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27/05/2024 | FRANCE | N°22/01182

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 27 mai 2024, 22/01182


Arrêt n° 24/00265



27 Mai 2024

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N° RG 22/01182 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXPE

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



29 Mars 2022

20/00309

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt sept Mai deux mille vingt quatre







APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURAN

CE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Mme [J], munie d'un pouvoir général



INTIMÉE :



S.A.S. [5]

[Adresse 8]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Sabine LEYRAUD, av...

Arrêt n° 24/00265

27 Mai 2024

---------------

N° RG 22/01182 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FXPE

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

29 Mars 2022

20/00309

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt sept Mai deux mille vingt quatre

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Mme [J], munie d'un pouvoir général

INTIMÉE :

S.A.S. [5]

[Adresse 8]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Sabine LEYRAUD, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me SALANAVE , avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 septembre 2019, M. [L] [K], alors salarié de la SAS [5] en qualité d'expert automatisme, a été victime d'un accident de travail.

M. [K] a été transporté au CHU de [Localité 6] où il est décédé le 4 septembre 2019.

Le 5 septembre 2019, l'employeur a adressé à la Caisse primaire d'assurance maladie de Moselle (CPAM ou Caisse) une déclaration d'accident du travail, précisant s'agissant de la nature de l'accident « Chute suite à perte de connaissance », et indiquant au titre des réserves « Aucun fait générateur en lien avec le travail. La victime revenait de 3 semaines de congés payés le jour même ».

La Caisse diligenta une enquête administrative pour laquelle elle établit un rapport le 12 septembre 2019.

Le 10 octobre 2019, la Caisse notifia à l'employeur un délai complémentaire d'instruction, puis lui adressa un courrier daté du 11 octobre 2019 l'informant de l'achèvement de l'instruction, de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier et de la date de prise de décision fixée au 4 novembre 2019.

Le 4 novembre 2019, la Caisse notifia à la SAS [5] et aux ayant droits de M. [K] sa décision de prise en charge de l'accident mortel.

Le 29 novembre 2019, la SAS [5] saisit la Commission de Recours Amiable (CRA) de la Caisse d'une réclamation tendant à faire déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de l'accident survenu le 3 septembre 2019.

En l'absence de réponse de la CRA dans le délai imparti, la SAS [5] forma un recours contentieux le 21 février 2020, prenant acte du rejet implicite.

Par décision prononcée le 20 février 2020, la CRA rejeta le recours de l'employeur.

Par jugement contradictoire du 29 mars 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz a :

- jugé recevable en la forme et bien fondé le recours formé par la SAS [5] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable près la CPAM de Moselle en date du 20 février 2020 ;

- jugé que la CPAM de la Moselle n'a pas respecté le principe de la contradiction au détriment de la SAS [5] ;

- infirmé la décision de la commission de recours amiable du 20 février 2020 ;

- jugé que la décision de prise en charge du caractère professionnel de l'accident et du décès de M. [K] est inopposable à la SAS [5] ;

- condamné la CPAM de Moselle aux dépens.

Par lettre recommandée expédiée le 2 mai 2022, la CPAM de Moselle a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 1er avril 2022.

Par conclusions datées du 2 octobre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Metz ;

Et statuant à nouveau,

- déclarer la SAS [5] mal fondée en son recours et l'en débouter ;

- confirmer la décision rendue le 20 février 2020 par la Commission de Recours Amiable près la CPAM ;

- rejeter la demande d'expertise médicale judiciaire ;

- la condamner aux entiers frais et dépens.

