La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°22/01222

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/01222


Arrêt n° 24/00241



27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01222 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXSM

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



08 Avril 2022

20/00806

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANTE :



CAISSE AUTONOME NATIONAL

E DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 6]

[Localité ...

Arrêt n° 24/00241

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01222 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXSM

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

08 Avril 2022

20/00806

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Mme [D], munie d'un pouvoir général

INTIMÉE :

L'ETAT représenté par l'Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

[Adresse 5]

ayant siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Claude ANTONIAZZI-SCHOEN, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [W], né le 13 mars 1942, a travaillé pour le compte des [4], devenues par la suite l'établissement public Charbonnages de France (CDF), du 6 août 1956 au 15 mars 1958, puis du 1er octobre 1982 au 30 juin 1996.

Durant cette période, il a occupé les postes suivants :

du 06/08/1956 au 15/03/1958 : trieur (jour),

du 01/10/1982 au 04/04/1994 : porion d'exploitation (fond),

du 05/04/1994 au 30/04/1996 : porion de puits (about) (fond),

du 01/05/1996 au 30/06/1996 : porion services généraux compétence étendue (fond).

Il a bénéficié d'un congé charbonnier fin de carrière du 1er juillet 1996 au 31 mars 2002.

En date du 1er janvier 2008, l'établissement des CDF a été dissous et mis en liquidation. Ses biens, droits et obligations ont été transférés à l'État, représenté par l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ci-après ANGDM), qui intervient au nom et pour le compte du liquidateur des CDF.

Le 10 mars 2014, M. [W] a déclaré à l'Assurance Maladie des Mines (ci-après la Caisse ou CANSSM) une maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles, en joignant à sa demande de reconnaissance un certificat médical initial établi par le Docteur [H] le 4 février 2014, faisant état de « petites plaques pleurales bilatérales étagées ».

La Caisse a diligenté une instruction et interrogé l'assuré, ainsi que l'État, représenté par l'ANGDM, sur les risques d'exposition professionnelle à l'inhalation de poussières d'amiante.

Par décision du 4 septembre 2014, la Caisse a admis le caractère professionnel de la pathologie de M. [W] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles.

Contestant cette décision, l'État, représenté par l'ANGDM, a saisi la Commission de recours amiable en inopposabilité de la décision de prise en charge par lettre recommandée datée du 7 octobre 2014. Le Conseil d'administration de la Caisse, statuant sur renvoi de la Commission de recours amiable en raison d'un partage des voix, a rejeté sa requête par décision n°1973 du 17 décembre 2015, tout en précisant que les conséquences financières de cette maladie professionnelle seraient imputées au compte spécial, les Puits Remaux et Vouters étant fermés (arrêté du 16 novembre 1995, pris en application de l'article D.242-6-3 du code de la sécurité sociale). Cette décision a été notifiée à l'ANGDM par courrier recommandé daté du 2 février 2016.

Selon requête introductive du 31 mars 2016, l'État, représenté par l'ANGDM, a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle (devenu Pôle social du tribunal de grande instance de Metz le 1er janvier 2019, puis Pôle social du tribunal judiciaire de Metz au 1er janvier 2020) afin de contester cette décision.

La CPAM de Moselle est intervenue pour le compte de la CANSSM, l'Assurance Maladie des Mines.

Par jugement du 8 avril 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

jugé recevable en la forme et bien fondé le recours formé par l'État, représenté par l'ANGDM, à l'encontre de la décision de rejet du Conseil d'administration de l'Assurance Maladie des Mines en date du 2 février 2016,

jugé que la preuve n'est pas rapportée par la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM de l'exposition de M. [W] au risque visé au tableau n°30B des maladies professionnelles,

jugé inopposable à l'État, représenté par l'ANGDM, la décision de prise en charge du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [W] le 4 septembre 2014,

condamné la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM aux dépens engendrés par la présente procédure.

Par courrier recommandé expédié le 3 mai 2022, la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR réceptionnée le 14 avril 2022.

Par conclusions datées du 29 décembre 2023, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son représentant, la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la Caisse,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 avril 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz

Et statuant à nouveau :

déclarer opposable à l'ANGDM la décision de prise en charge de la maladie professionnelle au titre du tableau n°30B de M. [W],

en conséquence, de confirmer la décision du 17 décembre 2015 du Conseil d'Administration de la Caisse,

le condamner aux entiers frais et dépens.

