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27/05/2024 | FRANCE | N°22/01588

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/01588


Arrêt n° 24/00251



27 Mai 2024

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N° RG 22/01588 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYK5

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Pole social du TJ de METZ

29 Avril 2022

20/00480

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLEr>
[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Mme [O], munie d'un pouvoir général



INTIMÉE :



S.A.R.L. [4] [Adresse 1]

[Adresse 3]

Représentée par Me Eric FILLIATRE, avocat au barreau de NANCY

dis...

Arrêt n° 24/00251

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01588 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FYK5

------------------

Pole social du TJ de METZ

29 Avril 2022

20/00480

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Mme [O], munie d'un pouvoir général

INTIMÉE :

S.A.R.L. [4] [Adresse 1]

[Adresse 3]

Représentée par Me Eric FILLIATRE, avocat au barreau de NANCY

dispensé de comparaître en application de l'article 446-1alinéa 2 du code de procédure civile.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [S] [N] a été embauché par la SARL [4] le 9 octobre 2018 en qualité de concepteur vendeur de cuisine.

Le 22 août 2019, Monsieur [S] [N] a déclaré un accident du travail s'agissant d'un fait survenu le 25 juillet 2019, accompagné d'un arrêt de travail en date du 26 juillet 2019 faisant état d'une « agression au travail. Pas de lésions ni d'hématome constaté. Angoisse importante au retour de travail ».

Selon courrier du 21 novembre 2019, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle (ci-après caisse ou CPAM) a informé la SARL [4] de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré par Monsieur [S] [N].

La SARL [4] a contesté cette décision auprès de la Commission de recours amiable (CRA), qui a rejeté sa demande par décision du 20 février 2020.

Selon courrier recommandé expédié le 16 mars 2020, la SARL [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Metz afin de contester cette décision de rejet rendue par la CRA de Moselle.

Par jugement du 29 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

- INFIRME la décision n°3600/19 rendue par la Commission de Recours Amiable près la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle le 25 février 2020 ;

- DECLARE inopposable à la SARL [4] la décision de prise en charge de l'accident du travail du 25 juillet 2019 de Monsieur [S] [N] rendue par la CPAM de Moselle le 21 novembre 2019;

- DEBOUTE la société [4] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - CONDAMNE la CPAM de la Moselle aux frais et dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.

Par courrier recommandé expédié le 30 mai 2022, la CPAM de Moselle a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 6 mai 2022.

Par conclusions datées du 14 novembre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fonde l'appel formé par la caisse le 30 mai 2022 ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et statuant de nouveau :

- déclarer la société [4] mal fondée en son recours et l'en débouter ;

- confirmer la décision rendue le 20 février 2020 par la Commission de Recours Amiable près la Caisse d'Assurance Maladie de Moselle ;

- condamner la société [4] aux entiers frais et dépens.

Par conclusions datées du 30 novembre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, la société [4] demande à la cour de :

- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

En conséquence,

- DEBOUTER la CPAM de Moselle de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER la CPAM de Moselle à verser à la SARL [4] la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER la CPAM de Moselle aux entiers frais et dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE,

La CPAM sollicite l'infirmation du jugement entrepris qui a écarté l'accident du travail, faisant valoir que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail s'applique pleinement en l'espèce. Elle entend démontrer que l'altercation survenue entre Monsieur [N] et le directeur du magasin, Monsieur [L], s'est produite au temps et au lieu de travail et a entraîné une angoisse importante actée dans le certificat médical initial. La caisse souligne le fait que Monsieur [N] puisse être à l'origine de la rixe est sans emport sur la qualification d'accident du travail, dès lors qu'il n'est pas démontré par la société intimée que Monsieur [N] s'était soustrait à l'autorité de son employeur au moment des faits, et que les violences étaient étrangères à l'activité professionnelle, la caisse soulignant au contraire que la rixe est survenue suite à un différend concernant des dossiers et des ventes.

La société [4] sollicite la confirmation du jugement, indiquant que Monsieur [N] n'a pas été victime d'une agression mais a au contraire délibérément provoqué un incident et fait preuve d'agressivité à l'égard de Monsieur [L] lequel a seulement tenté de se protéger de l'attitude de Monsieur [N]. Au surplus, la société intimée fait valoir que les éléments du dossier ne reposent que sur les seules déclarations de Monsieur [N] qui a attendu pas moins de 28 jours pour effectuer une déclaration d'accident du travail.

***************

Aux termes de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Cet article pose ainsi un principe de présomption d'imputabilité d'un accident au travail, dès lors qu'il survient au temps et sur le lieu de travail et que sa matérialité est établie.