Par conclusions transmises le 20 décembre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, la SAS [5] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a jugé que la CPAM de Moselle n'a pas respecté le principe du contradictoire au détriment de la société [5] ;

- infirmer la décision de la Commission de Recours Amiable du 20 février 2020 ;

- juger que la décision de prise en charge du caractère professionnel de l'accident et du décès de M. [K] est inopposable à la SAS [5] ;

En conséquence,

A titre principal,

- constater le manquement de la CPAM à son obligation du respect du principe du contradictoire à l'égard de la SAS [5] ;

- constater que l'accident et le décès ne sont pas intervenus au lieu et temps de travail ;

En conséquence,

- dire et juger que la décision de la CPAM de Moselle de prise en charge de l'accident mortel de M. [K] du 4 novembre 2019 est inopposable à la société [5] ;

A titre subsidiaire,

- constater que l'accident et le décès de M. [K] trouvent leur origine dans une cause totalement étrangère au travail ;

- dire et juger que la décision de la CPAM de Moselle de prise en charge de l'accident mortel de M. [K] du 4 novembre 2019 est inopposable à la SAS [5] du fait de l'origine totalement étrangère au travail ;

Le cas échéant,

- ordonner une mesure d'expertise afin de constater l'existence d'un état pathologique pré-existant ;

- débouter la CPAM de Moselle de l'entièreté de ses demandes ;

- condamner la CPAM de Moselle aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE,

La SAS [5] demande à ce que la décision de prise en charge de l'accident du travail survenu le 3 septembre 2019 dont M. [K] a été victime lui soit déclarée inopposable au motif qu'il n'y a pas eu d'enquête contradictoire.

A l'appui de sa prétention, elle invoque les articles R 441-7 et R 441-8 du code de la sécurité sociale, rappelant qu'en cas de décès de la victime la Caisse doit procéder obligatoirement à une enquête, et précise qu'elle n'a pas été appelée à participer à l'enquête administrative diligentée par la Caisse. Elle ajoute qu'elle a émis des réserves motivées sur la déclaration d'accident du travail, que l'enquête administrative a été particulièrement sommaire, que l'employeur n'a visiblement pas été interrogé, qu'aucune instruction contradictoire n'a donc eu lieu.

La SAS [5] ajoute qu'à la fin de la procédure d'instruction elle n'a pas été avisée de la possibilité de consulter le dossier et de la date prévisible de la décision à intervenir.

Sur le fond, l'employeur conteste la matérialité de l'accident, indiquant que l'accident mortel n'est pas intervenu au temps et au lieu de travail, et subsidiairement conteste la présomption d'imputabilité de l'accident du travail estimant qu'il démontre que l'accident est dû à une cause totalement étrangère au travail.

La Caisse invoque les articles R 441-11 et R 441-14 du code de la sécurité sociale et explique que la procédure d'enquête qu'elle a engagée est parfaitement régulière. Elle précise que la SAS [5] s'est vu notifier l'avis de fin d'instruction indiquant la date prévisible de la décision et la possibilité de venir consulter les pièces du dossier, que l'employeur a signé l'accusé de réception de ce courrier, et qu'il est en outre venu consulter le dossier le 31 octobre 2019. Elle ajoute que même si la SAS [5] n'a pas émis de réserves motivées, la Caisse a décidé de procéder à une enquête administrative dont le rapport a été rendu le 12 septembre 2019.

La Caisse mentionne enfin que les dispositions de l'article R 441-11 alinéa III n'imposent pas une forme particulière d'enquête, qu'elle a pour seule obligation de déterminer le caractère professionnel ou non de l'accident déclaré et qu'en l'espèce, les éléments de l'enquête, le rapport d'enquête administrative, l'acte de décès et les procès-verbaux d'audition ont permis d'établir le caractère professionnel de l'accident mortel du 3 septembre 2019.

Sur la matérialité de l'accident, elle estime que la présomption d'imputabilité au travail de l'accident, prévue à l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, s'applique en l'espèce, et que l'employeur ne rapporte pas la preuve formelle de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.

*****

Sur le respect du principe du contradictoire

L'article R 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 10 juin 2016 au 1er décembre 2019, énonce que la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

L'article R 441-14 de ce même code dispose que, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et qu'à l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accident du travail ou trois mois en matière de maladie professionnelle à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu ('). Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R 441-13.

En l'espèce, il ressort des pièces communiquées en cause d'appel par l'appelante que la Caisse a notifié à la SAS [5], par LRAR datée du 11 octobre 2019 dont l'accusé de réception est revenu signé à la date du 15 octobre 2019, l'information de la fin de l'instruction, précisant la date prévisible de décision à venir et la possibilité pour l'employeur de consulter les pièces du dossier.