Par conclusions datées du 10 janvier 2024, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries par son conseil, l'État, représenté par l'ANGDM, demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 8 avril 2022, en toutes ses dispositions,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

désigner un CRRMP pour donner son avis sur la question de savoir s'il existe un lien direct entre la pathologie de M. [W] et son activité professionnelle au sein des HBL et CDF.

A l'audience du 15 janvier 2024 où l'affaire a été retenue, l'ANGDM a sollicité par l'intermédiaire de son conseil que soit écartée des débats la pièce n°16 produite par la Caisse, s'agissant des conclusions établies par l'ANGDM en première instance. La Caisse a indiqué s'en remettre à la décision de la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties, en application de l'article 455 du code de procédure civile, et à la décision entreprise.

SUR CE,

S'agissant de la demande formée par l'ANGDM aux fins d'écarter la pièce n°16 de la Caisse, il convient de constater qu'elle a été régulièrement communiquée aux débats dans le cadre de la première instance par l'ANGDM, et que même si celle-ci n'entend plus soutenir devant la présente cour la même position exposée au travers de ses premières conclusions, cette pièce constitue un élément versé aux débats par la Caisse à hauteur d'appel, de façon contradictoire, de sorte qu'il n'existe aucun fondement légitime pour ne pas l'examiner.

La demande aux fins d'écarter la pièce n°16 de la Caisse est rejetée.

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE :

La CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, estimant avoir apporté la preuve que les conditions légales pour établir l'origine professionnelle de la maladie de M. [W] se trouvent réunies à l'égard de l'ANGDM. Elle relève que cette exposition au risque est établie par les éléments du dossier, et notamment par la description du matériel utilisé par M. [W] dans le cadre de son activité au fond, conforme à son relevé de carrière, ainsi que par sa durée d'emploi au fond de la mine. La Caisse énonce enfin que l'ANGDM n'apporte aucun élément de preuve de nature à faire tomber la présomption d'origine professionnelle de la maladie dont est atteint M. [W]. Elle souligne, au contraire, qu'en première instance, l'ANGDM a reconnu, a minima, la présence d'amiante dans les joints des conduites, dans le système de freinage des convoyeurs blindés, ainsi que dans les joints des palans et les freins des treuils. Elle précise avoir procédé aux investigations nécessaires au traitement de la demande d'indemnisation de M. [W] en ayant rassemblé un faisceau d'indices permettant de démontrer que le salarié a été exposé au risque durant ses 13 années d'activité au fond, notamment en raison de l'utilisation de machines, et outils contenant tous des éléments ou pièces comportant de l'amiante et dégageant des fibres d'amiante lors de leur utilisation.

L'ANGDM sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle soutient que la Caisse a pris en charge la maladie déclarée sans que les conditions de fond du tableau n°30B ne soient remplies dès lors que la Caisse ne rapporte pas la preuve d'une exposition du salarié au risque d'inhalation des poussières d'amiante durant l'exercice de ses emplois successifs auprès des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France. L'ANGDM souligne le caractère incomplet de l'enquête administrative menée par la Caisse, au mépris de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et sans tenir compte de ses réserves, la Caisse se contentant de la déclaration de M. [W] et considérant automatiquement l'exposition au risque établie dès lors que le salarié présente des signes pathologiques. Elle reproche également à la Caisse de ne pas avoir sollicité l'avis d'un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).

L'ANGDM fait valoir qu'il ne résulte ni du questionnaire lapidaire rempli par M. [W], ni des autres éléments du dossier, notamment en l'absence de témoignage, la moindre preuve d'une exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante de l'intéressé, ni aucune preuve de la présence de poussières d'amiante dans les outils utilisés, ceci d'autant que le salarié n'a pas décrit les emplois occupés.

**********************

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau.

En cas de recours de l'employeur, il incombe à l'organisme de sécurité sociale qui a décidé d'une prise en charge de rapporter la preuve de la réunion des conditions exigées par le tableau.

Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Il convient de rappeler que le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection, de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [W] répond aux conditions médicales du tableau n°30B. Seule est contestée l'exposition professionnelle du salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante.

Selon le relevé de carrière (pièce n°1 de l'appelante), M. [W] a travaillé dans les chantiers du bassin des Houillères de Lorraine, en débutant au jour, du 6 août 1956 au 15 mars 1958 en qualité de trieur, avant d'être affecté au fond du 1er octobre 1982 au 30 juin 1996 aux postes suivants : porion d'exploitation, porion de puits (about), et porion services généraux compétence étendue.