Il est constant par ailleurs que les rixes survenues au temps et lieu de travail, dès lors qu'il n'est pas établi que la victime s'est soustraite à l'autorité de l'employeur et que les violences subies étaient étrangères à l'activité professionnelle, sont considérées comme des accidents du travail.

Ainsi, la société employeur, qui conteste la prise en charge par la caisse, doit pour faire tomber la présomption d'imputabilité d'un accident au travail, apporter la preuve que la victime s'est soustraite à l'autorité de l'employeur et que les violences subies étaient étrangères à l'activité professionnelle.

En l'espèce, il apparaît que l'existence d'une altercation survenue le 25 juillet 2019 entre Monsieur [N] et Monsieur [L] n'apparaît pas contestée, seules la cause et les circonstances de son déroulement étant discutées par la société intimée qui met en avant la seule responsabilité de Monsieur [N] dans le processus menant aux faits de violences alléguées sur le parking du magasin.

Ainsi, il ressort de la déclaration établie par Monsieur [N] le 28 août 2019 (pièce n°5 de la société intimée) que, le 25 juillet 2019 vers 19h30, il a été victime d'une agression, sans autre précision, sur son lieu de travail ayant entraîné des lésions psychologiques.

Un certificat médical, établi le lendemain, fait mention d'une « agression au travail. Pas de lésions ni d'hématome constaté. Angoisse importante au retour de travail » (pièce n°4 de l'intimée).

L'employeur a contesté cette version devant la CRA, faisant valoir que Monsieur [N] n'avait pas été victime d'une agression, mais était bien auteur d'un incident en refusant de se conformer à des consignes de travail, et que, invité à sortir du magasin pour éviter un esclandre en présence de clients, il avait persisté à faire preuve d'agressivité sur le parking, menaçant le directeur du magasin, Monsieur [L], de violences et obligeant ce dernier à se protéger en le repoussant (pièce n°2 de la société intimée).

Cette version est confirmée par le témoignage de Monsieur [R], salarié de la société [4] et témoin de la scène, qui confirme l'agressivité de Monsieur [N] et le fait que Monsieur [L] a dû le repousser et le contenir pour se protéger en portant la main au niveau du cou (pièce n°6 de l'intimée).

Ainsi, au-delà des versions contradictoires habituelles des protagonistes d'une rixe à propos de l'origine de celle-ci et des circonstances exactes de sa survenance, il est retenu par la cour qu'est démontrée en l'espèce, par le seul fait même de l'existence d'une altercation sur le parking de la société, l'existence d'un fait soudain survenu au lieu et au temps de travail, fait ayant donné lieu à l'établissement d'un certificat médical dès le lendemain actant l'existence d'une angoisse importante, ce qui caractérise un accident du travail, peu important à cet égard que la déclaration d'accident du travail ait pu intervenir tardivement.

La prise en charge comme accident du travail d'une altercation dans l'entreprise est ainsi admise quand bien même le salarié qui s'en prétend victime en aurait pris lui-même l'initiative, dès lors que la rixe a bien une origine professionnelle et que le salarié ne s'est pas soustrait à l'autorité de son employeur.

Or, l'origine professionnelle du litige survenu entre Monsieur [N] et [P] [L] étant en l'espèce établie et non contestée par les parties, et en l'absence d'éléments permettant d'établir que Monsieur [N] n'était plus au moment des faits sous l'autorité de son employeur - étant au contraire relevé qu'il s'est déplacé à l'extérieur du magasin sur injonction de celui-ci afin de préserver les clients présents - il s'ensuit que la matérialité d'un fait accidentel au temps et au lieu de travail est établie, peu important que Monsieur [N] ait pu être, par son comportement, à l'initiative de l'altercation.

Dès lors, la présomption d'imputabilité de l'accident au travail s'applique bien et la décision de prise en charge de l'accident du travail doit donc être déclarée opposable à l'employeur. Le jugement doit est infirmé en ce sens.

La société [4], partie succombant à l'instance, est déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et est condamnée aux dépens de première instance ainsi qu'à ceux d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 29 avril 2022 ;

Statuant à nouveau,

DECLARE OPPOSABLE à la SARL [4] la décision de prise en charge de l'accident du travail du 25 juillet 2019 de Monsieur [S] [N] rendue par la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle le 21 novembre 2019 ;

DEBOUTE la société [4] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [4] aux dépens de première instance ainsi qu'à ceux d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01588
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.01588 ?
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