisance de la requête déposée en première instance par l'ANGDM (pièce n°9 de l'appelante), cette dernière écrivant notamment : « Les chaînes des convoyeurs blindés ainsi que le blindé lui-même étaient métalliques et ne contenaient pas d'amiante. Il est vrai que l'opération nécessitait des freinages ; néanmoins, l'analyse réalisée par le Service Sécurité Générale montre que même dans des conditions sévères lors du raccourcissement de la chaîne la libération de fibres au voisinage des convoyeurs blindés était infinitésimale ».

En l'espèce, il ne paraît pas inutile de rappeler que M. [C] a nécessairement travaillé aux côtés des convoyeurs blindés employés au fond de la mine, notamment lorsqu'il participait aux travaux de creusement et foration des galeries au rocher, lors des opérations de mise en place du soutènement, ou encore lors des élargissements des galeries. Lorsqu'il était chef de poste élargisseur, M. [C] était chargé de gérer une équipe en étant présent sur place pour surveiller le travail des employés placés sous ses ordres, de sorte qu'il se trouvait à côté des engins et des véhicules blindés employés au fond de la mine, ceci alors que l'employeur a admis que ces engins libéraient de l'amiante lors du freinage. Enfin, le salarié a utilisé régulièrement des engins de levage de type treuils et palans, dont le système de freinage était amianté.

En outre, si l'ANGDM a fait état d'une pollution minime en première instance, cette affirmation ne saurait écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'établissement de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la nocivité, le tableau n°30B ne fixant pas de seuil d'exposition.

De plus, elle reconnaît aussi de manière habituelle l'exposition au risque d'inhalation des poussières d'amiante des électromécaniciens travaillant en taille avant 1996, de sorte que les mineurs travaillant dans leur entourage, mais à d'autres fonctions, subissaient nécessairement cette contamination.

Ainsi, les descriptions effectuées par l'employeur quant à la nature des fonctions occupées par le salarié, ainsi que des outils habituellement utilisés par celui-ci, et notamment la précision que ce dernier utilisait de manière habituelle des engins de levage, et travaillait aux côtés de convoyeurs blindés, dans un contexte de confinement propre aux travaux effectués dans les chantiers au fond, exposent ainsi parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, jusqu'en 1996, date à laquelle l'utilisation de l'amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d'amiante, en raison de l'usage ou du travail à proximité d'engins et de véhicules dont les pièces de friction des organes de frein libéraient des fibres d'amiante en fonctionnant (treuils et palans constituant du matériel de levage).

Il est ajouté qu'à supposer même que M. [C] n'ait pas utilisé lui-même les outils ou matériels contenant de l'amiante, il est établi qu'il a travaillé quotidiennement dans des sites dans lesquels il est constant qu'étaient utilisées des installations et machines contenant des matériaux amiantés qui en fonctionnant libéraient des fibres d'amiante.

Il résulte de ce faisceau d'éléments que l'exposition habituelle de M. [C] au risque amiante est démontrée.

Les conditions médico-administratives du tableau n°30B étant remplies, c'est en vain que l'ANGDM prétend que la caisse a été défaillante dans son instruction. En interrogeant les intéressés, la caisse a, préalablement à sa prise de décision, diligenté une enquête au sens de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'il n'y avait pas lieu pour la caisse de saisir un CRRMP.

Il sera également relevé que, si une circulaire du 24 juin 2013 de la direction des assurances maladies de la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines enjoint aux directeurs régionaux de prendre systématiquement des décisions de prise en charge favorables aux anciens mineurs lorsqu'ils demandent la reconnaissance de l'origine professionnelle de leur pathologie, ce texte ne saurait avoir de portée dans la présente procédure, qui a précisément pour objet de vérifier que les conditions relatives au caractère professionnel de la maladie de M. [C] sont remplies.

Il sera également rappelé que les décisions de justice produites par l'ANGDM, même rendues par cette cour, n'ont autorité de chose jugée que pour les faits d'espèce qu'elles tranchaient, et le juge, tenu de motiver ses décisions, devant se déterminer d'après les circonstances particulières de chaque instance.

Dès lors, en l'absence de toute preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, il convient de considérer que le caractère professionnel de la maladie dont s'est trouvé atteint M. [C] est établi à l'égard de l'employeur auquel se substitue l'ANGDM.

Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il déclaré inopposable à l'État, représenté par l'ANGDM la décision de prise en charge rendue le 8 janvier 2019 par l'Assurance Maladie des Mines portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 27 novembre 2017 par M. [C] au titre du tableau n°30B.

SUR LES DEPENS :

Partie succombante, l'ANGDM sera condamnée aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE l'appel formé par la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, l'Assurance Maladie des Mines, recevable,

INFIRME le jugement entrepris du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 13 mai 2022,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE l'État, représenté par l'ANGDM, de sa demande en inopposabilité de la décision de prise en charge rendue le 8 janvier 2019 par l'Assurance Maladie des Mines portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 27 novembre 2017 par M. [T] [C] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles,

DEBOUTE l'État, représenté par l'ANGDM, de sa demande en désignation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,

DECLARE opposable à l'État, représenté par l'ANGDM, ladite décision de l'organisme de sécurité sociale,

CONDAMNE l'État, représenté par l'ANGDM, aux dépens de la première instance et aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01600
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.01600 ?
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