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27/05/2024 | FRANCE | N°22/01596

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/01596


Arrêt n° 24/00249



27 Mai 2024

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N° RG 22/01596 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYLN

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Pole social du TJ de METZ

22 Avril 2022

20/00818

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre





APPELANTE :



S.A.S. [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Mme [L] [X], munie d'un pouvoir spécial





INTIMÉE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [T], munie d'un pouvoir génér...

Arrêt n° 24/00249

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01596 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYLN

------------------

Pole social du TJ de METZ

22 Avril 2022

20/00818

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

S.A.S. [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Mme [L] [X], munie d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [T], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par formulaire du 11 juin 2019, Monsieur [H] [D], employé par la société [5] en qualité de soudeur, a déclaré à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Moselle une maladie professionnelle sous forme de « rupture partielle du sus-épineux de l'épaule droite sur conflit sous-acromial + tendinopathie calcifiante non rompue de l'infra épineux », sur la base d'un certificat médical initial établi le 24 avril 2019 par le Docteur [O], médecin généraliste.

La caisse a diligenté une instruction, prolongée le 24 septembre 2019.

Le 2 décembre 2019, la caisse a reconnu le caractère professionnel de la maladie « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite ».

La société [5] a saisi la commission de recours amiable par courrier du 30 janvier 2020, afin d'obtenir l'inopposabilité de la décision de prise en charge.

La commission de recours amiable a rejeté le recours de la société [5] le 18 juin 2020.

Selon courrier recommandé expédié le 23 juillet 2020, la société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Metz d'un recours contre cette décision. Elle retient que la présomption d'imputabilité n'avait pas vocation à s'appliquer, dès lors que les conditions d'exposition au risque prévues au tableau n'étaient pas remplies.

Par jugement du 22 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

- DECLARE le recours de la société [5] recevable en la forme ;

- DEBOUTE la société [5] de sa demande ;

- DECLARE opposable à la société [5] la décision rendue le 2 décembre 2019 par la CPAM de Moselle, portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [H] [D] au titre du tableau 57A, diagnostiquée selon certificat médical initial du 24 avril 2019 ;

- CONDAMNE la société [5] aux entiers frais et dépens ;

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Par acte déposé au greffe le 25 mai 2022, la société [5] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par LRAR reçue le 26 avril 2022.

Par conclusions datées du 23 mai 2022 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la société [5] demande à la cour de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'affection dont est atteint Monsieur [D] au titre du tableau 57A des maladies professionnelles.

Par conclusions datées du 30 novembre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de déclarer l'appel recevable et mal fondé, confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et condamner la société [5] aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE,

SUR LA DESIGNATION DE LA MALADIE

La société [5] fait valoir que la désignation de la maladie dans le certificat médical initial n'est pas conforme à celle du tableau 57A. Ce certificat médical n'étant ainsi pas conforme à l'article L.461-5 du code de la sécurité sociale, il s'ensuit une irrégularité qui doit entraîner l'inopposabilité de la décision de prise en charge à son égard.

La caisse rappelle que l'avis du médecin-conseil a conclu au fait que la pathologie déclarée entre dans le cadre du tableau 57A, et que le médecin-conseil n'est pas tenu par la qualification désignée dans le certificat médical initial.

***********************

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle

toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.

Le tableau 57 des maladies professionnelles désigne les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, et notamment dans sa section A concernant l'épaule, la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM. Le délai de prise en charge est d'un an, sous réserve d'une durée d'exposition d'un an, et une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie est mentionnée de la façon suivante : « travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction, avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé »

Par ailleurs, il appartient aux juges du fond, qui ne peuvent s'en tenir à une analyse littérale du certificat médical initial, de rechercher si l'affection déclarée par l'assuré correspond bien à l'une des pathologies désignées par le tableau pertinent.

En l'espèce, la caisse, suivant l'avis de son médecin conseil du 5 novembre 2019 (pièce n°12 de l'appelante), a admis que la maladie déclarée par Monsieur [D] à l'épaule droite, telle que diagnostiquée dans le certificat médical initial sous la formulation « rupture partielle du sus-épineux de l'épaule droite sur conflit sous-acromial + tendinopathie calcifiante non rompue de l'infra épineux », répondait aux critères de désignation du tableau n°57A, dont le code syndrome est 057AAM96E, et a qualifié la pathologie de « rupture partielle coiffe des rotateurs droits objectivée par IRM ».