La signature de l'accusé de réception faisant présumer que le courrier du 11 octobre 2019 a été reçu par le mandataire de la SAS [5], et l'intimée n'apportant aucun élément permettant de faire tomber cette présomption, il convient de constater que la Caisse a respecté le principe du contradictoire en mettant l'employeur en mesure de consulter les pièces du dossier avant de prendre sa décision sur la prise en charge de l'accident litigieux.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a affirmé que l'inopposabilité de la prise en charge repose sur le non-respect du principe du contradictoire.

Sur l'existence d'une enquête

Selon l'article R 441-11-III du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure au 1er décembre 2019 applicable au présent litige, « en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès. »

En l'espèce, il est constant et il résulte de l'acte de décès versé aux débats que M. [K] est décédé le 4 septembre 2019 à 9h40mn, après avoir été admis au CHU de [Localité 6] le 3 septembre 2019 suite à sa chute intervenue sur son lieu de travail, dans les locaux de la SAS [5].

Compte tenu du décès de la victime, et indépendamment de la validité des réserves émises le 5 septembre 2019 par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail, la Caisse avait une obligation de procéder à une enquête suite à l'accident survenu le 3 septembre 2019 à la suite duquel M. [K] est décédé.

L'examen des pièces produites par la Caisse montre que celle-ci a procédé à une enquête administrative pour laquelle un rapport a été rendu le 12 septembre 2019 (pièce 2 de la Caisse). Ce rapport fait référence aux pièces suivantes justifiant sa réponse : la déclaration d'accident du travail (DAT), le PV de constatation, et l'acte de décès. Il y est également mentionné que l'employeur a été appelé le 11 septembre 2019 tout comme l'ayant droit de la victime auquel le certificat ou acte de décès a été demandé.

Le PV de constatation établi le 11 septembre 2019 montre que l'agent enquêteur a contacté le même jour M. [Y], « préventeur sécurité à [5] », qui a communiqué les coordonnées de la compagne de la victime. Ce document démontre que l'agent enquêteur a seulement demandé à l'employeur les coordonnées de la compagne de M. [K], sans l'interroger sur les circonstances de l'accident.

Le fait de réceptionner la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur et de solliciter l'acte ou le certificat de décès de la victime ainsi que les coordonnées de ses ayants-droits ne constituent pas des actes d'enquête permettant de déterminer la cause ou les circonstances de l'accident. La Caisse ne justifiant pas ni n'alléguant d'autres actes d'instruction, il convient de constater qu'elle n'a pas effectué d'enquête sur les circonstances ou la cause de l'accident survenu le 3 septembre 2018, au sens de l'article R 441-11-III précité.

Dès lors, il y a lieu de dire que la Caisse n'a pas respecté son obligation de diligenter une enquête, de sorte que sa décision de prise en charge de l'accident du travail subi par M. [K] doit être déclarée inopposable à la SAS [5] pour ce seul motif.

La décision des premiers juges est confirmée mais seulement en ce qu'elle a jugé que la décision de prise en charge du caractère professionnel de l'accident et du décès de M. [K] est inopposable à la SAS [5], et ce sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les moyens d'inopposabilité au fond soulevés par l'intimée.

Sur les dépens

La CPAM de Moselle étant la partie perdante à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens d'appel, les dépens de première instance étant confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du 22 mars 2022 prononcé par le pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a jugé que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle n'a pas respecté le principe de la contradiction au détriment de la SAS [5] ;

Statuant à nouveau sur ce point,

DIT que le principe du contradictoire a été respecté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle ;

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris en ce qu'il a infirmé la décision de la commission de recours amiable du 20 février 2020, jugé que la décision de prise en charge du caractère professionnel de l'accident et du décès de M. [K] est inopposable à la SAS [5], et condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle aux dépens de première instance ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle aux dépens d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 22/01182
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.01182 ?
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