En ce qui concerne les travaux effectués par M. [W], dans les réponses apportées le 10 mars 2014 au questionnaire que lui a adressé la Caisse dans le cadre de l'instruction de sa maladie professionnelle (pièce n°15 de l'appelante), l'intéressé expose avoir été exposé aux poussières d'amiante durant sa carrière. Il indique qu'il devait surveiller les chantiers du fond, procéder au dépannage des coffrets électriques, remplacement des tapis de bandes des transporteurs à l'aide de treuils et l'air comprimé, effectuer des vulcanisations et remplacer les ventilateurs, ainsi que les filtres de ces derniers. Il cite ensuite une liste d'outils utilisés de manière habituelle dans le cadre des travaux du fond, à savoir les treuils à air comprimé, les monorails, les locotracteurs, et les outils pour la vulcanisation des bandes (décapeurs). Il indique également avoir été directement en contact avec certains produits et/ou substances, notamment les huiles employées pour les réducteurs de bandes, les différentes colles utilisées pour la vulcanisation des bandes, ainsi que les joints des conduites eau et air.

Dans le questionnaire complémentaire rempli le 18 juillet 2014 (pièce n°10 de l'appelante), M. [W] précise qu'il a utilisé et monté occasionnellement des pièces contenant de l'amiante (garnitures de freins, d'embrayage) ; qu'il a utilisé quotidiennement des produits d'étanchéité contenant de l'amiante (joints, garnitures) ; qu'il a travaillé quotidiennement avec des appareils, machines contenant de l'amiante et qu''il a porté ou utilisé de manière occasionnelle des protections contre la chaleur en amiante. Il souligne qu'il a été exposé quotidiennement aux poussières d'amiante.

Il y a lieu de relever que les activités mentionnées par M. [W] ne sont pas contredites par le questionnaire rempli par l'employeur, lequel n'est pas versé aux débats mais dont le contenu a été repris par l'ANGDM dans ses écritures déposées en première instance et produites par la CPAM de Moselle (pièce n°16 de l'appelante). Le questionnaire de l'employeur est plus détaillé sur les fonctions principales occupées par le salarié qui sont décrites de la façon suivante, pour ce qui concerne sa période au fond :

« Porion exploitation du 01/10/1982 au 04/04/1994 : agent de maîtrise responsable de l'ensemble des travaux et de la sécurité de son chantier dans le cadre des directives qui lui sont données par le porion chef de quartier. Il fait exécuter les travaux par les ouvriers sous ses ordres.

Porion de puits (about) du 05/04/1994 au 30/04/1996 : agent de maîtrise chargé de travaux d'équipements, éventuellement de déséquipement et d'entretien dans un ou plusieurs puits bures ou ouvrages verticaux (silos importants) d'une UE. Il est aussi chargé d'organiser et de coordonner, dans ces mêmes ouvrages, tous les transports de matériaux spéciaux. Il est responsable, sur son poste, de la discipline et du respect des règles et consignes de sécurité existantes.

Porion services généraux compétences étendues du 01/05/1996 au 30/06/1996 : agent de maîtrise qui peut, outre la tenue de son emploi de base, être capable de :

Remplacer l'agent de maîtrise de niveau immédiatement supérieur,

Mener et conduire des projets ou des missions particulières (actions de progrès, sécurité, qualité') ».

L'ANGDM précise en outre dans ses conclusions de première instance que, dans le cadre de ses activités, l'intéressé a été amené à utiliser habituellement des outils et machines tels que « marteau piqueur, marteau perforateur, manipulation soutènement, pelle, perforatrice et outillage ».

L'ANGDM décrit ainsi elle-même les différentes activités et matériels utilisés par M. [W] tout au long de sa carrière dans les chantiers du fond, sans que ces précisions ne contredisent les mentions plus laconiques indiquées par le salarié.

Ainsi, M. [W] a exercé au fond pendant 13 ans et 9 mois, dont plus de 12 années avant l'interdiction de l'utilisation de l'amiante.

Aux périodes où M. [W] a travaillé pour le compte des HBL, devenues par la suite CDF, l'ANGDM admet habituellement que de l'amiante était présente au fond à minima dans certains joints, le système de freinage de certains éléments d'équipement et les installations électriques, tel étant notamment le cas de certains engins de levage de type treuils et palans. Cette reconnaissance de présence d'amiante ressort à suffisance des conclusions déposées en première instance par l'ANGDM (pièce n°16 de l'appelante), cette dernière écrivant notamment : « Les chaînes des convoyeurs blindés ainsi que le blindé lui-même étaient métalliques et ne contenaient pas d'amiante. Il est vrai que l'opération nécessitait des freinages ; néanmoins, l'analyse réalisée par le Service Sécurité Générale montre que même dans des conditions sévères lors du raccourcissement de la chaîne la libération de fibres au voisinage des convoyeurs blindés était infinitésimale ».