Or, il appert que la coiffe des rotateurs correspond à un groupe de quatre tendons (petit-rond, sous épineux, sus-épineux et sous scapulaire) si bien que la pathologie du tableau 57A telle qu'elle est définie dans ledit tableau correspond bien à la pathologie désignée dans le certificat médical initial sous la formulation « rupture partielle du sus-épineux de l'épaule droite », les deux termes recouvrant une même pathologie médicale nonobstant la différence de terminologie.

Par ailleurs, l'avis du médecin-conseil s'imposant à la caisse, le fait que le certificat médical initial ait également conclu à l'existence d'une « tendinopathie calcifiante non rompue de l'infra épineux » est sans emport sur le présent litige, dès lors que les conditions médicales de la rupture partielle de la coiffe des rotateurs ont été objectivées par un IRM du 18 avril 2019 visé dans l'avis du médecin-conseil et confirmées par celui-ci.

Surtout, il sera relevé que la société appelante n'apporte aucune argumentation médicale remettant sérieusement en cause le fait que les lésions présentées par Monsieur [D] correspondent bien à la maladie du tableau 57A.

En conséquence, il y a lieu de considérer que la maladie déclarée par Monsieur [D] remplit les conditions médicales du tableau n°57A.

Le moyen est donc rejeté.

SUR L'EXPOSITION AU RISQUE

La société appelante fait valoir que l'exposition au risque de Monsieur [D] dans les conditions limitatives du tableau 57A n'est pas démontrée. Elle fait grief à la caisse de n'avoir pas mené une enquête sur place, de n'avoir pas tenu compte de ses objections, et de n'avoir aucunement établi que Monsieur [D] a subi des situations de travail l'ayant amené à accomplir les mouvements visés dans ledit tableau.

Elle fait enfin valoir que la pathologie déclarée est une maladie multifactorielle et qu'elle n'a aucun lien en l'espèce avec les conditions de travail de Monsieur [D].

La caisse sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle souligne que la nature des tâches accomplies et le nombre de pièces manipulées chaque jour impliquent nécessairement des mouvements avec décollement du bras sans soutien d'au moins 60° voire 90° quotidiennement. Elle fait également valoir que la société appelante n'apporte aucune preuve que le travail effectué par Monsieur [D] a été totalement étranger à la survenance de la maladie déclarée.

****************************

La discussion porte sur la condition tenant aux travaux exposant au risque et sur la qualité de l'enquête menée par la CPAM quant à cette condition.

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits de l'assuré qu'elle a indemnisé sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L.461-2 du code de la sécurité sociale, d'établir que la condition tenant à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer l'affection qu'elle a prise en charge, telle que prévue par le tableau 57 A, est respectée.

Le tableau 57A prévoit une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la pathologie de rupture de la coiffe des rotateurs. Il s'agit de « travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction :

- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé

- ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé ».

En l'espèce, Monsieur [D] a été employé en qualité de soudeur à compter du 2 septembre 1991.

Les parties diffèrent sur l'amplitude des mouvements effectués lors des différentes tâches accomplies, sur l'existence de situations de travail réalisées dans les conditions du tableau 57A des maladies professionnelles, ainsi que sur les cadences de travail effectuées par l'assuré.

Il ressort du questionnaire assuré (pièce n°10 de l'appelante) que les taches décrites par Monsieur [D] impliquent la manipulation de pièces à souder en moyenne entre 10 et 100 fois par jour, pièces dont le poids varie de 3 à 60 kgs, et ce avec une variabilité importante des positions du corps du fait de la diversité des tâches à accomplir : meulage de certaines pièces, utilisation d'une dévisseuse, découpe de pièces au plasma, utilisation du tire-palette ou de palans, pose de gabarits, fixation des pièces sur les gabarits avant soudure, soudure, déplacement des pièces une fois soudées'

Monsieur [D] évalue la durée de travail quotidien effectué avec un décollement du bras par rapport au corps au-delà de 60 degrés à plus de 2 heures, tout comme la durée de travail quotidien effectué avec un décollement du bras par rapport au corps au-delà de 90 degrés.

Cette description des tâches accomplies n'est pas contestée par son employeur (pièce n°5 de l'appelante), sous réserve que ce dernier explique que les pièces manipulées pèsent entre 0,5 kg et 3 kgs, et, surtout, que le poste de travail est ainsi aménagé de telle sorte que, tout au long de la journée, le salarié effectue des travaux à hauteur d'homme sans décollement des bras avec absence de soutien, outre le fait que le salarié a recours à du soudage semi-automatique voire du soudage robotisé.

La société [5] soutient également l'absence de cadence imposée (sa pièce n°6) et en conclut qu'aucune situation de travail n'a pu amener Monsieur [D] à des postures du bras dans les conditions du tableau 57A des maladies professionnelles.

Elle relève seulement que, quand il y a effectivement sollicitation du bras, « elle est courte en durée et toujours suivie d'autres tâches non sollicitantes permettant la récupération de l'articulation précédemment utilisée ». Elle produit des photographies des plans de travail mis à disposition de ses salariés (sa pièce n°6).

Le médecin-conseil s'est prononcé en faveur d'une reconnaissance de la maladie professionnelle du tableau 57A (pièce n°12 de l'appelante).

La CPAM de Moselle a ainsi eu recours à une enquête administrative par un agent agréé et assermenté (pièce n°7 de la caisse). Dans cette enquête, l'agent agréé a détaillé les travaux effectués par Monsieur [D], et a interrogé l'employeur sur les tâches accomplies nécessitant une sollicitation de l'épaule sans soutien, dès lors que la société [5] reconnaissait a minima le recours, sur une courte durée, de mouvements sollicitant l'articulation.

La société [5] a maintenu qu'absolument aucune situation de travail n'a amené Monsieur [D] à l'accomplissement de tâches dans les conditions du tableau 57A des maladies professionnelles, du fait de la mise à disposition des salariés de matériels de manutention destinés à limiter les contraintes physiques, et de postes de travail dûment aménagés.

La cour relève ainsi qu'aucune enquête sur place n'a été menée, permettant d'évaluer l'incidence des moyens mis en 'uvre par la société [5] en termes de posture de travail.

Surtout, l'enquête administrative ne détaille aucunement les durées et les situations précises de travail pouvant entrer dans les prévisions du tableau 57A des maladies professionnelles, et ce alors même que la société [5] conteste toute configuration de travail avec une sollicitation de l'épaule sans soutien.

Ainsi, s'il ressort des déclarations de Monsieur [D] que celui-ci s'est retrouvé à exécuter des travaux entrainant des mouvements de décollement du bras et de sollicitation de l'épaule par rapport au corps quotidiens de plus de 60°, voire de plus de 90°, force est de constater qu'aucune constatation ou démonstration suffisante de la caisse ne permet d'objectiver, non seulement l'existence de positions de travail avérées comportant des mouvements avec maintien de l'épaule sans soutien en abduction, mais surtout d'objectiver la durée de ces travaux quotidiens afin de déterminer si, en cumulé, l'assuré demeurait pendant au moins 2 heures par jour en cumulé avec l'une des postures entrant dans les prévisions du tableau concerné.

Or, dès lors que la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et que la caisse n'établit pas, autrement que par voie d'affirmation, et sans rapporter d'élément objectif, que la durée du décollement des bras lors des travaux accomplis par Monsieur [D] correspondait aux prévisions du tableau 57A des maladies professionnelles, il s'ensuit qu'elle se montre défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera infirmé.

En conséquence, la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle en date du 2 décembre 2019 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie déclarée par Monsieur [H] [D] doit être déclarée inopposable à la société [5].

La CPAM de Moselle, partie succombant au litige, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 22 avril 2022 ;

En conséquence, statuant à nouveau,

DECLARE la décision de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Moselle en date du 2 décembre 2019 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie de Monsieur [H] [D] inopposable à la société [5] ;

CONDAMNE la CPAM de Moselle aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01596
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.01596 ?
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