En l'espèce, il ne paraît pas inutile de rappeler que M. [W] a nécessairement travaillé aux côtés des convoyeurs blindés employés au fond de la mine, alors qu'en qualité de porion, il était chargé de surveiller et d'assurer la sécurité du chantier placé sous sa responsabilité, en faisant réaliser les travaux par les ouvriers qu'il surveillait ; de même, en tant que porion de puits, il devait organiser et coordonner les transports de matériaux spéciaux, ceci alors que l'employeur a admis que les convoyeurs blindés libéraient de l'amiante lors du freinage.

En outre, si l'ANGDM a fait état d'une pollution minime en première instance, cette affirmation ne saurait écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'établissement de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la nocivité, le tableau n°30B ne fixant pas de seuil d'exposition.

De plus, elle reconnaît aussi de manière habituelle l'exposition au risque d'inhalation des poussières d'amiante des électromécaniciens travaillant en taille avant 1996, de sorte que les mineurs travaillant dans leur entourage, mais à d'autres fonctions, subissaient nécessairement cette contamination.

Ainsi, les descriptions effectuées par l'employeur quant à la nature des fonctions occupées par le salarié, ainsi que des outils habituellement utilisés par celui-ci, et le fait notamment qu'il travaillait aux côtés de convoyeurs blindés, dans un contexte de confinement propre aux travaux effectués dans les chantiers au fond, exposent ainsi parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, jusqu'en 1996, date à laquelle l'utilisation de l'amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d'amiante, en raison de l'usage ou du travail à proximité d'engins et de véhicules dont les pièces de friction des organes de frein libéraient des fibres d'amiante en fonctionnant.

Il est ajouté qu'à supposer même que M. [W] n'ait pas utilisé lui-même les outils ou matériels contenant de l'amiante, il est établi qu'il a travaillé quotidiennement dans des sites dans lesquels il est constant qu'étaient utilisées des installations et machines contenant des matériaux amiantés qui en fonctionnant libéraient des fibres d'amiante.

Il résulte de ce faisceau d'éléments que l'exposition habituelle de M. [W] au risque amiante est démontrée.

Les conditions médico-administratives du tableau n°30B étant remplies, c'est en vain que l'ANGDM prétend que la Caisse a été défaillante dans son instruction. En interrogeant les intéressés, la Caisse a, préalablement à sa prise de décision, diligenté une enquête au sens de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'il n'y avait pas lieu pour la Caisse de saisir un CRRMP.

Il sera également relevé que, si une circulaire du 24 juin 2013 de la direction des assurances maladies de la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines enjoint aux directeurs régionaux de prendre systématiquement des décisions de prise en charge favorables aux anciens mineurs lorsqu'ils demandent la reconnaissance de l'origine professionnelle de leur pathologie, ce texte ne saurait avoir de portée dans la présente procédure, qui a précisément pour objet de vérifier que les conditions relatives au caractère professionnel de la maladie de M. [W] sont remplies.

Dès lors, en l'absence de toute preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, il convient de considérer que le caractère professionnel de la maladie dont s'est trouvé atteint M. [W] est établi à l'égard de l'employeur auquel se substitue l'ANGDM.

Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à l'État, représenté par l'ANGDM la décision de prise en charge rendue le 4 septembre 2014 par l'Assurance Maladie des Mines portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 10 mars 2014 par M. [W] au titre du tableau n°30B.

SUR LES DEPENS :

Partie succombante, l'ANGDM sera condamnée aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE l'appel formé par la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, l'Assurance Maladie des Mines, recevable,

REJETTE la demande formée par l'ANGDM aux fins d'écarter des débats la pièce n°16 produite par la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM, l'Assurance Maladie des Mines,

INFIRME le jugement entrepris du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 8 avril 2022,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE l'État, représenté par l'ANGDM, de sa demande en inopposabilité de la décision de prise en charge rendue le 4 septembre 2014 par l'Assurance Maladie des Mines portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 10 mars 2014 par M. [R] [W] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles,

DEBOUTE l'État, représenté par l'ANGDM, de sa demande en désignation d'un CRRMP,

DECLARE opposable à l'État, représenté par l'ANGDM, ladite décision de l'organisme de sécurité sociale,

CONDAMNE l'État, représenté par l'ANGDM, aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01222
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.01222 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award